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voirie urbaine ?

6.2. Les intersections de voirie : choix de modélisation et de représentation

En dehors du tracé des objets graphiques pour les intersections de voirie, l’identification même des intersections et leur représentation questionnent. À ce sujet, deux types de représentation se confrontent :

– Le premier conduit à rattacher les intersections de voirie aux tronçons de voirie adjacents. Cette représentation repose sur l’absence d’objets graphiques modélisant explicitement les intersections.

121 – Le second entraine la construction d’objets graphiques modélisant individuellement les

intersections de voirie.

6.2.1. La voirie en un seul objet graphique

La représentation surfacique la plus rudimentaire correspond à une modélisation de la voirie en un objet graphique unique. La voirie n’est pas considérée comme constituée de parties distinctes, mais comme un tout, un objet géographique unique caractérisé par la surface qu’il occupe. Les tronçons et les intersections sont alors indissociables. La municipalité de Victoria, capitale de Colombie Britannique, par exemple, produit des données de voirie sous cette forme (Figure 6-3).

Sources : CityOfVictoriaBC, 2019 Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-3 – Données surfaciques de voirie de Victoria – Canada

L’objectif de cette modélisation est la connaissance de l’emprise globale de la voirie sur l’ensemble d’un territoire. Par ailleurs, puisque tous les éléments participent à un objet graphique unique, cette représentation ne permet pas, de facto une description sémantique détaillée.

6.2.2. La voirie découpée en routes ou rues

Une variante du premier cas – la voirie en un seul objet graphique – repose sur la décomposition de l’infrastructure selon la fonctionnalité ou la hiérarchie des routes et des rues3. Un objet graphique surfacique est alors composé des intersections agrégées aux tronçons de voirie connexes. Les tronçons de voirie agrégés à l’intersection sont d’un même niveau fonctionnel (primaire, secondaire, tertiaire) ou hiérarchique (selon la classification administrative du pays) et

3 Les termes route et rue sont fréquemment utilisés pour décrire une continuité de tronçons de voirie ayant la même toponymie. Route renvoie à la voirie rurale et rue à la voirie urbaine. Nous utiliserons par la suite le terme rue pour faire référence à cette continuité.

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suivent le même axe de circulation. Cette modélisation nécessite de choisir la caractéristique discriminante entre deux rues, c’est-à-dire, une classification fonctionnelle ou hiérarchique permettant de positionner les rues entre elles à travers des niveaux. Finalement, les intersections sont associées à la rue ayant le plus haut niveau dans la classification considérée. Dans ce type de modélisation, les intersections ne sont donc pas identifiables en tant qu’objets géographiques indépendants. Les données de la municipalité de Copenhague illustrent cela (Figure 6-4).

Sources : Københavns Kommune Bydata, 2019 Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-4 – Données surfaciques de voirie de Copenhague – Danemark

Cette modélisation soulève une question quant à l’attribution des intersections que ce soit d’un point de vue technique pour la construction des données que d’un point de vue administratif pour la gouvernance de ces espaces. Dans le cas simple où deux rues présentant des niveaux différents se croisent, l’intersection est attribuée à celle relevant du plus haut niveau (Figure 6-5 a). En revanche, lorsque le niveau est le même, l’attribution de l’intersection à l’une ou à l’autre nécessite des spécifications supplémentaires (Figure 6-5 b).

123 Légende : a) cas simple, b) cas ambigu

Sources : Københavns Kommune Bydata, 2019 / Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-5 – Attribution de l’intersection à un axe

Recourir à une classification multicritères semble dans ce cas plus adapté, et ce, dès lors que l’usage d’un seul critère peut conduire à opérer des choix arbitraires lorsque deux rues présentent une équivalence selon ce critère. Par exemple, il est possible d’utiliser le trafic routier supporté, ou la vocation de la rue (transit, distribution, desserte, etc.). Dans le cas de Copenhague, la configuration des géométries permet de poser plusieurs hypothèses :

- la première, est que la vocation de l’axe est prise en compte. Dans ce cas, l’intersection est rattachée à l’axe le plus circulé ;

- la seconde, est qu’il existe un choix lié à l’antériorité des rues. Ici, l’intersection est rattachée à la rue la plus ancienne ;

- la troisième, pouvant découler de la précédente, est liée à la toponymie des tronçons de voirie. Ces derniers sont agrégés avec les intersections dès lors qu’il y a continuité dans le nom de la rue ;

- Enfin la dernière est liée à la question de rectilinéarité des itinéraires. Les tronçons et intersections sont alors agrégés de façon à ne pas interrompre l’itinéraire le plus rectiligne.

