• Aucun résultat trouvé

des différentes conceptions

1.4. Différentes approches de la voirie urbaine

La voirie forme un patrimoine, c’est-à-dire qu’elle est un bien immobilisé et exploité par une organisation afin d’assurer un service, tel que permettre la mobilité (Nafi et Tourment 2016). De nombreuses activités s’appuient sur ce patrimoine, ce qui en fait un espace sur lequel plusieurs acteurs interviennent. Parmi eux figurent les gestionnaires de l’infrastructure (collectivité publique ou organisation privée) ; ou encore les acteurs s’intéressant aux services tels que les organismes de transport. Plus largement, Faivre d’Arcier, Christory, et Mignot (1993) replaçaient la voirie dans le cadre de différents champs thématiques. Les mêmes auteurs identifiaient sept approches renvoyant à différentes perceptions de la voirie et donc à différents groupes d’acteurs ou spécialistes de la voirie (Figure 1-1). Il s’agit des approches morphologique, fonctionnaliste, planificatrice et décisionnelle, économiste, structurelle, ainsi que génie civil et urbain.

Sources :Faivre d’Arcier et al. 1993 / Auteur : A. Pavard, 2018

52

Bien que la typologie présentée par Faivre d’Arcier ne soit pas exhaustive, elle est à notre connaissance la seule à présenter la voirie selon des champs thématiques et techniques aussi variés. Sans chercher à décrire précisément chacune de ces approches, il apparait intéressant d’identifier à quelles facettes de la voirie chacune s’intéresse.

D’abord, l’approche morphologique concerne les formes et leur genèse. À travers cette approche, il est considéré que la voirie organise l’espace par son emprise, c’est-à-dire sa largeur, sa longueur, ou encore par sa partition selon ses différents usages. Les acteurs ayant recours à cette approche s’intéressent notamment au processus de constitution de la voirie, laquelle a pu se développer par strates ou par l’effet de la planification urbaine. Ensuite, nous regroupons les approches fonctionnaliste et planificatrice/décisionnelle car celles-ci mettent l’accent sur les fonctions assurées par la voirie, par exemple, commerciale, de loisir ou de transport. La planificatrice dépasse cet aspect en donnant à la voirie un rôle essentiel dans l’urbanisation, en considérant par exemple qu’un nouvel espace urbanisé ne s’intègre à l’espace urbain existant que s’il lui est correctement relié. Les acteurs concernés par ces approches partitionnent la voirie en différentes trames, par exemple, les trames vertes ou commerciales. Pour autant, ces deux approches ne renvoient pas la voirie à un simple réseau. En effet, l’environnement de chaque voie est pris en compte, tel que l’espace privé contigüe ou leur positionnement relatif. Ceci permet d’évaluer à quel point les voies assurent les fonctions qui leur sont attribuées. De son côté, l’approche structuraliste pose la voirie en tant que moteur de la croissance des espaces. Par exemple un espace urbanisé s’étend grâce au développement de la voirie. Ici, la voirie est clairement définie en tant que réseau à travers sa fonction de support de mobilités. Il existe également plusieurs approches économistes. Généralement, celles-ci renvoient à l’idée d’une recherche d’allocation optimale des ressources telles que les activités économiques ou les zones résidentielles. La voirie est alors davantage identifiée comme un moyen de transport assurant l’accessibilité plutôt que comme une infrastructure. Enfin, il existe les approches dites de génie urbain et de génie civil. La première se focalise sur la production et la gestion des réseaux techniques, c’est-à-dire, la voirie en tant que réseau de transport, mais également les réseaux techniques tels que l’assainissement. La deuxième concerne les techniques de construction et d’entretien de la voirie, et s’intéresse de ce fait à sa dimension verticale, c’est-à-dire, sa structure (Cf. 2.3.2, p. 70).

Ces différentes approchent renvoient à des définitions distinctes de la voirie, que nous pouvons illustrer par deux exemples. Premièrement, dans une approche fonctionnaliste, la voirie est souvent perçue à travers une seule de ses fonctions, celle de support du trafic. Ceci conduit généralement à ne tenir compte que d’un seul élément constitutif de la voirie : les voies de circulation. Par exemple, Aubert et Tourjansky-Cabart abordent la voirie comme un territoire à

53 partager entre les différents modes de transport. Leurs réflexions sur l’allocation de la voirie en centre urbain, les amènent naturellement à la question du stationnement et de son impact sur la circulation routière en centre-ville, lorsque celui-ci prend place sur les voies de circulation. En concluant qu’« une file de stationnement empiète sur la voirie (routière), rétrécit l’espace destiné à la circulation et contribue à augmenter la congestion », les auteurs adoptent implicitement comme définition de la voirie : l’espace circulable uniquement par les transports routiers, en d’autres termes, les voies de circulation (Aubert et Tourjansky-Cabart 2000).

