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Inclusion de la tablette tactile dans les projets éducatifs individualisés en éducation précoce spécialisée : perceptions, usages et co-construction parents-pédagogues au sein d’un service éducatif itinérant vaudois

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Inclusion de la tablette tactile dans les projets éducatifs individualisés en éducation précoce spécialisée : perceptions, usages et

co-construction parents-pédagogues au sein d'un service éducatif itinérant vaudois

DORMIA, Olivia

Abstract

La présente recherche avait pour objectif de rendre compte de la place occupée par la tablette tactile en contexte d'éducation précoce spécialisée : sa perception par les parents et les pédagogues, les objectifs pour lesquels elle est utilisée, la collaboration entre parents et pédagogues autour de la création et la mise en application du projet éducatif individualisé incluant la tablette. Les principaux résultats issus de nos entretiens indiquent une ambivalence entre enthousiasme et réticence envers cet outil. De même, les utilisations diffèrent elles aussi grandement d'un sujet et d'un contexte à l'autre, mais n'ont pas toujours une visée éducative. Le dernier constat concerne la difficulté d'échanger à ce sujet entre parents et pédagogues et donc de construire et appliquer le projet éducatif de manière conjointe. Nous soulèverons finalement le besoin de formations, ressenti par les pédagogues lors de l'introduction de cet outil en milieu professionnel.

DORMIA, Olivia. Inclusion de la tablette tactile dans les projets éducatifs individualisés en éducation précoce spécialisée : perceptions, usages et

co-construction parents-pédagogues au sein d'un service éducatif itinérant vaudois. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:136819

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Inclusion de la tablette tactile dans les projets éducatifs individualisés en éducation

précoce spécialisée :

Perceptions, usages et co-construction parents-pédagogues au sein d’un Service Éducatif Itinérant vaudois.

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE,

ORIENTATION ÉDUCATION PRÉCOCE SPÉCIALISÉE

PAR Olivia Dormia

DIRECTRICES DU MÉMOIRE

Myriam Gremion - Université de Genève

Denise Sutter Widmer - Haute Ecole Pédagogique Vaud et Université de Genève MEMBRES DU JURY

Myriam Gremion - Université de Genève

Denise Sutter Widmer - Haute Ecole Pédagogique Vaud et Université de Genève Véronique Dubrul - Service Educatif Itinérant, Genève

GENEVE FEVRIER 2020

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RESUME

(maximum 150 mots)

La présente recherche avait pour objectif de rendre compte de la place occupée par la tablette tactile en contexte d’éducation précoce spécialisée : sa perception par les parents et les pédagogues, les objectifs pour lesquels elle est utilisée, la collaboration entre parents et pédagogues autour de la création et la mise en application du projet éducatif individualisé incluant la tablette. Les principaux résultats issus de nos entretiens indiquent une ambivalence entre enthousiasme et réticence envers cet outil. De même, les utilisations diffèrent elles aussi grandement d’un sujet et d’un contexte à l’autre, mais n’ont pas toujours une visée éducative.

Le dernier constat concerne la difficulté d’échanger à ce sujet entre parents et pédagogues et donc de construire et appliquer le projet éducatif de manière conjointe. Nous soulèverons finalement le besoin de formations, ressenti par les pédagogues lors de l’introduction de cet outil en milieu professionnel.

Mots-clés : tablette tactile, éducation précoce spécialisée, besoins éducatifs particuliers 0-6 ans, perceptions, utilisation, projet éducatif individualisé, approche centrée famille, partenariat, collaboration, co-construction parents pédagogues, formation numérique.

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Remerciements

Ce travail de longue haleine est le fruit de nombreuses concessions, de nombreux doutes, de nombreux passages à blanc… mais aussi de magnifiques découvertes, de témoignages d’amitié, de soutien, de belles rencontres et de moments de partage qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire. C’est pourquoi je tiens à remercier sincèrement…

« Mes directrices de mémoire, Mesdames Myriam Gremion et Denise Sutter Widmer, pour votre soutien, votre bienveillance et vos précieux conseils lors de la construction de ce rapport, pour m’avoir suivie et structurée dans les aléas de mon esprit et de mes recherches.

« Mes collègues MAEPS du SEI de Verdeil qui ont sondé le terrain avant que je n’y arrive moi-même.

