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2. CADRE THÉORIQUE

2.1. P ERCEPTIONS DE PARENTS ET DE PÉDAGOGUES SUR L ’ UTILISATION DES OUTILS NUMÉRIQUES

2.1.1. Utilisation des outils numériques : le modèle UTAUT

Le modèle UTAUT est un modèle explicatif des variables qui impactent les comportements d’utilisation des outils technologiques. Mis sur pied en 2003 par Venkatesh, Morrin, Davins & Davis, le modèle fut construit par la prise en compte des variables recensées dans huit modèles existants. Ces variables donnèrent lieu à un questionnaire, soumis à une population de 215 employés issus de divers domaines et débutant avec les nouvelles technologies. Ceux-ci devaient coter chaque item sur une échelle de 1 à 7. Afin d’obtenir des données longitudinales et de pouvoir évaluer l’impact de l’expérience, le questionnaire fut à nouveau soumis une semaine, un mois, trois mois puis six mois après avoir reçu un entraînement. Le calcul des coefficients de corrélation permit finalement aux auteurs d’isoler les facteurs significatifs dans l’intention d’utilisation, le comportement d’utilisation, ainsi que les modérateurs ayant à leur tour un impact sur ces différents facteurs.

Les liens entre les facteurs ainsi que les modérateurs sont exposés dans la Figure 1 (modèle UTAUT).

Les auteurs identifient ainsi trois facteurs ayant un impact sur l’intention d’utiliser un outil technologique1 : la performance espérée, l’effort attendu et l’influence sociale. Ces intentions impacteraient ensuite à leur tour le comportement réel d’utilisation. Un dernier facteur, les conditions facilitatrices, impacterait directement le comportement d’utilisation. Ces quatre facteurs seraient à leur tour impactés par les modérateurs que sont le genre, l’âge, l’expérience ainsi que l’utilisation volontaire ou non de l’outil.

Nous expliquons ici brièvement le modèle, car chacun des quatre facteurs sera repris et davantage développé individuellement par la suite, en comparaison avec d’autres éléments théoriques. Nous pouvons lire sur le modèle que le premier facteur, la performance espérée, est modérée par le genre et l’âge. Les auteurs expliquent que l’impact des résultats qui sont espérés par les utilisateurs grâce à l’outil, sur l’intention d’utilisation, sont amplifiés chez les hommes et les jeunes travailleurs (.55). Ainsi, les jeunes travailleurs

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Figure 1: Modèle UTAUT (Venkatesh & al., 2003, p. 447)

masculins seront par exemple davantage encouragés à utiliser l’outil s’ils y voient des avantages, ou découragés s’ils y voient des inconvénients.

Nous lisons ensuite que le second facteur, l’effort attendu, est modéré par le genre, l’âge et l’expérience (.27). En effet, l’impact sur l’intention d’utilisation, de l’énergie que la personne s’imagine devoir fournir pour la prise en main de l’outil, touche davantage les femmes âgées n’ayant que peu d’expérience dans leur métier. Cela signifie par exemple qu’une travailleuse âgée sera davantage dissuadée d’utiliser l’outil si elle s’imagine devoir fournir pour cela de grands efforts.

Le troisième facteur, l’influence que les utilisateurs subissent dans leur environnement social, est impacté par les quatre modérateurs (.28). En effet, l’impact est plus fort pour les femmes âgées, ayant peu d’expérience et pour qui l’utilisation est obligatoire. Ainsi, une travailleuse âgée, peu expérimentée et forcée à utiliser une technologie, aura davantage tendance à commencer à utiliser un outil technologique si les personnes importantes dans son environnement de travail l’utilisent également.

Le dernier facteur représente les conditions facilitatrices, c’est-à-dire le soutien que la personne pense avoir à disposition. Ce facteur, qui impacte directement sur le comportement d'utilisation, est modéré par l'âge et l'expérience (.23) : l’effet est plus fort pour les travailleurs âgés et expérimentés, qui auront par exemple davantage tendance à utiliser un outil technologique s’ils ont à leur disposition l’aide nécessaire pour y parvenir.

Développons à présent ce modèle, en comparaison avec les autres éléments de littérature concernant l’intention ou le comportement d’utilisation d’un outil technologique. Chacun de ces éléments théoriques sera également enrichi par les perceptions et intentions d’utilisation effectivement observés auprès des parents et des professionnels travaillant auprès de jeunes d’enfants.