Deuxièmement, en génie urbain et civil, la voirie est perçue comme une infrastructure délimitée aussi bien en surface qu’en profondeur. Dans une réflexion environnementale, par exemple, Hendel et al. (2015) s’intéressent à l’impact de la voirie sur le climat en fonction des matériaux qui la constituent et de leur environnement. Les auteurs analysent ainsi l’influence des matériaux de surface et structurels sur la formation d’îlots de chaleurs en milieu urbain. Ils constatent qu’au-delà de l’effet de l’albédo des matériaux de surface sur la chaleur, les matériaux structurels de la voirie influent également sur le comportement thermique de l’infrastructure. La voirie dans ce contexte renvoie à un territoire en trois dimensions constitué de matériaux de chaussées répartis en différentes couches de structure (Cf. Partie III, 9, p. 170).

Notre recherche est inscrite dans une démarche d’analyse des interactions spatiales et structurelles entre la voirie et les réseaux enterrés. Le fait que les approches génie urbain et génie civil posent la voirie en tant qu’« objet géographique » disposant d’une dimension horizontale et d’une dimension verticale, et en tant qu’ « objet technique » par sa structure est particulièrement intéressant. Dans sa dimension horizontale, c’est-à-dire pour son emprise au sol, elle peut être partagée selon les usages et les fonctions qui lui sont attribués. Ce partage en surface est réalisable à condition que sa structure, dans sa dimension verticale soit conçue pour répondre aux besoins de ses usages et fonctions. Par ailleurs, ces approches sont généralement au cœur des métiers des services techniques des gestionnaires de voirie et des réseaux techniques liés à la voirie. Ainsi, nous incluons dans notre définition de la voirie ses dimensions verticales et horizontales.

Synthèse I.1

À partir de textes historiques, nous avons mis en évidence l’héritage laissé par les romains, notamment le vocabulaire et la hiérarchisation permettant de décrire l’infrastructure selon ses fonctions. Ainsi, nous avons identifié que le terme voirie permet de désigner l’ensemble des voies permettant le déplacement des personnes et des biens matériels (Cf. 1.1, p. 43). Il s’agit alors des voies ferroviaires, fluviales, ou encore routières. Dans le cadre de nos travaux nous nous intéressons à l’infrastructure routière urbaine, et donc la voirie routière urbaine, que nous désignerons par la suite voirie urbaine. La Figure 1-2 synthétise les différents éléments de définition de la voirie urbaine.

54

Auteur : A.Pavard, 2020

Figure 1-2 – Synthèse de définition de la voirie urbaine

Nous avons identifié que la voirie urbaine est la voirie traversant une agglomération, au sens administratif du terme (Cf 1.3, p. 48). Elle se compose généralement d’un élément central, la chaussée, et de dépendances et d’équipements lui permettant d’assurer l’ensemble de ses fonctions (Cf. 1.2, p. 47). La voirie urbaine n’appartient pas à un seul et même gestionnaire. Elle se caractérise donc par sa patrimonialité. Par exemple, elle est du ressort du domaine public lorsqu’elle appartient à une collectivité publique et est à l’usage du public. À l’inverse, elle est du ressort du domaine privé lorsqu’elle est privée et à usage public tout en appartenant à une collectivité publique ; ou lorsqu’elle est à usage privé tout en appartenant à un organisme, un individu, ou encore un groupe d’individus (Cf. 1.2, p. 47). La patrimonialité est également directement liée à la fonction première de la voirie, c’est-à-dire à son rôle de support des déplacements. Cette fonction a systématiquement conduit à hiérarchiser la voirie, en distinguant par exemple la voirie reliant les grandes villes de celles irriguant localement les territoires. La voirie urbaine est principalement constituée d’une voirie irriguant localement le territoire urbain, il s’agit de la voirie communale ou d’intérêt communautaire, ainsi que de la voirie privée. Bien sûr, les voiries structurantes que sont les voiries nationales, départementales et plus rarement autoroutières sont également amenées à composer la voirie urbaine dès lors qu’elles traversent une agglomération.

55 Au-delà du cadre règlementaire et administratif permettant d’identifier ce qu’est la voirie urbaine, nous avons identifié que selon le champ thématique ou technique par lequel on l’aborde, nous percevons la voirie différemment (Cf. 1.4, p. 51). Compte tenu de notre thématique de recherche, les approches génie urbain et civil apparaissent comme les plus adaptées. Ces approches nécessitent une analyse plus fine de l’infrastructure, notamment en décomposant ses éléments constitutifs afin d’en obtenir une bonne maitrise. Cette analyse est présentée dans le chapitre suivant.

56

2. La voirie selon les approches de génie civil et génie urbain – Délimitation et

Documents relatifs