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La valeur sociale des relations économiques en entrepreneuriat social entrepreneuriat social

Introduction au chapitre 2

2.2. La valeur sociale des relations économiques en entrepreneuriat social entrepreneuriat social

En l’absence d’un paradigme unique, l’entrepreneuriat social a du mal à valoriser ses apports : « il n’existe pas de consensus sur le vocabulaire à employer pour qualifier l’apport des entreprises sociales à leurs bénéficiaires et à la société dans son ensemble. Certains parleront d’utilité sociale, de valeur sociale ou d’externalités » (Bellue, Stievenart, & Dasnoy, 2013, p. 8). Entre les trois, la valeur sociale nous semble un meilleur élément fédérateur du champ de l’entrepreneuriat social (Choi & Majumdar, 2014, p. 363‑364). Cela signifie que les entreprises sociales sont appelées à créer de la valeur autre que « purement » financière :

Chapitre 2. Les différents modèles de la valeur en entrepreneuriat social

« […] On s’intéresse ici à la valeur créée à l’attention de toutes les parties prenantes. Il s’agit de lavaleur économique distribuée aux propriétaires, aux salariés et à l’État, mais

également de la valeur sociale. Cette dernière est plus délicate à appréhender, car si

elle n’est pas directement exprimée sous forme monétaire, elle n’en est pas moins

essentielle : c’est tout l’enjeu de la mesure de l’impact social. » (Borello et al., 2012, p. 113)

En effet, la valeur sociale est particulièrement complexe : sa définition est floue et elle est impossible à mesurer simplement. En plus, la notion de valeur est liée à notre façon de penser les organisations (Schmitt, 2012, p. 11)43, à la perception des individus et en conséquent à leur contexte, leur vie, leurs idées, et leur éthique :

« Quand les gens échangent l’argent pour quelque chose qu’ils estiment de valeur, toutes les deux, richesse économique et valeur social sont créées. L’impact social d’une

innovation entrepreneurial peut être vu par les changements qui se produisent au sein des communautés ou groupes sociales. Les innovations peuvent avoir un impact dans

le rapport entre les personnes et comment elles s’engagent dans la société et

construisent le capital social (Putnam 1993, 2000; Coleman 1988, p. 98), avec la valeur sociale en train de refléter les effets positives pour les individus, les communautés et la société. La valeur sociale peut être aussi vue à échelle micro, comme le bénéfice qui gagne une personne pour acheter une nouvelle technologie, médicament ou un aller à

l’épicerie. Au niveau individuel, la valeur sociale est ce qu’une personne apprécie plus que l’argent payé, telle qu’un ordinateur ou une prescription. Au niveau de la société,

elle peut être vraiment transformationnelle »44 (Acs et al., 2009, p. 787, citations propres à la source)

De nouvelles questions s’imposent : si la valeur est une perception, comment la construire ? Comment mesurer la valeur sociale des projets et des produits sociaux ?

43En fait, ça peut être appliqué à des autres constructions sociales, au point qu’on pourrait dire que l’absence d’ordre dans le champ disciplinaire de l’entrepreneuriat social estreflet de l’agir du monde (Peredo & McLean, 2006, p. 64).

44Citation littérale : “when people trade money for something they value, both economic wealth and social value is

created. The social impact of an entrepreneurial innovation can be seen in changes that occur in communities or social groups. Innovations can have an impact on the way people relate to one another, engage in society, and build social capital (Putnam 1993, 2000; Coleman 1988, p. 98), with social value reflecting positive effects for individuals, for communities, and for society. Social value can also be seen at the micro level, such as in the benefit a person gains from purchasing a new technology, medication, or even a trip to the grocery store. At the individual level, social value is what a person values more than the money paid, such as a computer or a prescription. At the societal level this can be truly

Partie I. Une représentation dichotomique des modèles de la valeur

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2.2.1. Construire la valeur sociale

Comme nous l’avons exprimé, la valeur sociale45 est un concept ambigu (Choi & Majumdar, 2014, p. 367) qui renvoie à une notion subjective de bien-être. Pendant longtemps, la sphère publique a assuré un déficit dans les finances publiques pour développer le reste des secteurs productifs et générer une plus-value qui bénéficiait à tous les citoyens. C’est le même critère qui l’emporte lors de l’attribution de contrats publics, du moins au Royaume Uni :

« Il s'agit de regarder au-delà du prix de chaque contrat individuel et de voir ce que représente le bénéfice collectif pour une communauté lorsqu'un organisme public choisit d'attribuer un contrat. La valeur sociale pose la question : ‘Si £ 1 est consacré à la prestation des services, peut-on utiliser le même £ 1 pour produire un bénéfice plus large pour la communauté ? »46 (Public Services Act 2012: A brief guide, 2012).

Mais les entreprises ne peuvent pas se permettre une opération à perte. Donc, la valeur sociale, dans le contexte de l’entrepreneuriat social, consiste à allouer et utiliser les ressources dans l’intérêt général tout en assurant la pérennité de l’organisation. Le capital social est ainsi fondamental dans la création de valeur sociale. Les liens entre les gens qui intègrent l’économie solidaire permettent une résilience majeure. La solidarité au sein des fondations, associations, coopératives et mutuelles, est un inconscient collectif qui « participe de l’auto -reproduction de la société » (Barel, 2008, p. 46) et qui va contribuer à la construction des liens sociaux. Ces liens, « la qualité des relations humaines[,] sont aussi des formes de richesse inestimable sans pour autant avoir une valeur au sens économique » (Harribey, 2004, p. 2). Par exemple, la valeur sociale des entreprises communautaires à Oaxaca, au Mexique, se mesure par leur capacité à réunir une famille (Marín Pérez, 2012). En Afrique, la récolte de cacao aura de la valeur pour les producteurs si elle permet aux Européens d’être satisfaits (voir vidéoclip « Mini Metropolis: Cacao farmers in Ivory Coast » postée par ThreeNL le 15

