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Cette section rend compte de la géographie du pays (1.1.1), des différents groupes qui le peuplent (1.1.2) ainsi que des familles ethnolinguistiques auxquelles ces groupes sont rattachés (1.1.4).

1.1.1 Situation géographique

Le Cambodge, pays frontalier avec la Thaïlande à l’Ouest, le Vietnam à l’Est et le Laos au Nord, est localisé en Asie du Sud-Est péninsulaire (ASE) et comprend 23 provinces. La Carte 1 en présente la répartition avec leur chef-lieu respectif.

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Carte 1 : Subdivisions provinciales du Cambodge8 et pays frontaliers

Les provinces de Stung Treng, Kratie, Mondulkiri et Ratanakiri, situées au Nord-Est du pays, appartiennent à une zone de hauts-plateaux s’étendant du Vietnam au Laos et contrastant avec les plaines situées à l’ouest du Mékong.

Cette zone de hauts-plateaux9 abrite la plus grande diversité de minorités ethniques du Cambodge : compte tenu de leur localisation ces communautés sont communément appelées les Montagnards10 dans la littérature scientifique (Guérin, 2008:1-2).

En revanche, la population dominante du pays, celle des Khmers, a tendance à se trouver dans les plaines.

Pour ce qui est de la communauté stieng, celle-ci est localisée dans les piémonts des hauts plateaux, principalement dans le Sud-Est de la province de Kratie (districts de Snuol et Pii Thnu), mais également dans les provinces avoisinantes de Kampong Cham

8 Source : http://d-maps.com/carte.php?lib=cambodge_carte&num_car=26192&lang=fr (non daté), modifié par Bon (2012).

9 Principalement les régions de Mondulkiri et Ratanakiri. A noter que certains groupes, moins nombreux, vivent également dans le massif des Cardamomes situé dans le Sud-Ouest (Kampong Speu, Pursat, Koh Kong et Kampot) ainsi que dans les provinces de Kampong Thom et Preah Vihear au Nord.

10 Cette dénomination désigne également les groupes vivant sur les hauts-plateaux, au-delà des frontières vietnamienne et laotienne.

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(district de Memot) et Mondulkiri (district de Keo Seima)11. Cette localisation relativement proche des plaines et de la communauté khmère suggère un contact ancien avec la population khmère et explique les nombreux emprunts au khmer existant en stieng.

La communauté stieng est par ailleurs une communauté transnationale avec le Vietnam. La Carte 2 illustre la localisation de la communauté stieng dans ces deux pays limitrophes : Cambodge et Vietnam.

Carte 2 : Localisation de la communauté stieng au Cambodge et au Vietnam12

Cette situation transfrontalière n’est pas spécifique aux Stieng, d’autres communautés étant transnationales avec la Thaïlande, le Laos et le Vietnam13. La section (1.2) donne une explication de cette répartition transfrontalière.

11 D’après des données renseignées par J. Blot (doctorante en géographie), environ 226 Stieng seraient localisés à Phnom Penh. Des diasporas sont également présentes au Danemark, en Caroline du Nord et à Dallas (Haupers, communication personnelle, 2011).

12 Pivot et Bon, Laboratoire DDL, 2009.

13 Les Jaraï et les Brao sont également localisés au Laos, les Bunong (Phnong; Mnong) au Vietnam, les Kuy en Thaïlande et au Laos, etc. voir Tableau 3 p. 24, section (1.1.4).

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1.1.2 Population du Cambodge

La population du Cambodge regroupe 23 communautés ethnolinguistiques14, au sein desquelles les Khmers constituent l’ethnie dominante et majoritaire15

: ces derniers représentent en effet 96% de la population totale, à savoir 12,9 millions de personnes sur un total de 13,4 millions, d’après le dernier recensement national de 200816.

Le pays est par ailleurs peuplé d’une quinzaine17

de minorités ethniques, qui se distinguent sur la base de critères ethnolinguistiques, parmi lesquelles les plus importantes en termes de nombre de locuteurs sont les Viêt, les Chinois18 et les Cham, c’est-à-dire, des diasporas issues de migrations plus ou moins récentes19

. Les autres communautés minoritaires, dont les Stieng font partie, sont généralement considérées dans la littérature comme autochtones20. L’origine exacte de ces populations demeure néanmoins méconnue21. Le Tableau 1 renseigne le nombre total d’individus issus des minorités ethniques autochtones et leur pourcentage sur l’ensemble de la population du Cambodge entre les années 1992 et 2008.

