• Aucun résultat trouvé

Valeur normative des textes issus de la pratique professionnelle

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 2. Adéquation de la notion d’entremise

B. Valeur normative des textes issus de la pratique professionnelle

235. Si la valeur des normes privées n’équivaut pas à celle des normes légales, la question de sa force demeure. En effet, un auteur précise que si elles « conservent une apparence souple, il s’avère parfois que, dans l’esprit de leurs rédacteurs, elles ont vocation à être respectées par des destinataires qui devraient, à défaut, en subir les conséquences » (861). Aussi, il importe de s’enquérir de la valeur des usages (a) et des autres textes (b)ainsi que de leur contrôle (c).

(857) Charte 2006 AMRAE/FCA, p.1.

(858) Code des assurances, Code moral, Usages du courtage d’assurances terrestre, Code moral des courtiers et Autres accords professionnels.

(859) Charte 2006 AMRAE/FCA, p.2. (860) Charte 2006 AMRAE/FCA. (861) COUPET C., op. cit., n° 3.

163 1. Valeur des usages du courtage

236. Les usages, complément de la loi. De manière générale, la loi renvoie aux usages afin de « compléter les contrats » (862). Ceux-ci sont une « source complémentaire importante pour le contrat : du fait de leur valeur supplétive, ils s’appliquent dans le silence du contrat » (863). En outre, il arrive que la loi y fasse directement référence (864) notamment quant aux effets des contrats et à l’interprétation des conventions en soumettant les conventions à certains usages déterminés. Toutefois, les usages peuvent être consacrés par la Loi.

237. Place des usages entre les parties. On retiendra que « lorsque l’usage est codifié par une organisation représentative de la profession, il a en principe valeur d’usage de droit et est applicable même si les parties ne s’y sont pas référées » (865

). Les usages constatés en assurances sont des usages de droit établis de manière unilatérale par les courtiers en ce qui concerne les usages parisiens d’une part et qui résultent d’un accord entre les compagnies d’assurances lyonnaises et les courtiers pour les usages lyonnais d’autre part. Il apparaît que

(862) C. civ., art. 1194 ; DEUMIER P., op. cit.,n° 12 : « aux « usages pratiqués dans le secteur d’activité » pour la détermination de la rémunération de l’agent commercial (C. com., art. L. 134-5) ; aux « usages du commerce » pour la fixation du délai de préavis à défaut duquel la rupture de relations commerciales établies serait brutale (C. com., art. L. 442-6, 5°.) aux « usages locaux, loyaux et constants » pour déterminer les appellations d’origine (C. consom., art. L. 115-2 et L. 431-8) » ; aux « usages courants du marchés de l’assurance » C. ass., art. R. 442-7-1 ; C. ass., art. R. 431-16-1.

(863) DEUMIER P., op. cit., n° 49 faisant référence à Cass. Com. 19 févr. 2002, n° 97-21.604, M. Martinelli c/Sté Publications Condé Nast, CCC 2002, n° 91 p.19, à propos de la valeur supplétive du code des usages en matière d’illustration photographique.

(864) C. civ., art. 1194 ; C. ass., art. R. 442-7-1 ; C. ass., art. R. 431-16-1 ; « La loi renvoie souvent à l’usage soit de façon expresse et directe soit de manière tacite et indirecte. Lorsque la loi renvoie à l’usage de façon directe, celui-ci a la force que le législateur lui confère. Tantôt il peut s’agir d’une force de loi supplétive. (…) Tantôt il peut s’agir d’une force de la loi impérative » — MAHMOUD MSM., op. cit., n° 61.

(865) BIGOT J., Traité de Droit des assurances, L’intermédiation d’assurance, op. cit., n° 778 p.600, se référant à PARIS 01 juil. 1970, JCP 1971.II. 16 821, note PEDAMON (« le fait de ne pas s’être référées à ce contrat type n’implique nullement que les parties aient entendu en écarter l’application ; que le contrat-type ne fait que traduire en langage juridique les usages qui s’étaient établis entre les agences de publicité et leurs clients ; qu’ainsi à défaut de preuve d’une commune intention des contractants de rompre avec ces usages, ceux-ci, qu’ils soient pris dans leur réalité ou dans leur mise en forme juridique, doivent être respectés par les parties ») et sur pourvoi Cass. Com. 25 janvier 1972 D.1972 p.423 (« le fait de ne pas s’être référées à ce contrat type n’implique nullement que les parties aient entendu en écarter l’application ; que le contrat-type ne fait que traduire en langage juridique les usages qui s’étaient établis entre les agences de publicité et leurs clients ; qu’ainsi à défaut de preuve d’une commune intention des contractants de rompre avec ces usages, ceux-ci, qu’ils soient pris dans leur réalité ou dans leur mise en forme juridique, doivent être respectés par les parties ») ; DEUMIER P., op. cit.,

n° 32 : « D’une part, l’usage ne s’applique que s’il n’est pas écarté par les parties ; donc s’il s’applique, c’est par la volonté positive des parties. D’autre part, l’usage ne s’applique qu’aux professionnels de la branche concernée : seuls ceux-ci connaissant la règle, ils sont les seuls à l’avoir acceptée et donc à pouvoir y être soumis ».

