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En matière commerciale

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 1. Exclusion de la qualification de mandat

B. Distinction de la convention de courtage de contrats assimilés au mandat

1. En matière commerciale

111. De manière générale, en matière commerciale, la convention de courtage d’assurance se différencie à la fois du contrat d’agence commerciale (a) et du contrat de commission (b).

a. Le contrat d’agence commerciale

112. Définition. L’agent commercial tel que défini par le Code de commerce est un mandataire qui exerçant « à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux » (420). La qualité d’agent commercial ne peut être conférée à des intermédiaires « dont la mission de représentation s’exerce dans le cadre d’activités économiques qui font l’objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières » (421), tels que les agents généraux d’assurance (422

), les agents immobiliers (423) ou encore les intermédiaires en opération de banque (424).

(420) C. com., art. L. 134-1 al.1.

(421) C. com., art. L. 134-1 al. 2 ; Cass. Com. 10 déc. 2003, n° 01-11.923, Bull. 2003, IV, n° 198 p.220 ; Cass. Com. 15 janv. 2008, n° 06-14.698, Bull. 2008, IV, n°4.

(422) Décr. n° 96-902, 15 oct. 1996 (ce document comporte en annexe leur statut, fruit d’un accord entre les assureurs et les agents [accord 6 avr. 1996 entre la FFSA et la FNSAGA]).

(423) ROUQUET Y., La loi Hoguet s’applique aussi aux agents commerciaux, D. 2004. AJ 2230 sous Cass. Com. 7 juil. 2004, n° 02-17.107, Bull. 2004, IV, n° 146 p.185 : « L’agent commercial qui prête de manière habituelle son concours à la conclusion de contrats préliminaires à la vente, l’achat d’immeubles, de fonds de commerce ou de biens immobiliers, relève de la loi du 2 janvier 1970 sur les agents immobiliers ».

(424) « Une personne qui met habituellement en rapport des parties intéressées à la conclusion d’une opération de banque exerce l’activité d’intermédiaire en opération de banque ; cette profession étant régie par des dispositions législatives particulières, elle se trouve de ce fait exclue du statut des agents commerciaux » — CHEVRIER E., L’intermédiaire en opération de banque n’est pas un agent commercial, D. 2004. AJ 633 sous Cass. Com. 18 févr. 2004, n° 02-14.768, Bull. 2004, IV, n° 32, p.30.

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113. Acte juridique et représentation parfaite. Si comme le courtier en assurance, l’agent commercial est un intermédiaire intégrant une chaîne de distribution de produits ou de service, il effectue néanmoins sa mission en tant que mandataire, au nom et pour le compte du mandant. L’agent commercial « prospecte la clientèle, il prend des ordres et reçoit des commandes, voire conclut des contrats de vente, d’achat, de prestation de services au nom et pour le compte d’une entreprise industrielle ou commerciale ou d’un autre agent » (425

). Il fait partie des « intermédiaires qui négocient et qui concluent des ventes, des achats et parfois d’autres contrats au nom et pour le compte des entreprises qu’ils représentent » (426

) à la différence du courtier qui se limite à l’entremise entre preneur d’assurance et l’entreprise d’assurance. Le contrat d’agence commerciale a pour objectif de permettre à l’agent de négocier, voire de conclure certains contrats au nom et pour le compte de son mandant. Il ne s’agit pas d’une entremise entre deux protagonistes comme dans le cas du courtage d’assurance, mais d’un mandat confié par l’un d’eux afin de traiter avec l’autre. À l’inverse de l’agent commercial, le courtier ne conclut pas le contrat d’assurance au nom et pour le compte du preneur d’assurance. Il est question d’un pouvoir confié à l’agent commercial de représenter le mandant. En sa qualité de mandataire, l’agent commercial agit au nom et pour le compte de son mandant, producteur, industriel, commerçant ou autre agent commercial (427). Il passe des actes juridiques au nom et pour le compte de son ou ses fournisseurs auprès de ses clients sans aucune indépendance, à l’inverse du courtier. Dès lors, il est investi d’un pouvoir de représentation (428) et est soumis de plein droit au régime juridique du contrat de mandat prévu par le Code civil. Il agit en toute transparence sous la forme d’une représentation parfaite. Ainsi, à la différence du courtier en assurance, seule la délivrance du mandat permet à l’agent commercial d’exercer sa profession (429

).

b. Le contrat de commission

114. Définition. Le courtier se distingue également du commissionnaire. Le contrat de commission est un contrat par lequel le commissionnaire agit en son propre nom pour le compte d’un commettant (430). En d’autres termes, le commissionnaire « dissimule en

(425) PEDAMON M., KENFACK H., op. cit., n° 760. (426) Ibid., n° 756.