Cadre théorique 2.1.2. Facteur d’influence : la performance espérée

Selon le modèle UTAUT (cf. Figure 1), le premier facteur modulant l’intention d’utiliser un outil numérique est la performance espérée2, c’est-à-dire les résultats que l’on espère obtenir grâce à l’outil (Venkatesh & al., 2003, p. 467). Cette notion peut être appariée à celle d’« utilité », exposée par Tricot et al. (2003) et consistant à évaluer si la tablette permet ou non d’atteindre les objectifs pédagogiques visés. Selon Bozelle Giroud (2014, p. 65), la performance perçue par les parents sur les apprentissages, serait en lien direct avec l’attitude des enfants face à ces outils.

Sur le terrain, les espoirs fondés par les professionnels sur les outils numériques sont très variables (Brown

& Englehardt, 2017). En 2012, une recherche suisse menée par questionnaire avec 393 enseignants pour élèves de 5 à 20 ans, relevait que la valeur perçue sur les apprentissages et la motivation de leurs élèves n’a que faiblement augmenté (de 2,93 à 3,12 sur 5) entre 2006 et 2012 (Rey & Coen, 2012, p. 36). Pourtant, dans la recherche de Kopcha (2012) réalisée également par questionnaire la même année aux États-Unis, tous les enseignants estimaient que cet outil était important et prometteur pour les apprentissages des enfants, et cela d’autant plus après avoir reçu l’aide d’une personne compétente. Il semblerait donc y avoir un lien entre l’aide reçue et la performance espérée par un outil numérique. La revue de littérature de Liu, Wu et Chen (2013) révèle également un fort taux d’attitudes positives (77%) face à l’utilisation des tablettes à des fins éducatives, relevant notamment son efficacité pour l’enseignement ainsi que ses effets sur les apprentissages et la participation des enfants. Nous constatons ainsi différents degrés de performance espérée, ce qui impacterait directement sur la structure des leçons dispensées, certains enseignants restructurant intégralement leur enseignement pour inclure l’outil alors que d’autres ne l’insèrent que de manière ponctuelle (Brown & Englehardt, 2017, p. 21, citant Mourlam & Montgomery, 2015).

Du côté des parents les avis sont également mitigés. La recherche de Chmiliar (2014) relève des attitudes très positives de la part des six parents d’enfants à besoins éducatifs particuliers, à qui elle avait fourni des tablettes tactiles pré-programmées avec des applications éducatives. Plusieurs parents (sans précision du nombre) se sont dits intéressés à s’en procurer une à la fin de la recherche. D’autres recherches en revanche témoignent d’attitudes plus réticentes de la part des parents. Comme le révèle l’enquête par questionnaire de Mathen, Fastrez et De Smedt (2015, p. 219) effectuée auprès de 1800 parents, ceux-ci ne seraient guère favorables à voir des outils numériques dans les mains de leur enfant. En effet, la plupart d’entre eux considère les écrans néfastes pour leur enfant, notamment au niveau du manque de sommeil, de l’isolement social ainsi que de l’inactivité qu’ils engendrent. Une autre étude menée en Corée, en Amérique, en Turquie et en Chine dévoile que les parents préfèrent voir leur enfant jouer avec des jeux « en dur » plutôt qu’avec des jeux numériques (Erdogan, Johnson, Dong & Qiu, 2019). Finalement, les parents ne cachent pas leurs réticences quant au temps que leur enfant passe sur les écrans, mais plusieurs auteurs assurent qu’en fixant des règles dès le début avec l’enfant et en s’y tenant, cet aspect devient tout à fait gérable (Chmiliar, 2014 ; Bach & al., 2015).

Nous constatons donc, tant bien chez les parents que chez les professionnels, des avis très partagés en ce qui concerne le potentiel éducatif de la tablette sur les apprentissages des enfants. Les réticences cependant semblent être de nature différente : alors que certains enseignants craignent que la tablette ne soit pas utile pour les apprentissages et que cela les détourne de leur mission d’enseignement, les parents semblent les envisager comme un danger. Des deux côtés cependant nous trouvons également des partisans, qui semblent être en lente progression et qui estiment que la tablette peut avoir un effet bénéfique sur les apprentissages.

Cadre théorique 2.1.3. Facteur d’influence : l’effort attendu

Un second élément impactant l’intention d’utilisation d’une tablette avec des enfants est l’effort attendu3, c’est-à-dire l’énergie que la personne s’imagine devoir fournir pour sa prise en main et parvenir à l’utiliser, pour des objectifs pédagogiques dans notre cas. L’effort attendu est modulé par l’âge, le genre et l’expérience de la personne qui utilise l’outil : en effet, ce facteur dissuade davantage les femmes âgées, n’ayant que peu d’expérience dans leur métier. Cette notion peut s’apparenter à celle d’« utilisabilité » relevée par Tricot et al. (2003). Pour ces auteurs, l’intention de se servir de l’outil se base en partie sur sa facilité de prise en main et d’utilisation ainsi que sur le temps jugé nécessaire à cette appropriation.

