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Renforcement de la place de Djibouti grâce aux nouveaux enjeux liés à l’antiterrorisme et la piraterie

2 Nouveaux contextes, nouveaux enjeux et début d’émergence de Djibout

2.3 Renforcement de la place de Djibouti grâce aux nouveaux enjeux liés à l’antiterrorisme et la piraterie

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York, les Américains engagent toute une série d’opérations antiterroristes visant à mieux surveiller et contrôler les voies maritimes primordiales pour leur approvisionnement en pétrole. Ainsi, les États-Unis renforcent leur présence militaire dans la région de la Corne d’Afrique, de la mer Rouge et de l’océan Indien.

Depuis l’opération « Restore Hope » engagée en Somalie par les Américains en 1995 sous l’égide de l’ONU qui fut échec, les intérêts américains sont la cible des attaques terroristes dans la région. Il s’agit tout d’abord des attentats perpétrés contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar-el-Salam (Tanzanie) causant la mort de centaines des personnes. À cela s’ajoute l’attaque d’un bâtiment de la marine américaine, le destroyer USS Cole en 2001 à Aden, faisant ainsi une vingtaine de morts et des disparus.

Sous couvert d’une politique de lutte contre le terrorisme, les États-Unis ouvrent à Djibouti leur première base permanente sur le continent africain. Ils profitent ainsi de la position géostratégique de la République de Djibouti qui leur permet de surveiller à la fois la Corne d’Afrique, la route maritime et les pays du golfe. En 2003, le « Combined Joint Task Force-Horn of Africa (CJTF-HOA) », d’environ 2000 hommes avec pour mission « officielle » de lutter contre le terrorisme s’installe à Djibouti. Cette force doit entre autres surveiller la route maritime, en particulier les points névralgiques tels que le

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détroit de Bab el-Mandeb entre l’Afrique et l’Arabie, verrou à l’entrée de mer Rouge donc du canal de Suez.

L’autre objectif de l’installation des Américains à Djibouti correspondait aussi à cette représentation (ou vision américaine) qui consistait à éviter que les États faibles (fragile States) ou défaillants (failed states)i, à l’instar de la Somalie, deviennent de zones de vulnérabilité susceptibles de favoriser le développement des réseaux terroristes.

Bien qu’il soit question de l’installation des forces américaines, militairement les États-Unis ne sont pas les seuls sur le sol djiboutien. La présence des forces françaises est plus ancienne donc l’arrivée américaine ne fait que renforcer le rôle de Djibouti sur la scène régionale ou internationale. En faisant de Djibouti, une de leurs bases logistiques, les États Unis d’Amérique renforcent aussi le rôle de Djibouti en tant qu’escale militaire. En sus de l’utilisation des installations portuaires et aéroportuaires, les États-Unis payent un loyer annuel de 3040 millions de dollars à l’Etat Djiboutien et emploient près d’un millier41 des personnels civils nationaux dans leur base. Les forces américaines sont ainsi parmi les plus importants employeurs privés du pays (Said Wais, 2015).

De plus, ce rôle de base logistique militaire s’est accru encore avec le développement de la piraterie maritime, phénomène cantonné dans un premier temps sur les côtes somaliennes, avant de se propager sur un espace plus important allant du golfe d’Aden, la mer Rouge jusqu’au l’océan Indien.

D’où notre interrogation quant aux impacts de ce phénomène sur la situation portuaire de Djibouti.

Au courant des années 2000, la région de l’Afrique de l’Est connaît une recrudescence des actes de piraterie, en particulier, sur les côtes somaliennes. Les premiers actes sont l’œuvre des pécheurs qui se plaignaient des surpêches effectuées par des navires européens et asiatiques. En effet, depuis la chute du gouvernement de Siad Barré en 1991, la Somalie est en proie une guerre civile. Aucune institution de l’État n’étant fonctionnelle, les côtes somaliennes, deuxième les plus longues du continent derrière l’Afrique du Sud, sont par voie de conséquence sans surveillance. Cependant, la piraterie n’est pas uniquement concentrée sur les côtes somaliennes, car d’autres régions

40Réévaluer à plus de 60 millions de dollars à la suite du prolongement du bail de bases américaines en 2014. 41Données obtenues auprès de l’agence djiboutienne d’intérim, Djib4east, qui a la gestion des personnels civils

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du monde comme l’Asie du Sud-est ou encore l’Afrique de l’Ouest (Delta du Niger) connaissent également ce phénomène (carte 5).

