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6. RÉSULTATS

6.2. R ISQUES , LIMITES ET AVANTAGES PERÇUS

6.2.2. Avantages de l’utilisation d’une tablette pour le jeune enfant

Présentons à présent les avantages énumérés par nos participants lors de nos six entretiens.

Pour la maman 1, la tablette a des avantages pour l’enfant et pour les parents. Elle permet à l’enfant d’accroitre ses apprentissages : « y’a des jeux pour les fruits, les légumes, les chiffres, les formes… là, je préfère pour lui […] les chiffres, l’alphabet, les couleurs. » (MaVer1, l.81-82 et 91-92))

Résultats Un avantage pour les parents expliqué par la maman 1 est de permettre d’occuper ou de distraire l’enfant dans des cas extrêmes :

« des fois, je vois qu’il est ennuyé, il sort pas tous les jours ben je dis… il faut que je lui laisse un petit moment, qu’il joue sur la tablette… Parce que j’arrive pas à sortir avec lui. Je suis pas bien, je me dis « ah mince, j’arrive pas à sortir avec mon fils, il y a du soleil il profite pas »… dans la journée il sort pas, mais j’ai pas le choix. Ma santé elle m’aide pas pour faire les choses. » (MaVer1, l. 125-129)

Pour la pédagogue 1, il existe des avantages pour l’enfant et le pédagogue. Pour l’enfant, la tablette permet des apprentissages : la pédagogue peut l’utiliser « pour renforcer une connaissance qu’on a déjà travaillée avec d’autre moyens avant » (l.435-436) ou « comme première approche pour le pointage ou pour commencer la trace » (l.445-446). Elle apprécie également l’une de ses applications 31qui permettent de travailler la cause à effet32« que tu peux utiliser même avec des tout-petits, qui a son sens, et qui va pas justement aller dans ce côté des écrans qui peuvent être très excitants parce que finalement si tu fais rien il se passe rien. » (l.535-537). Avec l’enfant de la famille 1, elle utilisait également l’application VideoTouch pour accroitre les connaissances générales de l’enfant :

« c’est un enfant qui sortait relativement peu, et du coup ça donne aussi une petite fenêtre sur ce que... ben voilà, (appuie sur le cheval), on peut discuter des animaux dont on parle peut-être dans les jeux en faisant un puzzle ou un truc mais là y’a quand même... ce que je trouve sympa c’est qu’il y a quand même les vidéos, donc du coup c’est un peu plus concret. » (l.509-511)

Un autre avantage mentionné concerne le développement du langage. En effet, lorsque la pédagogue 1 partage une activité sur la tablette avec un enfant, elle en profite pour initier des conversations. Elle l’utilise également parfois comme rituel de début de séance « pour se dire bonjour » (PéVer1, l.546). De même, dans le cas des enfants ne pouvant pas communiquer par eux-mêmes, la tablette peut devenir un moyen de communication à part entière :

« ça permet avec les enfants aussi d’ouvrir la discussion en disant « haan, mais c’est-ce qu’il fait, et toi aussi est-c’est-ce que ça t’arrive ? » […] Ou alors la communication avec certains enfants. Moi je l’ai jamais expérimenté mais je sais que j’ai des collègues où la tablette c’est vraiment LE moyen de communication. Là c’est pas la question de savoir si c’est attractif, pas attractif, c’est juste la seule manière qu’ils ont de communiquer quoi ». (MaVer1, l.458-459 et 586-589)

Un avantage spécifique est également mentionné pour les enfants à mobilité très réduite car elle soulage d’une partie des mouvements nécessaires :

« avec des enfants en situation de handicap moteur, suivant quelles applications ça peut être intéressant justement pour permettre certaines expérimentations ou

31 SoundBox

32 Les pédagogues utilisent ce terme lorsque l’application permet de comprendre à l’enfant que ses actions ont un

Résultats certains apprentissages, sans avoir le côté peut-être plus fastidieux de la

manipulation » (PéVer1, l.577-579)

Finalement, la tablette lui permet de travailler les émotions avec les enfants ainsi que les compétences sociales. La pédagogue 1 l’utilise parfois en ce sens pour assurer une forme de co-enseignement, où la tablette pourra montrer à l’enfant l’effet qu’il peut produire sur autrui, quand il crie par exemple :

« y’avait aussi celui-là (appuie sur un homme qui crie)… c’est un enfant qui parlait extrêmement fort, et qui ben en fait de lui montrer ce que ça fait chez l’autre, sans forcément le faire soi-même […] ça peut aider. » (l.460-463)

