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voirie urbaine ?

3.1. La gestion des voiries urbaines : une gestion individuelle ou mutuelle ?

La compétence voirie se décompose en trois volets : – la création avec l’acquisition de terrain pour une nouvelle construction ou le reclassement d’une voie ; – l’aménagement par l’élargissement, le redressement, ou l’établissement d’un plan d’alignement de la voirie ; – l’entretien par l’exécution des travaux nécessaires au maintien en bon état des voies (Diamédo et al. 2013). Cette compétence est passée d’une administration à une autre au rythme d’une règlementation marquée par des luttes d’enjeux entre les différents échelons territoriaux. L’histoire de cette évolution a laissé une empreinte nette sur l’organisation des compétences de voirie aux différents échelons administratifs. Bien que nous nous concentrions ici sur l’organisation actuelle, il a été nécessaire d’analyser l’évolution de ces compétences et de leurs transferts afin de mieux comprendre les relations entre les différents gestionnaires (Cf. Annexe B, p. 311).

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La Figure 3-1 schématise l’organisation actuelle des compétences de voirie selon l’échelon administratif auquel appartient la voirie. Ainsi, nous identifions une logique différente selon que la voirie est localisée en milieu urbain ou non.

Auteur : A.Pavard, 2018

Figure 3-1 – Gestion de la voirie depuis les années 1990

Pour la voirie hors milieu urbain, celle relevant de l’échelon national est gérée par les directions interdépartementales des routes (DIR) créées par la loi des libertés et responsabilités locales de 2004 (Loi n°2004-809 2004). Les DIR dépendent du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (aujourd’hui, Ministère de la Transition écologique et solidaire), et sont en charge de l’entretien de la voirie et donc de proposer les travaux permettant d’assurer la bonne tenue de l’infrastructure. La loi de 2004 a également conduit à un déclassement de la voirie nationale en voirie départementale, et a accordé toute latitude aux départements quant à leur gestion. L’Etat conserve aujourd’hui dans son patrimoine uniquement la voirie n’ayant pas vocation départementale et celle devant rejoindre ultérieurement le domaine public communal. Dans le cas des collectivités, régions et départements d’outre-mer, un déclassement a également été réalisé vers le niveau administratif équivalent aux régions, ceci dans la perspective de donner plus d’autonomie à ces territoires. En outre-mer, la voirie nationale est devenue voirie territoriale. La voirie départementale reste du ressort des départements, lesquels bénéficient de services techniques compétents pour la gestion des travaux. À ce titre, le projet prévisionnel de la loi NOTRe de 2015 envisageait de transférer la compétence voirie des départements vers les régions. Cette idée a en définitive été abandonnée et le pouvoir des départements s’en est vu au contraire

75 renforcé (Loi n°2015-991 2015). En revanche, puisque les régions ont une vue d’ensemble de leur territoire et donc des enjeux en termes de transports, celles-ci ont conservé un droit de regard sur les projets de construction et d’entretien de la voirie à enjeu régional. Par ailleurs, les régions ont gagné en compétence dans la gestion des transports publics. Cette compétence relative aux transports publics n’est pas sans lien avec la voirie dans la mesure où certains transports ont besoin de l’infrastructure routière, et notamment d’aménagement spécifique, tel que pour les bus en site propre.

Pour la voirie en milieu urbain, plusieurs cas se présentent. En 1989, une loi a conforté les compétences du maire quant à la voirie traversant sa commune, et plus précisément en agglomération (Loi n°89-413 1989). Le Code de la voirie routière (1989c) routière indique depuis qu’à « l’intérieur des agglomérations, le maire assure la coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des voies publiques et de leurs dépendances, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l’Etat sur les routes à grande circulation ». Par ailleurs, il revient au maire selon le code de la route de fixer les limites de l’agglomération (Cf. 1.3, p. 48). Ces aménagements législatifs tendent à complexifier la gestion des voiries départementales et nationales lorsque celles-ci traversent l’agglomération. En effet, si les départements et l’Etat restent propriétaires, et donc responsables de l’entretien de leur voirie, le maire doit exercer son rôle de police de l’ordre public. Ainsi, comme le relevaient Lucas et al. (1995), le maire a le devoir d’assurer la sûreté et la commodité des passages en agglomération, et ce quel que soit le niveau administratif de la voirie. Pour cela, il doit réaliser les aménagements pour la sécurité des usagers, et s’assurer du bon fonctionnement des équipements tels que la signalisation ou l’éclairage. Par ailleurs, il a l’obligation de doter les sections de voirie d’un trottoir ou d’un accotement. En d’autres termes, la commune est responsable d’une partie de la voirie, alors même que celle-ci relève du domaine public d’une autre entité. Et ce, dans le sens où elle doit gérer, c’est-à-dire créer, aménager et entretenir les dépendances, dont les trottoirs.

