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Indépendance du courtier : un pouvoir de négociation et de représentation

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 2. Adéquation de la notion d’entremise

A. Représentation inhérente à l’activité de courtage d’assurance

2. Indépendance du courtier : un pouvoir de négociation et de représentation

151. En concluant une convention de courtage d’assurance, le preneur d’assurance autorise le courtier à se rapprocher des entreprises d’assurance pour son compte, afin d’obtenir une proposition de couverture adaptée à son risque et conforme à ses attentes (549). L’idée d’une forme de représentation peut donc également être confortée par le principe d’indépendance et d’autonomie dont jouit le courtier.

152. Indépendance, source d’autonomie. La source de cette autonomie réside notamment et en premier lieu, dans le transfert de la personne du représenté vers la personne du représentant, du pouvoir à faire quelque chose, de confier une mission en raison d’une compétence professionnelle par exemple, et, dans un second lieu, dans l’exercice relativement libre de ce pouvoir. La compétence du courtier lui confère un statut particulier et un pouvoir. Il met en œuvre en toute autonomie les moyens qu’il estime les plus adéquats afin de répondre aux besoins de son client. La source de cette autonomie semble se trouver dans l’indépendance juridique dont il bénéficie. En référence au contrat de mandat, contrat de représentation par excellence (550), qui permet au mandataire de « jouir d’une autonomie certaine, d’une sorte d’indépendance, d’une liberté — même relative — dans la négociation ou la rédaction de l’acte juridique » (551), l’indépendance du courtier peut être ainsi analysée comme un fondement de la forme de représentation dans la convention de courtage.

(549) Le statut du courtier lui confère une aptitude à saisir les entreprises d’assurance. Il est le seul à pouvoir négocier de manière indépendante. En effet, il est en mesure de proposer une large gamme d’offres sur le marché.

(550) Pour une partie de la doctrine ; voir supra n° 90. (551) LE TOURNEAU P., Mandat, op. cit., n° 77.

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153. Influence du caractère d’indépendance. L’indépendance permet au représentant de pouvoir exercer son pouvoir de représentation sans entrave et de garantir le respect de la mission confiée par le représenté. En outre le recours à un courtier en assurance n’est pas anodin. L’indépendance des courtiers à l’inverse des agents généraux ou encore des mandataires d’assurance totalement dépendant des entreprises d’assurance (552), fait d’eux les seuls intermédiaires offrant une alternative concurrentielle accrue et de conseil en matière d’assurance. En effet le courtier est libre de placer les risques de ses clients dans les compagnies offrant les produits les plus adaptés et de faire jouer la concurrence entre elles (553).

154. La recherche d’une forme de représentation propre à la convention de courtage permet de mettre en avant les éléments divergents et convergents à cette hypothèse. Si la convention de courtage d’assurance ne semble pas répondre entièrement aux critères de qualification du contrat de mandat tel que défini par le législateur (554), donc de la représentation parfaite, ni même entièrement aux prescriptions d’une représentation imparfaite, l’hypothèse d’une représentation sui generis reposant uniquement sur les intérêts du représenté tend toutefois à révéler une caractéristique propre de la convention de courtage. En effet, ces éléments viennent conforter l’idée de l’existence d’une forme de représentation découlant de cette convention.

(552) Voir supra n° 116.

(553) Sous réserve d’obtenir un code portefeuille avec l’entreprise d’assurance. (554) C. civ., art 1984 et svts.

107 B. Existence d’un mode de représentation spécifique dans la convention de courtage d’assurance

155. La question que l’on peut se poser est de savoir si la conclusion d’une convention de courtage en matière d’assurance équivaut à un pouvoir confié, et dans l’affirmative, si elle constitue un pouvoir à caractère représentatif (1) et dans quelle mesure il se décline (2).

1. Champ d’application

156. La représentation dans le Code civil. L’article 1154 du Code civil reprend les deux formes de représentation découlant du débat doctrinal relatif à la théorie de la représentation

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(555) en rappelant d’une part les termes de la représentation parfaite comme l’action du représentant dans la limite des pouvoirs confiés au nom et pour le compte du représenté, lequel est seul tenu de l’engagement contracté (556) et en envisageant la représentation imparfaite d’autre part, en ce qu’il s’agit de l’action du représentant pour le compte d’autrui toutefois menée en son nom propre et sous couvert de sa propre responsabilité (557). Considérant le contrat de mandat ou le mécanisme plus général de représentation, le législateur envisage l’acte de représentation comme un pouvoir confié (558

). La question dès lors se pose du type de pouvoir confié au courtier dans le cadre de la conclusion d’une convention de courtage avec son client.