14 Le site de l’Ethnologue en dénombre 24 en comptant les communautés expatriées anglophones et francophones ; Filippi (2008 :56-57) en compte 22.

15 Le Cambodge (Kampuchea) est souvent nommé par ses habitants Srok Khmer, ‘le pays des Khmers’. 16http://camnut.weebly.com/uploads/2/0/3/8/20389289/2009_census_2008.pdf

17 Cette approximation est en partie relative à la diversité des ethnonymes existants pour la même communauté ethnolinguistique, à la difficulté de distinguer les parlers comme langues à part entière ou dialectes d’une même langue, ou encore de la rareté des études de terrain effectuées sur cette question (Filippi, 2008:49-54). Ce chiffre ne tient pas compte des communautés occidentales expatriées, notamment francophones et anglophones.

18 Ces derniers étant divisés en 6 communautés linguistiques différentes, locutrices de cantonais, hainan, hakka, mandarin et hokkien (Filippi, 2008:57)

19 Des communautés lao et thaï sont également répertoriées dans le Nord-Ouest du pays, selon l’Ethnologue (cf Carte 3 p.8).

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Les termes indigènes, aborigènes, autochtones, primo-occupants, minorités ethniques sont couramment utilisés dans la littérature relative à cette région du monde. Voir Guérin (2003:V-VI) pour une discussion terminologique.

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Source Année Nombre Pourcentage Population totale

Département des minorités ethniques et Ministères des Affaires religieuses

1992 309,000 3.5 % 8.9 millions Ministère de l’Intérieur 1995 443,00022 3.8 % 9.7 millions

F. Bourdier (1996) 1995 142,700. --- ---

Recensement National 1997 101,000 0.9 % 11.4 millions Recensement National 2008 383,273 2,98 % 13.4 millions

Tableau 1 : Nombre et pourcentage de la population des communautés autochtones au Cambodge23

Au sein des minorités autochtones, il existe un écart considérable en termes de population : les communautés les plus peuplées représentent 20 000 à 30 000 personnes (voir Tableau 3 p. 24), tandis que les plus restreintes en nombres ne regroupent qu’une douzaine de personnes. Dans ce contexte, la communauté stieng se situe en position intermédiaire avec 6540 à 900024 membres. A noter que les Stieng du Vietnam sont considérablement plus nombreux avec 45 000 membres (recensement national de 200925). Comme déjà évoqué à travers la géographie du pays (1.1.1), la répartition des différentes populations du Cambodge est relativement inégale : il existe en effet un contraste entre les plaines, principalement peuplées par l’ethnie dominante khmère, et les hauts plateaux, qui constituent originellement les territoires autochtones.

Au début des années 2000, les peuples autochtones étaient largement majoritaires dans les provinces de Ratanakiri et de Mondulkiri à l’échelle de la région, représentant respectivement 66% et 71% (Plant, 2002): en effet, ces provinces autrefois indépendantes, difficiles d’accès et peu explorées par les Khmers ont été annexées au Cambodge sous le Protectorat Français (1863-1953) et leur intégration au Cambodge est relativement récente (Guérin, 2003, 2008 ; voir section 1.2).

Or cette prédominance des minorités ethniques dans ces deux provinces (Ratanakiri et Mondulkiri) tend néanmoins à s’atténuer suite à différentes vagues de

22 En tenant compte des diasporas cham, viêt et chinoise. 23 D’après S. Ek (2005), version complétée par Bon. 24

Le premier chiffre correspond à celui du recensement National de 2008. Cependant, d’après une enquête menée par ICC (SIL au Cambodge), les Stieng avoisineraient davantage les 9000 (communication personnelle, P. Lambrecht, 2009).

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migrations khmères ainsi que des fronts pionniers26 vers ces régions, survenus à différentes époques et souvent encouragés par les autorités (voir Annexe A).

Le même scénario est imaginable pour les Stieng : localisés dans les districts de Snuol (Kratie), Memot (Kampong Cham) et Keo Seima (Mondulkiri), les Stieng devaient être largement majoritaires dans ces zones avant le Protectorat français tandis qu’ils ne représentent aujourd’hui plus qu’une minorité sur leur propre territoire.

Cette situation reçoit une explication historique et politique (voir section 1.3.2 et Annexe A). Elle vient par ailleurs justifier deux phénomènes intimement liés : le contact intensif avec la langue khmère reflété par les données utilisées dans cette thèse, ainsi que la situation d’obsolescence de la langue stieng (voir Chapitre 3).

1.1.3 Familles ethnolinguistiques du Cambodge et affiliation