(427) C. com., art. L. 134-1 al. 1.

(428) PEDAMON M., KENFACK H., op. cit., n° 60.

(429) LELOUP J-M., Agent commercial, Répertoire de droit commercial, octobre 2003 (actualisation mai 2018), n° 41.

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quelque sorte la personne du commettant, autrement dit l’entreprise pour laquelle il agit… bien que les rapports qu’il noue soient destinés en définitive à cette entreprise, à ce commettant » (431). Le commissionnaire (432) comme le courtier est un intermédiaire de commerce. Dans le cadre de son opération de commission, il exerce son office en son nom, pour le compte d’un tiers (433), son donneur d’ordres, c’est-à-dire au regard des intérêts de ce dernier. Le Code de commerce le définit comme celui « qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d’un commettant » (434). Le contrat de commission, acte de commerce (435), est un moyen liant deux parties au service d’une opération triangulaire (436). Toutefois, si le courtier est chargé d’une mission d’entremise entre le preneur d’assurance et l’entreprise d’assurance en vue de les lier par un contrat d’assurance, le commissionnaire, bien qu’agissant également dans les intérêts de son commettant, n’agit pas en vue d’un rapprochement entre ce commettant et le tiers.

115. Acte juridique et représentation imparfaite. Comme tout intermédiaire et notamment le courtier en assurance, le commissionnaire agit pour le compte d’autrui c’est-à-dire dans un objectif de respect et de préservation des intérêts confiés (437). Néanmoins, il existe une différence majeure entre ces deux contrats. Le commissionnaire va être partie au contrat de commission et au contrat principal (438), objet du contrat de commission alors que le courtier va se limiter à rapprocher le preneur d’assurance et le tiers contractant sans être partie au contrat auquel ceux-ci vont directement souscrire entre eux (439). En effet, en contractant en son nom propre, le commissionnaire s’engage personnellement auprès du tiers contractant. Bien que tous deux intermédiaires de services, « le commissionnaire se distingue très nettement du courtier qui ne passe pas lui-même les contrats, se bornant, en toute

(431) PEDAMON M., KENFACK H., op. cit., n° 746.

(432) « Dérivé du latin commissium, participe passé du verbe commettre, il désigne de prime abord l’action de confier une mission à quelqu’un » - DISSAUX N., Commissionnaire, Répertoire de droit commercial, Novembre 2015, n° 1.

(433) Commissionnaire, Fiches d’orientation, mai 2018. (434) C. com., art. L. 132-1 al. 1.

(435) C. com., art. L. 110-1 5°.

(436) « Le contrat de commission permet de réaliser des opérations triangulaires » - PEDAMON M., KENFACK H., op. cit., n° 746, p.755.

(437) « Le commissionnaire est un intermédiaire tenu de conclure un contrat pour le compte d’autrui. Son action a donc un objet spécifique : la conclusion d’un contrat. Elle s’effectue au surplus selon une modalité particulière : pour le compte d’autrui » — DISSAUX N., Commissionnaire, op. cit.,n° 48.

(438) Entendu comme le contrat conséquence en vue duquel est conclu le contrat de commission.

(439) Cass. Com. 21 nov. 1956, Bull. Civ. III, n° 303 ; Cass. Com. 6 juil. 1960, Bull. Civ. III, n° 279 ; Cass. Com. 3 mai 1965, n° 60-11.866, Bull. Civ. III, n° 280 ; Cass. Crim. 15 oct. 1964, D. 1965 p.175 : « Que s’il est vrai que le « courtier » simple intermédiaire dont le rôle est de rapprocher deux personnes désirant contracter, n’a aucune qualité pour recevoir la facture, il en est différemment du « commissionnaire » qui effectue une opération commerciale pour le compte de son commettant ».

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indépendance, à rapprocher les parties sans en représenter aucune » (440). De plus, ce dernier n’a finalement pas connaissance de l’identité du commettant et inversement, ce qui paraît inconcevable dans l’hypothèse d’une opération de courtage. Si dans l’opération de commission, le contrat de commission n’aboutit pas à la création d’un lien entre le commettant et le tiers contractant, l’essence même de la convention de courtage a pour vocation d’aboutir à la souscription d’un contrat d’assurance. En outre, on n’imagine pas l’assureur s’engager sans information relative tant au souscripteur qu’à l’assuré. Le contrat de commission va aboutir à conclusion d’un contrat entre le commissionnaire et le tiers contractant et non entre le commettant et le tiers contractant (441) alors qu’il vise les intérêts même du commettant. La qualification du contrat de commission exige que le commissionnaire agisse en son nom propre (442).

