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voirie urbaine ?

4.3. Un processus de modélisation de la voirie en géomatique

Une démarche modélisatrice se voulant adaptative, il est essentiel de s’appuyer sur les connaissances et les outils connus et déjà déployés au sein des structures des intervenants visés, à savoir dans notre travail de thèse les collectivités territoriales gestionnaires de voirie.

En France, les collectivités territoriales se sont dotées il y a plusieurs décennies d’outils de la géomatique. Roche (1997) indiquait que les collectivités avaient trouvé en ces outils des alliés pour « optimiser leurs interventions sur l’espace dont elles ont la charge ». Parmi ces outils, les SIG sont les plus connus et les plus plébiscités par les collectivités. Les SIG ont diverses définitions selon les pays et les spécialistes qui les emploient. Pour certains, comme au Canada, le terme SIG désigne essentiellement les outils utilisés pour assurer quatre fonctions principales : la saisie et l’acquisition de données, leur stockage et leur gestion, leur analyse et enfin leur représentation graphique. En France, les SIG désignent à la fois les outils, les projets informatiques et le système d’information (Pornon 2015).

Roche (1997) soulignait que l’émergence au début des années 1990 de ces outils d’information et de communication avait soulevé des questions quant à leur rôle et leur utilité pour l’aménagement, ainsi que leur effet sur les dynamiques spatiales. Pour autant, en comparaison à la cartographie statique utilisée jusqu’alors, les SIG ont apporté des fonctionnalités qui ont prouvé leur utilité : le changement dynamique de lieu et d’échelle, ou encore des modes de représentation. De plus, contrairement aux systèmes d’information classiques, les SIG se sont illustrés en produisant une projection spatiale des questions et informations traitées. En d’autres termes, ils permettent de positionner à l’aide d’un référentiel spatial les objets géographiques étudiés dans leur environnement géographique. En conclusion, les SIG apportent un regard nouveau sur les phénomènes et objets géographiques, et aident à la compréhension et la maitrise de l’espace étudié.

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À la fin des années 1990 et au début des années 2000, les SIG se sont démocratisés. Mineau (2003) relevait qu’en 1998 77% des villes de plus de 100 000 habitants disposaient de leur SIG. Le niveau de couverture décroissait ensuite en même temps que la taille des villes. Ainsi, 64% des villes de 50 000 à 100 000 habitants disposaient d’un SIG contre 14% pour les villes de 10 000 à 50 000 habitants ou encore 6% pour les villes de 5 000 à 10 000 habitants. Ainsi, les collectivités ont largement investi dans ces outils, et parfois plus par effet de mode que pour répondre à un besoin réellement identifié.

Les SIG ont été développés autour d’une réflexion principalement planimétrique du territoire. En effet, leur objectif initial était de permettre le positionnement relatif des objets géographiques par rapport aux autres sur un même territoire. Depuis la fin des années 2000, les SIG connaissent une transformation progressive visant à intégrer la troisième dimension dans leur représentation. Le développement de la 3D dans les SIG est probablement lié au rapprochement de la géomatique avec certaines disciplines telles que l’aménagement du territoire. Les aménageurs intervenant en lien avec les architectes, ont davantage été habitués à la représentation en 3D. De par leurs activités, les architectes ont recours à des outils informatiques permettant cette représentation : d’abord les outils de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) et plus récemment le Building Information Modeling (BIM) (Cristia, Zalio, et Guéna 2018).

Nous observons en parallèle du développement du BIM un engouement en géomatique pour la modélisation 3D, et notamment dans le cadre de questionnements autour du développement urbain (Siret et al. 2006 ; Banaszak et Koehl 2008 ; Miklasz 2018). Bien que des études et programmes de recherche soient aujourd’hui en cours sur cette question, une modélisation entièrement 3D pour un territoire aussi vaste qu’une ville n’est pas envisageable. D’abord, quel que soit l’outil, nous ne disposons pas encore d’une librairie d’objets graphiques nécessaire à ces outils qui soit complète. Malgré cette limite, certaines collectivités tentent de développer une modélisation 3D de leur voirie en empruntant au BIM de façon à produire ce que l’on peut appeler un City Information Modeling (CIM), c’est le cas des services de voirie du Département du Val-de-Marne. Lors de différents échanges que nous avons eus avec eux, nous avons observé des blocages quant à la disponibilité des librairies d’objets graphiques et au développement de normes permettant de modéliser en 3D les éléments de voirie. Ensuite, le déploiement d’outils permettant la modélisation 3D, et les compétences à acquérir nécessitent des investissements aussi bien en temps qu’en finances. Une majorité de collectivités n’est pas en mesure d’investir dans ce domaine, d’autant plus que beaucoup ont déjà investi au cours des dernières années dans les SIG. Au-delà, grâce à leur déploiement important, les SIG permettent aujourd’hui de disposer de nombreuses informations spatiales décrivant l’environnement géographique des phénomènes que l’on souhaite étudier.

