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Opportunité d’une qualification de la convention de courtage en contrat d’entremise à part entière

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 2. Adéquation de la notion d’entremise

A. La qualification de mandat d’entremise (Thèse de N. DISSAUX)

2. Opportunité d’une qualification de la convention de courtage en contrat d’entremise à part entière

143. Préférence prétorienne de la qualification de contrat d’entremise à celle de mandat d’entremise. La qualification du mandat d’entremise apparaît dans un arrêt de la première chambre civile de 1983 concernant le contrat d’agence immobilière (524

). Toutefois, M. GANTSCHNIG relève le faible intérêt de cette reconnaissance considérant cette qualification comme imparfaite, voire antinomique. En effet, il considère que « pour qu’il y ait acceptation pure et simple, sans condition, il aurait fallu que la qualification légale non précisée soit reprise telle quelle par le juge. Mais en optant pour un mandat particulier, le juge rejette nettement l’acception traditionnelle du mandat en n’épousant pas parfaitement l’acception nouvelle » (525

). Il estime ainsi que « le mandat d’entremise s’oppose nettement à l’acception traditionnelle du mandat. Dans le même temps, elle témoigne d’une certaine faveur à la qualification légale sans pour autant en être une acceptation parfaite. Il en résulte en quelque sorte deux mandats, le mandat du Code civil, avec représentation, et le mandat d’entremise, sans » (526

).

(521) TOMASI A., « Les conflits de lois en matière de représentation conventionnelle et l’opportunité d’une convention internationale », Rev. Crit. DIP, 1958, p.651 cité par GANTSCHNIG D., La qualification générique de contrat d’entremise, op. cit., n° 735.

(522) Voir supra n° 75 et svts. (523) Voir supra n° 70.

(524) Cass. Civ. 1ère, 13 avr. 1983, n° 81-16.728, Bull. Civ. I, n° 119.

(525) GANTSCHNIG D., La qualification générique de contrat d’entremise, op. cit., n° 402. (526) Ibid., n° 402.

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La reconnaissance d’une qualification générique de contrat d’entremise telle que proposée par M. GANTSCHNIG a pour objectif d’aller au-delà de l’idée de M. DISSAUX qui selon lui, offre une qualification juridique imparfaite de mandat d’entremise au courtage qui, au final, n’est pas un contrat de mandat.

En outre, les différentes qualifications de contrat d’entremise par la jurisprudence viennent conforter cette position. Toujours relativement au contrat d’agence immobilière, il apparaît que le terme de contrat d’entremise est préféré à celui de mandat d’entremise (527

). La Cour d’appel le qualifie à plusieurs reprises de « contrat d’entremise » et non plus de « mandat d’entremise » considérant qu’il n’emporte pas pouvoir d’engager le client (528

) et se limite à « la recherche et à la présentation d’un candidat acquéreur » (529). En effet, l'expression mandat d'entremise révèle une certaine antinomie liée à l’adjonction du terme « entremise » au terme « mandat » : le mandat dans son acception traditionnelle est caractérisé par la conclusion d’un acte juridique au nom et pour le compte du mandant par le mandataire alors que l'entremise participe, favorise à la conclusion de l'acte juridique sans le réaliser. Ces deux termes pris séparément relèvent de deux périmètres d'action différents. Aussi l'adjonction du terme entremise semble ôter au mandat sa caractéristique essentielle pouvant entraîner une certaine confusion.

En définitive, il apparaît que le contrat de mandat et la convention de courtage « ne se confondent pas, tantôt ils se superposent lorsque le courtage n’a pas vocation à être absorbé par un mandat qui n’est que ponctuel, tantôt un seul contrat est véritablement conclu, pour une affaire donnée, et alors une qualification unique de mandat s’impose » (530

). Dès lors, si le mandat d’entremise est une qualification juridique imparfaite, alors il nous paraît cohérent d’envisager la convention de courtage d’assurance sous la qualification de contrat d’entremise auquel un contrat de mandat traditionnel peut venir se superposer.

(527) CA Besancon, 27 mars 2001, JurisData n° 2001-138845. (528) CA Paris, ch.2 sect. A, 17 mai 2006, JurisData n° 2006-300865.

(529) CA Aix-en-Provence, 19 janv. 2010, JurisData n° 002248 dans lequel la qualification de contrat d’entremise est confirmée en cassation par Cass. Civ. 1ère, 20 nov. 2013 n° 12-26.128, Bull. Civ. I n° 228. .

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144. Application de la qualification générique d’entremise à la convention de courtage d’assurance. Il a été vérifié en amont que l’activité de courtage d’assurance répond à la définition de l’activité d’entremise notamment en ce qu’elle est orientée vers la conclusion d’un contrat d’assurance pour le compte du preneur d’assurance (531

) d’une part et qu’elle remplit la condition de la prestation caractéristique d’entremise de recherche, de négociation et/ou de conclusion (532) d’autre part. Dès lors, il est possible de penser que la convention de courtage d’assurance répond à la définition de contrat d’entremise proposée par M. GANTSCHNIG laquelle le présente « comme l’acte par lequel l’entremetteur s’engage, dans le cadre d’un rapport de confiance, à œuvrer activement pour l’établissement d’une manifestation de volonté d’un tiers pour le compte du donneur d’ordres » (533

). En effet, la convention de courtage s’apparente très aisément à un acte par lequel le courtier, intermédiaire entremetteur, met en relation de manière active et volontaire entreprise d’assurance et preneur d’assurance en vue de la souscription d’un contrat d’assurance conforme aux intérêts de ce dernier. De plus, la qualification de contrat d’entremise est ainsi affranchie de toute adjonction au contrat de mandat, traditionnel ou d’entremise c’est-à-dire de toute caractéristique ou modalité liées au mandat, proposant une qualification plus large et autonome.

§2. Un contrat caractérisé par une forme de représentation propre à

l’entremise du courtage d’assurance

145. La question du mécanisme de réalisation du contrat d’entremise. L’hypothèse de la qualification de la convention de courtage d’assurance en contrat d’entremise à part entière, c’est-à-dire un contrat permettant d’agir pour le compte d’autrui, pose la question de son mécanisme de réalisation. Si la convention de courtage ne répond ni au concept de représentation parfaite ni au concept de représentation imparfaite, il n’en demeure pas moins que le courtier s’apparente à « l’intermédiaire qui se contente de négocier un contrat avec quelqu’un qui agit au nom d’autrui, car il entre en relation avec un tiers en lui faisant savoir qu’il le fait pour autrui et que seul autrui sera engagé » (534) sans passer d’acte juridique.

(531) Voir supra n° 70.

(532) Voir supra n° 75 et svts.

(533) GANTSCHNIG D., La qualification générique de contrat d’entremise, op. cit., n° 847. (534) Ibid., n° 688.

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146. Plan. La convention de courtage d’assurance peut donc être envisagée comme un contrat d’entremise à part entière quant à la prestation d’entremise d’assurance auquel peut venir se superposer un contrat de mandat concernant le placement ou le remplacement du contrat d’assurance voire même la conclusion de ce contrat. Si le contrat de mandat traditionnel n’appelle pas de réflexion particulière sur la nature de la représentation en découlant (535), l’hypothèse du contrat d’entremise mérite néanmoins une analyse. Dès lors, il est possible d’imaginer qu’un mode particulier de représentation lui soit associé, se fondant (A) et se déclinant (B) en considération du contexte de l’opération de courtage d’assurance.