Pour plusieurs auteurs (Rey & Coen, 2012 ; Wang, Ertmer & Newby, 2004), le temps jugé nécessaire à l’appropriation d’un outil technologique est modulé entre autres par le sentiment de compétence des utilisateurs. Plus ces derniers se sentent compétents dans l’utilisation de l’outil, plus l’effort attendu et le temps nécessaire estimé seront faibles, et plus l’intention d’utilisation sera haute. Ces premiers auteurs ont effectué une enquête longitudinale en 2006 et 2012 par questionnaire dans le canton de Fribourg auprès de 393 enseignants. Ils détaillent alors différents types de sentiments de compétence, nécessaires à l’intention d’intégrer une tablette à sa pratique professionnelle. Premièrement, les enseignants ont besoin de se sentir suffisamment compétents dans leur utilisation personnelle de l’outil avant de pouvoir s’imaginer l’intégrer dans leur pratique avec des enfants. Deuxièmement, les professionnels veulent se sentir compétents lorsqu’il s’agit d’évaluer le potentiel pédagogique de l’outil, ceci afin de pouvoir choisir des applications pertinentes en lien avec les objectifs visés. Finalement, les professionnels ont besoin de se sentir compétents dans leur capacité à utiliser concrètement ces outils avec les enfants, de manière pédagogique. Une basse estime de leurs compétences dans ces domaines entrainerait une estimation croissante de l’effort attendu et du temps nécessaires, diminuant ainsi l’intention d’utilisation de l’outil. Avoir une bonne estime de ses compétences serait ainsi un facteur nécessaire à l’intention d’utilisation. Nous constatons donc que plusieurs concepts sont imbriqués : les termes d’effort attendu sous-tendent en réalité également des questions de temps nécessaire et de sentiment de compétence face aux outils technologiques.

Venons-en à présent aux efforts attendus par la population qui nous intéresse, recensés dans la littérature.

Le temps nécessaire à l’appropriation d’une technologie numérique, chaque utilisateur l’aura expérimenté, peut effectivement être conséquent avant de disposer d’un niveau de maîtrise satisfaisant. Cela nécessite beaucoup de persévérance, de recherches et d’essais. Comme l’expliquent d’ailleurs Nogry, Decortis, Sort &

Heurtier (2013, p. 414), l’appropriation d’un outil est « un processus, qui s’inscrit dans une durée longue au cours de laquelle l’utilisateur transforme sa pratique, fait évoluer ses compétences ». Cependant, comme le soulignent Brown et Engelhardt (2017), lorsque l’utilisateur est convaincu, le temps nécessaire est rarement une cause d’abandon. Toujours selon ces auteurs, la principale barrière se situerait en réalité au niveau de la faible estime de leurs propres compétences à intégrer l’outil dans leurs pratiques professionnelles. Il est à noter que ce facteur concerne de nombreux travailleurs, beaucoup d’entre eux disposant d’un degré de maitrise suffisant à leur utilisation privée mais pas professionnelle (Leclère, Simonnot, Barcenilla & Dinet, 2007, p. 8). Une fois de plus, cet effet serait d’autant plus notable chez les femmes (Rey & Coen, 2012).

Ainsi, une faible estime de ses propres compétences est en réalité plus problématique qu’il n’y parait, car elle peut constituer une cause suffisante pour ne pas intégrer l’outil. Or, dans les dernières décennies, beaucoup de professionnels ont été sommés d’intégrer un outil numérique à leur pratique, sans y avoir été formés, ni bénéficier d’un suivi par une personne compétente une fois l’outil intégré, car il n’existe souvent pas de personnel prévu à cet effet (Brown & Engelhardt, 2017 ; Leclère & al., 2007). Ce manque d’aide se

Cadre théorique ressent aussi lorsque les enseignants doivent rechercher des applications éducatives. En effet, s’il arrive que les professionnels découvrent ponctuellement des applications intéressantes, ils éprouvent en revanche de grandes difficultés lorsqu’il s’agit de chercher des applications précises, en lien avec les objectifs pédagogiques poursuivis (Cumming & Strnadovà, 2016, p. 218). De plus, les applications faussement éducatives ne sont pas rares :

« La réalité est que nombre de ces applications peuvent manquer de fonctionnalités essentielles de conception, d’instruction, de contenu, d’accessibilité et d’individualisation, qui sont les caractéristiques des logiciels éducatifs de haute qualité 4». (Traduction de Chmiliar, 2016, p. 17)

More & Travers (2013, p. 23) soulignent également cette problématique : « La réalité est que les logiciels éducatifs mal conçus sont encore monnaie courante » (citant Boone & Higgins, 2005). Selon ces différents auteurs, les professionnels manqueraient souvent d’une formation qui leur permettrait de distinguer quelles applications sont réellement éducatives, et de quelles manières il est possible de s’en servir.