164

l’usage dit de droit, donc « assimilable à une règle de droit, n’aurait pas à être prouvé » (866

). Même si les usages ne sont opposables qu’entre professionnels exerçant la même activité ou dans le même secteur d’activité (867) c’est-à-dire qu’entre courtiers, agents généraux et entreprises d’assurance, il n’en reste pas moins qu’ils peuvent avoir une influence sur le lien de droit qui unit le courtier et le preneur d’assurance.

238. Appréciation des usages par les juges. Si la Cour de cassation rappelait l’appréciation souveraine des juges du fond quant à « l’existence et la portée d’un usage général qui s’impose aux parties, à défaut de convention contraire (…) » (868

), elle vient aujourd’hui renforcer la valeur des usages en faisant une application stricte et leur conférant un caractère impératif. Dans plusieurs décisions récentes, la Cour de cassation vient confirmer le caractère obligatoire des usages pour lesquels un non-respect avait été relevé (869). Aussi, les tribunaux veillent à assurer le respect des usages du courtage d’assurance de manière constante les considérant comme des règles supplétives à défaut de disposition contraire notamment dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui analysait les usages du courtage en « normes supplétives reconnues comme s’appliquant entre professionnels » (870). Ainsi la valeur de ces usages s’en trouve considérablement renforcée et dépasse la simple volonté des parties. Le recours aux usages ainsi que leur application se trouvent dès lors beaucoup plus fluide, en témoigne une décision de la cour d’appel indiquant que « la société intimée est donc fondée à se prévaloir des usages du courtage, dès lors qu’une affaire a été présentée à un assureur par un courtier » (871). Toutefois, dans l’hypothèse où une juridiction consacre un usage, ou même dans le cas où elle le réfute, cela ne vaut que pour le litige tranché (872).

(866) A l’inverse l’usage conventionnel, auquel les parties entendent se référencer au titre de la convention passée entre eux, doit être prouvé. ; BIGOT J., Traité de Droit des assurances, L’intermédiation d’assurance, op. cit.,

n° 784 p.603.

(867) BIGOT J., Traité de Droit des assurances, L’intermédiation d’assurance, op. cit., n° 785, p.603 : « pour la jurisprudence, « Les usages d’une place ou d’une profession sont inopposables aux personnes étrangères à cette place et à cette profession si elles n’ont pas été informées de leur existence et n’ont pas consenti expressément ou tacitement à leur application » » se référant à Cass. Civ. 3e, 8 oct. 1956, Bull. Civ. III, n° 225.

(868) Cass. Com. 25 janv. 1972 n° 70-13.960, Bull. Com. n° 34 p.32 ; Dans le même sens CA Paris, 7e ch., 2 déc. 2008, n° 06/13352 : Ces décisions sanctionnent ainsi les assureurs ou les courtiers sur la base des usages du courtage et non pas sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, leur conférant ainsi force de loi.

(869) Cass. Civ. 2e, 30 avril 2014, n° 13-17.067, NP ; Cass. Civ. 1ère, 15 mai 2015, n° 14-11.894, Bull. 2015, n° 5, I, n° 114.

(870) CA Paris, 2 déc. 2008, JurisData n° 2008-004866. (871) Ibid.

165 2. Valeur des textes déontologiques et chartes professionnelles

239. Valeur des textes déontologiques du courtage d’assurance. Les règles déontologiques en matière de courtage d’assurance ont pour vocation de régir la conduite des courtiers ainsi que leurs relations avec le preneur d’assurance d’une part, et les entreprises d’assurance d’autre part. Codifiées par les syndicats de courtiers en assurances, ces normes de conduite ne sont pas contrôlées par l’État (873). La jurisprudence rappelle que le non-respect de ces règles peut entraîner l’application de sanctions disciplinaires à l’encontre du membre malheureux (874). En l’espèce, si la chambre syndicale des courtiers d’assurance prévoit des sanctions disciplinaires dans les cas du non-respect du Code moral des courtiers (875), elle ne semble rien prévoir concernant le Code de conduite de co-courtage.

