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Le terminal de Doraleh : confirmation de la « hubisation » de Djibout

Piraterie dans le monde entre 2006 à

1 Une plateforme au service des puissances

1.2 Une nouvelle politique de gouvernance portuaire

1.2.2 Le terminal de Doraleh : confirmation de la « hubisation » de Djibout

DPW, l’opérateur dubaïote, qui a eu une concession de gestion de 20 ans du PAID depuis 2000 obtient, cette fois-ci, l’autorisation des autorités djiboutiennes pour la construction du complexe portuaire de Doraleh. En effet, à l’origine, DPW, l’un des principaux gestionnaires des terminaux portuaires dans le monde était surtout intéressé par le segment du trafic conteneurisé. Pour les autorités djiboutiennes le lancement du projet des terminaux de Doraleh dépendait du redressement de la situation financière du PAID dans la mesure ses recettes financeraient en partie ce projet « pour des raisons financières, Djibouti et Dubaï conviennent alors que le lancement du complexe de Doraleh dépendrait des résultats enregistrés par le PAID dans le cadre de son contrat de gestion » (Foch, 2013).

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Figure 18 : les différentes installations portuaires de Djibouti ville.

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Ainsi, la conjonction de plusieurs facteurs : la bonne gestion de DPW, l’engorgement du PAID consécutif à l’accroissement des activités et l’objectif djibouto- dubaïote d’accroître le trafic de transbordement facilitent la mise en route de ce projet. Le site choisi pour la construction de ce nouveau complexe est situé à environ 7 km du PAID. En dehors du terminal à conteneurs, le projet comporte également un terminal pétrolier et une zone franche. Cette composition structurelle ressemble à celle de Dubaï où ports et zones franches cohabitent afin de promouvoir des activités connexes (Photo 2:terminal à conteneur de Doraleh).

Photo 2:terminal à conteneur de Doraleh

Source : Doraleh Contenair Terminal (DCT)– 2010

Lancée en 2006, la première phase du terminal à conteneur est opérationnelle depuis février 200997. Le terminal comprend un quai linéaire de 1050 mètres qui comporte trois postes d’accostage avec un tirant d’eau de 18 mètres et équipé de huit portiques de quais super post-Panamax. Contrairement au terminal du PAID, celui de Doraleh présente des atouts remarquables et est désormais capable d’accueillir les navires de dernière

97 Le projet comporte une seconde phase qui devait prolonger le quai jusqu’à 2000 mètres mais

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génération nécessitant un tirant d’eau d’au moins 16 mètres. D’ailleurs, le principal objectif de DPW était de disposer d’un terminal capable de concurrencer les principaux terminaux de la mer Rouge et de l’océan Indien. Les efforts déployés par le Gouvernement djiboutien et son partenaire DPW visent, cette fois-ci, à renforcer davantage la fonction de hub régional de Djibouti. Donc, contrairement au terminal pétrolier, l’objectif du terminal à conteneur est davantage dirigé en direction de l’avant- pays maritime même s’il doit également traiter la demande locale et régionale.

Tableau 11: équipements et infrastructure des ports de la région

Longueur du

quai (m) Nombre de quais

Tirant d’eau (m)

Nombre de

portiques Capacités (EVP/an)

PAID 400 2 12 4 350 000

DCT 1050 2 18 8 1 200 000

Aden 800 4 16 6 700 000

Salalah 2205 7 16 25 6 000 000

Source : Site Internet des ports

À l’instar du terminal pétrolier, la construction du terminal à conteneurs de Doraleh (DCT) a été réalisée dans le cadre d’un contrat de concession d’une durée de 30 ans avec comme principaux actionnaires : le port de Djibouti avec 66,7% et DPW propriétaire du reste soit 33,3%. Malgré son statut d’actionnaire minoritaire, DPW reste toujours investi du pouvoir décisionnel. À titre d’exemple, les principaux responsables notamment le directeur du DCT sont nommés par Dubaï. Par ailleurs, si à l’origine l’estimation des coûts de construction du terminal équivalait à 380 millions de dollars, les travaux ont coûté au final 397 millions de dollars. Les fonds propres apportés par le PAID et DPW ont atteint respectivement 90 millions et 25 millions, soit 23% et 11% du financement total. Quant au reste du financement, il est assuré sous forme de participation par plusieurs autres institutions financières98.