« Michel Zollinger, pour votre éternelle gentillesse et bienveillance et pour avoir accepté une étude de plus au sein de votre équipe.

« La responsable informatique du SEI de Verdeil, pour la belle collaboration mise en place. C’était un vrai plaisir !

« Les pédagogues et les familles du SEI de Verdeil ayant participé à la récolte de données et aux entretiens pré-test, pour les beaux moments de partage vécus ensemble et sans qui il n’y aurait pas eu de données à analyser.

« Mes collègues du SEI du CPHV qui m’ont aidée, encouragée et aiguillée lors des moments de doute.

« Mme Véronique Dubrul, du service éducatif itinérant Astural, pour avoir été intéressée à faire partie de mon jury.

« Ma famille et mes amis, maman, Isaïe, Jess, pour vos nombreux encouragements, vos relectures, pour avoir compris mes nombreuses absences et arrangé les dates pour que je puisse continuer à vous voir.

« Au soleil de mon Valais, qui m’a réchauffé le cœur durant les longues périodes de grisaille.

« …Et à mon Mathieu. Pour m’avoir aidée avec la mise en page de ce rapport, pour m’avoir supportée et portée dans les moments d’essoufflement, pour avoir tenu la maison presque seul de nombreuses fois pour me laisser travailler, pour m’avoir rassurée dans les moments difficiles, pour m’avoir réconfortée par ta si belle musique. Merci infiniment mon chéri ! Ça y est, le bout du tunnel est proche !

À tout le monde, un énorme

MERCI !

