• Aucun résultat trouvé

La protection du preneur d’assurance par le droit des assurances

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 2. Portée du cadre normatif

A. Les dispositions législatives protectrices dans la convention de courtage d’assurance

2. La protection du preneur d’assurance par le droit des assurances

252. Une interprétation en faveur de la partie faible. En outre, toujours en matière de contrat d’adhésion, en cas de doute, les clauses s’interprètent à la faveur de celui à qui on le propose (902), c’est-à-dire à la faveur du preneur d’assurance dans le cadre de la convention de courtage d’assurance, en résonance avec l’article L. 211-1 du Code de la consommation relatif à l’interprétation des clauses ambiguës.

253. Ces nouvelles prescriptions de droit commun révèlent l’influence consumériste sur le droit des contrats qui tend à rééquilibrer les forces en présence au sein de l’opération contractuelle et qui n’est pas sans rappeler l’esprit protecteur des prescriptions du Code des assurances.

2. La protection du preneur d’assurance par le droit des assurances

254. Le droit des assurances : un droit protecteur. Nonobstant la protection de la partie faible proposée par le droit commun, le droit spécial que constitue le droit des assurances est

(897) C. civ., art. 1112-1 al. 6. (898) C. civ., art. 1122. (899) C. conso., art. L. 212-1. (900) C. civ., art. 1170.

(901) C. civ., art. 1171 ; voir infra n° 398. (902) C. civ., art. 1190.

171

également orienté vers la protection de ses bénéficiaires que sont les assurés (903). Le Code des assurances prévoit depuis sa création (904), une législation protectrice envers le preneur d’assurance en encadrant notamment la réglementation du contrat d’assurance qui souvent « apparaît comme un contrat technique, difficile à appréhender et aux prestations impalpables » (905). À l’inverse, si la convention de courtage d’assurances n’est pas directement traitée par le Code des assurances, l’activité d’intermédiation l’est.

255. Formation de la convention de courtage. Si le droit commun des contrats suppose une liberté contractuelle dans la formation des contrats, ce principe vient être contrarié notamment par la matérialisation d’obligations incombant au courtier d’assurance dans le cadre de son activité d’intermédiation d’assurance. En effet, le Code des assurances lui impose un certain nombre d’obligations (906). Il s’agit pour le courtier d’informer le preneur d’assurance préalablement à la conclusion du contrat d’assurance, notamment de porter à la connaissance de son client un certain nombre d’informations le concernant sur un plan administratif (907) et économique (908) d’une part et concernant sa prestation d’intermédiation d’assurance d’autre part (909). Le preneur d’assurance, futur assuré « doit être éclairé sur un contrat rendu compliqué par la dimension technique » (910). Cette information précontractuelle impose au courtier le devoir de « délivrer à l’autre partie les informations qu’il détient sur des éléments essentiels du contrat, cette dernière n’étant pas en mesure d’accéder à ces informations par ses propres moyens » (911). Ainsi, comme en matière de droit de la consommation et nouvellement en matière de droit des contrats, le droit des assurances et en particulier l’intermédiation d’assurance, implique une obligation d’information autonome.

256. Le formalisme imposé par le droit des assurances. Si le contrat d’assurance est soumis à un formalisme particulier (912) visant à protéger l’assuré, le Code des assurances était

(903) MAYAUX L., Assurance : généralités, op. cit., n° 81 et svts ; Globalement, il s’agit d’un droit de protection des assurés, mais également des victimes. On retrouve entre autres les contrats d’assurance automobile (Loi Badinter n° 85-677 du 05 juil. 1985), les contrats Dommage-Ouvrage (Loi Spinetta n° 78-12 du 04 juil. 1978) ou encore les contrats de responsabilité civile professionnelle attribués à certains domaines professionnels.

(904) Depuis 1930.

(905) BENTIN-LIARAS M., op. cit., n° 1.

(906) C. ass., art. L.521-2 ; C. ass., art. R. 521-1 I et svts.

(907) C. ass., art. L.521-2 I et II ; C. ass., art. R. 521-1 I ; C. ass., art. R. 521-4 ; voir infra n° 422. (908) C. ass., art. L.521-2 II 1° et art. R. 521-1 II ; voir infra n° 423.

(909) C. ass., art. L.521-2 II 1° et 2° ; voir infra n° 426 et svts.