Dans tous les cas, la documentation fournie avec ces données ne permet pas de vérifier l’une ou l’autre des hypothèses.

L’affectation d’une intersection à des tronçons de voirie doit reposer sur la combinaison de plusieurs critères pertinents pour éviter les choix arbitraires. La sélection, la construction des critères et leur mise en ordre sont autant d’éléments pouvant impacter le résultat. Finalement, les nombreuses possibilités de construction, d’une telle approche, dépendent des points de vue pris par les administrateurs de données.

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Contrairement à la démarche utilisée pour la construction des données de voirie de Victoria, celle de Copenhague permet selon les critères sélectionnés d’aboutir à des informations plus détaillées. Par exemple, elle rend possible le calcul de la surface de voirie pour les différents niveaux hiérarchiques de voirie d’un même territoire. Quoi qu’il en soit, elle reste d’un intérêt limité pour notre problématique d’intervention sur réseaux techniques par la voirie.

6.2.3. L’intersection modélisée en un seul objet graphique indépendant

Une représentation surfacique de la voirie plus détaillée repose sur la séparation des intersections et des tronçons de voirie les reliant. Les municipalités de Bordeaux et Paris, en France, mais aussi de San Francisco aux Etats-Unis, ont adopté ce choix de modélisation. Les intersections de voirie sont des éléments de la voirie subissant des sollicitations mécaniques liées aux mouvements de véhicules et à la répartition des charges sur un coté des essieux lorsque les véhicules effectuent un virage. Ces sollicitations sont appelées « sollicitations tangentielles » (Hamlat 2007). Pour des questions de gestion de la voirie il est alors important de pouvoir isoler les éléments intersections des éléments tronçons, et donc de représenter les intersections par des objets graphiques indépendants.

À travers les bases de données des trois municipalités ressortent deux types d’objets graphiques intersections. Le premier type concerne les objets graphiques construits à l’aide des points de jonction entre les tronçons et les intersections de voirie, et conduit à des formes trapézoïdales (Figure 6-6 a). Le deuxième type concerne des objets graphiques construits par dépassement des points de jonction. Les objets graphiques construits sont de forme évasée (Figure 6-6 b).

Légende : a) intersection par points de jonction, b) intersection par dépassement de points de jonction Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-6 – Les deux types d’objets graphiques intersections

L’analyse des objets graphiques intersections des différentes municipalités nous permet de formuler plusieurs hypothèses de construction de ces objets graphiques. La première hypothèse réside en un lien étroit entre les objets graphiques construits et les tracés de voirie identifiés précédemment (Cf. 6.1, p. 117). Dans cette hypothèse, l’objectif serait de construire le plus simplement possible les objets graphiques intersections : c’est-à-dire à partir des points identifiables. Les objets construits à partir des tracés à angles pointus semblent le confirmer. San

125 Francisco, pour la voirie en damier, Bordeaux et Paris présentent des objets graphiques intersections construits suivant des points de jonction facilement identifiables à partir des pointes des angles (Tableau 6-2).

Tableau 6-2 – Schématisation des objets graphiques intersections par municipalité selon les tracés

Auteur : A. Pavard, 2020

Une lecture du cahier des normes transmis par la division des plans de voirie de la Mairie de Paris confirme dans un premier temps cette hypothèse. Les exemples fournis dans ce document technique mettent en évidence le choix de suivre les tracés de voirie, et d’identifier de façon simple les intersections (Figure 6-7). On note par ailleurs que ce choix conduit à obtenir des emprises maximales des intersections dans le cas de tracés à angles biseautés ou arrondis. Les explications apportées dans le document restent cependant peu détaillées (Mairie de Paris – Division des plans de voirie 2011).

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Sources : Mairie de Paris, Division des plans de voirie, 2011

Figure 6-7 – Cahier des normes de Paris – Exemple des intersections

Un échange direct avec la division des plans de voirie de la Mairie de Paris a permis d’établir que le choix de construction des objets graphiques intersections relève par ailleurs d’une autre conception de l’objet géographique intersection. Selon la division des plans de voirie, l’objet géographique intersection dépasse le périmètre délimité par les points de jonction des tronçons de voirie, et ce du fait :

– du fonctionnement des intersections de type carrefour non giratoire ;

– du positionnement de certains réseaux enterrés, notamment des réseaux de signalisation et d’éclairage public.

Cependant, aucune information dans la documentation technique associée à ces données ne permet de le confirmer. L’exemple ci-dessus confirme principalement le lien entre limites de voirie et limites du bâti. S’il existe un lien entre ces limites et la disposition des réseaux enterrés, il n’est pas explicité.

