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La zone franche : élément génératrice d’activités connexes ?

Piraterie dans le monde entre 2006 à

Encadré 1 : Corrélation entre la période de pèlerinage et le trafic de bétail

2.2 Zones d’activités industrialo-commerciales

2.2.3 La zone franche : élément génératrice d’activités connexes ?

La zone franche est le troisième volet du projet de développement portuaire initié par les autorités djiboutiennes avec Dubaï. La zone franche de Djibouti (DFZ) mise en service en 2004 a nécessité un financement de 35 millions de dollars supporté entre autres par Djibouti Dry Port (DDP), un joint-venture composé de Port Investment (60 %), groupement de partenaires privés djiboutiens, du PAID (23 %), et de la société immobilière de Djibouti (17 %). La création de cette zone franche devait soutenir l’activité portuaire en s’appuyant sur l’exemple dubaïote où ports et zones franches sont associés pour générer plus d’actifs. Ainsi, dans l’optique de bénéficier du savoir-faire des Émiratis dans la gestion des zones franches, l’État accorde un contrat de gestion à Jebel Ali Free Zone Authority (JAFZA) pour l’ensemble des zones franches de Djibouti108 y compris la DFZ. Toutefois, en raison de manque d’implication de JAFZA, le contrat a été modifié en « contrat de conseil ».

108 Djibouti disposait déjà une zone franche, gérée par la chambre de commerce et d’industrie

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Cette nouvelle zone franche dispose d'une superficie de 17 hectares. La première "phase d'exploitation" consiste en la construction de hangars avec des bureaux, et de lots de terrains allant jusqu'à 10 000 m2. Toutefois, la seconde phase qui devait compléter l’offre de la zone franche n’a jamais démarré. À travers ce partenariat, JAFZA devait permettre à Djibouti de bénéficier de son expérience dans le domaine du développement et de la gestion des zones franches, ainsi que son réseau de promoteurs potentiels. L’objectif étant de créer un milieu propice au développement des petites et moyennes entreprises dans le secteur de la transformation, de l’assemblage et des services. Il s’agit ici de créer un tissu des petites et moyennes entreprises capable de générer des emplois.

L’idée de faire de Djibouti un centre régional d’échanges commerciaux remonte déjà à la période coloniale. En fait, l’objectif était de développer des zones franches avec des activités d’import-export, de service ou d’opérations logistiques à valeur ajoutée réalisées dans le contexte d’une plate-forme logistique multimodale afin de pénétrer d’abord le marché éthiopien ensuite celui des États du COMESA. Les autorités djiboutiennes espéraient qu’à court terme la zone franche puisse accueillir certaines activités délocalisées de Jebbel Free Zone (Dubaï), en vue de servir au moins le marché de l’Afrique de l’Est. Il s’agit donc de soutenir à la fois la fonction de desserte du port de Djibouti, mais également de créer du volume des marchandises pour attirer davantage les armateurs qui font par ricochet utiliser Djibouti comme port d’éclatement régional. Toutefois, bien que, depuis sa création en 2004, la zone franche ait attiré une centaine de promoteurs- investisseurs d’Afrique, des Émirats Arabes Unis, du Qatar, et d’Asie (Figure 29). Toutefois, la quasi-totalité des sociétés implantées dans la zone franche n’assure pas d’activités de transformation et d’assemblage. La majorité d’entre elles sont dans le secteur de services, surtout de la distribution, de la logistique et du conseil (Figure 30).

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Figure 29 : évolution de nombre des sociétés installées dans la zone franche par nationalité

Source : Zone franche

La zone franche de Djibouti n’a donc pas atteint ses objectifs – les biens et services proposés par ces investisseurs ne sont pas tournés vers l’exportation, principalement vers les marchés de la sous-région et de la région –, mais elle abrite de nombreux importateurs qui distribuent les marchandises au marché domestique à travers leurs filiales établies hors zone franche à Djibouti. Ces sociétés importatrices ne paient pas alors les droits de douane et les taxes qu’à la sortie des marchandises. En fait, elles se servent de la zone franche comme un lieu de stockage pour faire face aux différents aléas du marché (prix, quantité, disponibilité immédiate, etc.) (EDIC, 2015).

Figure 30 : nombre total de sociétés installées dans la zone franche

Source : Zone franche

Ethiopie 21% Asie 7% Djibouti 18% Moyen Orient 14% USA 9% Afrique 7% EAU 8% Inde 11% Autres 5% 7 15 38 59 90 100 101 105 124 129 0 20 40 60 80 100 120 140 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Année N om bre

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Les événements internationaux n’ont pas seulement influé sur le développement de l’infrastructure portuaire, mais ont également contribué aux changements du statut portuaire amorcés à partir des années 50. En effet, afin de rester compétitives face à la concurrence régionale, les autorités successives de ce territoire ont constamment adapté la gouvernance portuaire au contexte de chaque période.

