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Une ville et des rencontres ou la construction de l’urbanité

Si la notion d’urbain se réfère à l’ensemble de la ville, celle de l’urbanité renvoie plutôt aux

relations sociales que les individus doivent entretenir entre eux lorsqu’ils habitent une ville et

qu’ils sont amenés à coexister avec d’autres individus dans ce même espace (Capron et Monnet, 2000). L’urbanité, c’est donc la relation des individus à la ville. Comme l’écrivent Beuscart et Peerbaye, « la ville est aussi le lieu de nouvelles manières d’être distant : l’"urbanité" désigne d’ailleurs cette qualité de l’homme de la ville, "d’affabilité naturelle et d’usage du monde", qui enveloppe ses contacts avec des inconnus » (Beuscart et Peerbaye, 2003 : 3). Pattaroni, lui, rappelle, en citant les analyses de Simmel, que « la ville a été en effet de tout temps le lieu où des personnes ont dû apprendre à vivre ensemble, en trouvant les moyens de composer un monde commun malgré leurs différences de mode de vie, de croyances, d’aspirations ou encore de rythmes » (Pettaroni, 2007 : 283). Comme le dit Grafmeyer, la ville est donc placée

« sous le signe de la mobilité : migrations, mobilités résidentielles, déplacements journaliers imposés par la spécialisation des espaces… Ces faits de mobilité sont porteurs de déstabilisation des appartenances et des certitudes. Mais ils sont, en même temps, les moyens et les signes d’adaptations plus ou moins réussies aux exigences de la condition citadine. Ils traduisent ainsi, à l’échelle des destins individuels, l’ambivalence des processus de désorganisation/réorganisation qui sont sans doute constitutifs de toute vie sociale, mais qui s’exacerbent dans la ville moderne. Les auteurs de l’École de Chicago ont abondamment développé ce thème, en écho à l’idée simélienne de la nécessaire imbrication de l’ordre et du désordre, de l’intégration et de la rupture » (Grafmeyer, 2006a : 89-90).

C’est ainsi que la ville se présente comme une scène permettant la mise en lumière des interrelations entre différents groupes et l’étude de la constitution de nouveaux espaces de socialisation.

On peut étudier la socialisation selon deux perspectives. Une première se réfère à la socialisation primaire, aux compétences langagières et cognitives, aux dispositions éthiques et aux règles de conduites liées à une appartenance déterminée. Cette approche de la socialisation conçoit le processus de production des êtres sociaux en termes de « transmission, de continuité et de reproduction » (Grafmeyer, 2006 : 88). La deuxième perspective s’intéresse plus particulièrement aux interactions et aux formes de relations qui résultent de ces interactions. Il s’agit là de saisir comment «se construisent, se confortent, se défont et se reconfigurent des manières d’être ensemble, des modes de coexistence, mais aussi des systèmes d’attitudes qui peuvent évoluer au fil des expériences individuelles » (Grafmeyer, 2006 : 89). Ici, c’est surtout sur cette deuxième approche que je m’alignerai, tout en soulignant que les deux perspectives ne sont pas incompatibles (les individus adaptent les dispositions héritées lors de la socialisation primaire aux situations qu’ils vivent par exemple). La perspective interactionniste de la socialisation s’inspire des travaux de Weber et de Simmel. Pour ce dernier, la sociologie se définit en effet comme l’étude des formes de la socialisation. Pour Simmel, « il y a société là où il y a action réciproque de plusieurs individus » (Simmel, 1999 [1908], cité par Cusset, 2007 : 29). Simmel s’intéresse à toutes les formes d’actions réciproques, y compris les formes les plus banales. Voilà ce qu’écrit Cusset (2007) à propos de l’approche simmelienne : « Il y a en effet une infinité de formes relationnelles et d’actions réciproques humaines qui peuvent paraître négligeables mais qui n’en contribuent pas moins à produire la société telle que nous la connaissons » (Cusset, 2007 : 30). M’inspirant de la posture scientifique de l’interactionnisme symbolique, courant développé par les sociologues de la deuxième École de Chicago tels Goffman et Becker, je chercherai dans ce travail à dire et à analyser « ces manières d’être ensemble », pour reprendre l’expression de Grafmeyer ; de saisir la construction du lien social en situation migratoire et de, finalement, se demander « qu’est-ce qui fait lien ? » Comme signalé dans l’introduction de cette thèse, trois scènes ont été choisies afin de décrire et analyser les formes de socialisation et les interactions qui les accompagnent : la scène commerçante, la scène institutionnelle et la scène nocturne. Je m’arrêterai ici plus spécifiquement sur la première car l’histoire et, surtout, le vocabulaire du commerce ethnique demandent quelques précisions.

