• Aucun résultat trouvé

voirie urbaine ?

5.3. La voirie – une infrastructure, un volume à maintenir

5.3.1. La voirie, un volume en sursol

Au-delà des mobilités, la multiplication des modes de transport et des usages a nécessité de sécuriser les différents espaces de la voirie selon la vulnérabilité des usagers (Héran 2005). Plus récemment encore, la notion de qualité de vie urbaine a émergé et transformé les opérations d’aménagement de la voirie.

Le partage de la voirie, notamment pour la sécurité des usagers, s’est d’abord fait par un redécoupage et une réaffectation des différents espaces de la voirie. Pour cela, un tracé au sol usant par exemple de couleurs des revêtements, a permis aux usagers d’identifier ces espaces. Ce partage marqué d’une simple empreinte au sol s’est souvent révélé insuffisant pour assurer la sécurité des usagers (Reigner 2004). Les nombreux incidents entre piétons, cyclistes et automobilistes ont poussé les autorités à amorcer une réflexion sur l’organisation de ce partage, et les aménageurs à proposer des solutions assurant une meilleure sécurité. Des accessoires et

La voirie, des objets géographiques à leur représentation dans les SIG

110

équipements de voirie ont été développés (Hiron et al. 2006), comme par exemple des (Cf. Partie I, 2.2.1, p. 58) :

– îlots de sécurité pour mettre à l’abri les piétons lors de la traversée de très larges chaussées ;

– barrières physiques pour éviter les empiétements des véhicules motorisés sur les espaces piétonniers ou cyclistes ;

– murets pour empêcher des chevauchements ou des traversées dangereuses ;

– chicanes, des jardinières installées en coté de chaussée pour inciter les automobilistes à réduire leur vitesse ;

– espaces végétalisés ayant souvent les mêmes fonctions que les barrières ou murets, avec une fonction supplémentaire d’agrémentation ;

– luminaires pour assurer l’identification des espaces de nuit.

Tous ces éléments occupent une emprise au sol non négligeable ainsi qu’un volume en sursol.

Au-delà du partage de l’espace et de la notion de sécurité, l’ensemble de l’aménagement en sursol de la voirie est aujourd’hui pris en compte dans l’optique de construire l’identité visuelle de l’espace public et proposer un cadre de vie agréable en milieu urbain, avec une prise en compte du bâti. Ces aménagements peuvent également répondre à des problématiques environnementales rencontrées en milieu urbain telles que les îlots de chaleur. Des éléments d’agréments ponctuels, tels que les arbres, les jardinières et carrés végétalisés sont par exemple introduits sur la voirie, lesquels permettent, en plus d’améliorer le paysage urbain, de capter le dioxyde de carbone et de réduire la chaleur (Gramond 2019). Des jeux d’eau sont aménagés, ponctuellement par des fontaines, ou de façon plus étendue, comme le miroir d’eau de Bordeaux (2 cm d’eau stagnant sur une dalle en granit de 3 450 m2 et reflétant la Place de la Bourse).

Ces exemples conduisent à représenter les éléments constitutifs de la voirie dans le référentiel tridimensionnel qu’est la voirie en sursol (Figure 5-6).

111 Auteur : A. Pavard, 2018

Figure 5-6 – Modélisation de la voirie par les volumes occupés en sursol

Les SIG sont limités par les objets graphiques 2D – point, polyligne et polygone – permettant de représenter les éléments géographiques. La cartographie résultant des SIG limite encore davantage la représentation en perdant l’environnement tridimensionnel des SIG : alors que les polygones demeurent des objets graphiques 2D, les polylignes et les points perdent respectivement une et deux dimensions. Ainsi, les géomaticiens des collectivités territoriales ont produit des bases de données géographiques pour les équipements de voirie en utilisant ce que Larrivée et al. (2006) appellent les objets graphiques 0D à 2D dans un univers 3D. En d’autres termes, ils utilisent des géométries de type point, polyligne ou polygone construites à l’aide de coordonnées géographiques X et Y, et décrites en attribut par la troisième dimension Z permettant de représenter le volume englobant des éléments réels. On note par exemple, et c’est le cas pour Paris, l’existence de bases de données par mobilier et équipement de voirie tels que les équipements de signalisation verticale, les lampadaires ou encore les arbres. Ces éléments sont souvent représentés à l’aide de géométries de type point dans le SIG. Leur localisation est permise à l’aide de coordonnées géographiques X et Y et leur hauteur est renseignée dans les attributs liés aux objets graphiques.