(910) A propos du contrat d’assurance - BENTIN-LIARAS M., op. cit., n° 21. (911) WALTZ-TERACOL B., La protection par le droit civil, RGDA 2014.

(912) « En droit des assurances, la rédaction du contrat est réglementée, car il faut mettre en garde l’assuré quant à l’importance de ce à quoi il va consentir » - BENTIN-LIARAS M., op. cit., n° 6 ; voir infra n° 565 et svts.

172

toutefois imprécis quant à l’existence d’un formalisme particulier dans la convention de courtage d’assurance jusqu’à récemment (913

).

Certaines mentions obligatoires doivent être matérialisées telles que le nom du courtier, son numéro d’immatriculation ORIAS, son siège social (914

), impliquant a priori l’existence d’un formalisme, a minima tout le moins. Egalement l’obligation d’information doit être matérialisée par écrit ou sur un support durable, cela de manière compréhensible, exacte et non trompeuse (915). Ces éléments doivent être portés à la connaissance du preneur d’assurance dans un souci de protection des intérêts de la partie la plus faible au contrat.

257. Le traitement des clauses abusives par le droit des assurances. En outre, si le Code des assurances impose dans le cadre de la réglementation du contrat d’assurance que les clauses (916) soient sur le fond « formelles et limitées » (917) et lisibles et compréhensibles sur la forme (918), concernant les clauses abusives dans la convention de courtage d’assurance, le droit des assurances reste silencieux. De plus, la Cour de cassation vient préciser l’interaction entre le droit de la consommation et le droit des assurances en énonçant que « le contrat d’assurance reste soumis à l’article L. 212-1 du Code de la consommation, lequel est le siège de la réglementation des clauses abusives dans le cadre uniquement des relations entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs » (919). Le courtier est ainsi tenu au respect de la réglementation des clauses abusives. Toutefois, d’aucuns considèrent que le Code des assurances « contient déjà en son sein un certain nombre de dispositions très protectrices de l’assuré, visant justement à sanctionner les clauses jugées abusives par le législateur (920) et l’on peut douter de la pertinence d’un autre régime sur les clauses abusives qui ne ferait alors que double emploi » (921).

(913) Du moins concernant les obligations d’information et de conseil du courtier depuis les directives européennes de 2012 et 2016 transposées en droit interne.

(914) C. ass., art. L. 521-2 I ; C. ass., art. R. 521-4. (915) C. ass., art. L. 521-4 I ;

(916) Qu’elles soient liées à des garanties ou à des exclusions. (917) C. ass., art. L. 113-1 al. 1 à propos des clauses d’exclusions.

(918) C. ass., art L. 112-4 en caractères très apparents ; C. conso., art. L. 133-2 al. 1.

(919) BERTRAND P., Réforme du droit des contrats : quel impact sur le contrat d’assurance ?, D. 2016 p.1156 sous Cass. Civ. 1ère, 10 sept. 2014, n° 12-20.931.

(920) BERTRAND P., Réforme du droit des contrats : quel impact sur le contrat d’assurance ?, D. 2016 p.1156 sous Cass. Civ. 1ère, 10 sept. 2014, n° 12-20.931en référence à KULLMANN J., Clauses abusives et contrat d’assurance, RGDA 1996 p.11.

(921) BERTRAND P., Réforme du droit des contrats : quel impact sur le contrat d’assurance, D. 2016. 1156 sous Cass. Civ. 1ère, 10 sept. 2014, n° 12-20.931.

173

258. Interprétation in favorem. Par ailleurs, rappelons qu’en cas d’interrogation sur la possible interprétation de la volonté des co-contractants, le Code civil impose de rechercher l’intention réelle des parties et non d’opérer une interprétation littérale (922

). Conformément à la lettre de l’article 1190 du Code civil et de l’article L. 211-1 du Code de la consommation, et à la position de la Cour de cassation (923), l’interprétation d’une clause au caractère ambivalent se fait au bénéfice du consommateur, partie faible au contrat (924).