2.2.1 Le commerce ethnique

La prolifération de commerces qui proposent des produits « exotiques », ou qui sont simplement tenus par une population migrante, est un des principaux indicateurs donnant une

visibilité à la présence multiethnique dans l’espace urbain. Cette présence témoigne également de la transformation des habitudes de consommation de certains citadins autochtones (Beltrán, Oso et Ribas, 2007).

L’intérêt scientifique pour le commerce ethnique est d’abord né aux États-Unis, où c’est le terme de ethnic business qui est utilisé, puis s’est développé en Europe à partir des années 1970. C’est la sédentarisation des migrants à partir de 1973 qui aura établi le phénomène en Europe, même si, comme l’indique de Tapia, des premières expériences remontent plus tôt. Le cas des cafés parisiens où se retrouvait la population migrante algérienne en constitue un exemple (de Tapia, 2005 : 53).

La recherche sur le commerce ethnique s’est développée dans différentes directions. On retiendra, à partir d’une courte synthèse réalisée par Ma Mung (2006), les études sur les « centralités minoritaires » où l’enjeu culturel de la production et la consommation des biens dits ethniques est privilégié (Raulin, 2000) ; les études analysant les activités marchandes des migrants à partir du « paradigme de la mobilité » développé par Tarrius ; celles sur les centralités commerçantes immigrées (Battegay, 2003) ou sur les places marchandes (Peraldi, 2001, Schmoll 2004) ; les études s’intéressant à la circulation des produits (Schaeffer 2004) ; celles portant sur un quartier ou une population déterminée ou, enfin, les études privilégiant la logistique mobilisée dans les échanges marchands entre pays d’origine et pays d’installation (de Tapia, 2005).

Quant à la production espagnole sur le commerce ethnique, elle est récente. Ceci s’explique principalement par le passage tardif de l’Espagne comme pays d’immigration. En effet, dans un premier temps, la recherche scientifique espagnole sur les mouvements migratoires s’est intéressée à l’émigration des Espagnols vers l’Europe ou l’Amérique, ou bien aux mouvements intérieurs d’une région à une autre. Puis, à partir du milieu des années 1980, soit à l’époque où les premiers migrants commencent timidement à arriver, les Espagnols se tournent vers l’immigration non communautaire pour en faire un objet d’études. À cette époque, la recherche espagnole questionne surtout le « qui vient et pourquoi ? » Pendant plusieurs années, un grand nombre de publications vont ainsi s’intéresser à la configuration des flux d’entrée, à l’insertion des immigrés sur le marché du travail, leur distribution géographique, leur situation juridique, leurs conditions de vie, leurs aspirations futures, leur bagage culturel ainsi que leurs diverses expériences de racisme et de xénophobie. Cette première étape dans la recherche espagnole aborde la migration sous un angle quantitatif, soit de manière générale, soit par le biais des monographies par nationalités, généralement liées à un espace spécifique. À partir des années 1990, on voit de plus en plus

d’études qualitatives apparaître. L’ensemble de ces études a comme point commun de s’intéresser à ce qui ce passe sur le territoire espagnol. Les relations que peuvent entretenir les migrants avec le pays de départ, ou avec d’autres pays d’ailleurs, sont à peine abordées. L’année 2000 marque un tournant au sein de la recherche espagnole avec des études abordant la mobilité, le transnationalisme et le commerce ethnique, soit des thématiques qui étaient jusque là quasiment absentes13.

Dans cette thèse, le commerce ethnique est appréhendé comme une entrée permettant de traiter le questionnement suivant : comment les migrants commerçants participent-ils à la construction de l’urbanité, telle que nous l’avons définie plus haut. Comment la ville de Salamanque, en tant que ville moyenne enregistrant une faible présence étrangère et offrant peu d’opportunités de travail, organise-t-elle la présence des commerçants étrangers ? Enfin, dans quelle mesure peut-on penser les démarches des migrants commerçants comme modalités pratiques relevant de la circulation migratoire et des migrations de transit ?

