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LA DESCRIPTION DES PROFILS INDIVIDUELS

4.1.11. Difficultés rencontrées et solutions pour les surmonter

Tout au long de son parcours d’intégration des TIC, Marie-France, comme tous les enseignants, a été confrontée et a dû surmonter de nombreuses embûches. Il semble possible de les regrouper en deux grands types : des difficultés d’ordre contextuel et d’ordre pédagogique.

4.1.11.1. Difficultés d’ordre contextuel

Marie-France, au fil des ans, semble avoir eu à faire face principalement à trois difficultés d’ordre contextuel, soient le manque de temps, la difficulté d’accéder à des équipements fonctionnels et performants en tout temps et le manque de ressources pour renouveler le parc informatique de l’école. Effectivement, une des plus importantes difficultés à laquelle Marie-France est confrontée est l’impression de débordement et de manque de temps, mais pas juste à l’égard de l’intégration des TIC. Il est difficile pour elle de concilier travail, famille et études. C’est une des raisons qui l’a incitée à temporairement suspendre ses études à la maîtrise. Son conjoint souligne toutefois comment, même si Marie-France met de côté certains projets, par manque de temps ou de ressources adéquates, « c’est très rare qu’un

projet meure comme tel. Dans le sens qu’elle va le mettre de côté mais quand la possibilité va se présenter, elle va la prendre » (document S1EP1, paragraphe 152).

Spécifiquement par rapport aux TIC, le manque de temps l’amène parfois à revoir ses priorités et à accepter de prendre plus de temps pour terminer un projet qui lui tient à cœur. C’est ainsi qu’elle dit, en parlant de son projet de site Web pour l’école qui n’avance pas assez vite à son goût :

C’est que veux ou veux pas, on enseigne à tous les jours, de toute façon. Ça, c’est très difficile pour moi d’accepter que ce soit aussi long. Parce qu’en fait, j’aimerais ça me plonger là-dedans et ne faire que juste ça. Je ne le sais pas. C’est comme en arrière-plan et en même temps, j’ai d’autres problématiques que je rencontre. Tu sais les plans d’intervention des élèves. J’ai ma pédagogie, les objectifs académiques que mes élèves ont, en même temps, je

suis en formation. Il faut que je m’approprie le nouveau logiciel. En même temps, il faut que j’élabore mon projet. Il faut que je mûrisse l’idée de départ et en même temps, administrativement, il y a de la pression parce qu’on a eu de l’argent pour faire ça. Alors, ça, ce n’est pas confortable. (document S1E1, paragraphe 632)

Le manque de temps a aussi incité Marie-France à mettre certaines limites. Ainsi, avec le temps, Marie-France s’est imposée certaines limites personnelles. Elle travaille effectivement plus à l’école. Elle évite maintenant de s’asseoir devant son ordinateur le soir à la maison, car « je rembarque là-dedans. C’est plus dans ma

tête. Ça me remet en contexte de classe et je ne me rendors pas avant minuit! Et quand tu pars, il n’y a plus d’heure. Il n’y plus de temps » (document S1E1,

paragraphe 314). Elle a aussi diminué le temps qu’elle accordait aux enseignants de son école en tant que personne-ressource TIC. Elle explique : « Mais moi, il faut que

je calcule un peu mon temps aussi » (document S1Ei, paragraphe 424). « Il faut mettre des priorités » (document S1E1, paragraphe 278). De plus, elle a appris à

devenir plus spécifique dans sa façon d’intervenir auprès d’eux. C’est en ce sens qu’elle a dit aux enseignants : « Moi, c’est des projets uniquement que j’accepte.

Moi, je ne donne aucune formation spécifique. Je te supporte dans des projets »

(document EGroupe, paragraphe 1048).

Mais, il n’y a pas que le temps qui fasse défaut à Marie-France. Dans son parcours, elle a souvent été ralentie par des appareils qui ne fonctionnaient pas adéquatement en raison de problèmes techniques. Il n’était pas facile pour Marie-France de faire face aux problèmes techniques en début de parcours. Elle se souvient de ses débuts : « Je

n'arrivais pas vraiment à gérer le côté matériel, technique (exigeant...) » (document

S1CC, paragraphe 33). Même si elle vit avec des difficultés techniques quotidiennes depuis plusieurs années, même si elle est capable de solutionner elle-même plusieurs de ces problèmes, Marie-France ne trouve toujours pas facile de vivre avec ces contretemps,