En matière d’assurance, la clause d’un contrat conclu avec un consommateur doit s’interpréter dans le sens qui lui est le plus favorable en cas de doute (925). Ainsi la Cour de cassation prend position pour la protection du preneur d’assurance, partie faible à la conclusion du contrat d’assurance en retenant « l’interprétation la plus conforme aux intérêts de l’assuré-consommateur » (926). Cette interprétation en faveur du consommateur doit également intervenir dans l’hypothèse où le doute provient de la confrontation de deux clauses « pourtant claires et précises lorsqu’elles sont prises isolément, de deux contrats d’assurance formant un ensemble contractuel unique » (927) faisant une application stricte de l’article L. 211-1 du Code de la consommation. En effet, dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, le courtier est en charge de préserver les intérêts de client notamment lorsque l’indemnisation du sinistre réside dans l’interprétation d’une clause du contrat d’assurance. En effet, si l’interprétation d’une clause ambiguë se fait en faveur de l’assuré (928), il n’en reste pas moins que les entreprises d’assurance cherchent de leur côté à préserver leurs intérêts propres, notamment dans l’hypothèse d’un sinistre pouvant impliquer une indemnisation financière très importante, ce qui explique notamment que la résolution de ce type de sinistres passe très souvent par la voie judiciaire.

(922) C. civ., art. 1188.

(923) Cass. Civ. 2e,1 juin 2011, n° 09-72.552, Bull. Civ. II, n° 126 ; Cass. Civ. 2e, 13 juil. 2006, n° 05-18.104, Bull. 2006, II, n° 214.

(924) CLARET H., Interprétation des contrats d’assurance et droit de la consommation, D. 2003 p.2600 sous Cass. Civ. 1ère, 21 janv. 2003, n° 00-13.342.

(925) La Cour de cassation fait une régulière application de cette disposition : Cass. Civ. 2e, 01 juin 2011, n° 09-72.552, Bull. Civ. II, n° 126 obs. DE RAVEL D’ESCLAPON T., Le doute profite à l’assuré, Dalloz actualité 20 juin 2011 ; Cass. Civ. 2e, 13 juil. 2006, n° 05-18.104, Bull. 2006, II, n° 214 p.203 note AVENA-ROBARDET V., Contrat d’assurance : l’ambiguïté d’une clause profite au consommateur, Dalloz actualité 05 oct. 2006 ; Cass. Civ. 1ère, 22 mai 2008, n° 05-21.822 : Bull. Civ. I, n° 145 ; Cass. Civ. 2e, 09 avr. 2009, n° 08-15.714, NP ; Cass. Civ. 1ère, 17 nov. 2011, n° 10-23.093, RGDA 2012, p. 382, note BRUSCHI M. ; Cass. Civ. 2e, 15 déc. 2011, n° 10-26.983, RGDA 2012, p.606, note BRUSCHI M.

(926) ASSELAIN M., Interprétation des clauses de la police : le doute profite à l’assuré-consommateur !, RGDA 2018 p.242 sous Cass. Civ. 2e, 8 mars 2018, n° 17-10.030.

(927) DE RAVEL D’ESCLAPON T., Ensemble contractuel unique et interprétation en faveur du consommateur, Dalloz actualité 23 juil. 2014 sous Cass. Civ. 2e, 3 juil. 2014, n° 13-22.418.

174

259. L’encadrement de la rupture de la convention de courtage d’assurance. Par ailleurs, si l’assuré dispose d’une faculté de résiliation du contrat d’assurance « lui procurant, en cours d’exécution une maîtrise de la durée du contrat, qu’il ne possédait pas au moment de la conclusion » (929), les conditions de rupture de la convention de courtage d’assurance ne sont pas envisagées par le Code des assurances permettant ainsi d’envisager soit l’application de stipulations contractuelles propres soit la possibilité également d’une faculté de résiliation parallèle à celle du contrat d’assurance ayant été souscrit par l’intermédiaire de cette convention (930).

260. Autres protections : encadrement de la profession de courtier d’assurance. Par ailleurs, au-delà de l’aspect contractuel de la convention de courtage d’assurance, il existe d’autres moyens de protéger le preneur d’assurance telle que l’obligation de souscription d’une responsabilité civile professionnelle, l’obligation de souscrire une garantie financière ou encore l’hypothèse de la subrogation des droits de l’assureur en cas de placements fictifs effectués par le courtier (931) mais également par l’encadrement de la profession par l’intermédiaire d’un respect d’un certain niveau de compétence et de probité (932

).

B. Existence d’un consommateur d’assurance dans la convention de courtage