Toutefois, bien que fondé en partie sur le régime du contrat de mandat, le contrat de commission ne semble pas répondre à tous ses critères essentiels du fait de la représentation particulière liée à l’opération de commission (443

). Il apparaît que la forme de représentation diffère de la représentation prévue au mandat (444). Sans représenter la personne stricto sensu, le contrat de commission permet néanmoins une représentation des intérêts, qui peut apparaître en soi comme le but ultime (445). En effet, « le commissionnaire, comme tout intermédiaire, assume la fonction de réaliser (…) l’intérêt d’une autre personne, son donneur d’ordres. Il met sa personne au service d’autrui, même s’il a accessoirement un intérêt

(440) AUCKENTHALER F., Commettant, commissionnaire à la vente : détermination du véritable titulaire de la créance envers le tiers Contractant, D.1998 p.53 n° 1.

(441) « En cela, il se distingue du courtier, qui n’a pas le pouvoir de conclure un contrat pour le compte de son donneur d’ordres. Le courtier se borne à rapprocher deux parties, son donneur d’ordre et un tiers, qui, éventuellement, concluront directement entre elles un contrat » — DISSAUX N., Commissionnaire, op. cit.,

n° 50 ; CA Lyon, 12 nov. 1951, Gaz. Pal. 1952. 1, 31 : « Attendu qu’à l’opposé du courtier qui se borne à rapprocher les parties en vue de la conclusion d’un contrat, auquel il demeurera étranger, le commissionnaire passe lui-même le contrat et que, s’il agit pour le compte de son client, il traite cependant en son propre nom ; que là est sa caractéristique essentielle ».

(442) « Le commissionnaire agit toujours en son propre nom. C’est là une exigence afin de retenir la qualification de commission » — DISSAUX N., Commissionnaire, op. cit., n° 70.

(443) Voir infra n° 94 et svts.

(444) C. civ., art. 1153 et svts ; voir infra n° 90 svts.

(445) « Un auteur a mis en lumière que, si le commissionnaire ne représente pas la personne du commettant, il représente les intérêts de celui-ci (et parfaitement) ; cela nous a conduits à rebaptiser la commission de mandat incomplet (car dans le mandat en plénitude il y a représentation tant de la personne que des intérêts du mandant) » (A propos de M-L. IZORCHE) - LE TOURNEAU P., (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cit., n° 3321.72 ; « La commission constitue un procédé de représentation des intérêts d’autrui » - RIPERT G., ROBLOT R., DELEBECQUE P., GERMAIN M., op. cit., n° 2635 ; C’est une représentation des intérêt d’autrui et de la volonté du commettant. Celui qui est mandataire donne un consentement pour le mandant qui est partie au contrat ; celui qui est commissionnaire donne son propre consentement et il est lui-même partie du contrat, bien que le contrat soit conclu pour un autre » - RIPERT G., ROBLOT R., DELEBECQUE P., GERMAIN M., op. cit., n° 2638.

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personnel dans l’affaire dont il est chargé de favoriser l’accomplissement » (446). Dès lors, le commissionnaire, de par la spécificité de l’opération d’intermédiation qu’il réalise, est directement partie aux effets du contrat, objet final de cette opération (447). Aussi, le courtier ne semble pas pouvoir accéder à cette hypothèse. En effet, l’opacité qui caractérise l’opération de commission paraît inapplicable en matière d’intermédiation d’assurance. Le risque et le souscripteur ou l’assuré doivent pouvoir être identifiés sans quoi le contrat d’assurance n’aurait pas d’objet. De même, des indications erronées quant à ces éléments essentiels le rendraient sans effet. L’opération de courtage nécessite d’être effectuée dans la transparence pour être efficace impliquant que les contrats l’organisant prévoient cette transparence.

De manière générale, le courtier en assurances se distingue du commissionnaire en ce l’opération de courtage en assurance va s’orienter vers la création d’un lien de droit entre le preneur d’assurance et le tiers, entreprise d’assurance, alors que l’opération de commission ne permet pas la création d’un lien de droit entre le commettant et le tiers, conséquence de la représentation imparfaite qui caractérise cette opération.