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UTILISATION EXEMPLAIRE DES TIC

2.4. Utilisation exemplaire des TIC

Le terme « exemplaire » signifie généralement « qui peut servir de modèle »33. Lorsqu’appliqué aux enseignants, le qualificatif « exemplaire » fait donc référence à des enseignants qui peuvent servir de modèles aux autres enseignants. Les auteurs anglophones utilisent diverses expressions pour référer plus spécifiquement aux enseignants qui utilisent les TIC de manière exemplaire : « experienced and accomplished teachers at integrating computers into their teaching » (Sheingold et Hadley, 1990) ; « exemplary computer-using teachers » (Becker, 1994) ; « exemplary technology-users » (Parks et Pisapia, 1994 ; Pierson, 2000) ; « exemplary technology teachers » et « exemplary technology-using teachers » (Berg, Benz, Lasley et Raisch, 1997) ; « proficient technology-oriented teachers » (Roblyer, Edwards et Havriluk, 1997) ; « expert users of computer resources » (Becker, 1999) ; « exemplary technology integrators » ; « exemplary technology-integrating teachers » (Pierson, 2000). Pourtant, peu d’auteurs définissent clairement ce que signifie « utiliser les TIC de manière exemplaire ». Même les modèles de processus d’intégration des TIC,

proposés par Moersch (1995, 2001), Sandholtz, Ringstaff et Dwyer (1997). et Morais (2001), offrent peu d’indices permettant de définir l’utilisation exemplaire des TIC, sauf, bien sûr, si l’hypothèse qu’elle se retrouve à leur dernier niveau respectif est retenue. Comme ce niveau diffère d’un modèle à l’autre, il semble important de définir le concept d’utilisation exemplaire en lien avec le modèle développé dans le cadre de référence de la présente recherche.

Becker (1994), qui est un des seuls auteurs, sinon le seul34, à proposer une définition de l’utilisation exemplaire des ordinateurs fondée empiriquement, conclut, au terme de son étude, que :

Nous avons attribué le qualificatif de « pratique exemplaire » basé sur le postulat que des résultats académiques importants résulteraient d’une utilisation fréquente et systématique des logiciels informatiques lors d’activités impliquant les structures de raisonnement de niveau supérieur (interprétation de données, raisonnement, écriture, résolution de problèmes réels, investigations scientifiques).35 (Traduction libre, p. 316)

Cette définition met en lumière deux aspects importants de l’utilisation exemplaire des TIC. Becker souligne d’abord l’importance d’une utilisation régulière des TIC. Parks et Pisapia (1994) soulignent aussi l’importance de la fréquence d’utilisation en définissant les enseignants ayant une utilisation exemplaire des technologies comme des praticiens qui : « ont intégré la technologie à leurs pratiques quotidiennes36 » (Traduction libre, p. 1). Ainsi, l’utilisation quotidienne, fréquente ou régulière, est au centre de l’exemplarité. Becker précise aussi que l’utilisation exemplaire des TIC doit impliquer l’activation des structures de raisonnement de niveau supérieur. Les propos de Cruickshank, Bainer et Metcalf (1995), dont les travaux s’inscrivent dans

34 Moersch (1997) a repris, dans ses travaux, la définition de Becker.

35 « Instead, our attribution of the exemplary teaching practice label was based on the assumption that

important academic outcomes will result from systematic and frequent use of computer software for activities that involve higher order thinking (such as interpreting data, reasoning, writing, solving real-world problem, and conducting scientific investigations)!» (Becker, 1994, p. 316).

36 « Only five percent of the teaching force are considered exemplary technology-users ; meaning they

le courant des recherches sur les enseignants efficaces, soulèvent indirectement cette nécessité de stimuler l’apprentissage à un niveau supérieur pour être considéré un enseignant exemplaire : « les recherches considèrent qu’un enseignant est efficace

s’il produit plus d’apprentissage que les autres enseignants qui travaillent avec des élèves semblables37 » (Traduction libre, p. 314). À titre d’exemple, un enseignant qui demanderait régulièrement à ses élèves de rechercher sur Internet des informations sur un sujet précis, sans leur demander d’analyser, de traiter et de synthétiser ces renseignements, ne serait pas considéré comme ayant une utilisation exemplaire des TIC.

