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des différentes conceptions

1.1. L’origine du terme « voirie routière »

1.1.1. La nature de la voirie

Le mot voirie vient du latin via, la voie, et fait référence historiquement aux voies de circulation naturelle. Aujourd’hui, il comprend les voies pouvant être routières ou pédestres, ferroviaires, fluviales ou aériennes. En effet, le mot, dans son sens étymologique regroupe les espaces liés à la circulation sans plus de spécifications.

Dans l’Antiquité, la voirie était déjà une infrastructure clé pour l’aménagement d’un territoire. Comme aujourd’hui, elle avait pour objectif de faciliter la circulation et d’améliorer l’accès à différents lieux. Elle favorisait également la circulation des idées et avancées scientifiques, des courants artistiques ou des théories philosophiques et religieuses, ainsi que la circulation des armées et du commerce (Staccioli 2003). Les civilisations antiques ont développé un vocabulaire précis permettant de décrire la voirie, dans le but notamment d’en assurer la gestion. Les romains, par exemple, avaient mis en place une typologie des voies selon leur importance et leur fonction : iter (le sentier), actus (le chemin), et via (la voie), telle que la via Appia (voie Appienne) reliant Rome à la ville portuaire de Brundisium (Brindisi). Chacune possédait des règles spécifiques de circulation liées à leurs configurations. Ainsi, les sentiers n’étaient pas praticables pour les bestiaux, contrairement aux voies plus larges, lesquelles permettaient également les déplacements à cheval, ou en voiture (char). Nous verrons par la suite que des typologies fonctionnelles et hiérarchiques perdurent aujourd’hui pour décrire la voirie. Au VIème siècle, les lois de l’Empereur Justinien recelaient d’autres éléments de définition sur la voirie romaine. Nous y observons, par exemple, une distinction entre la voirie privée et la voirie publique, notion permettant d’organiser

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l’imposition pour son entretien (Ortolan 1857). Cette distinction entre la voirie privée et publique existe encore aujourd’hui (Cf. 1.2, p. 47).

Au fil des siècles, la configuration des voies a évolué, aussi bien par des élargissements, de nouveaux revêtements, que de nouveaux types de voies avec l’émergence de transports tels que les voies ferroviaires ou aériennes. Remonter à l’Antiquité renseigne sur l’origine des termes, mais ne permet pas d’avoir une image claire de ce que recouvre le terme actuel. L’essor des moyens de transport modernes et motorisés tels que la voiture individuelle, les poids lourds, ou les bus a conduit à une réorganisation structurelle de la voirie. Dans le même temps, une réflexion sur son aménagement a été initiée afin de la partager entre les différents usagers et modes de transport. Un retour au XIXème siècle, avant l’avènement de l’automobile, nous permet de mieux appréhender ces changements et ce qu’ils ont entrainé en termes d’organisation.

1.1.2. La hiérarchisation administrative de la voirie

Le traité de la voirie urbaine et rurale, ou des chemins et des rues communaux (Isambert 1825) vise à présenter de façon exhaustive l’état de la voirie française et des règlementations qui la régissent au début du XIXème siècle. La première information donnée porte sur le terme vicinalité développé au XVIème siècle, lequel renvoyait aux chemins reliant des bourgs voisins. Voirie a ensuite remplacé progressivement vicinalité, et s’est imposé dans le langage courant pour désigner l’ensemble des voies de communication. La seconde information porte sur la classification de cette voirie. Ainsi, selon Isambert, la grande voirie se composait des voies de communications terrestres et fluviales principales structurant le pays tandis que la petite voirie regroupait les voies de communication innervant localement des territoires.

Grande et petite voiries terrestres non ferroviaires décrites par Isambert ont été unifiées au XIXème siècle sous la dénomination de voirie. Sa description contient quatre niveaux présentés dans le Tableau 1-1. Le premier niveau est composé des routes royales de 1ère et 2ème classes. Celles-ci sont d’intérêt national dans la mesure où elles relient la capitale avec les extrémités du royaume et les grandes villes. Le second niveau regroupe les routes royales de 3ème classe. Elles relient les villes des départements et présentent de ce fait un intérêt régional ou départemental. Le troisième niveau correspond à la petite voirie irriguant les bourgs et villages. Le dernier niveau se compose de la voirie d’intérêt privé.

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Tableau 1-1 – Classification de la voirie à partir de ISAMBERT, 1825

Type voirie Type d’axe

La grande voirie – composée des grandes voies de communication terrestres (y compris voies fluviales)

Routes royales 1ère classe sont les communications entre la Capitale et les extrémités du Royaume.

Routes royales 2ème classe sont les communications entre la Capitale et les grandes villes des départements.