Ces initiatives locales se sont démocratisées sur la fin des années 2010 portées notamment par la réforme anti-endommagement des réseaux de 2012 (Cf. Partie I, 3.3.2, p. 83) qui a incité les collectivités à mettre en place des Plans de Corps de Rue Simplifiés (PCRS). Le PCRS constitue un référentiel topographique à l’échelle du 1/200ème permettant de positionner les réseaux techniques par rapport aux éléments de la voirie. En 2014, l’Association française de normalisation (Afnor) a réalisé un premier travail de normalisation sur le géoréférencement des ouvrages. Parallèlement, les acteurs de la voirie se sont réunis dans le cadre d’une commission sur les données du Conseil national de l’information géographique (Cnig) de façon à définir pour l’échelon national un cadre technique, organisationnel et financier garantissant l’efficience et l’interopérabilité des PCRS. En se basant sur les initiatives locales, notamment de grandes municipalités, la commission a spécifié un contenu de ce référentiel. Les spécifications proposées

La voirie, des objets géographiques à leur représentation dans les SIG

112

par le Cnig prévoient l’intégration d’un certain nombre d’éléments de la voirie dans les PCRS : – les limites de voirie (chaussées et trottoirs) ; – les marches d’escaliers ; – les limites des façades des bâtiments ; – les seuils (l’ensemble des portes, portes cochères, portails et seuils permettant l’entrée ou la sortie dans un bâtiment ou une enceinte) ; – les murs et clôtures séparateurs ; – les piliers et piles de ponts ; – les rails ; – les arbres – les affleurant des réseaux techniques (bouches à clés, regards, etc.).

Les spécifications donnent également des indications sur la modélisation et la représentation des éléments cités. Ainsi, elles prévoient de modéliser les objets géographiques par leurs limites physiques et de les représenter par des polylignes (Figure 5-7). Il est précisé que le PCRS ne s’attache pas à décrire les hauteurs, les épaisseurs ni même les matériaux constituant les éléments (CNIG et AFIGEO 2017).

Source : https://decryptageo.fr/le-pcrs-reporte-2026/

Figure 5-7 – Extrait du PCRS de Strasbourg

L’expérience de collectivités a montré que les informations minimales proposées pour constituer le PCRS sont insuffisantes pour des opérations d’entretien de la voirie et des réseaux sous voirie. Par souci de détenir des informations plus détaillées, certaines collectivités, telles que Drancy, ont poussé la démarche plus loin de façon à produire des référentiels très grande échelle (RTGE). Les interventions sur voirie et réseaux dépendent bien sûr des aménagements en surface, mais également des aménagements en sous-sol et notamment de la structure des éléments de voirie implantés dans le sous-sol.

113 5.3.2. La voirie, un volume en sous-sol

Les différents éléments de la voirie, pour répondre au mieux aux différentes sollicitations en fonction des usages qu’ils supportent, sont dimensionnés selon des règles techniques précises prenant en compte principalement les sollicitations mécaniques (trafic). Ce dimensionnement implique un calibrage des différentes couches composant l’infrastructure (Cf. Partie III, 9, p. 170) aussi bien en termes d’épaisseur que de choix des matériaux. Dans le cas d’une chaussée, le passage d’un nombre important de poids lourds provoque une agressivité forte sur l’infrastructure. Les exigences pour ces chaussées ne sont pas les mêmes que pour des pistes cyclables ou des trottoirs. Une bonne prise en compte de l’agressivité du trafic et des sollicitations climatiques doit permettre à chaque structure une meilleure durabilité en limitant les dégradations au cours de sa durée de service. (Cf. Partie III, 9, p. 170)

En plus de son emprise au sol et de son volume en sursol, la voirie occupe alors un volume en sous-sol. Deux perceptions conduisant à deux modélisations de ce volume sont identifiables : la première ne tient compte que de la couche supérieure appelée couche de roulement (Figure 5-8 a), la seconde englobe l’ensemble des couches de l’infrastructure ainsi que son support (Figure 5-8 b).

Auteur : A. Pavard, 2018

Figure 5-8 – Modélisation la voirie par les volumes occupés en sous-sol

La prise en compte de la seule couche de roulement s’accorde avec la vision que les aménageurs ont de l’infrastructure. La voirie étant un espace partagé, l’aménagement de celui-ci doit refléter ce partage et permettre d’identifier rapidement et simplement les emplacements réservés à chaque usage. Ce partage visuel permet de limiter les empiétements, telle que la circulation d’automobiles sur des espaces réservés à d’autres mobilités (espaces piétons ou cyclables), et d’assurer la sécurité des usagers (Cf. 2.1.3.1, p. 109).

La seconde modélisation, intégrant les autres couches de la voirie, est liée aux contraintes physiques que la voirie est amenée à supporter, et donc à son besoin de dimensionnement. Le

La voirie, des objets géographiques à leur représentation dans les SIG

114

service de l’état en charge des études sur les transports, les routes et leurs aménagements propose un guide technique identifiant de façon détaillée les étapes du dimensionnement pour déterminer les épaisseurs des couches de la chaussée. Et ce dans une démarche stratégique d’investissement et d’entretien, ainsi que pour répondre aux objectifs de service et à la pression du trafic (LCPC et SETRA 1994).

