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La préparation de cette thèse s’est échelonnée sur plusieurs années, bien avant la date d’entrée en doctorat, par le biais d’une initiation aux langues môn-khmères et d’un travail bibliographique.

Le premier contact avec une langue môn-khmère a eu lieu en 2005 grâce à un travail sur la phonologie du khmer en collaboration avec un locuteur basé à Lyon72. Puis, un séjour d’études intégrées à l’Université d’Oregon a suscité de premières lectures sur les langues môn-khmères, encadrées par le Professeur Scott Delancey. L’année qui a suivi a été occupée par des cours d’introduction à la langue khmère et aux civilisations d'Asie du Sud-Est, à l'INALCO de Paris.

Au cours du Master 2 et du Doctorat, de nombreuses recherches bibliographiques ont été effectuées, permettant l’obtention de travaux peu accessibles73

. Ces recherches ont été réalisées en France, notamment dans les bibliothèques de l’INALCO et du Musée du

72

Dans le cadre d’un cours de Licence 3 de l’Université Lyon 2 : Description des Langues, sous la direction de Lolke Van Der Veen.

73 De nombreuses références bibliographiques sur des langues d’Asie sont aujourd’hui accessibles en ligne sur le site http://sealang.net/.

Une grammaire de la langue stieng

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Quai Branly (Paris) ; aux Etats-Unis : à l’Université d’Oregon et dans la bibliothèque de la SIL à Dallas ; au Cambodge, dans la bibliothèque du ICC (SIL-Cambodge).

Cette section présente, comme résultat de ces recherches, un état des lieux des connaissances sur la langue stieng (2.1.1) et sur les langues bahnariques (2.1.2).

2.1.1 Bibliographie du stieng

Les premiers travaux sur le stieng remontent à l’époque coloniale et comprennent un coutumier, des lexiques ainsi que des dictionnaires composés par des missionnaires ou des administrateurs du Protectorat Français (fin du XIXème et début XXème)74.

Les principaux travaux de linguistique ont été produits entre les années 1960 et 1990 par le couple Haupers, missionnaires du Summer Institute of Linguistics (SIL), sur une variété du stieng parlée au Vietnam. Ce couple a séjourné une dizaine d’années au Vietnam, parmi les Stieng, dans le cadre des activités évangélisatrices de la SIL. Leurs recherches ont notamment abouti à la parution d’un livre de conversation (phrase book) de 36 pages (1967) et d’une phonologie de sept pages, publiée dans la revue spécialisée The Mon-Khmer Studies n° 3 (1969). Le couple Haupers a par ailleurs développé un système orthographique basé sur l’alphabet vietnamien romanisé et développé des manuels scolaires en stieng. Sur la base des textes compilés par le couple Haupers, Miller a par la suite composé une esquisse grammaticale de 64 pages (1976). L’aboutissement final des travaux des Haupers consiste en la publication d’un dictionnaire stieng-anglais (1991). Plus récemment, Owen (SIL, 2002) a proposé une analyse discursive du stieng budeh.

Dans ce contexte, cette thèse représente la première grammaire d’envergure du stieng, dans une approche fonctionnelle typologique.

74 Azémar H. (1887); Gerber T. (1937); Morice A. (1875); Morère M. (1930). Le premier dictionnaire publié sur une langue minoritaire de Cochinchine concerne le stieng et a été composé par Azémar (1887). Ce dictionnaire a servi de base au travail fondateur de la linguistique môn-khmer publié par Schmidt en (1905), (communication personnelle, G. Diffloth, 2009).

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2.1.2 Bibliographie des langues bahnariques

Selon Cheeseman, Herington et Sidwell (2013), les premiers travaux basés sur des langues bahnariques datent de la période coloniale. Puis, une série de travaux a été réalisée dans le cadre des activités de la SIL entre les années 1957 et 1975, principalement au Vietnam. Dans ce cadre, les langues qui ont fait l’objet de recherches extensives aboutissant à de nombreuses publications sont le bahnar (Banker), le sedang (Smith), le bunong (Blood) et le chrau (Thomas).

Durant cette période, des études sur le chrau et le sré, deux langues classées comme des langues bahnariques-sud aux côtés du stieng, ont abouti à la composition de grammaires (respectivement, Thomas, 1967 et Manley, 1972).

Plus récemment, les membres du ICC (SIL au Cambodge), ont compilé des listes de mots et réalisé quelques travaux descriptifs, sur des langues telles que le tampuon ou le bunong (voir notamment Bequette, 2008). Dans ce même cadre, une enquête dialectologique et sociolinguistique a été réalisée sur les langues bahnariques du Cambodge (SIL – Cambodge) (Barr & Pawley, 2013).

Parallèlement, le linguiste français Sylvain Vogel a publié différents ouvrages sur le bunong, dont l’un consiste en une description syntaxique (2006).

Néanmoins, depuis les prémices de la linguistique bahnarique et jusqu’à nos jours, les linguistes ont surtout porté leur attention sur des études comparatives visant à la reconstruction des proto-langues bahnariques Nord (Smith, 1972), Sud (Sidwell, 2000), ou encore à l’élaboration de dictionnaires comparatifs (Jacq & Sidwell, 2000).

