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Corollaire : absence de représentation

CONVENTION DE COURTAGE EN MATIÈRE D’ASSURANCE

Section 1. Exclusion de la qualification de mandat

A. Absence d’acte juridique

2. Corollaire : absence de représentation

107. Le contrat de mandat implique une représentation au nom et pour le compte d’autrui qui se traduit par la réalisation d’actes juridiques. Il a ainsi pour objet de confier le pouvoir de représenter à une personne distincte du mandant. Le transfert de ce pouvoir a pour objectif de permettre au mandataire d’effectuer des actes juridiques (405

) au nom et pour le compte du mandant. En effet, si le contrat de mandat est un contrat de représentation qui permet la conclusion d’un acte juridique par le mandataire, la convention de courtage en matière d’assurance semble se trouver hors champ. En conséquence, méritent d’être appréciées au regard de leur applicabilité à la convention de courtage d’assurance, les notions de représentation parfaite (a) et de représentation imparfaite (b).

a. Rejet de l’applicabilité d’une représentation parfaite

108. Absence de caractère juridique de l’acte de courtage. Une partie de la doctrine (406) estime que la notion de représentation est directement liée à la double condition d’agir au nom et pour le compte d’autrui, c’est-à-dire un cumul de représentation de la personne et de ses intérêts en vue d’une forme de représentation parfaite conformément à la définition du contrat de mandat (407). Cette représentation parfaite traduit une volonté de transparence absolue de l’identité et des intentions de toutes les parties à l’opération poursuivie. Cette transparence n’est pas sans rappeler celle de l’opération de courtage d’assurance en ce sens que le preneur d’assurance est toujours connu du tiers contractant, l’entreprise d’assurance, car ils sont les deux seules parties au contrat d’assurance. En outre, la transparence de l’intermédiaire est de fait indispensable car celui-ci ne souscrit pas les risques pour son compte, mais pour celui du

(404) DURANTON G., op. cit.,n° 20 ; LANGE D., Le courtier doit vérifier la modification effective du contrat d’assurance après déclaration de circonstances nouvelles, RGDA 2015 p.27 sous Cass. Civ. 1ère

, 30 sept. 2015, n° 14-19.613 : « C’est donc sur le mandat que, (…) sont venues se greffer les obligations du courtier « inventées » par la jurisprudence prenant appui sur l’article 1135 du Code civil qui oblige non seulement à tout ce qui est exprimé au contrat, « mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».

(405) « L’emploi du mot « pouvoir » implique qu’il s’agit d’actes juridiques » - PLANIOL M., et RIPERT G., op. cit., n° 2232.

(406) Voir en ce sens POTHIER, op. cit., n° 10 p.86, n° 87 p.140 ; LE TOURNEAU P., Mandat, op. cit., n° 2. ; LE TOURNEAU P., (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cit., n° 3321.21.

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preneur d’assurance. Cette transparence est par ailleurs imposée par le Code des assurances au travers notamment de la rédaction de mentions obligatoires liées à l’identité des parties et à l’identification du risque (408

).

Si la nécessité d’une transparence parfaite est exigée par l’opération de courtage d’assurance et par conséquent la convention de courtage, il ne semble pas que celle-ci intègre pour autant la qualification juridique du contrat de mandat principalement en ce que le courtier n’est pas habilité à passer des actes juridiques au nom du donneur d’ordres, au titre de la convention de courtage (409). Si l’entremise ne permet pas au courtier de réaliser des actes juridiques au nom et pour le compte du donneur d’ordres, alors il en ressort qu’elle n’a pas d’effet représentatif (410). La convention de courtage tendrait alors à constituer une forme de mandat amputée de la capacité à passer l’acte juridique au nom et pour le compte du donneur d’ordres, donc dénuée de tout transfert de droits de la personne du représenté vers le représentant.

La différence entre la mission du mandataire et la mission d’entremise qui caractérise la convention de courtage (411) est mise en évidence par la relation entre l’intermédiaire et le tiers. Dans le cas du mandat, le mandataire substitué au mandant, passe un acte juridique avec le tiers. La création du lien de droit passe par la personne du mandataire. En revanche, dans le cas de la convention de courtage d’assurance, l’intermédiaire ne passe pas d’acte juridique avec le tiers. En effet, la mission du courtier va se limiter à la présentation du risque, à la négociation, ou encore à l’aide à la conclusion d’un contrat d’assurance auprès de l’entreprise d’assurance. Il ne conclura pas le contrat d’assurance au nom et pour le compte du preneur d’assurance avec l’entreprise d’assurance. Cela étant, ces actions aboutissent quand même à la création d’un lien de droit entre le preneur d’assurance et l’entreprise d’assurance. Dès lors il est intéressant de relever que le contrat de mandat et la convention de courtage aboutissent à une situation identique, c’est-à-dire à la création d’un lien de droit entre le donneur d’ordres ou mandant et le tiers. Une nuance malgré tout tend à poindre. En effet si le mandat implique la réalisation certaine de l’acte juridique, la convention de courtage est de son côté