93 En nous appuyant sur une démarche modélisatrice adaptative, nous avons développé un processus de modélisation lui-même adaptatif (Figure 4-3). En effet, notre processus de modélisation est ouvert, dans le sens où il consiste à s’appuyer sur les moyens des organismes impliqués. Pour notre processus de modélisation, nous avons décidé de nous appuyer sur les moyens dont disposent et qu’utilisent les collectivités territoriales en limitant les investissements humains, financiers et matériels. Toutes les collectivités ne sont pas au même niveau : une majorité dispose de SIG, quelques-unes développent le BIM / CIM et d’autres moins avancées ne disposent d’aucun outil numérique, ou utilisent des supports limités de gestion de données tels que des tableurs. Nous avons donc souhaité un processus de modélisation évolutif afin d’être en mesure d’aider les moins munis à faire leurs premiers pas, tout en proposant aux plus outillés des méthodes pour progresser. Enfin, nous voulions que notre processus de modélisation soit anticipateur afin de pouvoir intégrer des solutions en développement. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les outils les plus déployés, les SIG, tout en prévoyant l’intégration de nouvelles configurations telles que la 3D.

Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 4-3 – Un processus de modélisation adaptatif

Synthèse I.4

Dans le cadre de nos travaux (Figure 4-4) nous nous inscrivons dans une approche de constructibilité et nous proposons de contribuer à une amélioration des performances de l’ouvrage voirie en améliorant la co-gestion de la voirie et des réseaux techniques à l’aide d’un référentiel spatial de voirie.

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Pour cela, nous avons adopté une démarche modélisatrice qui s’appuie sur la dimension adaptative de la modélisation accompagnatrice. Cela nous a conduit à mettre en place un processus de modélisation adaptatif :

– Evolutive en s’adaptant au niveau d’avancement des collectivités territoriales.

– Anticipatrice en s’adaptant aux solutions actuelles mais aussi aux solutions en développement.

– Ouverte en s’adaptant aux capacités humaines, techniques et financières des collectivités. Ce processus de modélisation s’appuie sur les besoins des différents intervenants, et sur une confrontation systématiquement de la modélisation à la réalité. Notre processus de modélisation est développé autour des SIG, qui sont aujourd’hui des outils numériques largement déployés dans les collectivités territoriales gestionnaires de voirie et pertinents pour cette recherche.

Auteur : A. Pavard, 2020

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Conclusion Partie I

Cette première partie principalement bibliographique a mis en exergue trois éléments fondamentaux de notre travail de recherche :

– sur quoi notre recherche porte, c’est-à-dire, la définition et le périmètre de la voirie ; – à qui notre recherche s’adresse, en ciblant les gestionnaires de voirie ;

– comment nous avons mené nos recherches, en présentant l’approche que nous avons suivie.

Dans le cadre d’une réflexion sur les interactions spatiales et structurelles entre voirie et réseaux techniques, nous avons choisi de mettre au centre de nos travaux la voirie urbaine, laquelle accueille la majorité des réseaux techniques enterrés. Nous avons alors défini la voirie urbaine comme :

L’ensemble des infrastructures privées et publiques (Cf. 1.2, p. 47) destinées à la circulation terrestre hors infrastructures ferroviaires, et traversant une agglomération selon des critères administratifs (Cf 1.3, p. 48). L’infrastructure est composée d’un élément central sur lequel circulent généralement des véhicules motorisés : la chaussée. Autour, des dépendances et des équipements sont aménagés afin qu’elle assure ses différentes fonctions (Cf. 1.2, p. 47).

Puisque notre problématique porte aussi bien sur les dimensions spatiales que structurelles de la voirie, nous avons ensuite défini l’objet géographique et technique voirie selon deux champs d’études :

– Le génie urbain conduisant à percevoir la voirie dans ses dimensions planimétriques en identifiant ses différents éléments constitutifs et leurs aménagements, tels que les chaussées, les espaces cyclables, les trottoirs ou encore les stationnements. C’est aussi cette approche qui permet d’analyser le positionnement des réseaux techniques par rapport aux voiries.

– Le génie civil prenant davantage en compte la conception verticale de la voirie, et notamment par l’intégration de ses structures en sous-sol avec la nature des matériaux et leurs épaisseurs. Cette approche de génie civil permet ainsi d’analyser les dégradations des voiries en fonction des matériaux choisis et la présence ou non de réseaux techniques.

Au-delà, nous avons constaté que la voirie urbaine est un espace géré par de nombreux gestionnaires. Elle relève de différentes juridictions selon son classement : national, départemental, communal ou intercommunal. Ensuite, puisqu’elle est multifonctions, d’autres intervenants sont concernés par l’infrastructure. Ces fonctions impactent la voirie au cours du

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temps, du fait des aménagements qu’elles nécessitent, par la maintenance des aménagements ou tout simplement par les activités qu’elles engendrent. La mise en place d’une démarche modélisatrice permettant d’optimiser la co-maintenance des voiries et réseaux doit alors tenir compte de la diversité des intervenants sur voirie et la complexité de leurs relations. Pour cela, il nous a semblé pertinent d’identifier les intervenants les plus légitimes pour revêtir le rôle de coordinateur, et de les mettre au centre de notre démarche : ces intervenants sont les gestionnaires de voirie, objet central de notre travail. Ils ont déjà de façon implicite un rôle de coordinateur des interventions sur le domaine routier. Par ailleurs, les réseaux techniques passant sous la voirie, les gestionnaires de réseaux sont obligés de se référer aux gestionnaires de voirie pour intervenir sur leurs infrastructures.

