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LE CADRE DE RÉFÉRENCE

2.3. Modèles de processus d’intégration des TIC

2.3.1. Modèle de Moersch (1995, 2001)

2.3.1.1. La présentation du modèle de Moersch (1995, 2001)

En se basant sur les travaux de Hall et Hord (1987), Moersch26 (1995, 2001) a développé un outil de mesure [« Levels Of Technology Implementation » (LoTi)] pour évaluer le niveau d’implantation des TIC en classe par les enseignants. L’absence d’information ne permet pas de savoir si le modèle de Moersch a été développé à partir de données empiriques ou de son expérience en milieu scolaire. Il apparaît toutefois évident que le LoTi est présentement employé pour évaluer le degré d’utilisation des TIC dans de nombreuses écoles américaines. Il est également à la base de plusieurs recherches27.

2.3.1.2. La description du modèle de Moersch (1995, 2001)

Moersch définit sept niveaux par lesquels l’enseignant évolue lorsqu’il développe son expertise à intégrer les TIC en classe. Le Tableau 2.1 présente une synthèse du modèle de Moersch. Le niveau zéro (0) représente la « non-utilisation », étape durant laquelle l’enseignant perçoit le manque d’accessibilité et de temps comme des freins à l’utilisation des TIC. Le niveau suivant, celui de la « sensibilisation » (1), peut être vécu différemment par chaque enseignant. Ce dernier peut être en contact indirect avec les TIC présentes dans son environnement (ex. : programme de dénombrement flottant utilisant les TIC, cours d’informatique offert le midi, etc.) , utiliser les TIC pour la gestion de classe (ex. : prendre les présences, compiler les résultats de élèves, correspondre via le courrier électronique, préparer ses cours, etc.) ou utiliser les TIC

26 Dr. C. Moersch est détenteur d’un doctorat en éducation de l’Université de Southern California. Il est co-fondateur et directeur exécutif de la National Business Education Alliance (NBEA),

organisation à but non-lucratif qui cherche à stimuler l’intérêt des élèves pour toutes les matières académiques tout en augmentant le niveau implantation des TIC dans les classes américaines.

Tableau 2.1 Niveaux d’implantation des TIC selon Moersch (Traduction libre, 1995 ; 2001)

NIVEAUX CATÉGORIES DESCRIPTIONS

0 NON-UTILISATION Perception d’un manque de temps ou d’un manqued’accessibilité des TIC

1 SENSIBILISATION

Présence des TIC dans l’environnement de l’enseignant, mais sans lien direct avec lui (ex. : dénombrement flottant, cours offerts aux élèves le midi, etc.) ou utilisation des TIC pour la gestion de classe (ex. : gestion des notes informatisée – évaluation) ou utilisation des TIC pour enrichir les présentations magistrales

2 EXPLORATION

Les TIC servent de complément à l’enseignement, c’est-à-dire renforcement, enrichissement, exercices répétitifs, jeux, recherche d’information. Implique des structures de raisonnement de niveau

3 INFUSION

Utilisation ponctuelle d’outils technologiques pour traiter l’information (ex. : feuille de calcul ou graphique pour représenter résultats d’une enquête). Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur

4 INTÉGRATION (4A INTÉGRATION MÉCANIQUE ET 4B INTÉGRATION ROUTINIÈRE)

Utilisation d’outils technologiques pour identifier et résoudre des problèmes réels liés à un thème central ou à un concept dans un contexte d’apprentissage riche (ex. : Internet pour rechercher de l’information sur un problème à résoudre, traitement de texte pour la production de documents en lien le problème à résoudre). Implique des structures de

raisonnement de niveau supérieur

5 EXPANSION

Utilisation des TIC pour permettre aux élèves d’entrer en contact avec le monde extérieur, dans un contexte de résolution de problèmes réels liés à un thème central ou à un concept (ex. : contacter la NASA, agence gouvernementale, etc.…). Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur

6 RAFFINEMENT

Utilisation des TIC comme processus, produit et/ou outil pour permettre aux élèves de rechercher de l’information, de trouver des solutions et de développer un produit en lien avec des problèmes réels et significatifs pour eux. Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur et un milieu d’apprentissage actif.

comme soutien à son enseignement magistral (ex. support visuel à l’enseignement d’un savoir essentiel).

Dans le modèle de Moersch, l’enseignant engage ses élèves dans l’utilisation des TIC au niveau de l’« exploration » (2) alors qu’il les emploie comme complément à son enseignement lors d’activités de renforcement, d’enrichissement, lors d’exercices répétitifs, de jeux ou pour la recherche d’information (connaissances) sur un contenu à l’étude. L’enseignant passe ensuite au niveau de l’« infusion » (3), quand il utilise les outils technologiques (ex. : base de données, feuille de calcul, graphique, application multimédia, Internet, etc.) de manière ponctuelle, lors d’activités pédagogiques favorisant le traitement de l’information et des structures de raisonnement de niveau supérieur (ex. : résolution de problèmes, prise de décision, pensée réflexive, expérimentation, etc.).

