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5. MÉTHODOLOGIE

5.2. M ÉTHODE DE RECUEIL DES DONNÉES

Selon Fortin (2006), les méthodes les plus fréquemment utilisées pour les études de cas sont l’entretien, qu’il soit semi-dirigé ou non-dirigé, et l’observation (cité dans de Saint-André & al., 2010, p. 165). Il s’agissait ainsi de définir lesquelles de ces méthodes étaient les plus pertinentes pour répondre à notre question de recherche et selon quelles modalités.

Premièrement, nous devions choisir entre un entretien non-dirigé ou semi-dirigé. L’entretien non-dirigé consiste à aborder un thème très global qui n’est pas nécessairement ciblé à l’avance et est constitué de questions dont l’ordre n’est pas prédéfini. Notre thème étant relativement ciblé, cette méthode a été écartée. À l’inverse, l’entretien semi-directif, méthode de récolte des données retenue pour cette étude, permet d’approfondir une réflexion sur un thème ciblé (Alexandre, 2013) tout en permettant une parole relativement spontanée de l’interviewé. Le chercheur est également appuyé dans cette démarche par le guide d’entretien (Bardin, 2013, p. 93).

En revanche, les difficultés de cette méthode reposent sur le caractère spontané de la parole obtenue, qui comporte parfois des phrases incomplètes, des implicites, des digressions incompréhensibles ou encore des évitements du sujet (Bardin, 2013, p. 94). De plus, Blanchet (2007, p. 81) apporte des réflexions quant à la délicate tâche, au cours de l’entretien, de « soutenir une relation sociale dialogique et une interrogation sur le fond » en parallèle. En effet, il est important de tisser un lien avec le sujet afin qu’il se sente à l’aise pour se livrer et de ce fait la conversation peut rapidement devenir badine. Il est néanmoins important de ne pas laisser la personne s’écarter du sujet de manière trop importante et de ne pas perdre de vue les objectifs de l’étude. Une certaine souplesse peut se révéler très riche mais il faut savoir trouver les limites adéquates, objectif pour lequel le guide d’entretien s’avère très utile.

D’un point de vue méthodologique, différents reproches sont régulièrement adressés à cette méthode. En première ligne, la difficulté de généralisation et de représentativité des résultats obtenus, due au petit nombre d’individus interrogés. D’autre part, on lui reproche également l’inévitable subjectivité du chercheur lors de la conduite de l’entretien et du traitement des données, qui est notamment liée à des facteurs personnels, culturels et contextuels du chercheur (Laperrière, 1997). Finalement, cette méthode présente le risque que les participants ne répondent pas sincèrement mais en obéissant à la loi de la désirabilité sociale (de Saint-André & al., 2010, p. 168), c’est-à-dire en formulant une réponse socialement acceptable ou en répondant ce qu’ils s’imaginent que le chercheur aimerait entendre. En effet, le comportement humain varie

Méthodologie autant de manière inter-individuelle qu’intra-individuelle, relativement à l’expérience et au contexte, ce qui rend une garantie de fiabilité délicate à obtenir (Alexandre, 2013, p. 29).

Il est en revanche intéressant de relever certaines nuances aux critiques précédemment énoncées à l’encontre de cette méthode. Merriam (1998) souligne que malgré l’impossibilité d’obtenir deux fois les mêmes résultats à une étude qualitative, les deux résultats obtenus ne sauraient être en complète opposition mais se complèteraient, se nuanceraient, seraient témoin de l’évolution de l’expérience des sujets. De même, un seul recueil de données peut certes donner lieu à plusieurs interprétations ; elles n’en restent pour autant pas moins intéressantes. Elle propose alors qu’en recherche qualitative, l’objectif ne soit pas d’obtenir le même résultat mais que l’analyse effectuée paraisse cohérente au regard d’autres chercheurs (citée dans Alexandre, 2013, p. 29). Pour cette raison, il semble important de détailler au maximum la méthode d’analyse adoptée, afin qu’une communauté de chercheurs puisse l’évaluer en connaissance de cause.

Deuxièmement, nous devions définir l’utilité de prévoir des observations. En effet, cette méthode supplémentaire aurait pu constituer une triangulation des données obtenues, ce qui permet d’obtenir une meilleure rigueur scientifique (de Saint-André & al., 2010, p. 168). Nous avons cependant fait le choix de renoncer à cette méthode, et cela pour plusieurs raisons en lien avec nos objectifs de recherche.

Premièrement, comme le soulignent Miles et Huberman (2003, cités par de Saint-André & al., 2010, p. 169), en raison de la subjectivité du chercheur, une analyse qui porterait à la fois sur des données provenant d’entretiens et d’observations nécessite de procéder à un codage multiple afin de vérifier la fiabilité du codage. Or, selon Altet (2002), un tel procédé requiert la « confrontation des points de vue […] de chercheurs issus de différentes disciplines » (cité par de Saint-André & al., 2010, p. 169). Il nous était impossible de satisfaire à ce critère dans le cadre de ce travail. Il n’y avait dès lors pas d’utilité à récolter des informations que nous ne serions pas en mesure de traiter selon les prescriptions de la littérature.