Pour un état des lieux détaillé de la bibliographie des langues bahnariques, voir Cheeseman, Herington et Sidwell (2013).

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2.2 Séjours de terrain

La réalisation de cette thèse repose sur trois séjours de terrain au Cambodge effectués entre 2009 et 2012, suite à deux terrains préliminaires réalisés dans le cadre du Master 2. La section (2.2.1) donne une brève présentation des deux terrains préliminaires. La section (2.2.2) dresse un compte rendu des trois terrains de doctorat. Enfin, la section (2.2.3) aborde les problèmes rencontrés sur le terrain et leur impact sur la collecte des données.

2.2.1 Terrains préliminaires

Deux séjours préliminaires réalisés au Cambodge dans le cadre du Master 2 (2007 et 2009) ont permis de collecter les premières données phonologiques et d’effectuer les premières observations sociolinguistiques. Ces deux séjours ont abouti à différents travaux en phonologie, notamment une présentation à une conférence internationale spécialisée dans les langues d’Asie du Sud-Est (Bon, 2009a), la composition d’un Mémoire de Master 2 (Bon 2009b) et la publication d’un article (Bon, 2010).

Le premier séjour75 a été déterminant, non seulement pour la mise en place d’un réseau de chercheurs et d’organisations œuvrant sur place, mais aussi pour le choix de la langue (voir introduction).

A l’occasion de ce séjour, deux expéditions exploratoires ont été réalisées dans la commune de Snuol (région de Kratie) où deux villages stieng ont été visités : Bok Snual (BS - Kbaal Snuol en khmer) qui se situe à 3,5 km du marché de Snuol (centre de la commune, Psaar Snuol) et Krong qui se trouve à une quinzaine de kilomètres. Il s’agit de deux villages mixtes avec des habitations et une école ‘à la khmère’. En 2007 et 2009, parmi les 300 familles vivant à Psar Snuol et Bok Snual, 75 étaient stieng ou mixtes76.

Le déroulement de ce premier séjour exploratoire est exposé dans un chapitre d’ouvrage dédié au travail de terrain sur langues en danger et aux relations entre linguistes et locuteurs (Bon, 2011).

75 Eté 2007, financé par le Centre d'Etudes Khmères, Junior Fellowship Program.

76 Communication personnelle, ‘Community Committee Leader’, Madame Soeun Saruoeun, 11-08-07 à Prey Kday et 13-03-09 à Caagn Thnaot.

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Lors du second séjour, la collecte des données phonologiques a principalement été réalisée dans le village de Bok Snual, avec la collaboration d’une étudiante khmère francophone. Un échantillon de mots a également été collecté dans le village de Krong et, sur la base de comparaisons entre les deux corpus, deux variétés différentes de stieng ont pu être identifiées.

Compte tenu du nombre restreint de locuteurs stieng résidant à Bok Snual, ainsi que du faible degré de vitalité de la langue dans ce village, il a été décidé, à l’issue du second séjour, que les terrains anticipés pour la thèse, en vue de composer la grammaire, devraient être réalisés dans un autre village où la langue serait vivace77. Toujours dans la perspective des terrains de thèse, ce séjour a également souligné la nécessité de suivre des cours intensifs de khmer afin de pouvoir distinguer les deux langues (stieng et khmer) et d’assurer des conversations informelles avec les villageois, en attendant de maîtriser quelques rudiments de stieng. Le premier terrain réalisé en thèse (2009-2010) a donc été planifié en fonction de ces différents besoins, s’étalant ainsi sur une longue période de 6 mois (voir section 2.2.2.1).

2.2.2 Compte rendu des trois terrains de doctorat

Le premier terrain de doctorat a été réalisé en 2009-2010 (2.2.2.1), le second en 2010-2011 (2.2.2.2) et le troisième en 2012-2013 (2.2.2.3). Ces séjours ont été financés respectivement par le Centre d’Etudes Khmères, l’Ecole Française d’Extrême Orient et le Labex ASLAN dont fait partie le laboratoire DDL.

2.2.2.1 Terrain 1 : novembre 2009 – mai 2010 (6 mois)

Compte tenu de certaines difficultés rencontrées au cours du terrain précédent78, le premier terrain de doctorat a été anticipé volontairement comme un long séjour expérimental, s’étalant sur une durée de 6 mois (entre novembre 2009 et mai 2010) et dont les objectifs étaient multiples.

77 Cette décision a également été prise en raison de problèmes d’insécurité et d’alcoolisme dans ce village. Les séjours exploratoires visant à la recherche d’un autre site de terrain sont mentionnés en section (2.2.2.1b).

78 Il s’agissait d’un séjour trop court ne laissant guère de place aux contretemps et à l’imprévisibilité omniprésents au Cambodge ; ne permettant guère de travailler au rythme des locuteurs et de l’interprète, et inadapté à leur manque de disponibilité. Comme précisé plus haut, les collectes de données avaient été effectuées dans un village mixte ne comprenant qu’une minorité de locuteurs, ces derniers ne parlant pas la langue quotidiennement, au profit du khmer. Il s’agissait par ailleurs d’un village fortement marqué par la pression khmère, caractérisé par une grande insécurité et un fort taux d’alcoolisme parmi ses habitants.

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