(408) Mentions obligatoires imposées par C. ass., art. L. 112-4 : Les noms et coordonnées des parties, à savoir le souscripteur, l’assureur et l’intermédiaire, le risque (chose ou personne), la date de prise d’effet de la garantie ainsi que sa durée, le montant de garantie accordé ainsi que la prime d’assurance entre autres.

(409) Voir supra n° 106.

(410) « Par définition, le mandat d’entremise n’a pas pour objet direct l’accomplissement d’actes juridiques. Aussi n’a-t-il pas davantage pour effet la représentation. Pas d’acte juridique, pas de représentation » - DISSAUX N., La nature juridique du mandat d’entremise, D. 2009 p.2724 sous Cass. Civ. 3e, 17 juin 2009, n° 08-13.833, Bull. 2009, III, n° 148.

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conditionnée à la décision du preneur d’assurance, décideur final et partie au contrat d’assurance (412). Néanmoins, partant de ce postulat, l’entremise semble appeler à une forme de représentation, non au sens strict du terme, mais une représentation limitée aux intérêts, liée entre autres à la phase de négociation (413).

*Schéma du contrat de mandat

(412) Voir infra n° 380 et svts.

(413) L’office du courtier ne se limitant pas toujours à la phase de négociation et de placement, mais également à la gestion et au suivi des risques clients ; voir infra n° 319 et svts.

77 *Schéma de la convention de courtage en assurances

b. Rejet de l’applicabilité d’une représentation imparfaite

109. La transparence, condition du courtage d’assurance. La notion de représentation imparfaite se limite à la représentation pour le compte d’autrui. Toutefois, le rapprochement de la convention de courtage du contrat de commission paraît quant à lui, sensiblement difficile. Cela tient compte de la particularité du secteur de l’assurance. En effet le risque, ainsi que le souscripteur et l’assuré si ces derniers sont distincts doivent impérativement être connus et nommés, sans quoi le contrat d’assurance est dépourvu d’objet. Leur existence et leur identification doivent être portées à la connaissance de l’entreprise d’assurance (414). Cette tâche incombe au courtier dans le cas de l’opération de courtage. Le risque nécessite d’être identifié avec exactitude notamment lors de la mise en place, ou de la négociation du contrat d’assurance par le courtier. Seules des déclarations conformes à la réalité du risque permettent une éventuelle indemnisation des dommages. Une déclaration erronée du risque peut entraîner en cas de réalisation de l’aléa ou de tout autre dommage, au mieux une

(414) C. ass., art. L. 113-2 2°.

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application de règle proportionnelle, ou, au pire, une déchéance totale de garantie (415). Le souscripteur doit être identifié afin de bénéficier de l’indemnité dans le cas où l’aléa se réalise (416). Il est important de noter que le cas de l’assurance pour compte ne remet pas en cause l’obligation et la nécessité d’identifier l’objet du contrat. En effet, à titre d’exemple, même si le souscripteur n’est pas propriétaire du bien assuré, l’identification du bien permettra son indemnisation au regard des déclarations réalisées lors de la mise en place du contrat d’assurance. Dès lors, on imagine que ce type de représentation ne peut s’appliquer à la conception de l’opération de courtage en assurance dans le cadre de la souscription d’un contrat d’assurance hors champ d’application de l’assurance pour compte de qui il appartiendra. En outre, il paraît peu probable qu’un courtier souscrive en son nom un contrat d’assurance pour le compte du preneur d’assurance. Dès lors, il n’est pas faux d’admettre que le courtier en assurance agit « in contemplation domini » (417

) c’est-à-dire missionné par le preneur d’assurance.

Le mécanisme de représentation imparfaite ne semble pas compatible avec le cas de la convention de courtage en assurance. Toutefois, il n’en reste pas moins que cela n’empêche pas d’envisager l’existence d’une représentation d’intérêts (418

) qui pourrait caractériser cette convention en ce sens qu’elle matérialise le recours du donneur d’ordres à un courtier dans le but que celui fasse valoir les intérêts de son client auprès d’une entreprise d’assurance par l’intermédiaire d’un contrat d’assurance adapté à ses besoins.