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Cadre théorique pour aborder la perception des acteurs sur la globalité de la valeur dans acteurs sur la globalité de la valeur dans

entrepreneuriat social

3.2. Cadre théorique pour aborder la perception des acteurs sur la globalité de la valeur dans acteurs sur la globalité de la valeur dans

l’entrepreneuriat social

Angel (1998) a démontré que le problème de la mesure de la valeur est de déterminer une proportionnalité entre deux objets hétérogènes selon leur utilité, leur rareté ou leur désirabilité, pour pouvoir les comparer à un élément homogène comme la monnaie. Dans un projet entrepreneurial, la valeur occupe plusieurs niveaux ou stades. D’abord, nous avons la valeur économique des produits offerts. Ensuite, nous devons contempler la valeur sociale des relations tissées autour des produits et du projet, pour enfin juger la valeur éthique des décisions prises au cours de l’action.

Chapitre 3. Les convergences et les limites des modèles de la valeur…

Pour aborder la cohérence du projet autour d’un produit mis sur le marché, l’organisation elle-même, et son environnement, nous devons être créatifs. Nous voulons alors construire une matrice qui nous permettrait ensuite de dessiner un continuum entre la non-prise en considération des différentes valeurs jusqu’à une attitude proactive et d’amélioration continue, en passant par la réactivité par rapport aux exigences imposées par le marché. En effet, il y a différentes raisons pour lesquelles une entreprise voudrait intégrer une politique durable (Leroux & Van Hoorebeke, 2011) : soit par choix (elles veulent/croient), soit par nécessité (le marché, la chaîne ou la loi l’exige), soit par mimétisme (par mode). Pour connaître la raison qui motive le choix, il faut être attentif, car l’intentionnalité est seulement visible pendant la prise de décisions65.

Dans cette section, nous allons proposer une série de critères qui seront utilisés pour le dessein de nos outils de traitement de la perception de la valeur. Nous commencerons par la partie la plus cachée de l’entreprise (l’éthique) puis nous aborderons à la fin les aspects matériels (l’économie). En pratique, la perception et l’analyse de toutes les dimensions de la valeur sont plutôt mélangées et ne suivent pas forcément un ordre causal. En même temps, comme il s’agit d’un système complexe, nous considérons que les valeurs suivent aussi les principes de récursivité, de dialogique et d’hologrammatique (cf. Chapitre 4).

3.2.1. Critères de lecture de la valeur éthique

Nous considérons que le plan éthique est au cœur de la stratégie d’entreprise car il est sous -jacent à toutes les décisions : « il importe qu’il [l’entrepreneur] puisse présenter une toile de fond de ce qui est pertinent pour lui : ses valeurs éthiques, sa façon de voir les relations entre les personnes » (Filion & Lima, 2011, p. 9). Pour nous approcher de la notion de valeur éthique, nous avons fait appel à la responsabilité sociétale des entreprises qui renvoie au fait que les décisions d’achat et de vente dans la chaîne de valeur sont harmonieuses avec la durabilité, c’est-à-dire, qu’elles doivent respecter l’homme et la nature. Puis, nous avons voulu évaluer les spécificités de l’entrepreneuriat social en matière de gouvernance, mission sociale et lucrativité limitée. Du fait que le discours politique de notre modèle de valeur permettra ou non le développement durable (Lapointe & Gendron, 2004), nous allons inclure

65 Dans cette thèse, nous avons pu observer seulement l’intentionnalité de l’entrepreneur pour certaines décisions. Nous

Partie I. Une représentation dichotomique des modèles de la valeur

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des composants de l’image du monde qu’un porteur peut avoir, la représentation du contexte où il développera ses activités.

Bien que nous ne puissions pas expliciter une grille de lecture universelle, unique ou infaillible, nous proposons des critères inspirés de la théorie développée dans les deux premiers chapitres, et qui répondent à notre problématique de définir, mesurer et partager la valeur globale dans des projets à but social et solidaire. L’idéal pour une grille de lecture serait que toutes les parties prenantes se réunissent en assemblée et prennent les décisions par consensus66. Néanmoins, comme il n’existe pas de situation idéale dans laquelle on pourrait tous se retrouver autour de valeurs et de présupposés partagés, il faut laisser la place à un débat politique où la question serait : « quels sont les compromis que nous trouvons acceptables ? » (Fourez, 2009, p. 141).

Dans notre cas, nous avons choisi de percevoir la valeur éthique d’un projet selon trois critères avec trois sous-critères plus spécifiques :

Cohérence du projet :

o Choix des fournisseurs

o Choix des procédés de transformation et de distribution o Choix des partenaires

Spécificités de l’entrepreneuriat social : o Mission sociale et charte des valeurs o Transformation culturelle souhaitée o Gouvernance participative

Finances et gestion des ressources o Lucrativité limitée

o Transparence et traçabilité

o Zéro déchets et matériaux éco responsables

Nous rappelons qu’il s’agit d’une suggestion d’indicateurs qui devront se construire et se reconstruire avec les parties prenantes du projet. Si un client ou un fournisseur pourra difficilement évaluer un autre aspect que la cohérence du projet (la partie visible), les autres indicateurs pourront servir à l’entrepreneur, aux accompagnateurs et aux organismes de