Deuxièmement, ce choix s’est opéré en lien avec le matériel que nous souhaitions récolter : des perceptions, des utilisations et des aspects de co-construction. Or, il nous parait que les perceptions ne font pas partie des facteurs dont l’observation aurait pu rendre compte, en observant nos dyades lors d’une séance du SEI à domicile. Concernant les utilisations, l’observation, qu’elle soit de type transversale ou même longitudinale n’aurait pu être représentative de toutes les utilisations qui sont faites par les pédagogues avec les enfants.

Le constat est le même concernant les aspects de co-construction : une relation se construit sur la durée et sa qualité ne peut, à notre sens, être estimable en une ou plusieurs observations ; nous aurions pu observer, au mieux, quelques pratiques relationnelles et participatives, mais des facteurs tels que l’identification des besoins de la famille ou encore la poursuite d’objectifs communs ne saurait être observée.

Finalement, dans le sens de Paillé (2007, p. 140) : « dans le cadre d'une maitrise en éducation […] il est normal de devoir réajuster l'ampleur de sa recherche en fonction des crédits accordés ». Nous entendons par là que sur les durées qui sont habituellement à disposition pour ce type de recherche, il est inévitable de devoir faire des choix. Nous avons alors préféré privilégier une confrontation entre les pédagogues et les parents, en nous offrant la possibilité de prendre trois dyades, plutôt que de devoir restreindre le nombre de participants ou de n’en choisir qu’une catégorie, pour un rendement finalement plutôt faible sur la qualité des analyses.

Méthodologie 5.2.2. Construction du guide d’entretien

Notre choix s’est donc arrêté sur une unique méthode de récolte de données : l’entretien semi-directif. Celui-ci requiert la construction d’un guide d’entretien, basé sur la littérature. De la littérature a ainsi été recueillie à propos des différents aspects de l’intégration d’une tablette tactile avec des enfants en bas âge et à besoins éducatifs particuliers. À partir de cette revue de littérature, les guides d’entretien ont été réalisés. Après relecture de ces guides par les directrices de mémoire, un entretien pré-test a été effectué avec un parent et avec un professionnel tests. Cela a permis de supprimer, d’ajouter, de réorganiser les questions et d’effectuer une première prise en main de l’instrument.

Une première version a ainsi été réalisée sous forme de tableau à trois colonnes (Voir tableau 4, Catégories du guide d’entretien) : la question et ses relances, la page de la référence et finalement le passage de la référence ayant suscité la question.

Tableau 4: Catégories du guide d'entretien

Étant donné les spécificités contextuelles présentes entre le groupe des parents et le groupe des pédagogues, une version légèrement adaptée a été prévue pour chacun de ces deux groupes (voir Annexe 2). Les deux guides sont cependant sensiblement identiques afin de pouvoir être comparés et permettre un regard croisé.

Les guides terminés, élagués de leurs références, ont ensuite été mis sous forme de mind-maps. Ceci a permis, lors de l’entretien, d’obtenir un aspect plus visuel et d’anticiper les liens que les interviewés feraient entre les questions et ainsi pouvoir y réagir plus efficacement. La version pour les pédagogues uniquement sera détaillée ci-dessous car elle comporte quelques questions supplémentaires relatives à leur fonction, telles que les formations reçues ou la pression ressentie ou non de la part de l’employeur ou des collègues.

Les questions ont été classées selon les différentes thématiques de notre cadre théorique. Plus précisément, le tableau comporte six catégories de questions. La première vise à recueillir les généralités : il s’agit de prendre connaissance de leur expérience en éducation précoce spécialisée, des formations reçues par le service, des difficultés rencontrées, des conseils retenus des campagnes de prévention ou encore de leur perception de pression sociale à l’utiliser. La seconde catégorie vise à comprendre la construction, entre le parent et le pédagogue, du projet éducatif individualisé incluant la tablette. Les questions ciblent les échanges présents ou non à ce sujet, les objectifs co-construits ou non ou encore les stratégies d’intervention du professionnel en cas d’utilisation jugée inadéquate de la part du parent. La troisième catégorie cherche à

Méthodologie comprendre l’utilisation précise qui est faite de la tablette en séance : avec quels types d’enfants les pédagogues l’utilisent ou non, puis dans le contexte de la famille comment et quand se déroule un moment avec la tablette, quelle est l’implication du parent à ce moment par rapport aux autres jeux, comment se passe pour l’enfant la fin d’un moment de tablette, quelles applications sont utilisées et de quelle manière.

La quatrième catégorie recueille l’utilisation que l’enfant fait de la tablette : quelles sont ses applications préférées et pourquoi selon le professionnel, si l’enfant l’utilisait déjà avant l’arrivée du pédagogue dans la famille, et si une utilisation à des fins de communication en est faite. La cinquième catégorie permet de recueillir les avantages et inconvénients perçus de cet outil par les professionnels. La dernière catégorie permet aux participants de s’exprimer plus librement en apportant leurs réflexions personnelles.