(…) parce que techniquement, ce n’est pas évident. De toujours s’ajuster, tu as souvent des bogues. Tu as souvent des troubles techniques où il faut que tu réagisses. Qui fait que tu as l’impression de ne pas enseigner et que tu as l’impression de juste réparer les bobos. (document S1Ei, paragraphe 185) Lors de la dernière entrevue, elle souligne, encore une fois :

Mais techniquement, il y a toujours… Quand tu as un groupe d’élèves avec toi, il faut anticiper qu’il y en a un qu’il faut redémarrer, un que la souris ne marche pas. Il y a toujours des problèmes techniques qui fait que la « balloune » [l’enjouement], elle rabaisse un peu. (document S1E2, paragraphe 34)

Pour traverser les nombreuses difficultés techniques qu’elle rencontre, Marie-France a recours à de nombreuses stratégies. Effectivement, lors de l’entrevue de groupe, Marie-France parle de l’importance de se faire confiance : « C’est qu’en quelque

part, il faut se faire confiance. Puis il faut avoir la capacité de trouver des solutions, parce que justement on va rencontrer plein de… » (document EGroupe, paragraphe

44). Elle souligne aussi l’importance d’avoir accès à des personnes-ressources : « Il

faut qu’il y ait quelqu’un dans ton entourage qui peut répondre à tes questions ou du moins, avec qui on peut discuter des problématiques que tu rencontres » (document

S1Ei, paragraphe 376). Un peu plus tard dans l’entrevue, elle ajoute :

Je trouve cela important. Comme moi, j’ai toujours eu besoin et cela a été mon conjoint qui l’a fait ou ma collègue [personne-ressource]. Ça prend quelqu’un qui peut comme… Tu cognes… «Hey, qu’est-ce que tu en penses de cela ? » Tu ne peux pas être toute seule… (document S1Ei, paragraphe 430)

Marie-France parle aussi du rôle important que joue le technicien lorsqu’elle fait face à des difficultés techniques : « Souvent, selon la nature du problème qu’il y a, lorsque

je lui écris un mot pour qu’il vienne, je l’appelle « Mon tech thérapeute». Là, j’ai besoin de mon tech… Parce que souvent aussi on est découragé et il a le tour de dire: Ben là, regarde on va ça, on va faire ça » (document EGroupe, paragraphe

174). Elle souligne, à cet effet, un autre élément important pour son cheminement : « Je sais comment aller chercher de l’aide » (document S1E1, paragraphe 296). Outre les problèmes techniques quotidiens, l’état désuet de certains équipements semble aussi contrarier Marie-France présentement. Elle explique que lorsqu’elle est libérée avec sa collègue pour travailler, entre autres sur le projet de site Web de l’école, les ordinateurs performants dans sa classe sont occupés par ses élèves : « Dans la salle du perso [personnel], c’est des ordis… des Pentium 2. Par rapport au

Pentium 3 [dans sa classe], c’est très difficile et tu n’as pas le contexte de travail nécessairement. Tu sais, on y va à reculons » (document S1E1, paragraphe 650). Le

directeur de Marie-France confirme cette frustration face à la tombée en désuétude des équipements :

Présentement, il y a une frustration en terme de… Ça fait deux ans qu’on n’a pas de subventions au niveau du Ministère pour poursuivre le programme qu’on avait commencé. Donc, on se retrouve avec la moitié des ordinateurs dans l’école qui vont être désuets ; où on ne pourra même pas être en réseau avec ces ordinateurs-là. Ça, c’est frustrant pour elle [Marie-France]. Parce qu’il y a eu un beau travail de fait. (…) Notre laboratoire, il est quand même encore potable. Mais à la vitesse que ça va, ça, ça nous fait peur et ça fait peur à [Marie-France]. (document S1EP2, paragraphe 128)

Marie-France mentionne effectivement, que dans le contexte actuel, au niveau de l’école, il y a « des achats à faire, [mais] tu n’as pas les sous » (document S1E1, paragraphe 242).