La tablette a également des avantages pour le pédagogue. Elle mentionne notamment la grande attractivité qu’elle représente pour les enfants et qui permet d’attirer et conserver plus longtemps leur concentration sur l’activité : « avec la tablette on est quasi sûrs de capter au moins un minimum d’attention chez l’enfant qu’en aurait le moins quoi. » (l.571-572). Pour elle, la tablette peut également servir de récompense pour féliciter d’un bon comportement, elle ne l’utilisait d’ailleurs qu’à cet effet dans la famille 1. La tablette peut permettre finalement de proposer « une autre porte d’entrée » (l.276-277) pour certains apprentissages difficiles pour l’enfant.

La maman 2, malgré une relative réticence à un usage aussi précoce, souligne néanmoins que l’outil facilite certains apprentissages qui seraient difficiles pour l’enfant et permet de développer des connaissances à propos du monde extérieur (comme les animaux) pour sa fille :

« mine de rien je pense qu’il y a clairement des apprentissages derrière. Les applications […] où on apprend ce que c’est un éléphant, ce que c’est une girafe, elle a jamais vu d’éléphant ni de girafe en vrai mais là elle les voit bouger, elle les voit faire des bruits, donc je trouve que ça permet des apprentissages. C’est aussi des outils qui, il y a certains jeux qui sont facilités […] présenter une même activité sous un angle différent, qui lui permet d’accéder plus facilement à l’apprentissage, alors que sur un jeu physique, elle aura décidé que c’est trop difficile, ça ne va pas et elle veut pas faire l’effort. » (MaVer2, l. 134-137)

Elle souligne également l’utilité d’y être introduit dans un contexte cadré comme le SEI :

« Après ben, finalement, j’imagine que toute sa vie elle en aura autour d’elle, donc c’est aussi apprendre ce que c’est un téléphone, une tablette et pis commencer à savoir s’en servir […] y’a un moment où on l’utilise et y’a un moment où on laisse de côté pour passer à autre chose. Donc voilà, je trouve qu’apprendre ça dans le cadre des séances ben c’est bien. » (MaVer2, l.134-147 et l.82-84).

La maman 2 souligne également des avantages pour les parents : la tablette permet d’avoir accès aux connaissances de l’enfant et de contourner ses difficultés dans un contexte qui est motivant pour lui.

« Quand elle a une difficulté, ou des fois elle a décidé que UN jeu était difficile et elle veut plus le voir en peinture. Alors que si on lui met le même jeu mais sur le téléphone ben d’un coup tac, ça passera (rires) […] ça nous permet de voir qu’elle

Résultats est capable de progresser, et de faire l’activité, sur un support différent » (MaVer2,

l.142-144 et 150-151)

Finalement, l’attractivité de l’outil peut servir de distracteur très efficace en cas de besoin :

« quand elle est avec la tablette ou le téléphone, elle est vraiment calme, posée, ça peut durer longtemps, si j’ai envie de l’avoir fixée sur un truc […] je lui file le téléphone. Alors que si je la mets avec n’importe quel jeu, même si elle a du plaisir, assez rapidement elle va se lasser et elle va envoyer balader les trucs, et il va falloir passer à autre chose […] quand elle est de mauvaise humeur, qu’il y a rien qui va, le téléphone c’est un truc qui la cadre. ça nous laisse un PETIT moment où… moi je peux faire ce que je dois faire.(l.91-95, l.12 et l.130-131)

Pour la pédagogue 2, la tablette permet à l’enfant de travailler sur les notions d’acceptation des règles imposées, à généraliser des apprentissages à sa vie quotidienne ainsi qu’à respecter des tours de rôle en attendant son tour :

« En général ils comprennent bien les règles, mêmes des enfants qui ont pas un super bon niveau de compréhension ils les acceptent assez vite » (PéVer2, l.604-605)

« une fois que c’est acquis sur l’iPad on repasse au jeu, et pis souvent ça marche hyper bien ! […] jusqu’à maintenant j’ai eu aucun enfant qui a pas réussi à transférer dans le concret. » (PéVer2, l.350 et 362-363)

« y’a une application qu’on a où on joue contre quelqu'un donc en plus il doit attendre son tour. Et pis ça c’est pas mal parce qu’ils apprennent le tour de rôle aussi. » (PéVer2, l.364-365)