Les autres tracés et constructions d’objets graphiques pour San Francisco et Bordeaux révèlent d’autres éléments de réponse. D’abord, pour les quartiers sinueux de San Francisco où les tracés sont arrondis, l’identification de points de jonctions pose question. Les informations transmises avec ces données ne permettent pas de comprendre la logique de construction des points permettant de tracer les intersections dans ce cas. Pour autant, les objets graphiques intersections construits semblent répondre à un même objectif d’identifier l’emprise minimale correspondant à l’intersection de voirie. Cette seconde hypothèse n’est aujourd’hui pas vérifiable compte tenu de l’absence des spécifications liées à cette base de données.

Ensuite, pour Bordeaux, les objets graphiques construits à partir des angles biseautés et des angles arrondis suggèrent la volonté de privilégier la continuité d’un des axes de voirie. Cette hypothèse est validée par le cahier des clauses techniques particulières relatif à la base de données voirie

127 transmis par Bordeaux Métropole. Il y est indiqué que « la parcelle du carrefour s’inscrit dans la continuité de la voie principale » (Bordeaux Métropole 2018, p. 9) (Figure 6-8).

Sources : Bordeaux Métropole, 2018

Figure 6-8 – Le cas des carrefours non giratoires de Bordeaux

Les constructions des objets graphiques intersections présentées jusqu’à présent concernent toutes le même type d’intersection simple : des carrefours non giratoires à quatre branches. En excluant les intersections de type échangeur, quatre types d’intersection se retrouvent fréquemment en milieu urbain : en croix, en étoile, en T, et en Y (Perna et al. 2011 ; Marshall 2005) (Figure 6-9).

Sources : Auteur, 2020

Figure 6-9 – Les grands types d’intersection

L’analyse de ces différents types d’intersections à travers les bases de données des trois municipalités suggère que le traitement de ces intersections coïncide avec les hypothèses avancées à partir des intersections les plus classiques, c’est-à-dire, les intersections en croix à quatre branches (Tableau 6-3). Ainsi, on note bien la volonté de préserver la continuité du tracé pour Bordeaux, l’emprise minimale pour San Francisco, et l’emprise maximale pour Paris.

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Tableau 6-3 – Exemple des autres types d’intersections

Sources : SIG – Bordeaux Métropole 2019, SIG – Paris 2019, SIG – San Francisco 2017 Auteur : A. Pavard, 2020

La densité et la ramification de la voirie en milieu urbain entraine parfois des successions d’intersections de voirie à intervalle réduit. Nous constatons que ces configurations ne sont pas traitées de la même façon selon les municipalités. Bordeaux et San Francisco ont choisi de construire un objet graphique pour chaque intersection (Figure 6-10 a et b), tandis que Paris réalise une agrégation des intersections proches pour ne conserver qu’un seul objet graphique (Figure 6-10 c).

Sources : SIG - Bordeaux Métropole 2019, SIG – Paris 2019, SIG – San Francisco 2017 Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-10 – Exemples de modélisations des intersections proches

À travers les exemples de Bordeaux, Paris et San Francisco, nous observons différentes façons de construire des objets graphiques intersections répondant à des objectifs distincts. Dans les trois cas, les objets graphiques intersections sont construits à partir de l’emprise totale de la voirie, soit,

129 des chaussées et de leurs dépendances. Nous avons observé précédemment que la Municipalité de Paris a décomposé, dans sa base de données, les chaussées des trottoirs (Cf. 5.2, p. 107). Ainsi, pour Paris, l’objet graphique intersection une fois construit (Figure 6-11 a) est décomposé en plusieurs objets graphiques à savoir des objets graphiques intersections trottoirs et un objet graphique intersection chaussée (Figure 6-11 b).

Sources : SIG – Paris 2019 Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-11 – Décomposition des objets graphiques intersection

En dehors de l’étape supplémentaire identifiée pour les données de Paris, la construction des bases de données des trois Municipalités, Bordeaux, Paris et San Francisco répond à la même logique, c’est-à-dire, identifier et construire des objets graphiques intersections sur l’ensemble de l’emprise de la voirie et pouvant être par la suite décomposés selon les éléments constitutifs de la voirie. Une autre logique consiste à construire des objets graphiques intersections qui décomposent la chaussée aux intersections en plusieurs sous-objets graphiques.