Marie-France s’adapte, malgré tout, en révisant ses objectifs de départ et en diminuant ses ambitions au besoin. Elle dit : « Il faut être capable de s’ajuster » (document EGroupe, paragraphe 50). Elle ajoute aussi : « Mais c’est sûr que tu

chiales peut-être un petit peu plus si tu as des ordinateurs qui sont moins performants. Mais tu vises autre chose à ce moment-là » (document EGroupe,

paragraphe 296). Cette capacité à s’ajuster et à s’adapter de Marie-France ressort aussi lors d’une autre entrevue : « Tu fais ce qui est à la mesure que tu peux faire

aussi. Tu réduis. Si tu visais là, tu vises là. Si tu n’es pas capable d’y arriver, ce n’est pas grave » (document S1E1, paragraphe 296) et « à un moment donné, tu as comme un idéal… Ce n’est pas grave si tu ne l’as pas mais il faut que tu vises les choses » (document S1E1, paragraphe 415). Face à l’intégration des TIC,

Marie-France vise haut et elle se réajuste au besoin, sans se décourager, sans abandonner.

4.1.11.2. Difficultés d’ordre pédagogique

Au niveau pédagogique, Marie-France souligne combien il est difficile pour un enseignant de faire le pas entre la maîtrise d’un nouvel outil technologique et son intégration en classe. C’est une difficulté qu’elle a personnellement rencontrée maintes fois et qui continue de susciter de nombreux questionnements, alors qu’elle accompagne d’autres enseignants dans l’intégration des TIC :

Il y a la question pédagogique qui est là. Je trouve qu’il y a une difficulté en tant que prof. C’est que tu as comme deux choses à faire. Tu as, et à apprendre le logiciel comme tel, si tu es plus ou moins familier, et à te questionner pédagogiquement. Comment tu l’insères dans ta classe, avec le contexte-classe que tu as, le nombre d’ordinateurs, le tour de rôle. Tu as comme une gestion. Ça, il faut… Ce n’est pas évident. Je ne suis pas sûre que c’est compris cette difficulté-là par ceux qui n’enseignent pas. C’est beau… Comme les profs… Tu vas à une formation. Ils sont peut-être plus habiles avec Publisher, ClarisWork, Excel, Word… Mais être habile et l’utiliser en classe, c’est vraiment deux choses. (document S1E1, paragraphe 296)

À chaque fois que Marie-France a voulu intégrer un nouvel outil technologique à son enseignement, elle l’a essayé en classe ; elle en a évalué le potentiel pédagogique. Au fil des semaines, elle allait toujours un peu plus loin dans son intégration à sa pratique ou elle abandonnait le nouvel outil après quelques expérimentations lorsqu’il ne répondait pas aux besoins de ses élèves. Ainsi, elle a souvent fait face à des outils techniquement trop complexes pour ses élèves ou qui leur apportaient peu au niveau des apprentissages. Marie-France raconte : « Souvent, j’ai été comme freinée

techniquement. Je trouvais comme bien du bric-à-brac » (document S1E1,

paragraphe 242). Son conjoint confirme cette réalité :

Mais elle a vu rapidement la limite des logiciels. La limite aussi de la possibilité des enfants. Je sais qu’un moment donné, il y a eu, pas un arrêt, mais… (…) Après, elle l’a plus utilisée pour elle-même. (document S1EP1, paragraphe 26)

C’est pourquoi elle s’est progressivement éloignée, entre autres, du logiciel

Logowriter, de la robotique, des cédéroms éducatifs et de l’utilisation de bases de

données pour ses élèves. Elle s’est plutôt tournée vers des logiciels-outils.

Une autre difficulté d’ordre pédagogique que Marie-France a souvent ressentie est la sensation de débordement lorsque ses élèves travaillaient à l’ordinateur. Elle se sentait « à leur service » (document S1Ei, paragraphe 221). Pour faire face aux incessantes demandes de ses élèves, Marie-France souligne qu’« il faut se donner des

trucs techniques » (document S1Ei, paragraphe 215). Elle a donc placé, sur chaque

ordinateur, une petite affiche que ses élèves tournent lorsqu’ils ont besoin de son aide. De cette façon, elle voit le besoin au lieu d’entendre son nom sans arrêt et elle peut y répondre quand elle est prête. Elle explique que ses élèves doivent apprendre à devenir autonomes ou à attendre : « Alors s’ils ont des difficultés, soit qu’ils se

débrouillent ou soit qu’ils attendent. Et ça fait partie de ce qu’ils ont à apprendre. Car sinon, on devient débordé facilement » (document S1E1, paragraphe 221). Elle

souligne aussi que les élèves doivent apprendre à travailler en équipe, à se partager les tâches à l’ordinateur.