Rivières et fleuves navigables ou flottables

Dépendance de la grande voirie Routes royales de 3ème classe relient les villes des départements. Les chemins de fer

La petite voirie ou voirie communale Rues et places des villes, bourgs et villages Chemins vicinaux

Hors grande et petite voirie Marchepieds ou chemins de halage et contre-chemin de halage, donnant accès aux bords de cours d’eau.

Les chemins à usage exclusivement militaires : les Chemins couverts, remparts, parapets, terrains de fortification des places de guerre, postes militaires

Les chemins à travers la forêt Autre chemins privés

Sources : Isambert 1825

À partir de 1926, les voies fluviales, ferroviaires et routières sont distinguées dans le cadre d’un décret-loi encadrant toutes les infractions à la circulation et à la dégradation de la voirie routière (Décret du 28 décembre 1926 1926). Les voies fluviales forment alors avec la voirie ferroviaire ce que l’on appelle encore aujourd’hui la grande voirie, tandis que les autres voies terrestres composent la voirie routière. Les voies routières sont les plus présentes, avec plus d’1 million de kilomètres contre 30 000 km pour les voies ferrées et 8 500 km pour les voies fluviales (Routes de France 2018). Ainsi, le terme voirie fait le plus souvent référence aujourd’hui aux voies terrestres non ferroviaires. Compte tenu de la généralisation du terme voirie pour parler de la voirie routière, nous adopterons ici cette simplification.

La typologie d’Isambert rappelle la classification des routes utilisée aujourd’hui, c’est-à-dire les routes nationales, départementales et communales. Sangaré et Thibault en 1996 décrivaient la voirie à partir de ces trois niveaux en y ajoutant, comme Isambert, un quatrième. Dans ce cas contemporain, il ne s’agit pas d’intégrer la voirie d’intérêt privé, mais de dissocier le niveau national selon son mode de gestion (Etat ou concession). Le premier niveau découle des schémas d’aménagement du territoire à l’échelle nationale. Il s’agit des autoroutes, lesquelles peuvent être concédées à de grandes entreprises du secteur privé. Les autoroutes représentent 12 300 km, soit 1% du linéaire de la voirie française. Le second niveau, géré par l’Etat, constitue la voirie structurante du territoire national en reliant notamment les capitales régionales. La voirie nationale se compose de 8 200 km, soit 1% du linéaire de voirie du pays. Le troisième, de gestion

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départementale, présente un rôle similaire au précédent en reliant les communes d’un département. La voirie départementale compte 379 700 km, soit 35% du linéaire de voirie. Enfin le niveau communal organise la trame locale. La voirie communale est la plus importante avec 687 800 km, soit 63% du linéaire de voirie (Routes de France 2018).

Les similitudes entre la typologie d’Isambert, et celle proposée par Sangaré et Thibault s’expliquent par le fait qu’il existe des correspondances entre les différentes classes (Tableau 1-2). Ainsi, les routes royales de 1ère et 2ème classes sont devenues soit des routes nationales ou des autoroutes, soit des routes départementales de par le déclassement (de certaines nationales) opéré depuis les années 1970 (Offner 2004). Les routes Royales de 3ème classe déjà nommées départementales sont restées de la responsabilité des départements sous la même dénomination. Enfin, la petite voirie est formée de l’actuelle voirie communale.

Tableau 1-2 – De la classification d’Isambert à la classification contemporaine

Typologie d’Isambert début XIXème siècle Typologie Sangaré et Thibault fin XXème siècle

Niveau 1 (Grande voirie)

Routes royales 1ère classe relient la Capitale et

les extrémités du Royaume. Niveau 1 Autoroutes

Routes royales 2ème classe relient la Capitale

et les grandes villes des départements. Niveau 1 bis Routes nationales Niveau 2

(Dépendance de la Grande voirie)

Routes royales de 3ème classe relient les villes

des départements. Niveau 2 Routes

départementales

Niveau 3 (Petite

voirie)

Rues et places des villes, bourgs et villages

Niveau 3 Routes communales Chemins vicinaux

Niveau 4 (Autre

voirie)

Marchepieds ou chemins et contre-chemin de halage, donnant accès aux cours d’eau.

Hors typologie Les routes et chemins privés

Les chemins à usage exclusivement militaires Les chemins à travers la forêt

Autre chemins privés

Sources : Isambert 1825 ; Sangaré et Thibault 1996

Cette analyse de textes historiques a permis de revenir sur l’origine du terme voirie et sur celle de l’association voirie routière. De plus, la présentation et la mise en relation des typologies de voirie du XIXème siècle et contemporaine met en évidence l’existence de plusieurs voiries routières. Ces voiries ont des rôles différents selon les territoires qu’elles relient. En nous appuyant sur le sens originel de la voirie, et sur son évolution, nous posons que la voirie renvoie à l’ensemble des espaces liés à la circulation terrestre hors espaces ferroviaires. Une analyse du cadre règlementaire permettra ensuite de préciser ce qu’est la voirie routière.

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