6.2.4. L’intersection modélisée en plusieurs objets graphiques indépendants

La Municipalité de Montréal présente un cas particulier de modélisation des objets graphiques intersections. D’abord, comme pour Paris, Montréal a choisi de décomposer la voirie en éléments constitutifs, à savoir la chaussée et des dépendances dont les trottoirs et les îlots directionnels. (Figure 6-12 a).

Ensuite, contrairement aux trois exemples précédents, les objets graphiques intersections sont construits non plus à partir de l’emprise totale de la voirie, mais uniquement à partir de l’emprise des chaussées (Figure 6-12 b).

Enfin, l’objet graphique intersection de chaussée est décomposé en plusieurs sous-objets graphiques (Figure 6-12 c). Plus précisément, l’intersection est découpée en autant d’objets graphiques que de tronçons y débouchant. Des échanges avec la division géomatique du service

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des infrastructures du réseau routier nous éclaire sur ce choix. Cette représentation facilite l’identification des parties d’intersection à traiter lors des opérations d’entretien courant, notamment, de nettoyage et de déneigement.

Sources : Service des infrastructures du réseau routier – Division de la géomatique de la ville de Montréal, 2019 Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-12 – Montréal : Construction des objets et sous-objets graphiques intersection

Montréal suit pour ses tracés de limite de voirie au niveau des intersections de voirie des angles pointus ou arrondis selon les quartiers. Les objets graphiques intersections dans la base de données sont construits uniquement dans les limites des chaussées. Par ailleurs, les limites entre chaussées et trottoirs sont quasi exclusivement arrondies. Le choix opéré par la Ville de Montréal coïncide avec le cas des quartiers sinueux de San Francisco. Les sommets des arrondis sont reliés pour former les limites de l’emprise de l’intersection.

Les limites des emprises des intersections en T et Y sont identifiées selon la même logique avant d’être découpées en autant d’objets graphiques que de tronçons de voirie débouchant sur l’intersection, soit trois objets graphiques (Figure 6-13 a et b). Les intersections en étoile sont, quant à elles, traitées comme étant des combinaisons des trois cas principaux (X, T et Y). Le résultat dépend alors directement de la combinaison inhérente à ces intersections (Figure 6-13 c). Les intersections proches sont traitées de la même façon qu’à Bordeaux et San Francisco. Chaque intersection reste indépendante quelle que soit la distance séparant ces intersections.

131 Sources : Service des infrastructures du réseau routier – Division de la géomatique de la ville de Montréal, 2019

Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 6-13 – Exemples de modélisations des intersections en T / Y et étoile (Montréal)

Synthèse II.2

Les exemples de Victoria, Copenhague, Bordeaux, Paris, San Francisco et Montréal sont représentatifs des modélisations surfaciques existantes. Ces modélisations sont basées sur la décomposition en éléments constitutifs de la voirie, en d’autres termes, sur la construction de données présentant des granularités sémantiques différentes. Jusqu’à présent aucune analyse de données issues d’autres territoires n’a remis en question cette taxonomie.

Nous constatons qu’au-delà de la décomposition en éléments constitutifs de la voirie vue précédemment (Cf. 5.2, p. 107), les modélisations analysées dans ce chapitre répondent à des problématiques différentes selon qu’elles identifient ou non les intersections :

– une modélisation agrégeant l’ensemble de la voirie, et de ce fait, ne permettant pas de distinguer les tronçons de voirie des intersections, renseigne sur l’emprise globale de la voirie sur un territoire. C’est le cas pour la base de données de Victoria ;

– une modélisation rattachant les intersections en respectant la continuité des voies principales renseigne sur l’emprise de la voirie selon une hiérarchie administrative par exemple. C’est le cas pour Copenhague ;

– une modélisation distinguant les intersections des tronçons de voirie répond d’une part à un besoin de dimensionnement des intersections de voirie (sélection des matériaux et choix des types et épaisseurs des structures) de façon à ce que ces espaces supportent les sollicitations de freinage et tangentielles, d’autres part à des besoins métiers divers selon les choix de construction des objets graphiques intersections :

o mettre en relation les objets graphiques intersections avec des réseaux enterrés tels que l’éclairage public ou la signalisation (Paris) ;

o faciliter les opérations d’entretien quotidien telles que le nettoyage et le déneigement (Montréal).

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Les exemples analysés ont par ailleurs montré l’importance de respecter deux règles principales, et ce, quelle que soit la modélisation choisie :

– sélectionner une généralisation adaptée aux objectifs de la base de données ;

– spécifier les règles de construction de façon à obtenir une base de données cohérente et homogène sur l’ensemble du territoire traité.

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7. Proposition méthodologique : construire une base de données géographique

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