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Voyelles longues diphtonguées dans les autres contextes

premières observations

2.2.2.2 Voyelles longues diphtonguées dans les autres contextes

Le corpus atteste par ailleurs la présence d’un ton descendant sur toutes les autres voyelles diphtonguées. La présence de ce ton ne semble néanmoins pas compenser la perte d’une distinction. Les exemples suivants illustrent des correspondances entre voyelles longues et voyelles diphtonguées avec ton descendant :

KS (Bon09) DK (Bon10) Glose

teːp tiə p ‘moustache’

jeːt ɲiə t ‘boire’

teːl tiə l ‘empreinte’

ɡɛːp ɡeə p ‘trappe.à.souris’

kɵːt kɨə t ‘naître’

təːp tɘə p ‘tourterelle’ ɡoːt ɡuə t ‘abattre.un.arbre’ toːl tuə l ‘aiguiser.à.la.pierre’

ʔɔːc ʔoə c ‘moineau’

lɔɔŋ loə ŋ ‘bois.de.chauffage’

Tableau 24 : Correspondances entre voyelles longues et diphtonguées

Selon Ferlus (1997, et communication personnelle, 2011), on observe des phénomènes similaires dans la formation du système vocalique du vietnamien, avec une bipartition du système, et notamment une fermeture en diphtongue des voyelles ouvertes.

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2.2.3 Tonogénèse liée au timbre de la voyelle

L’étude comparative des voyelles à ton montant montre que celles-ci proviennent toutes des proto-voyelles hautes {*uː ; *u} et {*iː ; *i}. Le tableau suivant présente des exemples de correspondances avec ces voyelles :

Rime TD TD (Bon10) BS (Bon09) Hau91 *PSB - Sid00 Glose

- ː p ː puː puː /puː/ *puː ‘téter’

mb ː təmbuː --- *buː ‘une.personne’

-uŋ t ŋ tuŋ tuŋ /tuŋ/ *tuːŋ ‘porter.sur.l’épaule’

səd ŋ səduŋ --- -- ‘repiquer le riz’

-ɔl kəndɔ l kəndɔl kəndɨl /kədel/ *kədul ‘ventre’

tɔ l --- --- *tul ~ nətul ‘termitière’

-ɔŋ rəpɔ ŋ rəpɔŋ rəpoŋ /rəpoŋ/ *rəpuŋ ‘concombre’

tɔ ŋ tɔŋ toŋ /toŋ/ *tuŋ ‘voler’

ndɔ ŋ kəndɔŋ ndoŋ /nədoŋ/ *nəduŋ ‘anguille’

-iː tiː tiː tiː /tiː/ *tiː ‘main’

ɟiː ɟiː ɟiː /ɟiː/ *ɟiː ‘maladie’

-ət cʰə t cʰɘt cʰɨt /cəhet/ *kəsit ~ *kəset ‘mourir’

kə t kɘt kɨt /ket/ *kit ‘grenouille’

ɡə t ɡɘt ɡɨt /ɡet/ *ɡit ‘penser’

Tableau 25 : Voyelles à ton montant en stieng de TD et leurs correspondances

D’un point de vue synchronique, la présence de ce ton assure la distinction entre les voyelles suivantes :

 /ə/ < *ə (ton descendant) et /ə/ < *i (ton montant) :

*PSB BS TD Ton Glose *kit kɵt kə t (M) ‘grenouille’ *kət kət kə t (D) ‘attacher’

wɘr wə r (M) ‘ramper’ wə r (D) ‘éteindre’

II - Chapitre 2 | Étude préliminaire de TD

111  o < *oː (ton descendant) et o < *uː (ton montant)161

:

*PSB KS DK Ton glose buk b k (M) ‘matelas’ *boːk boːk b k (D) ‘tête’ *duːk duk d k (M) ‘pirogue’ *doːk doːk d k (D) ‘singe’

2.2.4 Tonogéènèse en stieng de Têêh Dôm : discussion

Les différentes constatations présentées dans les sections précédentes apparaissent surprenantes compte tenu des connaissances typologiques issues de l’étude des langues tonales et des scénarii possibles de tonogénèse.