66 Le consensus est employé, par exemple, pour construire la matrice pour le bien commun (Common good balance sheet) vu dans la section précédente. Nous pourrions envisager aussi une décision collective par concession ou une autre manière

Chapitre 3. Les convergences et les limites des modèles de la valeur…

soutien pour argumenter la valeur du projet et la transformation qu’il souhaite faire. À ce stade, il faudrait se rappeler qu’il y a deux types de changements, selon Watzlawick et ses collègues (1974) :

- Soit il s’agit d’un changement pour préserver l’équilibre du système (Type 1)

- Soit il s’agit d’un changement qui modifie tout le système (Type 2)

Brièvement, le changement de type 1 permettrait la considération d’un simple ajustement. Nous pourrions, par exemple, considérer l’entrepreneuriat social et sa mission comme un remède provisoire à la crise actuelle. Ainsi, il y a du sens à ouvrir le marché à un échange de taux d’émission de gaz à effet de serre, ou la création de nouvelles activités pour soulager les impacts non désirables. Le changement de type 1 permet de garder les bénéfices d’un système que nous connaissons et maîtrisons, « sans compromettre » le futur. En somme, c’est rapide et ce n’est pas cher, du moins en apparence.

La deuxième option (le changement de type 2) consiste à questionner tout, à repenser nos paradigmes, le métamodèle, les racines et les axiomes du développement que nous poursuivons. Dans notre cas, cela implique de redéfinir les lois et les réglementations, repenser nos rapports économiques et sociaux sous une éthique différente. A ce moment où nous vivons dans la construction de la science (cf. Chapitre 4), nous savons que le modèle macroéconomique en place est une possibilité entre une infinité de possibilités (qu’on voit déjà dans l’application du capitalisme dans différents pays). Alors, nous nous demandons s’il y a un modèle de valeur qui puisse répondre aux restrictions écologiques, sociales et productives de notre temps (Schmitt, Ndjambou, et al., 2014)

Nous avons exploré le développement durable comme modèle de valeur. Pour qu’il soit vraiment efficace il faut le concevoir comme un changement de type 2 (Schmitt, Ndjambou, et al., 2014), c’est-à-dire : le penser au-delà de la mode, plus qu’une simple dimension stratégique à côté d’autres telles que l’internationalisation, la relocalisation des usines ou l’innovation (Martinet & Reynaud, 2004). Il ne faut pas non plus laisser la recherche et la pratique se concentrer sur un pilier du développement ou faire une simple adhésion des dimensions sans questionner les fondements du modèle (Bellini, 2003; Berger-Douce, 2006; Labelle, 2008; Paradas, 2006). Finalement, dans la lecture de la valeur éthique, un point d’importance sera de vérifier la cohérence interne et externe de l’organisation selon les valeurs qu’elle veut mettre en place et les actions qu’elle envisage.

Partie I. Une représentation dichotomique des modèles de la valeur

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3.2.2. Critères de lecture de la valeur sociale

Avec la valeur éthique, nous avons abordé le niveau stratégique de l’entreprise. À travers la valeur sociale, nous voudrions évoquer la santé des relations humaines qui se tissent à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Pour cela, nous avons fait un condensé des dimensions proposées par les méthodologies traitées dans la section antérieure et avons décidé d’observer la valeur sociale sous trois angles :

Emploi :

o Engagement local

o Équité et qualité d’emploi o Offre d’opportunités de progrès Parties prenantes :

o Qualité des relations avec fournisseurs

o Qualité des relations avec clients et investisseurs

o Qualité des relations avec la communauté ou l’écosystème Contribution aux besoins sociaux

o Impact sur les besoins de base o Impact sur l’éducation et la santé o Impact sur la culture

Bien évidemment, les décisions sociales doivent être cohérentes avec la charte des valeurs de l’entreprise, la mission déclarée, etc. Il appartiendra aux parties prenantes de chaque projet de choisir quoi mesurer et comment le mesurer.

3.2.3. Critères de lecture de la valeur économique

Pour lire la valeur économique dans l’entrepreneuriat social, nous avons assumé le fait qu’elle est liée aux moyens employés pour arriver à créer plus de valeur sociale, ce qui permettra la pleine réalisation des valeurs éthiques. Nous avons donc opté pour trois aspects :

Logistique

o Achats et distribution

o Production ou transformation o Service client et logistique inverse Évaluation économique

Chapitre 3. Les convergences et les limites des modèles de la valeur…

o Marque et autres intangibles / Part du marché o Mix marketing (Place, produit, prix, promotion) o Avantage concurrentiel et stratégie partenariale Évaluation financière

o Valeur dans le marché

o Relations entre actifs et passifs o Résultats de l’exercice fiscal

À la fin, la forme de coupe de la valeur que nous avons choisie correspond à notre désir de mettre l’accent sur les dimensions de la valeur, et démontrer que les valeurs économiques, sociales et éthiques doivent se conjuguer pour avancer vers un développement durable, voir avancer vers une transition écologique avec les entreprises et organisations nécessaires pour y arriver.