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Table des matières

1. INTRODUCTION ... 1

2. CADRE THÉORIQUE ... 3

2.1. PERCEPTIONS DE PARENTS ET DE PÉDAGOGUES SUR LUTILISATION DES OUTILS NUMÉRIQUES ... 3

2.1.1. Utilisation des outils numériques : le modèle UTAUT ... 3

2.1.2. Facteur d’influence : la performance espérée ... 5

2.1.3. Facteur d’influence : l’effort attendu ... 6

2.1.4. Facteur d’influence : l’influence sociale ... 7

2.1.5. Facteur d’influence : les conditions facilitatrices ... 8

2.1.6. Facteur d’influence : les valeurs des utilisateurs ... 9

2.1.7. Conclusion des perceptions : un besoin évident de formations ... 9

2.2. RISQUES,LIMITES ET AVANTAGES DE LUTILISATION DE LA TABLETTE POUR LE JEUNE ENFANT ... 10

2.2.1. Risques et limites de l’utilisation d’écrans pour le jeune enfant ... 10

2.2.2. Avantages de la tablette : techniques, généraux, spécifiques ... 14

2.3. USAGES DE LA TABLETTE, COMPORTEMENT DUTILISATION ET USAGES CONSEILLÉS ... 16

2.3.1. Usages et comportements d’utilisation à domicile : enfants, parents ... 16

2.3.2. Usages conseillés par la littérature : âge, durée, contenu, accompagnement ... 19

2.3.3. Conclusion : des possibilités relatives aux modalités d’usage ... 21

2.4. CO-CONSTRUCTION PARENTS-PÉDAGOGUE ... 21

2.4.1. Les outils de l’EPS : le projet éducatif individualisé et l’approche centrée famille ... 22

2.4.2. La co-construction sur le terrain : des idéaux encore non atteints ... 26

2.5. SYNTHÈSE DU CADRE THÉORIQUE ... 26

3. CADRE CONTEXTUEL ET LÉGAL DE L’ÉDUCATION PRÉCOCE SPÉCIALISÉE EN SUISSE ... 27

3.1. CADRE LÉGAL DE LÉDUCATION PRÉCOCE SPÉCIALISÉE ... 27

3.2. CONTEXTE DU SERVICE ÉDUCATIF ITINÉRANT DE LA FONDATION DE VERDEIL ... 28

3.2.1. Le SEI de Verdeil, un établissement pilote de l’éducation numérique ... 29

4. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 30

4.1. PARTICULARITÉS DE LOUTIL « TABLETTE » POUR LE JEUNE ENFANT ... 30

4.2. PARTICULARITÉS DU CONTEXTE SEI ... 31

4.3. QUESTIONS DE RECHERCHE ... 31

5. MÉTHODOLOGIE ... 33

5.1. OPÉRATIONNALISATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 33

5.2. APPROCHE ET DÉMARCHE DE LA RECHERCHE ... 33

5.3. POPULATION ... 33

5.1. POSTURE DU CHERCHEUR ... 35

5.1. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 35

5.2. MÉTHODE DE RECUEIL DES DONNÉES ... 36

5.2.1. Choix de la méthode de recueil ... 36

5.2.2. Construction du guide d’entretien ... 38

5.3. MÉTHODE DANALYSE ... 39

6. RÉSULTATS ... 41

6.1. PERCEPTIONS DES PARENTS ET DES PÉDAGOGUES SUR LUTILISATION DE LA TABLETTE TACTILE ... 42

6.1.1. Facteur d’influence : la performance espérée ... 42

6.1.2. Facteur d’influence : l’effort attendu ... 43

6.1.3. Facteur d’influence : l’influence sociale ... 44

6.1.4. Facteur d’influence : les conditions facilitatrices ... 46

6.1.1. Facteur d’influence : les valeurs ... 49

6.1.2. Perceptions : éléments saillants ... 50

6.2. RISQUES, LIMITES ET AVANTAGES PERÇUS ... 51

6.2.1. Risques et limites de l’utilisation d’une tablette pour le jeune enfant ... 51

6.2.2. Avantages de l’utilisation d’une tablette pour le jeune enfant ... 56

6.3. USAGES DE LA TABLETTE ... 62

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6.3.2. Usages conseillés ... 68

6.3.3. Risques, Limites, Avantages et Usages : éléments saillants ... 71

6.4. CO-CONSTRUCTION DES PROJETS ÉDUCATIFS ... 73

6.4.1. Projet éducatif individualisé (PEI) et tablette ... 73

6.4.2. Approche centrée famille (ACF) et tablette ... 75

6.4.3. Co-construction : conclusion et éléments saillants ... 77

7. DISCUSSION ... 79

7.1. RAPPEL DE LA DÉMARCHE ... 79

7.2. PERCEPTIONS MITIGÉES, EFFORT ATTENDU CONSÉQUENT, FORMATIONS SOUHAITÉES ... 79

7.3. CONSCIENCE DES RISQUES, LIMITES ET AVANTAGES ENCORE LIMITÉS ... 81

7.4. UTILISATIONS : UN MANQUE DE COMMUNICATION, UN BESOIN DE FORMATION ... 81

7.5. DES CO-CONSTRUCTIONSENCORE FRAGILES ... 82

7.6. MISE EN PERSPECTIVE ET LIENS ENTRE LES FACTEURS ... 83

8. CONCLUSION ET PERSPECTIVES ... 87

8.1. ÉLÉMENTS DE RÉPONSE À NOTRE QUESTION DE RECHERCHE ... 87

8.2. PERSPECTIVES PRATIQUES ET RECOMMANDATIONS ... 88

8.3. RÉFLEXIONS SUR LA RECHERCHE ET PERSPECTIVES FUTURES ... 89

9. BIBLIOGRAPHIE ... 91

10. ANNEXES ... 94

10.1. ANNEXE 1 :FORMULAIRE DE CONSENTEMENT (2 PAGES) ... 94

10.2. ANNEXE 2 :GUIDES DENTRETIEN, VERSION TABLEAUX (PARENTSPUIS PÉDAGOGUES) ... 96

10.3. ANNEXE 3 :TABLEAU-RÉSULTAT DES RISQUES, LIMITES ET USAGES ... 110

10.4. ANNEXE 4 : TABLEAU-RÉSULTAT DES CO-CONSTRUCTIONS ... 112

10.5. ANNEXE 5: UTILISATION DE L’ACCÈS GUIDÉ /CONTRÔLE PAR INTERACTION ... 113

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Introduction

1. Introduction

- …il aime pas les gens. Il était fermé, juste pour la tablette […] Il a trois ans il dit pas maman, il dit pas papa, il dit des mots anglais, des chiffres anglais, les couleurs anglais, mais quand je lui parle il comprend rien, il écoute pas, déjà. […]

- Je peux jouer sur le balcon ?

- Non, pas maintenant. Va jouer sur la tablette, s’il te plait, s’il te plait.

(Extrait d’entretien, MaVer1, l.40-47).