240. Position de la jurisprudence. Toutefois, afin de mesurer l’influence de ces normes de conduite dans la relation contractuelle existant entre le courtier et le preneur d’assurance, il convient de rappeler la position de la jurisprudence en la matière. Le principe est l’utilisation facultative des règles déontologiques. Il ressort ainsi l’opportunité pour le juge de prendre en compte les règles déontologiques « pour qualifier une faute contractuelle » (876). En outre, un auteur rappelle que « l’utilisation de documents qui récapitulent les règles en usage dans la profession pour apprécier les devoirs dont le manquement établit la faute du professionnel est une démarche assez courante du juge. Celui-ci se fonde en effet volontiers sur le manquement à un usage professionnel ou aux directives imposées par un syndicat ou aux normes techniques élaborées par des organismes spécialisés à l’appui des décisions par lesquelles il se

(873) « les codes de déontologie, comme d’ailleurs les usages et les normes techniques, n’émanent ni du législateur ni d’une autre autorité étatique, mais des professionnels eux-mêmes ou de leurs représentants, c’est-à-dire de personnes privées », la solution de la Chambre commerciale aboutissant à une « méconnaissance flagrante de la hiérarchie des sources du droit » - MORET-BAILLY J., Règles déontologiques et fautes civiles, D. 2002 p.2820 n° 4 citant VINEY G., Chronique de responsabilité civile, JCP 1997, I, n° 4068 p.508 n° 5, laquelle ajoute que « « le but essentiel des règles déontologiques consiste à organiser la discipline à l’intérieur d’une profession » ; Joël MORET-BAILLY parle de « règles déontologiques, dont le contenu n’est pas contrôlé a priori par l’État (règles internes d’associations, de syndicats, de fédérations sportives, règlements intérieurs d’entreprises) que nous nommons « déontologies extra-étatiques » citant sa thèse « Les déontologies », PUAM, 2001, 27 33, 293-296 et 99-162 - MORET-BAILLY J., Règles déontologiques et fautes civiles, op. cit., n° 1. (874) « les règles de déontologie, dont l’objet est de fixer les devoirs des membres de la profession, ne sont assorties que de sanctions disciplinaires et n’entraînent pas à elles seules la nullité des contrats conclus en infraction à leurs dispositions » - Cass. Civ. 1ère, 5 nov. 1991, n° 89-15.179, Bull. 1991, I, n° 297 p.195.

(875) Voir infra n° 311.

(876) MORET-BAILLY J., Règles déontologiques et fautes civiles, op. cit., n° 5 faisant référence à Cass. Civ. 1ère 24 janv. 1990, Bull. Civ. I, n° 25 ; Ibid., n° 3 : Cass. Com., 29 avr. 1997, n° 94-21.424, Bull. 1997, IV, n° 111 p.98 et Cass. Com 22 mai 2001, n° 95-14.909 ; Ibid., n° 8 : Cass. Civ. 1ère 18 mars 1997, n° 95-12.576, Bull. 1997, I, n° 99 p.65 ; voir également en ce sens Cass. Civ. 1ère, 3 mars 1993, n° 90-18.074, Bull. 1993, I, n° 93 p. 62.

166

prononce sur l’existence de la faute reprochée au professionnel. Que les codes de déontologie figurent parmi les sources auxquelles il peut puiser pour définir les devoirs dont l’inobservation engendre éventuellement une responsabilité paraît donc tout à fait normal » (877).

241. Valeur des chartes et nomenclatures. Les chartes professionnelles sont conclues entre syndicat de courtier et association représentant les entreprises et viennent en complément de règles impératives existantes. En effet, elles ne peuvent « en aucun cas conduire l’une des parties prenantes, client ou courtier, à se soustraire aux obligations prévues en particulier par le Code des assurances, le Code moral et par les « usages » du courtage d’assurance terrestre » (878). On observe l’esquisse d’une hiérarchie de normes plaçant ainsi le droit des assurances, source législative et le Code moral ainsi que les usages, normes issues de la pratique professionnelle au-delà de toute charte, nomenclature ou encore guide de cahier des charges.

La charte vient suggérer un contenu à la convention de courtage en détaillant d’une part les prestations pouvant être fournies. Cela étant, la charte précise que les conventions relèvent uniquement de la volonté des parties rappelant l’influence de la théorie des obligations (liberté contractuelle/autonomie de la volonté). Si ces chartes et nomenclatures n’ont pas de force obligatoire, elles constituent néanmoins un guide important et exhaustif de la relation courtier — preneur d’assurance (879

).

3. Le contrôle de la pratique professionnelle par l’ACPR

242. Supervision de la pratique professionnelle. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, branche de la Banque de France a pour mission la surveillance de l’activité des banques et de l’assurance dont l’appréciation des textes issus de la pratique professionnelle du courtage en assurance. À cet effet, le Code monétaire et financier (880) vient lui confier des missions de contrôle des pratiques de ces professions inhérentes au secteur bancaire, aux services d’investissement ainsi qu’au domaine de l’assurance dont font partie les courtiers en assurance, dont les textes issus de la pratique professionnelle. Elle peut ainsi approuver ou

(877) VINEY G., Chronique de responsabilité civile, JCP 1997, I, n° 4068 p.508 n° 3. (878) Chartes AMRAE/FCA 2001 et 2006 p.1.

(879) Voir infra n°313 et svts.

167

élaborer des codes de conduite dans le respect de règles législatives en vigueur à la demande d’associations professionnelles (881) ou encore constater l’existence de bonnes pratiques professionnelles (882). Elle publie en outre un recueil de l’ensemble des codes de conduite, règles professionnelles et autres bonnes pratiques constatées ou recommandées dont elle assurera le respect (883).