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Piraterie dans le monde entre 2006 à

1 Création du port de Djibouti 887: une réponse aux préoccupations coloniales.

1.3 Obock : échec de l’escale de charbonnage français

Le 11 mars 1862 est signé un traité entre Ahmed Dini, agissant aux noms des différents sultans Danakil (Tadjourah, Rahaita et Goba’ad) et Thouvenel, ministre français des Affaires étrangères. Le traité permet à la France de dispose des ports, rade et le mouillage d’Obock70. Par l’achat d’Obock, la France s’assure un point d’appui sur les côtes de la mer Rouge déjà sous domination britannique (Berbera, Aden, Port-Soudan). En dépit de l’ouverture de canal de Suez qui donne un caractère stratégique à la mer Rouge en reliant la Méditerranée à l’océan Indien en 1869, aucune activité ne sera développée à Obock pendant deux décennies. La mise en exploitation d’Obock ne fait suite qu’au blocus imposé par les Britanniques aux navires français en route pour l’Indochine lors de la guerre du Tonkin (1883-1885)71. C’est donc bien des préoccupations militaires qui accélèrent le destin d’Obock en tant que port.

Sous la pression des différents cercles militaires et économiques, l’État français donne son accord pour l’installation d’un dépôt de charbon pour les bâtiments de la marine nationale ainsi que pour les navires de commerce. En 1883, les associés Poindestre72 et Mesnier installent un dépôt de charbon destiné au ravitaillement de la marine. Ils bénéficient d’une subvention publique pour l’ouverture du dépôt de charbon grâce à l’appui de Félix Faure, sous-secrétaire d’État au ministère de la Marine. Dès 1884, la société Poindestre-Menier commence ses activités de ravitaillement des navires. Toutefois, en raison des moyens limités et des difficultés du milieu environnant, la société ferme définitivement son dépôt suite à la destruction de son stock de charbon par une tempête en 1885.

70 La France acquit moyennant 10 000 thalers (8000 euros) le territoire allant de la rade d’Obock et du

rivage du golfe de Tadjourah, depuis ras Doumeira, au Nord, jusqu’au ras Ali, au Sud.

71 Tonkin (1883 – 1885) est une guerre franco –chinoise pour le contrôle du fleuve rouge reliant

Hanoi, possession française, à la riche province du Yunnan en Chine.

72Poindestre, un industriel havrais actionnaire dans plusieurs projets miniers, s’associe avec Jules Mesnier pour

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Les Messageries maritimes reprennent le relais en utilisant Obock comme une escale de charbonnage pour ses navires desservant l’extrême Orient et les îles de l’océan Indien. Suite à l’installation des Messageries maritimes, le port commence à connaître un certain essor, car de plus en plus de navires commencent à faire escale à Obock. Les mouvements des navires faisant escale à Obock s’intensifient : en 1886, le port enregistre 354 boutres et 18 navires de commerce pour passer une année plus tard à 423 boutres et 38 vapeurs dont 12 de Peninsular Oriental, la compagnie britannique (Dubois, 1995, P.49).

On assiste alors à l’arrivée des explorateurs et commerçants français (Soleillet, Arnoux, Savouré, Rivoyre, Rimbaud, etc.) intéressés par le florissant commerce d’armes avec Ménélik73. Donc, si à l’origine les autorités françaises visaient en priorité l’établissement d’escale de ravitaillement pour les navires désormais on commence à s’intéresser à l’arrière-pays abyssin. Toutefois, Obock souffre d’un handicap majeur, contrairement à Tadjourah, le petit port colonial n’est pas un terminus de caravanes venant de l’arrière-pays. Il est donc extrêmement difficile de faire une desserte de l’hinterland abyssin.

Le territoire de la petite colonie d’« Obock » contrôlé par la France s’agrandit au fur et à mesure des signatures des traités avec les Sultans et chefs de tribus74 de la région (Figure 15). À partir de 1885, grâce aux différentes acquisitions, la France occupe un territoire allant jusqu’aux abords de Zeila, dynamique port, tête de pont des pistes caravanières aux mains des Égyptiens depuis le départ des Turcs.

Cependant, bien qu’Obock disposât de réelles potentialités, le site portuaire montre très tôt ses faiblesses nautiques et commerciales (Brunschwig, 1968). Et la rudesse de la concurrence du port britannique d’en face, Aden, principale escale de la mer Rouge sur la route des Indes, pose la question de la nécessité de trouver un site présentant de meilleures conditions nautiques.

73 Les commerçants ne se limitent pas uniquement à la communauté française puisqu’il y a également d’autres

Européens surtout arméniens et grecs mais également une forte communauté en provenance du Yémen (Ali Coubèche etc.) voire du sous-continent indien intéressés par le commerce avec l’Abyssinie.

74Successivement, la France signe des traités « d’amitié » avec les sultanats Afar de Tadjourah et Goba’ad en 1884

permettant l’agrandissement du territoire jusqu’ au Goubet ensuite en 1885 avec les chefs Issa pour l’extension du territoire vers les régions du Sud.

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Figure 15 : Évolution de l’installation française de 1862 - 1885

Premièrement, l’échec du port d’Obock est dû à son emplacement géographique trop excentré par rapport aux principales pistes caravanières menant vers les régions de l’intérieur. Ensuite, les conditions nautiques du port rendent difficile le charbonnage des bâtiments de la marine, l’un des principaux utilisateurs. En effet, la rade d’Obock, si elle était suffisante en temps ordinaire, présentait des difficultés d’accès dans les cas d’intempéries.

Enfin, la rareté de l’eau à Obock fut également un autre élément décisif de son échec «Les ressources en eau de la région s’avèrent insuffisantes pour ravitailler les navires au port d’autant plus que leur qualité médiocre nécessitait une distillation préalable » (Omar Rayaleh, 2004, P.22). Ainsi, la première tentative française de création d’un port sur l’actuel territoire djiboutien se solde par un échec puisque Obock ne donne satisfaction ni comme escale sur la route des Indes ni comme une desserte vers l’arrière-pays abyssin.

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Comme le souligne Colette Dubois, la traversée du pays Danakil (Afar) semblait être, aux yeux des Européens, plus risquée que celle longeant le pays Issa « la liaison entre Obock et Ankobar, capitale de l’Éthiopie, était irréalisable, le pays Danakil offrant trop d’obstacles naturels insurmontables » (Dubois, 1997, P.58). En effet, les expéditions organisées à partir du Nord (Obock, Tadjourah) traversent un environnement hostile (montagnes, déserts) d’où une préférence pour une voie partant du Sud.

Après l’échec d’Obock, les autorités françaises transfèrent l’intégralité de l’activité portuaire sur un nouveau site situé sud-est de la colonie. Léonce Lagarde, premier gouverneur de la colonie, choisit ce nouveau site, Djibouti, pour remplacer Obock75. Le site choisi est situé sur une presqu’île madréporique, abritée du vent et donc idéale pour les navires en cas de tempête. Pourvu d’une mer assez profonde capable d’accueillir les navires à marée basse. Il a l’avantage de disposer d’une source d’eau contrairement à celui d’Obock. Cette fois-ci, l’objectif de l’administration coloniale ne vise pas seulement à asseoir la fonction d’escale maritime puisqu’elle commence à s’intéresser à l’arrière- pays abyssin, objet de convoitise toutes les puissances européennes.