Les informations relatives au dimensionnement des chaussées, et plus globalement des éléments constitutifs de la voirie sont le plus souvent fournies à travers des plans et documents techniques. Les exemples de données géographiques diffusées par les collectivités montrent qu’elles n’intègrent pas la 3ème dimension de la voirie en sous-sol. Lorsque des données caractérisant les structures sont inclues, celles-ci se limitent généralement à la couche de revêtement, élément intéressant les acteurs de l’aménagement en surface de la voirie. Elles ne fournissent, en revanche, généralement pas d’information sur les structures elles-mêmes, c’est-à-dire leurs matériaux, leurs épaisseurs et profondeurs (données non disponibles ou disponibles dans un autre format). Nous notons cependant une évolution à ce sujet. La municipalité de Montréal propose par exemple une base de données surfacique de voirie décrivant les éléments constitutifs de la voirie. Depuis la mise à jour de 2019, la base de données contient des informations sur les structures de chaussées (Tableau 5-1).

Tableau 5-1 – Nombre de tronçons de voirie de Montréal selon le revêtement et la structure

Revêtement Bét. Bit. (BB) BB / béton BB / pavés Béton Béton / pavés

Pavé Gravier Poussière de roche Total Ty p e d e str u ctu re Rigide 23381 2 13 380 2 215 11 24004 Souple 35793 4 4 130 118 45 6 36100 Inconnu 92 2 3 97 Total 59266 6 17 512 2 333 59 6 60201

Sources : Service des infrastructures du réseau routier – Division de la géomatique de la ville de Montréal, 2019

Une base de données géographique intégrant les informations de structures de la voirie permettrait une réflexion sur les choix constructifs de l’infrastructure selon son environnement. Par exemple, croiser des données géographiques de voirie décrites par la structure et les dégradations, avec des données géographiques sur les réseaux techniques permettrait :

– de mieux saisir les interactions entre ces deux types d’infrastructure, – d'organiser les interventions,

115

Synthèse II.1

Les différents acteurs de la voirie, selon leur questionnement, ont une vision partielle de l’infrastructure (Cf. Partie I, 2, p. 56). Dans le cas de la gestion de la circulation, la voirie est rapportée à des axes de circulation permettant l’analyse du trafic et des mobilités. Son aménagement en surface, notamment pour optimiser le partage de l’espace entre les différentes activités qu’elle supporte, conduit à s’intéresser à son emprise au sol ainsi qu’au volume qu’elle occupe en sursol. Finalement, un dimensionnement de la structure en sous-sol, permet à la voirie de supporter les usages prévus en limitant les dommages irréversibles subis au cours de sa durée de service. Dans la suite de ce travail, nous adopterons le vocabulaire suivant par souci de cohérence et d’homogénéité (Figure 5-9) :

– tronçon de voirie renverra à l’emprise au sol ;

– l’ensemble des dimensions d’un tronçon de voirie sera défini comme portion de voirie, terme renvoyant à la notion de portion de territoire développée par Bordin (2006).

Auteur : A. Pavard, 2018

Figure 5-9 – Les différentes dimensions et modélisations de la voirie

Les objets graphiques disponibles pour représenter des éléments réels dans un SIG sont limités à deux dimensions bien que pouvant être décrits par une troisième dimension (Cf. 5.3.1, p. 109). Dans l’optique d’une base de données géographique de voirie exploitable pour gérer les interventions sur voirie et réseaux, nous proposons une représentation surfacique, donc en 2D, de la voirie décomposée en ses éléments constitutifs. La troisième dimension n’est pas prise en charge par la représentation géométrique des objets graphiques, mais par un attribut. Il est impératif, au-delà de la question de la décomposition en éléments constitutifs de s’interroger sur les choix constructifs des bases de données surfaciques de voirie (Cf. 6, p. 117)

La voirie, des objets géographiques à leur représentation dans les SIG

116

Par ailleurs, ce choix ne nous évite pas le besoin de disposer d’informations contenues dans les bases de données linéaires de voirie. Typiquement, nous avons indiqué que les informations sur le trafic routier sont généralement rattachées à des données linéaires. Or, les informations de trafic sont essentielles pour dimensionner la voirie pour les choix de matériaux et de structures (Cf. Partie 3, 9.1, p. 170). Ce besoin de transfert d’informations entre bases de données linéaires et surfaciques traduit la nécessité de mettre en cohérence les objets graphiques linéaires et surfaciques, c’est-à-dire, de construire une base de données surfacique assurant sa mise en cohérence avec les bases de données linéaires (Cf. 8, p. 152).

117

6. Les choix constructifs des bases de données géographiques surfaciques

existantes

Dans le chapitre précédent, nous avons constaté que la représentation surfacique de la voirie dans les SIG est la plus adaptée pour aboutir à une base de données géographique utile à la problématique de gestion des interventions sur voirie et réseaux enterrés. Les données surfaciques de voirie existantes permettent d’étudier un aspect des tracés de la voirie : le tracé en plan de voirie. Ce tracé est une vue du dessus de la voirie et se définit par une succession de tronçons de voirie (courbés ou droits) raccordés entre eux.

L’objectif de ce sixième chapitre est de présenter les choix constructifs pour les bases de données géographiques surfaciques existantes :

1) Dans une première section nous traitons la question de la modélisation et de la représentation des éléments de voirie saisis.

2) Dans une seconde section, nous analysons plus spécifiquement la modélisation et la représentation des intersections de voirie selon les utilisations envisagées des bases de données géographiques.

Documents relatifs