Le niveau suivant, celui de l’ « intégration » (4), constitue un moment charnière difficile à franchir. L’enseignant utilise alors les TIC, non pas de manière isolée, mais en engageant ses élèves dans un contexte d’apprentissage riche au sein duquel ils recourent aux TIC (c’est-à-dire les applications multimédia, les télécommunications, les bases de données, la feuille de calcul, le traitement de texte) pour identifier et résoudre des problèmes réels liés à un thème central ou à un concept.

Le niveau de l’ « intégration » (4) est, dans le modèle révisé (Moersch, 2001), divisé en deux sous-niveaux : « intégration mécanique » (4a) et « intégration routinière » (4b) pour mettre en lumière le fait que l’enseignant a besoin de recourir à une aide extérieure (collègues, conseiller pédagogique, matériel pédagogique commercial, etc.) avant d’atteindre une intégration routinière et indépendante. Toujours dans un contexte de résolution de problèmes, au niveau de l’« expansion » (5), l’utilisation des TIC permet d’entrer en contact avec le monde extérieur. C’est finalement au stade du « raffinement » (6) que l’enseignant utilise les TIC pour permettre aux élèves de rechercher de l’information, de trouver des solutions et de développer un

produit en lien avec des problèmes réels, et surtout, en lien avec leurs propres intérêts, besoins et aspirations.

2.3.1.3. L’analyse critique du modèle de Moersch

Le niveau de la « sensibilisation » (1) de Moersch inclut plusieurs comportements fort différents. L’enseignant, qui est en contact indirect avec les TIC, est, sans aucun doute, au stade de la « sensibilisation ». Il semble toutefois qu’un enseignant qui utilise les TIC pour gérer plus efficacement sa classe peut difficilement être considéré au stade de la « sensibilisation ». Les tâches professionnelles font partie intégrante de la profession enseignante, bénéficient largement de l’apport technologique et pourraient, à elles seules, constituer un niveau d’implantation des TIC. Le même commentaire pourrait sans doute s’appliquer à l’enseignant qui utiliserait les TIC pour enrichir son enseignement magistral. Les TIC peuvent et doivent servir à enrichir, non seulement l’apprentissage, mais aussi l’enseignement. L’enseignant qui utilise les TIC pour enrichir ses présentations peut difficilement être placé au stade de la « sensibilisation ». Même si son approche est plus traditionnelle, et même si ses élèves n’utilisent pas directement les TIC, cet enseignant se situerait sans doute davantage au niveau de l’ « exploration » que de la « sensibilisation ». De plus, Moersch ne mentionne pas, dans son modèle, l’utilisation des TIC à des fins personnelles, souvent préalable ou complémentaire à une utilisation « professionnelle » ou « pédagogique » des TIC. Hadley et Sheingold (1993) soulignent, dans leur étude sur des enseignants expérimentés dans l’utilisation des TIC, que dans leur échantillon, plus de huit enseignants sur dix disposaient d’un ordinateur à la maison pour leur usage personnel. Elles rapportent aussi que plus de neuf enseignants sur dix étaient, jusqu’à un certain point, autodidactes. Berg, Benz, Lasley et Raisch (1997) ont trouvé des résultats similaires. Dans leur étude, 95 % des enseignants ont indiqué qu’ils avaient acquis une partie de leur expertise technologique par eux-mêmes. Riel, Schwarz, Peterson et Henricks (2000) signalent

que : « pour utiliser les ordinateurs en réseaux de manière efficace, les enseignants

ont besoin de se familiariser avec les ordinateurs. Ces connaissances s’acquièrent par une utilisation personnelle quotidienne à la maison et à l’école28 » (Traduction libre, [n.p.]). Ainsi, le niveau de la « sensibilisation » constituerait la principale faiblesse du modèle de Moersch.

Outre le fait qu’il présente une faiblesse importante au niveau de la « sensibilisation », le modèle de Moersch possède le désavantage d’être grandement influencé par la méthode active [en anglais, « problem-solving method »], surtout aux niveaux de l’ « intégration » (4), de l’ « expansion » (5) et du « raffinement » (6). Bien qu’elle soit d’inspiration constructiviste et en accord avec les visées de la réforme éducative en cours, cette approche n’est pas nécessairement privilégiée par tous les enseignants. En effet, où se situerait, dans le modèle de Moersch, un enseignant qui n’utilise pas la méthode active [résolution de problèmes] en classe, mais qui intègre les TIC quotidiennement à son enseignement, en assumant, bien sûr, qu’une telle situation puisse exister ? De plus, le modèle de Moersch apparaît linéaire et présuppose ainsi que le parcours de tous les enseignants est similaire, c’est-à-dire que les enseignants traversent tous les niveaux, et ce, selon l’ordre proposé.

Malgré ses lacunes, le modèle de Moersch est quand même pertinent dans le cadre de cette recherche, surtout s’il est utilisé en complémentarité avec d’autres modèles (en particulier, ceux de Sandholtz, Ringstaff et Dwyer, 1997 et de Morais, 2001), puisqu’il offre l’avantage important de définir l’évolution des pratiques pédagogiques (niveaux 2 à 6) lors du processus d’intégration des TIC.

28 «!To use networked computers efficiently, teachers need extensive familiarity with computers. This

knowledge comes from the personal, everyday use of technology at home and at school » (Riel,