3 Conclusion :

Point d’appui créé à la fin du XIXe siècle, Djibouti (d’abord Obock) devait servir d’escale de charbonnage à la flotte française en partance pour l’Extrême-Orient. Le port de Djibouti est donc une résultante de la politique d’expansion coloniale française qui coïncide avec l’ouverture du canal de Suez. L’ouverture de Suez, tout en raccourcissant la distance entre l’Europe et l’Asie, a donné un caractère stratégique à l’ensemble des anciens ports (Aden, Djeddah, Massawa) sur le pourtour de la mer Rouge, mais aussi à l’émergence des nouveaux (Djibouti, Assab).

Choisis généralement pour leur configuration géographique, ces sites (ports) devaient répondre un certain nombre des conditions (un bon mouillage et bien abrité avec une possibilité de rayonnement sur un vaste arrière-pays). Bien que son territoire soit exigu, Djibouti avait l’avantage de disposer d’un vaste arrière-pays, l’Abyssinie. À l’instar d’autres ports (Mombasa, Dar-el Salam, Maputo, Abidjan, Dakar), Djibouti a d’abord eu une fonction militaire avant de se positionner en place commerciale. Ils ont donc constitué un élément clef du dispositif colonial. Ces ports « comptoirs » ont souvent été de tête de pont pour la pénétration des régions de l’intérieur suite au traité de Berlin (1884) où le partage de l’Afrique est orchestré par les puissances coloniales.

La France qui avait déjà le regard tourné vers l’Abyssinie, l’objet de toutes les convoitises des puissances européennes, a su bien manœuvrer pour lier le destin de sa colonie à celui de son grand voisin. C’est avec la construction d’une voie ferrée liant le nouveau port (Djibouti) à l’Éthiopie de Ménélik, désireuse d’un accès à la mer, que la seconde fonction portuaire prend réellement tout son sens. Désormais, Djibouti n’est

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plus uniquement une escale sur la route de l’Extrême-Orient, elle est aussi le débouché maritime de l’Éthiopie. À partir de cet instant, l’activité du port va osciller entre une fonction d’escale et une autre de desserte de l’arrière-pays éthiopien. L’importance de l’une par rapport à l’autre dépend essentiellement du contexte géopolitique régional et international. Ainsi, le transit éthiopien a constitué la principale activité du port jusqu’au milieu des années 50 avant d’être éclipsé par le soutage des navires en combustible (fonction d’escale) jusqu’à la fermeture de Suez en 1967.

La politique portuaire de Djibouti est une succession d’adaptation aux opportunités du moment et au contexte géopolitique comme en témoigne le chevauchement de deux fonctions tout au long de son histoire. Tantôt le regard est tourné vers le large avec l’activité de soutage tantôt c’est l’arrière-pays qui prime avec une prédominance de l’activité de transit. Cela n’empêche pas que parfois les deux fonctions cohabitent. La crise des fonctions traditionnelles au milieu des années 70 incite les autorités djiboutiennes à œuvrer pour une nouvelle spécialisation en se positionnant dans le trafic conteneurisé (transshipment). L’ouverture du premier terminal à conteneurs en 1985 témoigne de l’engagement djiboutien pour une politique de diversification de l’activité portuaire. Pourtant, les changements tant espérés n’arrivent qu’au début des années 2000 avec l’arrivée des opérateurs internationaux (DPW, China Merchant International Holding) dans la gestion portuaire suite au retour des Éthiopiens au port.

Les nouvelles dynamiques, impulsées dans le domaine des infrastructures avec le concours des partenaires étrangers, placent, aujourd’hui, Djibouti comme un nœud maritime majeur sur l’échiquier du réseau mondial de transport. Toutefois, l’enjeu pour Djibouti est pouvoir concilier ses intérêts et son agenda à celui de ces partenaires (surtout chinois) sans lequel la modernisation des équipements et le développement des nouvelles infrastructures n’auraient sans doute pas été possibles.

Toutefois, la concentration des nouvelles constructions principalement dans le domaine portuaire ne doit pas faire oublier que les connexions avec l’arrière-pays sont indispensables à la compétitivité des ports djiboutiens. Le développement des corridors de transit participe à l’insertion des économies africaines aux échanges mondiaux. La

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construction d’un nouveau chemin de fer entre Djibouti (port) et Éthiopie (arrière-pays) réaffirme l’importance du corridor de Djibouti en lui conférant un avantage concurrentiel sur les autres ports de la région. Ceci sera l’objet de notre troisième partie de cette thèse, partie qui nous mènera à s’interroger sur le fonctionnement de ce corridor et son impact sur l’ensemble des territoires concernés.