Le commerce ethnique désigne ensuite, dans cette thèse, les activités marchandes – sédentaires ou ambulantes – d’un groupe ethnique. Quant au sens que je donne au terme ethnique, il s’aligne sur celui défini par Barth en 1969 et repris par, entre autres, Raulin (2000). Cette dernière écrit :

« Selon cet auteur, les groupes ethniques se manifestent en se différenciant par un certain nombre de traits socio-culturels des autres groupes avec lesquels ils coexistent et sont en interactions, reformulant ainsi des frontières qui les distinguent les uns des autres mais qui demeurent néanmoins franchissables » (Raulin, 2000 : 10).

13 WĂƌŵŝ ůĞƐ ĠƚƵĚĞƐ ĞƐƉĂŐŶŽůĞƐ ƐƵƌ ůĞƐ ŝŶŝƚŝĂƚŝǀĞƐ ĐŽŵŵĞƌĐŝĂůĞƐ ĚĞƐ ŵŝŐƌĂŶƚƐ͕ ŶŽƵƐ ƉŽƵǀŽŶƐ ĐŝƚĞƌ ů͛ŽƵǀƌĂŐĞ ĐŽůůĞĐƚŝĨ ŵƉƌĞƐĂƌŝĂĚŽ ĠƚŶŝĐŽ ĞŶ ƐƉĂŹĂ ƐŽƵƐ ůĂ ĚŝƌĞĐƚŝŽŶ ĚĞ ĞůƚƌĄŶ͕ KƐŽ Ğƚ ZŝďĂƐ ;ϮϬϬϳͿ͘ ĞƚƚĞ ƉƵďůŝĐĂƚŝŽŶ ƌĂƐƐĞŵďůĞ ůĞƐ ƚƌĂǀĂƵdž ĚĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶƚƐ ĐŚĞƌĐŚĞƵƌƐ ƋƵŝ ƐĞ ƐŽŶƚ ŝŶƚĞƌƌŽŐĠƐ ƐƵƌ ůĞ ƉŽƵƌƋƵŽŝ͕ Žƶ Ğƚ ĐŽŵŵĞŶƚ ĚƵ ĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚ ĚĞ ů͛ĂĐƚŝǀŝƚĠ ĞŶƚƌĞƉƌĞŶĞƵƌŝĂůĞ ĚĞƐ ŵŝŐƌĂŶƚƐ ĞŶ ƐƉĂŐŶĞ͘ >ĞƐ ƚƌĞŝnjĞ ĐŽŶƚƌŝďƵƚŝŽŶƐ ĚĞ ů͛ŽƵǀƌĂŐĞ Ɛ͛ĂƌƚŝĐƵůĞŶƚĂƵƚŽƵƌĚĞƐĂdžĞƐƐƵŝǀĂŶƚƐ͗ůĞƐƚŚĠŽƌŝĞƐĚĞů͛ĠƚƵĚĞĚƵĐŽŵŵĞƌĐĞĞƚŚŶŝƋƵĞ͕ůĂŵŽďŝůŝƚĠƐŽĐŝĂůĞĞƚůĂ ŵŽďŝůŝƚĠĚƵƚƌĂǀĂŝů͕ů͛ŝŶƐĞƌƚŝŽŶĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞƵƌďĂŝŶ͕ůĂƉĞƌƐƉĞĐƚŝǀĞĚĞŐĞŶƌĞ͕ů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞĚƵĐĂƉŝƚĂůĐƵůƚƵƌĞůĞƚ ƐŽĐŝĂů Ğƚ ůĞƐ ĐŽŶĐĞƉƚƐ ĚĞ ŵŽďŝůŝƚĠ Ğƚ ĚĞ ĐŝƌĐƵůĂƌŝƚĠ͘ ^ŝ ĐĞƌƚĂŝŶĞƐ ĠƚƵĚĞƐ ƉƌĠƐĞŶƚĠĞƐ Ɛ͛ŝŶƚĠƌĞƐƐĞŶƚ ĂƵ ĐĂƐ Ě͛ƵŶĞ ǀŝůůĞƉƌĠĐŝƐĞ;DĂĚƌŝĚ͕ĂƌĐĞůŽŶĞ͕ůŵĞƌŝĂ͕ůŝĐĂŶƚĞŽƵdĂŶŐĞƌͿ͕Ě͛ĂƵƚƌĞƐƉƌĞŶŶĞŶƚĐŽŵŵĞƉŽŝŶƚĚĞĚĠƉĂƌƚƵŶĞ ĐŽůůĞĐƚŝǀŝƚĠĚĠƚĞƌŵŝŶĠĞ;ĨĞŵŵĞƐĚŽŵŝŶŝĐĂŝŶĞƐŽƵŵĂƌŽĐĂŝŶĞƐ͕ŚŝŶŽŝƐŽƵ^ĠŶĠŐĂůĂŝƐͿ͘KŶŶŽƚĞƋƵ͛ƵŶƐĞƵůƚĞdžƚĞ Ɛ͛ŝŶƐĐƌŝƚ ĚĂŶƐ ů͛ĂdžĞ ƐƵƌ ůĂ ŵŽďŝůŝƚĠ Ğƚ ůĂ ĐŝƌĐƵůĂƌŝƚĠ͘ /ů Ɛ͛ĂŐŝƚ ĚĞ ůĂ ĐŽŶƚƌŝďƵƚŝŽŶ ĚĞ ZŝďĂƐ Ğƚ ^ĞŵƉĞƌĞ ƐƵƌ ůĞ ĐŽŵŵĞƌĐĞ ă ůĂ ǀĂůŝƐĞ ă ůŝĐĂŶƚĞ Ğƚ ă dĂŶŐĞƌ͕ ŵĠůĂŶŐĞĂŶƚ ĐŽŶƚƌĞĨĂĕŽŶƐ Ğƚ ĠĐŽŶŽŵŝĞ ĚƵ ďĂnjĂƌ͘ Ğ ŵġŵĞ͕ ŽŶ ƌĞƚŝĞŶƚ ƋƵ͛ĂƵĐƵŶĞ ĐŽŶƚƌŝďƵƚŝŽŶ ŶĞ ƉŽƌƚĞ ƐƵƌ ů͛ĞƐƉĂĐĞ ƋƵŝ ŶŽƵƐ ŝŶƚĠƌĞƐƐĞ ƉůƵƐ ƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚ ŝĐŝ͕ ă ƐĂǀŽŝƌ ^ĂůĂŵĂŶƋƵĞ;ŽƵŵġŵĞůĂƌĠŐŝŽŶĚĞĂƐƚŝůůĞĞƚ>ĠŽŶŽƶƐĞƚƌŽƵǀĞŶŽƚƌĞǀŝůůĞĚ͛ĠƚƵĚĞͿ͘WĂƌŵŝůĞƐĠƚƵĚĞƐĂďŽƌĚĂŶƚ ůĞĐŽŵŵĞƌĐĞ ĞƚŚŶŝƋƵĞĞŶƐƉĂŐŶĞŝůĨĂƵƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĐŝƚĞƌůĞƐƚƌĂǀĂƵdžĚĞ&ƌĂŶĐŝƐĐŽdŽƌƌĞƐ;ϮϬϬϰ͕ϮϬϬϳͿ ƐƵƌůĂ ǀŝůůĞ ĚĞ sĂůĞŶĐĞ͕ ĐĞƵdž ĚĞ ^ĞƌƌĞ ĚĞů WŽnjŽ ;ϮϬϬϲͿ ƐƵƌ ůĞ ƋƵĂƌƚŝĞƌ ĚĞ ŝƵƚĂƚ sĞůůĂ ĂƌĐĞůŽŶĞ Ğƚ ĐĞƵdž ĚĞ ^ŽůĠ Ğƚ WĂƌĞůůĂ;ϮϬϬϱͿƐƵƌůĂĂƚĂůŽŐŶĞ͘ 

J’utiliserai donc le terme ethnique « sous sa forme d’adjectif, afin de souligner la capacité de cette dimension à se décliner, pour le meilleur comme pour le pire » (ibid.). Enfin, je souligne que le commerce ethnique tel qu’il est appréhendé ici ne désigne pas seulement les entreprises orientées vers le groupe dont il est issu (type communautaire), mais celles orientées vers d’autres groupes ethniques, les autochtones inclus (Ma Mung, 2006).