La tablette présente également de nombreux avantages pour l’adulte : il existe en effet une grande diversité d’applications, qui peuvent être utilisées de différentes manières et permettent également à la pédagogue 2 de s’adapter à l’enfant et de créer du matériel concret :

« les Memory on en a quatre ou cinq, donc on peut aussi choisir le Memory en fonction des intérêts de l’enfant » (PéVer2, l.513-514)

« Y’a peut-être le SoundTouch qui revient un peu avec beaucoup d’enfants, parce que tous aiment et on peut faire plusieurs choses avec » (PéVer2, l.508-509)

« pis on fait les captures d’écran, pour créer du matériel : par exemple le SoundTouch où y’a des images d’animaux, pour faire le Lotto sonore, ben capture d’écran, après on imprime pis ça fait des cartes. » (PéVer2, l.487-489)

Les activités proposées sur ce support lui permettent également d’obtenir et de maintenir la motivation des enfants, notamment en prenant en charge la manipulation, ou d’avoir accès à leurs compétences ainsi que de suivre leurs progrès :

Résultats

« y’a des applications maintenant en plus où on peut mettre le nom et pis on peut suivre la progression, pis chaque semaine ils retrouvent où ils se sont arrêtés pis on continue. Donc ça c’est aussi motivant parce qu’ils savent, pis ils voient, enfin c’est visuel, y’a un rond vert quand ils ont réussi pis ils voient s’ils ont avancé » (PéVer2, l.336-339)

« le Memory, je trouve que c’est un jeu qui est compliqué à faire comprendre aux enfants […] typiquement là je vais amener l’iPad […] les cartes elles se retournent toutes seules, elles se referment toutes seules » (PéVer2, l.347-349)

« ceux qui sont tout le temps dans l’opposition pour tout et qui refusent de tout faire, ça permet de voir les compétences qu’ils ont […] un Lotto, ben certains s’ils se jettent systématiquement sur toutes les cartes ben on va pas savoir. » (PéVer2, l.558-559 et 574-575)

Pour la maman 3, la tablette permet de motiver l’enfant, d’acquérir des connaissances dans plusieurs langues, de les généraliser et d’engager des échanges. Elle permet aussi de calmer l’enfant :

« lui pleurer, besoin, pour ça j’ai donné mon fils, il aime beaucoup […] For me, he let this inside, he understand. When he sing with the tablet, he repeat, he sing, he play with the, the song many things inside and he say « mommy, I saw this, mommy ».

He know many things inside, he sing it for me, he know how to sing « A,B,C,D » and also en français. Mhm, he learn things. » (MaVer3, l.53, l. 30 et l.69-72)

Pour la pédagogue 3 finalement, la tablette permet de travailler et de généraliser avec l’enfant dans un contexte motivant et qui requiert de la flexibilité de la part de l’enfant. Aussi, elle permet d’accéder de manière différente à des compétences plus élevées qu’à l’habitude en déchargeant de la manipulation :

« au bout de 6-7 paires ben il se fatigue. Tandis qu’avec l’iPad il le fait plus longtemps. Le jeu de logique, j’arrive pas à en faire autant, à faire aussi évolué. Par exemple le jeu des formes, c’est des choses qui sont plus compliquées à faire avec du vrai matériel, où l’intérêt de la manipulation va prendre le dessus sur la demande de raisonnement par exemple. » (PéVer3, l.327-331)

« avec des enfants polyhandicapés comme ça, avec vraiment juste le côté « viens mettre ta main de côté, ou appuyer » […] aller toucher l’iPad pour qu’il se passe quelque chose ben là c’est intéressant » (PéVer3, l.402-405)

« la demande est pas toujours la même, des fois il faut tirer, des fois il faut appuyer, des fois il faut… » (PéVer3, l.499-500)

« on peut reprendre avec du vrai matériel aussi des fois, ça permet de faire dans les deux sens […] une fois qu’il a compris il transfère bien » (PéVer3, l.353-354 et 361)

« c’est une occasion d’observer qui est assez géniale, parce qu’on les voit vraiment confrontés à un problème, où ils VEULENT trouver une solution […] là ils vont crocher

Résultats pis on voit, quelles stratégies ils mettent en place ou pas en place. » (PéVer3, l.

501-505)

La tablette permet également à l’enfant qui ne le pourrait pas de communiquer, d’accroitre son vocabulaire ou de réfléchir ensemble aux consignes données par la machine :

« La voix fait une démo et dit « Regarde, c’est trop grand pour lui. Là, ça lui va bien.