157. Intérêt d’une hypothèse de représentation propre au courtage d’assurance. Si la convention de courtage ne transfère pas de droits au même titre que le contrat de mandat, il n’en reste pas moins qu’elle peut potentiellement faire émerger une forme de représentation propre à la profession de courtier. Tout d’abord il convient de rappeler que le contrat d’assurance peut être souscrit « sans mandat, pour le compte d’une personne déterminée » (559). Cela étant, il n’appartient pas au courtier de souscrire le contrat d’assurance au nom et pour le compte du preneur d’assurance (560). En effet, il est établi que sauf mandat spécial délivré par le preneur d’assurance le courtier ne signe pas le contrat d’assurance au nom et pour le compte de celui-ci (561). La mission de présentation du risque et de négociation des conditions du contrat d’assurance auprès de l’entreprise d’assurance confiée au courtier par le preneur d’assurance fait émerger une forme de représentation. Il semble qu’il s’agisse d’un pouvoir de représentation orienté vers la présentation du risque et la négociation d’un contrat d’assurance adapté à ce risque. En outre, considérant que le tiers contractant, en l’espèce l’entreprise d’assurance, sait que le courtier n’agit pas pour lui-même, mais au titre du pouvoir (562) que lui a confié le preneur d’assurance au travers de la conclusion de la convention de courtage, le caractère représentatif tend à se révéler. Un parallèle peut être fait avec la représentation des salariés par les organisations syndicales. Cette représentation semble découler du contrat de travail. Il n’existe pas de mandat entre les salariés et les

(555) Voir supra n° 89 et svts. (556) C. civ., art. 1154 al. 1. (557) C. civ., art. 1154 al. 2.

(558) C. civ., art. 1984, C. civ., art. 1154.

(559) C. ass., art. L. 112-1 al. 1 ; L. MAYAUX sous-entend le cas de la gestion d’affaires : MAYAUX L., Contrat d’assurance, Répertoire de droit civil, juin 2014 (actualisation novembre 2018), n° 16.

(560) Voir supra n° 106.

(561) Le courtier n’est pas partie à la conclusion du contrat d’assurance ; voir infra n° 106. (562) De recherche, de négociation, de placement du risque.

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organisations syndicales. Si cette représentation peut ainsi avoir une source légale, elle est également inhérente au statut de l’organisation syndicale, qui est seule à pouvoir négocier avec les dirigeants comme le courtier avec l’entreprise d’assurance (563

). Il existe à cet effet une présomption de représentation syndicale (564).

158. Une représentation des intérêts du preneur d’assurance. Si le courtier n’a pas pouvoir de conclure avec l’entreprise d’assurance, il conserve néanmoins une relation avec elle (565) dans laquelle le preneur d’assurance n’est pas intégré. Le courtier va saisir l’entreprise d’assurance afin d’obtenir un projet d’assurance garantissant le risque dans le respect des intérêts du preneur d’assurance. L’hypothèse d’une représentation des intérêts du preneur d’assurance par le courtier émerge notamment en ce qu’il est l’un des architectes du contrat d’assurance adapté à ses besoins. En effet le courtier, en tant qu’« assureur-conseil » (566), a pour mission de trouver et de présenter un contrat adapté aux besoins et aux intérêts de son client.

L’intérêt de cette hypothèse repose sur l’existence d’une représentation des intérêts du preneur d’assurance par le courtier qui permettrait de caractériser la convention de courtage en contrat de représentation. Elle conduirait à mettre en avant le pouvoir, à tout le moins l’influence du courtier sur le contrat d’assurance, auquel pourtant il est tiers. Nous pouvons tenter de l’illustrer par la mise en place de contrats-cadre ou protocoles, sur un portefeuille réunissant des risques identiques. Ce type d’accord a vocation à s’appliquer à une clientèle ciblée à cet effet et nécessite la mise en place d’un cahier des charges personnalisé en adéquation avec les besoins déterminés. Lors de l’élaboration de pareils accords qui ont lieu généralement de concours entre l’entreprise d’assurance et le courtier, ce dernier représente les intérêts de son client et veille à élaborer le contrat d’assurance en ce sens au travers des négociations qu’il entend mener.