45La valeur sociale est “un concept plus large qui comprend le capital social aussi bien que les aspects subjectifs du bien

être des citoyens, comme la capacité de participer aux décisions qui les affectent” (Citation littérale : Social value is a “larger

concept which includes social capital as well as the subjective aspects of the citizens' well-being, such as their ability to participate in making

decisions that affect them”). Définition retrouvée en ligne à http://www.businessdictionary.com/definition/social-value.html#ixzz3re4hDN7O

46Citation littérale : “What do we mean by social value? “Social value” is a way of thinking about how scarce resources are

allocated and used. It involves looking beyond the price of each individual contract and looking at what the collective

benefit to a community is when a public body chooses to award a contract. Social value asks the question: ‘If £1 is spent

on the delivery of services, can that same £1 be used, to also produce a wider benefit to the community?’” (Public

Services (Social Value) Act 2012: A brief guide (Feb 2012)/ Social Enterprise UK:

http://www.socialenterprise.org.uk/uploads/files/2012/03/public_services_act_2012_a_brief_guide_web_version_final. pdf, consulté en ligne le 08/2013)

Chapitre 2. Les différents modèles de la valeur en entrepreneuriat social

avril 201447). Nous constatons alors que le processus de création de valeur est un processus de construction de sens (Schmitt, 2012, p. 84).

2.2.2. Mesurer la valeur sociale

Borello et ses collègues (2012, p. 113) ont dénoncé l’enjeu de la mesure de l’impact social : comment appréhender les contributions non économiques, non exprimables sous forme monétaire ? Même si nous arrivons à quantifier les améliorations sociales observables dans une population, comment pouvons-nous les affecter avec précision dans une relation causale avec une technologie, une activité ou une innovation en particulier ? (Dees, 2001). C’est justement ici que la complexité de la valeur entre en jeu et que les trois dimensions que nous voulons travailler (économique, sociale et éthique) ne peuvent pas être séparées. Peu importe que l’on parle de mesure, d’évaluation ou de valorisation (Bellue et al., 2013, p. 8). Ces trois notions renvoient à une impossibilité de rendre compte avec certitude et exactitude de l’impact social des entreprises (Dees, 2001, 2003).

Encore une fois, l’attribut subjectif de la valeur nous fait privilégier des méthodes qualitatives pour aller à la rencontre des personnes qui jugeront la valeur. En plus, nous savons maintenant que « la valeur sociale est renforcée par la présence d'organisations similaires » qui créent un écosystème où les entrepreneurs peuvent reconnaître les opportunités et prendre des risques pour trouver les solutions innovantes qu'ils ont envisagées (Lumpkin, Moss, Gras, Kato, & Amezcua, 2013, p. 770). Ceci va de pairavec la construction de la valeur qui n’est pas créée exclusivement par l'entreprise, mais elle est produite par l'interaction entre différents acteurs.

Pour sentir les effets de ces interactions, nous avons besoin d’indicateurs qui aideront ensuite à la prise de décisions. Cependant, on ne peut choisir ces indicateurs sans avoir choisi au préalable l’objectif auquel ils serviront. À la fin, tout indicateur est un modèle lié à une intention, à un projet, à un problème (Le Moigne, 1999). Une fois les objectifs déterminés, le problème, la capacité technique, humaine et financière pour mener le projet d’évaluation de l’impact (Figure 27), des méthodes qualitatives et quantitatives peuvent être choisies (Bellue et al., 2013). Le choix de la méthodologie de mesure de l’impact est vital pour avoir des indicateurs qui permettront aux entrepreneurs de développer de façon plus adéquate leur

Partie I. Une représentation dichotomique des modèles de la valeur

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activité, donner de la valeur à leur résultats (Lumpkin et al., 2013, p. 774), et reconnaître leur contribution à la société (Barthélémy & Slitine, 2011). Cette contribution va au-delà du programme d'action jusqu’aux premières lignes (Benjamin & Campbell, 2014).

Figure 27. Procédure pour mesurer l'impact social. Élaboration propre à partir du texte de (Bellue et al., 2013)

Comme le financement des entreprises sociales dépend principalement de la mesure de l'impact social (Meldrum, Read et Harrison, 2014), de nombreuses méthodologies ont été développées. L’approche la plus globale et la plus connue pour saisir l’impact social est le Retour Social sur Investissement (the Social Return on Investment - SROI) que nous développerons lors du prochain chapitre (section 3.1.2.5). Il s’agit d’une méthodologie basée

Chapitre 2. Les différents modèles de la valeur en entrepreneuriat social

sur la participation des parties prenantes pour déterminer quels résultats (sociaux, économiques et environnementaux) sont pertinents, selon un mélange de techniques qualitatives et quantitatives (Cabinet Office, 2009). Comme les résultats dépendent de l’histoire de chaque acteur et de chaque entreprise, les entrants (inputs), les produits (outputs), les contributions (outcomes), et l’impact à long terme demandés par la méthodologie du SROI

n’ont de signification que l’entreprise concernée et ses parties prenantes (NEF, 2004). Cela nous laisse à penser que pour des fins de comparaison, la méthodologie SROIn’est pas très adaptée. Peut-être qu’une approche par la valeur globale pourrait inclure à l’équation des vecteurs comparables.

2.3. La valeur éthique de l’activité productive des