Nous constatons ainsi que l’effort conséquent attendu par certains professionnels, n’est pas totalement infondé : d’une part, ces apprentissages s’inscrivent dans un processus long, comportant des pièges et rarement soutenu par une personne compétente. De ces difficultés naissent des réticences. Selon Brown et Englehardt (2017), ayant mené des études de cas avec 20 enseignants préscolaires au Texas, les professionnels s’aperçoivent rapidement du temps qui est nécessaire à l’intégration d’un outil numérique dans leur pratique et du manque de soutien à disposition. Certains professionnels en concluent que cela prendrait trop de temps de l’utiliser de manière adéquate et sans que cela nuise à leurs objectifs éducatifs.

En effet, certains professionnels jugent les moyens informatiques moins efficaces et plus coûteux en énergie à mettre en place que l’enseignement classique (Kopcha, 2012). Les enseignants craignent aussi que ces outils ne « déshumanisent » leurs élèves et de perdre le contrôle de l’utilisation que ces derniers pourraient en faire (Leclère & al., 2017, p. 8).

Ces difficultés, additionnées d’un manque d’aide, poussent certains professionnels à abandonner l’intégration de ces outils dans leurs pratiques avec les enfants. Un constat similaire est observé chez les parents, qui ont le souhait d’initier leur enfant à ces nouveaux outils mais sont dépourvus face à la méthode à adopter (Mathen & al. 2015). Les différents éléments mentionnés ici se retrouvent amplifiés par la rapidité d’évolution que présentent les outils numériques, nécessitant une continuelle remise à niveau des connaissances ainsi qu’un renouvellement constant des applications devenues obsolètes (More & Travers, 2013, p. 23). Nous constatons ainsi un discours similaire de la part des parents et des professionnels, mettant en lumière un manque de connaissances et d’aide.

2.1.4. Facteur d’influence : l’influence sociale

Le dernier facteur du modèle UTAUT modulant l’intention d’utiliser un outil numérique est l’influence sociale (Venkatesch & al., 2003, p. 467). En effet, les attitudes des personnes qui nous entourent ne sont pas sans effet sur nos propres attitudes : elles étayent nos réflexions, nuancent nos opinions. Si tous ses collègues décident d’intégrer la tablette avec les enfants, l’enseignant aura davantage tendance à en faire autant, et inversement. Cet effet est d’autant plus marqué chez les femmes âgées ayant peu d’expérience et, évidemment, si son utilisation est obligatoire.

4 « The reality is that many of these apps may be lacking essential design, instruction, content, accessibility, and

Cadre théorique Ce phénomène n’est pas seulement observable chez les professionnels mais également chez les parents, dans le sens où leurs perceptions seront impactées par la manière dont le professionnel leur présentera le rôle de l’outil pour les apprentissages (Bozelle Giroud, 2014, citant Bozelle, Bétrancourt, Deriaz & Pelizzone, 2009). Ce dernier point revêt une importance capitale, car dans un contexte d’éducation précoce spécialisée à domicile il est primordial que les méthodes soient partagées entre parents et pédagogues. Si tel n’est pas le cas, il est fort probable que les parents ne perpétuent pas durant la semaine les stratégies mises au point, diminuant ainsi de manière drastique les chances d’atteindre les objectifs. Dans ce sens, il serait important que le professionnel soit bien formé à son utilisation afin d’être en mesure de partager avec les parents des expériences positives et argumentées avec l’outil.

2.1.5. Facteur d’influence : les conditions facilitatrices

Le dernier facteur du modèle UTAUT se distingue des autres en ceci qu’il a un impact direct sur l’utilisation qui est faite de l’outil, et pas seulement sur les intentions d’utilisation. Il s’agit des conditions facilitatrices, c’est-à-dire le soutien que la personne estime avoir à disposition pour la prise en main et la manipulation de l’outil (Venkatesh & al., 2003, p. 453). Cette catégorie comporte ainsi tout ce qui peut aider l’utilisateur, comme le personnel compétent à disposition ou les formations dispensées. Comme nous avons pu le voir tout au long de ce chapitre, l’offre, bien que très appréciée lorsqu’elle est mise en place, semble encore bien inférieure à la demande, qui reste très présente.