2.2.2 Le quartier

Lorsque l’on procède par une entrée par la ville, il est incontournable d’évoquer la notion de quartier. Cette dernière est, nous le savons, d’usage courant. Mais est-elle toujours pertinente à la compréhension des phénomènes sociaux et urbains à l’heure de la mondialisation ? Authier, Bacqué et al. résument ainsi les différents points de vue concernant la place du quartier dans une société de réseaux et de mobilité14 :

« Pour certains auteurs, le rapport au quartier ne concernerait que des groupes marginalisés n’ayant pas accès à la mobilité et serait synonyme d’enfermement territorial et social. Au contraire, pour d’autres observateurs de la vie urbaine contemporaine, le quartier constituerait encore une ressource pour ses habitants et l’ancrage dans le quartier serait cumulatif d’autres usages, plus mobiles, de la ville. De même, certains auteurs donnent à penser que la ville d’aujourd’hui se fragmente en entités constituées sur la base de l’"entre-soi, qui menacent la cohésion sociale et urbaine, tandis que d’autres considèrent que ces modes de relations sociales territorialisés sont complémentaires d’autres modalités des liens sociaux s’exprimant dans d’autres lieux ou sous des formes non territorialises » (Authier, Bacqué et al.,

2007 : 8).

Ma façon d’appréhender le quartier dans ce travail s’aligne plutôt sur le dernier point de vue ici exprimé. S’agissant de tenter d’articuler l’ancrage, la circulation et le passage des migrants dans la ville, de saisir leurs différentes inscriptions spatiales et temporaires, les modes de relations sociales territorialisées permettent une réflexion autour des pratiques d’ancrage des migrants dans la ville. Le quartier est alors appréhendé ici comme une « entrée », ou une échelle d’analyse, nous permettant d’identifier les formes d’ancrage et les pratiques de proximité des migrants et de nous demander dans quelle mesure ces formes et pratiques conduisent à une remise en question des appartenances locales et à l’émergence de

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nouveaux rapports sociaux. Cependant, comme le soulignent Authier, Bacqué et al., « ce cadre descriptif n’a de sens que confronté à d’autres échelles » (Authier, Bacqué et al. 2007 : 9). Rappelons alors que l’échelle d’analyse de ce travail ne se limite pas au seul espace du quartier ou de la ville, mais s’étend à une dimension transnationale.

Il s’agit donc de proposer une lecture des formes de mobilité et d’ancrage de la population migrante à Salamanque; de mettre en lumière les interrelations entre différents groupes dans la ville et de cerner ainsi la constitution de nouveaux espaces de socialisation.

3 LE PROJET MIGRATOIRE COMME CLÉ DE LECTURE DE LA MOBILITÉ

J’ai jusque-là défini les concepts et les théories que je vais mobiliser tout au long de cette thèse. Aussi, j’ai évoqué la ville comme porte d’entrée. Il me reste maintenant à clarifier mon usage de la notion de projet migratoire. Si les notions évoquées jusque là permettent de

décrire la mobilité, elles ne permettent pas, selon moi, de la lire, c’est-à-dire saisir la logique du mouvement.

Comme signalé dans l’introduction, le projet migratoire fait partie de ces notions dont les usages sont de plus en plus fréquents dans la littérature sur les migrations. Je vais ici, dans un premier temps, évoquer les quelques études où la notion de projet fait l’objet d’une analyse. Puis, dans un deuxième temps, je vais présenter quelques travaux où la notion de projet migratoire est présente, mais où son utilisation n’est pas toujours accompagnée d’une définition et/ou d’une analyse critique. Il ne s’agit pas d’en faire un bilan exhaustif, ces travaux étant trop nombreux. Il s’agit en revanche de discuter de l’usage de la notion migratoire dans les études existantes et d’évoquer les spécificités dans l’étude du projet migratoire des groupes tels les femmes, les personnes venues par le biais du regroupement familial ou, encore, les étudiants. Je terminerai ce chapitre en démontrant comment la notion de projet migratoire peut être utile dans la description et l’analyse des mobilités à l’œuvre dans les sociétés actuelles.