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Partie 3

Le corridor : un simple couloir de transit ou un élément structurant des sociétés et des territoires

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Introduction

Si le port demeure généralement la voie privilégiée de toute entrée de marchandises destinées à l’arrière-pays, il doit nécessairement s’appuyer sur un réseau de transport terrestre capable d’alimenter cet arrière-pays. Le système se compose donc sur trois éléments : le port lui-même, l’arrière-pays (ensemble de points dépendant) et le réseau reliant les deux. Si sur les deux premières parties, nous avons uniquement considéré les deux premiers. Cette partie se focalise sur ce dernier segment qui passe souvent au second plan dans les discours sur les ports, leur fonctionnement et donc de leur arrière-pays. C’est pourquoi nous engageons le débat sur le corridor de transport considéré comme le principal paradigme de l’accessibilité aux arrière-pays portuaires (Van Klink, Van Den Berg, 1998, Rodrigue, 2004).

Aujourd’hui, pour n’importe quel port, pour être compétitif sur un marché, il ne suffit plus seulement de développer les infrastructures portuaires « se focaliser uniquement sur la supériorité matérielle d’un port, quand on évalue sa compétitivité, ne rend pas compte de la réalité des chaînes d’approvisionnement » (Notteboom, 2009). Les réseaux de transports terrestres permettant l’accès à l’arrière-pays doivent être, d’une part, de bonne qualité, et d’autre part, garantir l’acheminement des marchandises à moindre coût vers la destination finale. Les liaisons avec l’arrière-pays jouent donc un rôle clé dans la concurrence et la coordination entre les différents acteurs de la chaîne de transport (Notteboom, Rodrigue, 2005). C’est la raison pour laquelle, la disponibilité des infrastructures de transports terrestres performantes constitue un enjeu majeur pour n’importe quel port du monde. En somme, on ne saurait évoquer la compétitivité d’un port sans faire référence aux connexions avec l’arrière-pays, source de clientèle.

Malgré l’évacuation par voie routière de la quasi-totalité du transit éthiopien, le transport terrestre ne semble pas bénéficier de la même attention, de la part des investisseurs, que le secteur portuaire. Ainsi, la route nationale (N1) communément appelée corridor routier international, seule voie exutoire du transit éthiopien, n’a vraiment pas bénéficié d’investissements à la hauteur de son rôle excepté les réhabilitations ponctuelles de certaines portions.

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Par ailleurs, le long déclin du train puis son interruption totale en 2011 n’ont pas vraiment bénéficié aux transporteurs routiers djiboutiens. Ce qui explique que le marché du fret international reste essentiellement aux mains des Éthiopiens.

Nous tenterons de démontrer dans cette partie qu’en dépit du souhait des autorités éthiopiennes de diversifier les corridors de transit, on assiste à une certaine continuité quant au choix d’accès aux ports littoraux en dehors du facteur instabilité politique. Ce faisant, nous revisiterons le concept du corridor de transport à l’aune de l’exemple de Djibouti, en particulier son port et son hinterland éthiopien. Notre démonstration s’appuie sur trois points essentiels : la structure, les acteurs de la gestion et de l’utilisation du corridor et le territoire de ce dernier

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Chapitre 1 :

Le corridor : un chemin de fer et une route aux évolutions contrastées

Si le constat sur la situation des transports en Afrique reste unanime, l’Afrique cumule le plus faible réseau de transport avec le coût le plus élevé au monde. La situation est encore criante pour les États enclavés du continent où les coûts inhérents au transport peuvent atteindre plus de 40% anéantissant ainsi la compétitivité des produits exportés et réduisant considérablement le pouvoir d’achat local (Raballand& al., 2008, Teravaninthorn, Raballand, 2009). Le prix du transport représente 15 % (20% pour les pays enclavés) des exportations en Afrique, nettement supérieur à celui en vigueur dans toutes les autres régions du monde. À titre d’exemple, le coût de transport n’est que 8 % en Asie alors qu’il ne représente que 5% en Europe de l’Ouest (Ackah, Morrissey, 2005). Au-delà de la cherté du coût de transport, le continent africain présente une autre particularité au niveau des transports à savoir la grande similarité des corridors de transit face à l’instabilité. En effet, face à des marchés de consommations limités (faible densité de peuplement et faible pouvoir d’achat), l’instabilité demeure le principal facteur de recomposition portuaire et donc de couloir de transit. Tous ces problèmes affectent forcément le corridor djiboutien. Mais dans quelles mesures ? Le fonctionnement de ce dernier présente-t-il le même aspect que les autres corridors d’Afrique ? Qu’est-ce qui fait la spécificité de ce corridor reliant les deux économies dans les jeux des acteurs impliqués, mais aussi dans l’interaction entre ce corridor et les territoires traversés ?