À toi, mets les t-shirts sur les garçons ». Et pis moi je peux vraiment faire avec lui,

« écoute. Qu’est-ce qu’elle t’a demandé ? » […] ça permet aussi de travailler le vocabulaire […] et pour les situations de communication augmentée » (PéVer3, l.339-341 et l.171-172, 109-110)

La pédagogue 3 souligne également des avantages pour les professionnelles. En effet, la tablette empêche l’enfant, pour des encastrements par exemple, de forcer le matériel car sur la tablette cela ne fonctionne pas, l’enfant se rend tout de suite compte que ce n’est pas la bonne solution. De plus, c’est la tablette qui corrige l’enfant, ce qui évite le sentiment d’arbitraire que l’enfant peut ressentir envers l’adulte. Dans les applications où la tablette donne vocalement la consigne, cela permet un langage simple et concis qui aide l’enfant :

« L’enfant est confronté à une activité, et c’est pas juste parce que l’adulte dit « c’est juste, c’est faux », c’est... ils voient ce qui se passe pis ils ont un effet différent » (PéVer3, l.450-451)

« c’est pas moi qui formule, et pis du coup je trouve que c’est intéressant aussi parce que nous on a une manière toujours de (rires)... d’expliquer, en même temps qu’on demande » (PéVer3, l.341-343)

D’un point de vue technique, elle nomme le caractère multifonction et personnalisable de la tablette :

« l’avantage spécifique c’est la variété de supports et d’activités qu’on peut avoir dans un espace aussi petit […] y’a plein de possibilités de l’utiliser différemment […]

on profite des nouvelles technologies pour avoir du matériel et des possibilités de s’adapter à certaines difficultés des enfants qui sont assez géniales.» (PéVer3, l.441-442 et 550 483-485)

D’un point de vue plus écologique également, la tablette évite de devoir imprimer des images pour les regarder avec l’enfant. De plus, elle permet d’avoir des vidéos au lieu de photos figées et muettes et d’ainsi y associer un son, comme les cris des animaux par exemple ou des chansons pour les pédagogues qui n’aiment pas chanter. Pour la pédagogue 3, la tablette permet de réaliser des activités qui ne seraient pas réalisables autrement car elles nécessiteraient énormément de matériel « typiquement celle-là33 je peux pas la faire, avec du matériel concret, parce que ouais, il faudrait chaque fois un autre matériel » (PéVer3, l.334-335). De plus, lorsque l’enfant ne comprend pas, la tablette peut offrir une autre porte d’entrée : « si on voit qu’il a pas compris on peut reprendre avec du vrai matériel aussi des fois, ça permet de faire dans les deux sens. » (l.353-354).

Grâce à son caractère captivant, la tablette permet au pédagogue de travailler une notion sur une durée plus longue avec l’enfant et donc de l’approfondir davantage. En effet, la réussite sur tablette est parfois plus satisfaisante pour l’enfant, notamment grâce à « des renforcements sympa » (PéVer3, l.153). Même lorsque

Résultats la difficulté peut augmenter, certaines applications s’adaptent à l’enfant et permettent même un suivi d’une séance à l’autre :

« Du moment que j’ai réussi, ça augmente la difficulté, si je réussis pas, on reste à ce niveau-là. Donc si par exemple maintenant pendant dix fois je fais ça (faux), déjà ça marche pas, mais ils enlèvent le rouge et ils re-proposent le même exercice (simplifient le niveau pour que l’enfant puisse le réussir) jusqu’à ce qu’on y arrive […] ce qui est génial, et ça c’est pas souvent dans les applications, on peut avoir plusieurs enfants enregistrés. Et pis ça reprend au niveau où il en est. » (PéVer3, l.159-168, expliquant The Busy Shapes)

Finalement, la pédagogue 3 se sert également de la tablette pour communiquer avec les parents. Elle profite de son écran plus grand qu’un smartphone pour pouvoir montrer des choses aux parents ou les activités réalisées.

Ayant terminé de répertorier les avantages et inconvénients perçus par nos participants, observons à présent leur comportement d’utilisation. Nos discussions nous amèneront en effet à comparer ces différents points, afin d’en extraire les éventuelles incohérences. Rappelons que le tableau récapitulatif de ce sous-chapitre des risques et avantages se situe à la fin du chapitre des résultats sur les Usages car il nous semblait pertinent de pouvoir les consulter et les commenter en parallèle.