159. Les intérêts à assurance du preneur d’assurance. La représentation d’intérêts, et dans notre cas, la représentation d’intérêts d’assurance est évoquée par un auteur (567

) notamment au regard de l’article L. 121-6 du Code des assurances qui rappelle d’une part que

(563) C. ass., art. R. 511-2 I 1° ; usages en matière d’assurances terrestres et maritimes. (564) C. tra., art. L. 411-1 ; Pouvoir de négociation et représentation collective.

(565) Voir infra n° 606 et svts. (566) Voir supra n° 13.

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« toute personne ayant intérêt à la conservation d’une chose peut la faire assurer » (568) et d’autre part que « tout intérêt direct ou indirect à la non-réalisation d’un risque peut faire l’objet d’une assurance » (569).

La conception française de l’intérêt d’assurance se traduit par « un lien entre une personne et une chose ou, en assurances de personnes, entre deux personnes » (570). La doctrine rappelle « qu’assurer sa responsabilité, c’est se garantir contre la perte de l’actif net de son patrimoine » considérant que « comme toute personne a un patrimoine, toute personne a intérêt à sa conservation » (571). Néanmoins, elle se heurte à une autre conception, qui consiste à ériger l’intérêt d’assurance en objet du contrat. Ainsi « on passe de l’intérêt d’assurance à l’assurance d’un intérêt, ce qui revient à faire de l’intérêt une composante du risque, indissociable de celui-ci » (572).

Le courtage d’assurance implique obligatoirement une transparence tendant à une forme de représentation parfaite (573) concernant l’objet de la représentation, à savoir un risque d’assurance, un assuré, un souscripteur tous clairement identifiés ; il en va de la validité du contrat d’assurance sans quoi sa mise en œuvre peut être contrariée. L’intérêt du représenté en matière de courtage d’assurance est de nature économique dans le sens où la réalisation de l’aléa inhérente à la chose qui doit être assurée entraîne une perte pécuniaire lorsque le risque est mal ou n’est pas assuré. Cependant comme évoqué précédemment, le représenté n’est pas toujours le souscripteur du contrat d’assurance et inversement, principalement dans l’hypothèse d’une assurance pour compte de qui il appartiendra. On supposera que le représenté a cependant un intérêt à la souscription d’une assurance pour le risque déterminé. Le représentant en agissant pour le compte du représenté, exerce sa tâche dans le respect des intérêts de ce dernier. En effet, « l’intermédiaire est toujours chargé d’accomplir un acte, avec un tiers, dans l’intérêt de celui qui l’envoie ; en ce sens, on peut dire qu’il représente les intérêts du donneur d’ordres. Qu’il s’agisse de mandat (au sens du Code civil), de commission (au sens du Code de commerce), de prête-nom, de déclaration de command, l’intermédiaire

(568) C. ass., art. L. 121-6 al. 1. (569) C. ass., art L. 121-6 al. 2.

(570) MAYAUX L., Quel intérêt à l’intérêt d’assurance in Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, 2011, p. 52-53 n° 79, à propos de l’assurance de personnes.

(571) Ibid., p. 52-53 n° 61, à propos de l’assurance Dommages.

(572) MAYAUX L., Contrat d’assurance, op. cit., n° 19 citant PROVOST M., La notion d’intérêt d’assurance, Th., Tours, 2008.

(573) La représentation parfaite impliquant que le représentant passe des actes juridiques au nom et pour le compte du représenté ; voir supra n° 90 et svts.

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est toujours chargé de faire valoir les intérêts du donneur d’ordres à l’extérieur de la sphère contractuelle initiale (celle qui l’unit à celui pour le compte duquel il agit), de « rendre présents » ces intérêts à l’égard des tiers » (574). En ce sens, l’objectif de la convention de courtage d’assurance semble respecter cette prescription. En effet, le preneur d’assurance va charger le courtier de lui trouver, voire de lui aménager un contrat d’assurance dans le respect de ses intérêts et dans le but de les préserver (575).