Un des premiers besoins du personnel éducatif et des parents semble être une aide pour délier les réticences.

En effet, lorsqu’il s’agit d’insérer un nouvel outil aux pratiques, des réticences se mettent parfois en place afin de laisser à la personne le temps nécessaire pour juger de la pertinence de ce nouvel élément.

Cependant, quand les réticences se figent et deviennent des résistances, il peut être tout à fait opportun de les questionner (Brown & Englehardt, 2017 ; Corriveau & Tousignant, 1996). Les réticences peuvent être nombreuses lorsqu’il s’agit de prendre en main un outil inconnu : crainte pour l’enseignant de perdre la position de détenteur de connaissance ou crainte que la nouvelle méthode ne remplace l’ancienne qui leur tient à cœur, comme par exemple les livres ou les lettres manuscrites (Leclère & al., 2007, p. 8). Dans ce cas, il convient en premier lieu d’effectuer un travail de fond pour délier les résistances, puis dans un deuxième temps pour compléter les connaissances (Coen, 2007, p. 7). En effet, passer directement à la seconde étape en omettant la première, se révèle totalement inefficace car dans ce cas, les professionnels ne changeraient pas leurs méthodes d’enseignement après avoir reçu la formation (Brown & Englehardt, 2017, p. 21).

La formation n’en est ensuite pas moins nécessaire, car la plupart des enseignants qui s’opposent farouchement aux outils numériques exposent des raisons qui témoignent d’un manque de connaissances sur le potentiel de ces outils (Leclère & al., 2007, p. 8). Du côté des parents également, différentes recherches (Erdogan & al. 2019 ; Fletcher-Watson & al., 2016) ont démontré une corrélation entre le degré de formation de la mère et le temps d’écrans de l’enfant. Plus le niveau de formation est bas, plus l’enfant passe de temps devant les écrans.

Il est intéressant de constater que les professionnels eux-mêmes réclament des formations, comprenant des démonstrations d’utilisations concrètes et adaptées à leur pratique (Leclère & al., 2007). Cette technique a d’ailleurs prouvé sa supériorité sur des formations purement théoriques ou constituées uniquement d’échanges entre collègues, notamment au niveau du sentiment de compétence et de la perception d’utilité pédagogique de ces outils par les enseignants (Brown & Englehardt, 2017 ; Kopcha, 2012 ; Wang & al., 2004).

Ceci ne discrédite évidemment pas les discussions entre collègues et les formations théoriques qui leur sont

Cadre théorique complémentaires, soulignons simplement l’importance de mettre à disposition des personnes-ressource et des formations à un niveau très pratique et individualisé aux besoins de chacun.

2.1.6. Facteur d’influence : les valeurs des utilisateurs

Un facteur supplémentaire, explicatif de l’intention d’utiliser un outil numérique, touche aux valeurs des utilisateurs, mentionné également par Tricot et al. (2003) sous le terme plus large d’« acceptabilité ». Selon ces auteurs, l’acceptabilité d’un outil se définit comme « la valeur de la représentation mentale (attitudes, opinions, etc. plus ou moins positives) » (p. 396) de l’utilité et de l’utilisabilité d’un outil. Ces auteurs définissent différents facteurs impactant cette représentation, comme les valeurs et la culture des utilisateurs, leurs motivations individuelles, leurs affects et également le contexte dans lequel l’outil est inséré.

Ce dernier facteur nous indique que l’acceptabilité peut varier d’un contexte à l’autre pour un même utilisateur car certaines situations semblent plus pertinentes que d’autres pour utiliser ces technologies. Rey et Coen (2012) relèvent eux aussi la variabilité que peuvent induire les motivations individuelles envers ces outils, chacun ayant une attirance et un plaisir naturellement différents à utiliser les outils numériques.

Brown et Englehardt (2017) ajoutent que les valeurs et les habitudes facilitent notre quotidien, raison pour laquelle il faut de l’énergie et de la conviction si nous souhaitons les modifier. Ainsi, l’acceptabilité aurait un

Brown et Englehardt (2017) ajoutent que les valeurs et les habitudes facilitent notre quotidien, raison pour laquelle il faut de l’énergie et de la conviction si nous souhaitons les modifier. Ainsi, l’acceptabilité aurait un