Les premières années, la piraterie n’attire ni l’attention des Etats de la région ni celle de la « communauté internationale ». Sous l’effet conjugué de la multiplication des actes de piraterie, des premières rançons payées par les compagnies maritimes des navires pris en otage et l’emballement médiatique suscité donnent une nouvelle tournure au phénomène. La piraterie se transforme en une industrie criminelle bien organisée et très lucrative, dépassant ainsi de simples actes isolés sur les côtes somaliennes pour se propager sur une grande partie de l’océan Indien.

En perturbant une route maritime majeure pour le commerce mondial, la piraterie touche les intérêts de nombreux États et revêt ainsi une ampleur internationale. En effet, on estime à 22 000, le nombre de navires empruntant chaque année le détroit de Bab el- Mandeb, chiffre comparable à celui des navires empruntant le canal de Suez. Cette recrudescence contraint États et industrie du transport maritime à une meilleure collaboration pour lutter contre ce phénomène.

Selon les statistiques de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), l’Afrique de l’Est demeure le principal foyer de la piraterie. Toutefois, la Somalie, à elle seule, concentre plus de 90 % des incidents signalés dans cette région (graphique 2). À titre d’exemple, en 2007, l’Afrique de l’Est était au même niveau que l’Afrique de l’Ouest, soit 61 actes de piraterie enregistrés donc aux actes signalés dans la mer de Chine (67 incidents).

Avec l’augmentation du phénomène de la piraterie sur les côtes somaliennes au courant de l’année 2008, on constate que sur les 306 actes répertoriés cette année-là, l’Afrique de l’Est arrive en tête avec 134 actes signalés. En s’appuyant toujours sur les données du graphique 4, les actes répertoriés en Afrique de l’Est plus ceux de l’océan Indien représentent plus de la moitié de l’ensemble des actes signalés en 2008.

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Figure 8 : Évolution de la piraterie dans le monde (2006 – 2012)

Source : Organisation Maritime Internationale (OMI)

À partir de 2008, le phénomène va bénéficier de la médiatisation notamment avec trois attaques spectaculaires : la prise d’un voilier de luxe, le Ponant, le détournement du pétrolier Sirius Star avec à son bord plus de deux millions de barils de pétrole brut ainsi que la prise de Faina, un navire transportant une trentaine de chars ukrainiens. Toutes ces prises se soldent par le versement de plusieurs millions de dollars de rançon.

Le phénomène semble profiter de la médiatisation,42 car la tendance se poursuit avec de 222 attaques répertoriées sur les côtes somaliennes par l’OMI en 2009 soit plus de 24,6% rapport à l’année précédente (Figure 8).Les rançons payées constituent une tentation pour de nombreux candidats de sorte qu'on enregistre entre 2008 et 2011 une multiplication des actes de piraterie au large des côtes somaliennes avant leur déclin en 2012.

Par ailleurs, une étude de la Banque Mondiale confirmant les coûts engendrés par la piraterie, elle estime à environ 339 à 413 millions de dollars entre 2005 à 2012. Cette étude ne prend en compte que les frais payés pour les rançons, mais aussi ceux liés au surcoût engendré par la sécurité et de surveillance maritime43.

42 Former CTF-151 Commander Says Media Attention Dramatizes Somali Piracy », Defence Professionals, Defpro.news, 8 décembre 2009.

43 :http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2013/11/01/pirate-trails-tracks-

dirty-money-resulting-from-piracy-off-the-horn-of-africa.