Finalement, nous replaçons notre travail dans le champ disciplinaire de la constructibilité dans la mesure où notre démarche a pour objectif d’améliorer les performances de la voirie sur toute sa durée de service en optimisant les interventions et ainsi d’optimiser le coût global de cette voirie. Pour cela, nous développons à travers les parties suivantes un référentiel spatial de voirie à l’aide d’une modélisation accompagnatrice s’appuyant sur les SIG et se voulant évolutive, anticipatrice et ouverte.

99 « La route se présente comme un territoire dont il faut prendre en compte les multiples dimensions. Elle ne peut être considérée uniquement du point de vue de ceux qui la parcourent, qu’elle soit conçue comme un itinéraire qui mène d’un point à un autre ou de façon plus réaliste comme un écheveau de voies qui reflète les aléas du cheminement. Elle existe également pour les populations locales qui cohabitent quotidiennement avec l’axe routier et pour qui elle est une source de revenus et de contraintes. Elle a enfin une importance fondamentale pour les différents pouvoirs qui tiennent à s’en assurer le contrôle. » (Céline Perol, Comment penser la route ?, 2007)

Partie II : Modéliser l’implantation en sursol de la voirie

urbaine : pourquoi et comment construire des objets

géographiques voirie pour les SIG ?

Conclusion Partie I

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Introduction

L’objectif de cette partie est de présenter notre démarche pour développer un référentiel spatial de voirie permettant d’améliorer la gestion et la maintenance de l’infrastructure. La Figure 2 illustre l’organisation de cette partie en quatre chapitres :

– Dans un premier chapitre nous analysons les différentes modélisations et représentations de la voirie dans les SIG, afin d’expliciter notre choix d’une représentation surfacique de la voirie.

– Dans un deuxième chapitre, nous analysons des bases de données (BD) surfaciques de voirie à travers des exemples nationaux et internationaux : Victoria et Montréal au Canada, San Francisco aux USA, Copenhague au Danemark, ainsi que Bordeaux et Paris en France. Ceci permet d’identifier les choix constructifs les plus pertinents pour une BD de voirie adaptée à la gestion et à la maintenance des voiries. Une étude spécifique est menée sur les intersections et leur représentation.

– En troisième chapitre, nous définissons et développons une méthode générique pour construire des objets graphiques surfaciques de voirie. Les résultats de cette méthode sont comparés avec ceux d’une autre méthode couramment utilisée par les collectivités, ainsi qu’avec une donnée de référence.

– En dernier chapitre, nous concevons et proposons une méthode générique pour construire des tronçons surfaciques de voirie cohérents avec les tronçons linéaires existants. Ceci devra faciliter le transfert d’informations associées aux objets graphiques linéaires et surfaciques des BD de voirie.

Auteur : A. Pavard, 2020

Figure 2 – Schéma d'organisation de la Partie II

Les méthodes proposées en chapitres 7 et 8 sont présentées par une application sur une commune de l’agglomération parisienne (Cachan – Val de Marne), notre cas d’étude. Ce choix repose sur :

Introduction

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– La proximité : L’IRC est implanté sur le territoire de Cachan. Dans une démarche modélisatrice d’accompagnement, la proximité permet de confronter rapidement nos résultats aux observations « terrain ».

– La variété des voiries : La voirie de Cachan est dense et diversifiée en termes d’aménagements.

– La disponibilité de données voiries (collectés ou fournis) : les analyses thématiques nécessitent de disposer d’un référentiel spatial de voirie opérationnel. Nous justifierons ce choix plus précisément en quatrième partie.

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5. La voirie, des objets géographiques à leur représentation dans les SIG

Les acteurs de la voirie identifiés en première partie ont des acceptions différentes de l’infrastructure selon l’usage qu’ils en ont ou pour lequel ils interviennent (Cf. Partie I, 1.4, p. 51). De ces acceptions découlent des modélisations différentes de la voirie. Alors que certains s’intéressent aux axes de circulation d’autres se focalisent sur le volume à aménager en sursol, ou encore le volume occupé sous le sol par les différentes couches de l’infrastructure. À partir de ces conceptions de la voirie, les géomaticiens construisent des bases de données géographiques exploitables sous SIG.

Dans ce chapitre, notre objectif est d’analyser les représentations – dans les SIG – de la voirie, utiles aux différents acteurs selon leurs besoins, avant de proposer une représentation adaptée à la gestion de la voirie et des réseaux enterrés :

1) Dans une première section, nous présentons la représentation de la voirie la plus utilisée. Il s’agit d’une représentation adaptée à la gestion des mobilités.

2) Dans une deuxième section, nous présentons une représentation de la voirie adaptée aux besoins de l’aménagement en sursol de l’infrastructure.

3) Dans une dernière section, nous présentons une représentation de la voirie adaptée à la gestion de l’infrastructure en sous-sol et en sursol.

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