Au sein des langues à deux tons d’ASE, le développement d’un système tonal résulte généralement de la chute de consonnes finales et/ou d’une perte de distinction de voisement des consonnes initiales162. Or l’analyse distributionnelle des voyelles issues du corpus Bon10 montre que le contexte initial ne conditionne pas la présence du ton montant : les voyelles à ton montant peuvent apparaître aussi bien après des consonnes voisées et que non voisées ainsi (voir Tableau 25). Par ailleurs, il s’avère que les consonnes initiales n’ont pas évolué depuis le *PSB (Sidwell, 2000). En ce qui concerne le contexte final, celui-ci peut fournir une explication, mais uniquement dans le cas des consonnes *-h et *-s. Pour ce qui est de toutes les autres voyelles à ton haut, le contexte final ne semble pas avoir un quelconque impact sur l’émergence d’un ton.

L’émergence de tons corrélée au timbre de la voyelle pourrait recevoir une explication en lien avec la phonation : les voyelles hautes sont caractérisées par un contour plus haut que les autres voyelles, ce qui pourrait potentiellement favoriser l’émergence d’un ton haut. Néanmoins, un tel phénomène n’a a priori encore jamais été attesté dans les langues163.

Seul Svantesson (1988; 1989; 1991) évoque l’implication des voyelles hautes, à propos du développement de tons dans les langues hu et u (MK < palangique <

161 Valable uniquement en rimes bilabiales et vélaires (cf. Annexe B) car ce sont les seuls contextes où *oː s’est raccourcit.

162 Généralement, perte de distinction de voisement des occlusives initiales.

163 Ce point a été discuté par Hombert (1977), qui évalue les raisons pour lesquelles le développement de ton haut lié au trait haut de la voyelle n’est jamais attesté dans les langues.

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angkuique). L’auteur décrit par ailleurs, en hu, le développement d’un système à deux tons provoqué par la perte d’opposition de longueur (héritée du proto-MK), l’émergence d’un ton bas sur les voyelles originellement longues et l’émergence d’un ton haut sur les voyelles originellement courtes compensant cette perte de distinction164. Selon l’auteur, l’émergence de tons et la perte de distinction de longueur sont deux phénomènes très attestés en ASE, et il n’apparaît pas surprenant d’observer les deux phénomènes combinés au sein d’une même langue.

Les données Bon10 témoignent d’une perte de distinction de longueur des voyelles hautes en syllabe fermée, néanmoins, le ton montant est attesté sur des voyelles issues de proto-voyelles hautes aussi bien brèves que longues.

Une autre observation non commentée dans ce chapitre concerne l’émergence soupçonnée d’une voix soufflée après les initiales occlusives voisées165

. La perception en est néanmoins difficile et ce phénomène semble sujet à une forte variation intra- et inter-locuteur166. La présence d’une voix soufflée suggèrerait l’évolution de la variété de TD vers un phénomène de registrogénèse. A noter qu’une des langues sud-bahnariques apparentée au stieng, le bunong (phnong), atteste de la présence d’une voix soufflée après consonne occlusive voisée, le voisement étant toujours audible dans certains dialectes.

Ces dernières remarques soulèvent la question de la directionalité du changement : s’agirait-il d’un phénomène de tonogénèse (développement) ou d’un phénomène de tonoexodus (perte) ? L’émergence de ton est un phénomène aréal en Asie. Svantesson (1989 :76), argumente en faveur d’un développement de ton (tonogénèse) dans la région du Sud-Est. En effet, les langues de cette région auraient connu des mutations plus tardives que les langues du Nord et de l’Est.

2.3 Choix de transcription des textes

Dans la mesure où ces premiers résultats ont encore un statut hypothétique, le choix a été de conserver une transcription phonétique pour les voyelles au sein des textes : les tons ne sont pas transcrits, les voyelles longues diphtonguées sont transcrites comme des diphtongues, les conditionnements ne sont pas pris en compte. De même, les

164 Avec quelques exceptions.

165 Excepté les implosives qui proviendraient vraisemblablement d’emprunts au khmer. 166 Le changement linguistique entraînant de la variation.

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différents segments écartés dans l’analyse phonologique, car issus d’emprunts ou ne figurant que dans du vocabulaire spécialisé, sont également conservés. En ce qui concerne les consonnes, les changements évoqués (i.e. la chute de -h et la palatalisation de -*s en -j) ne sont pas pris en compte. Ces choix de transcriptions pourront être remis en question et révisés lorsque la phonologie du stieng de TD sera stabilisée.

Partie III

Description morphosyntaxique de