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Le manque de disponibilité des interprètes fut également source de nombreux contretemps au cours des trois séjours de terrain. C’est dans ce contexte qu’il a été décidé d’organiser le travail de terrain sur la base d’une alternance entre séjours de terrain - consacrés à la collecte des données - et séjours en ville - dédiés au traitement des données et à la préparation des sessions de collectes suivantes.

2.3 Consultants au Cambodge, en France et aux

Etats-Unis

Cette section présente les différents consultants - linguistes, spécialistes, interprètes, locuteurs stieng - rencontrés sur le terrain, en France ou aux Etats-Unis, ainsi que les institutions basées au Cambodge ayant contribué à la réalisation de cette thèse.

2.3.1 Chercheurs et spécialistes

La participation au programme junior du Centre d’Etudes Khmères, lors du premier séjour exploratoire en juillet-août 2007, a favorisé la mise en place progressive d’un réseau avec des spécialistes travaillant au Cambodge, notamment grâce à l’ethnologue Jérémy Jammes et le Professeur Katarya Um84

, tuteurs dans le cadre de ce programme.

Des discussions avec les linguistes Gérard Diffloth et Jean-Michel Filippi, en juillet et août 2007, ont permis de recueillir des informations sur la localisation des différents groupes minoritaires, ainsi que des conseils quant à la manière d’entrer en contact avec ces communautés.

Par ailleurs, des séances de travail régulières lors des deux premiers terrains de thèse avec Gérard Diffloth ont été d’un grand secours pour la résolution de nombreux problèmes relatifs à l’analyse phonologique. Plusieurs rencontres avec Sylvain Vogel, à l’occasion de ces différents séjours, ont également permis de recueillir du matériel bibliographique concernant la langue bunong.

83 Interprète et traducteur francophone, enseignant de français à l’Université Royale (voir section 2.3.3). 84 Asian American Studies, Berkeley.

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Au cours de deux entretiens avec l’historien Mathieu Guérin85 en décembre 2008, et octobre 2009 à Caen, de nouvelles sources bibliographiques sur l’Histoire des minorités ont été recueillies. Ces entretiens ont permis d’appréhender de manière plus claire le contexte historique des minorités et notamment celui des Stieng.

D’importantes informations ont été recueillies en 2007, auprès d’Ek Sovann, alors étudiant en anthropologie à Phnom Penh, ayant effectué des recherches au sein de la communauté stieng86. Par ailleurs, de nombreux échanges avec deux doctorantes, Julie Blot (géographe) et Catherine Scheer (anthropologue), anciennes étudiantes de l’INALCO, ont favorisé l’accès à différents types de données concernant la population stieng, le statut des minorités au Cambodge ou encore les politiques éducatives.

Un séjour aux Etats-Unis en été 2011 fut par ailleurs l’opportunité de programmer une rencontre à Dallas avec le couple Haupers, missionnaires de la SIL, ayant séjourné une dizaine d’années auprès des Stieng du Vietnam pendant les années 60. Cette rencontre a permis de recueillir d’intéressantes informations quant au mode de vie des Stieng de l’époque, ainsi que diverses ressources, telles que des travaux réalisés par d’autres missionnaires de la SIL sur des langues des hauts-plateaux du Vietnam et un échantillon de photographies datant de cette période.

2.3.2 Organisations et institutions non-académiques

Outre les différents spécialistes susmentionnés, différentes organisations ont joué un rôle important dans le recueil de certaines informations.

Les premières informations concernant le statut et les droits des minorités ont été complétées par un assemblage de données bibliographiques ainsi que par diverses rencontres avec des membres d’organisations œuvrant à la protection des droits des minorités. Parmi ces organisations figurent l’Organisation Mondiale du Travail et NGO Forum, localisées à Phnom Penh.

La rencontre avec certains membres du ICC (International Cooperation Cambodia, antenne SIL - Cambodge), notamment Philip Lambrecht, a été déterminante au cours du séjour effectué en 2009-2010. Grâce à cette rencontre, de précieuses informations et autres ressources non publiées, produites par le ICC, ont pu être obtenues. En effet, une

85 Spécialiste de l’Histoire des minorités du Cambodge et de la période coloniale. 86 Ek S., (2005)

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équipe de cette organisation avait été auparavant mobilisée pour collecter des données de nature sociolinguistique et dialectologique auprès de locuteurs stieng dans le but de publier un rapport. Ces informations ont considérablement facilité la préparation des séjours exploratoires et le choix d’un nouveau site de terrain.

L’organisation WCS (Wildelife Conservation Society) a par ailleurs contribué au bon déroulement du séjour exploratoire réalisé dans le district de Keo Seima en 2009, notamment en renseignant la localisation des différents villages stieng.