Bien qu’elle semble incontournable, la définition de Becker (1994) ne s’avère pas complètement satisfaisante. En effet, elle ne tient pas compte d’un aspect important, soulevé précédemment : même si, selon certains auteurs, ce cadre ne doit pas être exclusif, l’intégration pédagogique exemplaire des TIC devrait s’inscrire dans « un

cadre conceptuel qui définit l’apprentissage comme un processus actif et continu de construction des connaissances » (MEQ, 2001b, p. 4). Berg, Benz, Lasley et Raisch

(1997) rapportent, en effet, que les enseignants ayant une utilisation exemplaire utilisaient les TIC de manière particulièrement constructiviste. Ce cadre d’apprentissage actif d’inspiration constructiviste permet, selon le ministère de l’Éducation du Québec, « le développement de compétences et la maîtrise de savoir

complexe » (MEQ, 2001b, p.5). De nombreux auteurs (Heide et Henderson, 1996 ;

Roblyer, Edwards et Havriluk, 1997 ; Sandholtz, Ringstaff et Dwyer, 1997), de même que le ministère de l’Éducation du Québec (2001), soulignent l’importance de ce cadre, tout en rappelant l’importance de combiner les approches pédagogiques lors de l’intégration des TIC :

Tout en reconnaissant l’importance des stratégies constructivistes, nous croyons que les meilleurs enseignants sont ceux qui emploient des approches

37 «!Research considered an effective teacher to be one who produced more learning than other

variées et qui savent établir un équilibre entre les activités de transmission des connaissances et les activités de construction des connaissances. (Sandholtz, Ringstaff et Dwyer, 1997, p. 177)

La définition de l’utilisation exemplaire des TIC proposée par Becker, de par ses forces et ses faiblesses, amène donc à considérer trois aspects : 1) l’utilisation doit être fréquente ; 2) l’utilisation doit favoriser les apprentissages de niveau supérieur, c’est-à-dire que les TIC doivent non seulement favoriser l’acquisition de connaissances mais aussi le développement de compétences, et plus particulièrement, de compétences transversales38 ; 3) l’utilisation doit s’inscrire dans un contexte d’apprentissage actif et significatif combinant des approches d’inspiration béhavioriste et constructiviste.

Il semble toutefois qu’une définition de l’utilisation exemplaire des TIC reposant uniquement sur ces trois dimensions (c’est-à-dire sur l’aspect pédagogique de l’utilisation des TIC) ne serait pas complète. Les utilisations « professionnelle » et « personnelle » des TIC, par l’enseignant, apparaissent aussi essentielles à la définition du concept d’ « utilisation exemplaire des TIC ». En effet, comme l’utilisation « professionnelle » des TIC est directement liée à l’enseignement, qu’une des visées de l’intégration des TIC est l’amélioration de l’enseignement et que la qualité de l’enseignement joue un rôle important sur l’apprentissage, l’utilisation « professionnelle » des TIC trouve sa place dans l’utilisation exemplaire des TIC. L’utilisation « personnelle » des TIC occupe aussi une place de choix au sein de l’utilisation exemplaire des TIC. De nombreuses études (Hadley et Sheingold, 1993 ; Berg, Benz, Lasley et Raisch, 1997 ; Riel, Schwarz, Peterson et Henricks, 2000) soulignent l’importance de l’utilisation personnelle des TIC dans le développement de l’expertise technologique des enseignants. Dans le même sens, Becker (1999)

38 Les structures de raisonnement de niveau supérieur [«!higher order thinking skills!»], dont parle Becker (1999), peuvent être principalement associées aux compétences transversales dans le

rapporte que les enseignants qui ont accès à Internet à la maison sont plus susceptibles de l’utiliser dans leur enseignement.

À la lumière de ces recherches et d’une expérience pratique accumulée sur plusieurs années, il apparaît peu probable qu’un enseignant développe une utilisation pédagogique exemplaire des TIC sans les utiliser aussi à des fins personnelles et professionnelles. Les utilisations « professionnelle » et « personnelle » des TIC semblent créer une synergie permettant aux enseignants d’acquérir les attitudes et les compétences technologiques nécessaires au développement d’une utilisation pédagogique exemplaire des TIC. Il semble donc important de les inclure dans la définition de l’utilisation exemplaire des TIC.

Ainsi, en tenant compte de ces considérations, et du modèle théorique développé dans la présente recherche, le qualificatif d’« utilisation exemplaire des TIC » sera attribué à un enseignant qui utilise fréquemment et régulièrement les TIC, pour répondre à ses besoins personnels et pour remplir ses fonctions professionnelles et pédagogiques, et qui permet aux élèves d’apprendre plus en les engageant fréquemment, et régulièrement, dans diverses activités, réalisées à l’aide des TIC, qui favorisent l’acquisition et la construction de connaissances et le développement de compétences disciplinaires et transversales, et ce, dans un environnement d’apprentissage actif et significatif.

La Figure 2.3 présente un modèle de la définition de l’utilisation exemplaire adoptée dans le cadre de cette recherche. Ce modèle est basé principalement sur les travaux de Becker (1994) et sur le modèle d’intégration des TIC de Morais (2001).