La loi NOTRe a également eu plusieurs impacts sur la voirie communale et plus généralement sur la voirie urbaine. D’abord, comme pour la voirie départementale, elle confère aux régions un droit de regard dès lors qu’il s’agit d’une voirie à enjeu régional. Ensuite, elle a permis d’achever la couverture du territoire français par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, tout en limitant leur nombre par le jeu des fusions. La France connait depuis le début des années 1980 un processus de décentralisation visant à donner davantage de compétences de gestion aux collectivités territoriales locales, notamment en développant les EPCI. Ce processus a introduit un nouveau niveau de voirie, la voirie d’intérêt communautaire. La voirie nouvellement créée au sein et par une intercommunalité est classée en tant que voirie communautaire comme l’indiquait en 2002 le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et

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des libertés locales (Sénat 2002). En définitive, la loi NOTRe a eu pour effet de réduire le nombre d’EPCI de 39% en favorisant les regroupements des plus petits EPCI, et ce entre 2016 et 2017, soit en seulement une année (Tableau 3-1). Ainsi, cette diminution est principalement enregistrée parmi les communautés de communes qui ont diminué à hauteur de 45%. Dans le même temps, les Métropoles et les Communautés urbaines ont vu leurs compétences renforcées. Notamment, le transfert de certaines compétences de voirie est devenu obligatoire. Pour autant, nous observons que même si ces compétences devraient échoir par obligation aux intercommunalités, la réalité sur le terrain est différente. Par exemple, la Métropole de Paris est décomposée en 12 Etablissements Publics Territoriaux (EPT). Chaque EPT récupère les compétences de la métropole pour les communes qui le composent. L’EPT du Grand-Orly Seine Bièvre est composé de 24 communes des départements du Val-de-Marne et de l’Essonne. Selon la législation, l’EPT devrait disposer de la compétence voirie pour l’ensemble de ces 24 communes, or, selon le site internet de l’établissement public, seules 13 communes ont transféré ces compétences (grandorlyseinebievre.fr 2016). Cette situation n’est pas isolée. En effet, au cours de nos travaux de recherche, nous avons rencontré des responsables de services de voirie de différentes collectivités territoriales locales : – de la commune de Drancy (71 000 hab.) dans le département de Seine-Saint-Denis et appartenant à l’EPT Paris Terres d’Envol ; – de la commune du Perray-en-Yvelines (7 000 hab.) appartenant à la communauté d’agglomération de Rambouillet Territoires. Pour la commune du Perray-en-Yvelines, les échanges menés ont mis en évidence une crainte de perdre une compétence et avec elle le contrôle d’un élément structurel important de l’espace urbain.

Tableau 3-1 – Groupements intercommunaux (EPCI fiscalité propre)

EPCI fiscalité propre 2016* 2017* Evolution Compétence voirie

Métropoles (y compris Lyon) 14 15 8% Compétences obligatoires (depuis 2010) : - Voirie communale : Création,

aménagement et entretien

- Voirie départementale : Gestion des

routes et dépendances et accessoires.

Communautés urbaines 11 15 36% Compétences obligatoires (depuis 1966) :

- Voirie communale : voirie et

signalisation Communautés

d’agglomération

196 218 11% Compétences optionnelles (depuis 1992) : - Voirie communale : la création,

l’aménagement et l’entretien Communautés de communes 1 842 1 019 -45%

Total 2 062 1 266 -39%

* France métropolitaine et territoires d’outre-mer

77 Cette analyse des intervenants gestionnaires de la voirie et leur évolution dans le temps, permet de comprendre la complexité de l’organisation de la gestion de cette infrastructure. Comme nous l’observons à travers la structure mise en place suite à la décentralisation, le rôle de chaque échelon territorial n’est pas toujours clairement identifiable. Ceci est d’autant plus vrai lorsque la voirie considérée se trouve en agglomération, c’est-à-dire lorsqu’il est question de la voirie urbaine. Le développement et l’empilement des structures intercommunales a renforcé cette complexité et contribue aujourd’hui au flou persistant quant à savoir qui gère quoi. Par ailleurs ce processus amorcé il y a quelques décennies maintenant, est un processus lent et par étape, entrainant de ce fait une multitude de situations.

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