Deux rencontres avec Madame Soeun Saruoeun, ‘Community Committee Leader’ des Stieng87, en 2007 et 2009, ont permis de recueillir certaines informations au sujet des revendications des Stieng ainsi que des données quantitatives concernant les zones peuplées par les Stieng dans le district de Snuol.

2.3.3 Collaborateurs – Interprètes

La rencontre avec Lim Im (traducteur et interprète, professeur de français à l’université Royale de Phnom Penh) en 2009, grâce au bouche à oreille, a facilité la recherche d’interprètes, ce dernier encourageant ses étudiants à travailler avec des locuteurs natifs de français.

Grâce à sa collaboration, différents étudiants khmers inscrits en dernière année de licence de français au département de langues de l’Université Royale de Phnom Penh ont participé aux sessions de collectes de données, comme interprètes, nommément Sokchea, Lida, Sopheap, Tinno, Suor, Dane et Narun. Ces étudiants ayant par ailleurs des cours à suivre et des examens à valider, il a été décidé d’instaurer un cycle de rotation afin de ne pas les pénaliser dans leur travail.

La présence de Lim Im fut également d’une importance cruciale pour la résolution de différents problèmes, notamment avec les autorités locales et régionales, ou encore pour la vérification des traductions de textes du khmer vers le français, préalablement traduits du stieng vers le khmer (voir section 2.4.3).

87 Elue en 2003 par la communauté, Soeun Saruoeun représente les Stieng, notamment dans le cadre de séminaires organisés par l’Organisation Mondiale du Travail, visant à renforcer les droits des minorités du Cambodge.

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2.3.4 Informateurs

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– Locuteurs

2.3.4.1 Remarques générales

La collecte de données linguistiques a impliqué deux types d’informateurs : des informateurs occasionnels afin d’enregistrer la ‘matière première’ textuelle et des informatrices principales, pour un travail quotidien au sein de sessions régulières et planifiées, principalement pour la collecte de données ciblées (élicitations sur la base de stimuli visuels) ou de matériel analytique (élicitations sur la base des textes enregistrés).

Deux informatrices principales, Mign Kewign (MK) et Mign Moem (MM)89, ont été choisies en fonction de leurs disponibilités, et de leur motivation.

Les textes ont été enregistrés avec, au total neuf informateurs (dont deux hommes) sur l’ensemble des terrains90

.

2.3.4.2 Portraits de locutrices stieng

Cette section dresse le portrait de quatre femmes stieng, informatrices principales ou occasionnelles, dont la présence fut d’une importance cruciale au cours de ces séjours.

a) Ja’ Nueung

Ja’ Nueung, notre hôte, est la personne qui a déterminé le choix du village, en raison de son accueil chaleureux. Métisse et bilingue khmer-stieng, Ja’ Nueung a plus de 80 ans.

88 Le terme ‘informateur/rice’ est utilisé dans cette thèse pour désigner les locuteurs/rices stieng qui ont participé au travail de collectes de données, qu’il s’agisse d’enregistrements de textes, de séances d’élicitations ou encore de transcription ou de traductions en khmer. Pour une discussion terminologique, voir Vuillermet (2012:120–123).

89 Les locutrices principales n’ont pas souhaité garder l’anonymat.

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Photographie 1 : Portrait de Ja’ Nueung, © N. Bon, 2010

Il ne fut guère possible de travailler avec elle dans le cadre de séances d’élicitations quotidiennes, notamment à cause de sa difficulté à articuler91

. Néanmoins, ont pu être enregistrés avec sa collaboration, quelques récits personnels, ainsi qu’une comptine et des chants traditionnels qui apparaissent aujourd’hui difficilement compréhensibles par les autres locuteurs. Elle-même les récite par cœur sans pour autant être en mesure de les commenter dans le détail ou de les reprendre phrase par phrase.

Ja’ Nueung représente une figure essentielle lors des rares cérémonies chamaniques qui ont encore parfois lieu dans la vallée92. Elle symbolise pour les villageois une sorte de gardienne des traditions anciennes stieng. De nombreuses personnes lui manifestent beaucoup de respect et de gratitude, y compris des Khmers, notamment le chef de commune. Ce dernier se rend régulièrement dans la maison familiale de Ja’ Nueung, accompagné de notables, pour s’entretenir avec elle. Par conséquent, son avis semble avoir du poids, non seulement au sein du village, mais aussi à l’échelle de la commune. Ja’ Nueung représenterait donc la figure de l’Ancien placé au sommet de la hiérarchie sociale traditionnelle.

91 Cette difficulté à articuler est liée à des problèmes de dentitions relatifs à son grand âge.

92 Une de ces cérémonies a été organisée dans un village voisin à l’issue du second séjour, mais il fut impossible d’y assister pour des raisons logistiques.

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La présence de Ja’ Nueung fut cruciale pour le bon déroulement des terrains : elle représente une sorte de ‘passeport’ d’entrée et de séjour dans la communauté.