98Il s’agit essentiellement de la BAD avec 20 % de la participation, Standard Chartered Bank (6%), DubaiIslamic

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Aujourd’hui, la terminalisation marque une nouvelle étape dans le développement des zones portuaires répondant à une nouvelle problématique des flux mer/terre. Les ports doivent ainsi répondre aux exigences des armateurs et des manutentionnaires alors que le budget public qui leur est consacré connaît de facto des limites. L’association avec DPW s’explique donc par la sous-capacité du port en termes de tirant d’eau, d’équipements et d’espace de stockage. Une simple comparaison du PAID avec les principaux ports de la région montre ainsi la faiblesse infrastructurelle du port djiboutien (Tableau 11).

Dans de nombreuses villes-ports, les possibilités d’extension restant limitée face à la pression urbaine et démographique. Cette mutation de l’espace portuaire fait que les nouvelles installations portuaires, dévoreuses d’espaces, tels que les terminaux sont aménagés en dehors des villes. Djibouti n’échappe pas à cette règle. Eu égard à ses caractéristiques remarquables, il semble que le terminal de Doraleh a atteint son premier objectif toutefois, on s’interroge sur sa stratégique commerciale pour peser par rapport aux autres ports de la région.

Figure 19 : Évolution du trafic conteneurisé DCT - PDSA 2010 – 2015 (*).

Source : DCT et PDSA (*) le trafic du PDSA représente moins 10% du trafic total

Depuis son ouverture, le terminal à conteneur augmente sans cesse le trafic traité. Le trafic est passé de 424 888 EVP en 2010 à plus de 793 000 EVP en 2012 pour atteindre les 900 000 EVP en 2015 (Figure 19). Le trafic de transbordement représente environ 50%

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du trafic total même si le DCT n’attire pas encore suffisamment ce type de trafic pour être un réel concurrent de Salalah et de Djeddah.

En effet, le port de Djibouti est desservi régulièrement par plusieurs armateurs les plus grands d’entre elles (Maersk, MSC et CMA CGM), notamment les trois premières compagnies maritimes au niveau mondial. Toutefois, il est à noter qu’à Djibouti seulement 5 compagnies (PIL, Maersk, APL, MSC, CMA CGM) se partagent environ 90% du marché du trafic conteneurisé.

Figure 20 : les parts respectives des principales compagnies maritimes desservant le port (2010, 2011).

Embarqués Débarqués

Source : DCT, 2011

En outre, bien que la compagnie danoise soit le deuxième armateur au port de Djibouti, les deux compagnies singapouriennes PIL et APL99 demeurent le plus gros client du terminal de Doraleh. En 2010, elles assurent 64 % du trafic total débarqué à Djibouti (47% pour PIL et 17% pour APL) tandis qu’elles représentent 34% du trafic embarqué (Figure 20). La forte présence des armements singapouriens notamment PIL s’explique en partie par une relation de longue date avec le port de Djibouti. Cet armateur, surtout très présent en Asie et en Afrique, fut l’un des premiers à utiliser le

99 American President Line (APL), anciennement armateur des Etats-Unis d’Amérique est

depuis passé sous pavillon singapourien. PIL , 47% Maersk, 24% APL, 17% MSC, 8% CMA CGM, 4% PIL , 24% Maersk, 34% APL, 11% MSC, 15% CMA CGM, 16%

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port de Djibouti comme centre de transbordement au début des années 90. Il a donc tissé des liens très privilégies avec les commerçants de la région.

Enfin, on observe que l’Asie du Sud Est en particulier la Chine assure 50% des importations, mais demeure également avec 40% la principale destination des exportations loin devant l’Europe (20%) et le Golfe arabo-persique (20%) (Figure 21).

Figure 21 : Partenaires commerciaux du port

Source : DCT 2011