La tablette tactile, outil relativement récent, a rapidement suscité un grand engouement de la part des consommateurs, et notamment des enfants. Elle est aujourd’hui présente dans de nombreux foyers et il n’est pas rare d’en apercevoir également dans les espaces publics. Elle est cependant, tout comme le smartphone, l’objet de nombreux débats en ce qui concerne son utilisation avec le jeune enfant : tantôt néfaste, tantôt bénéfique. Ce foisonnement d’opinions se retrouve également dans la littérature disponible sur le sujet, qui se multiplie depuis quelques années et a notamment permis de distinguer, comme nous le verrons, les utilisations occupationnelles, de celles éducatives. En effet, les chercheurs ont pu prouver la cohabitation, dépendamment des modalités d’utilisation, d’avantages autant que de risques de la tablette pour le développement de l’enfant, et notamment de l’enfant à besoins éducatifs particuliers (voir par exemple Bach, Houdé & Lena, 2015 ; Chmiliar, 2014 ; Cumming & Strnadova, 2016 ; Harlé & Desmurget, 2012).

La présente étude prend place dans un Service Éducatif Itinérant (SEI) de Suisse romande. Les pédagogues en SEI offrent des prestations éducatives, à domicile, pour des enfants à besoins éducatifs particuliers jusqu’à leur entrée à l’école. Afin d’individualiser au mieux leurs objectifs et de maximiser leurs chances de réussite, l’intervention est axée sur une étroite relation de complémentarité avec les parents. Ces interventions se déroulant avec de jeunes enfants, les apprentissages passent par le jeu. Le service dans lequel se déroule cette étude présente la particularité, depuis 2014, de mettre à la disposition de chaque pédagogue, une tablette tactile personnelle en tant qu’outil éducatif.

Or, l’insertion dans les familles d’un objet sujet d’incertitudes et de craintes, dans un contexte où les pratiques collaboratives avec la famille ne suivent pas les courbes idéales, pose question. Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes donc intéressés à la manière dont cet appareil est perçu en tant qu’outil éducatif, utilisé, négocié entre les parents et le professionnel dans le cadre des séances du SEI.

Cette investigation a pris la forme de six entretiens semi-directifs individuels, réalisés auprès de trois dyades parent-pédagogue du SEI de Verdeil, en Suisse romande. Leurs regards ont été croisés, au sein des dyades mais également entre les différents pédagogues et parents, afin d’apporter des éléments de réponse à la question de recherche générale : « Quelles sont les perceptions, utilisations et co-constructions qui se mettent en place autour de la tablette tactile, entre parents et pédagogues, pour un usage avec de jeunes enfants à besoins éducatifs particuliers en éducation précoce spécialisée ? »

Nous profiterons en premier lieu du cadrage théorique pour prendre connaissance de l’état actuel des recherches dans ce domaine. Les perceptions des parents et des professionnels sur l’utilisation de cet outil dans un but éducatif seront d’abord exposées, ainsi que les facteurs impactant leur décision d’utiliser la

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Introduction tablette avec un enfant. En seconde partie, nous nous renseignerons sur les risques, limites et avantages de cette utilisation avec de jeunes enfants. Nous recenserons ensuite les usages les plus fréquents de la tablette, selon la recherche, en veillant à s’intéresser au point de vue des parents et des professionnels de la petite enfance. Les usages conseillés par les différents auteurs seront également passés en revue. Finalement, nous aborderons le thème des relations parents-pédagogue et des co-constructions possibles en contexte SEI, afin d’offrir une première balise à nos questionnements ciblés sur l’utilisation de la tablette tactile. Nous constaterons ainsi qu’aucune donnée n’est disponible dans la littérature sur les modalités de collaboration et d’utilisation de l’outil tablette durant les séances incluant les parents, le pédagogue et le jeune enfant à besoins éducatifs particuliers.

Pourtant, si les SEI introduisent la tablette dans leurs pratiques et que, comme nous le verrons, les enfants doivent être accompagnés lorsqu’ils l’utilisent et que les adultes présents doivent travailler ensemble, il s’agit bien d’une relation triadique qui doit se construire. De plus, les approches utilisées en SEI stipulent clairement que pour optimiser l’efficacité des interventions, le partenariat s’avère nécessaire. Alors, qu’en est-il pour la tablette tactile ? Au-delà des complexités relationnelles humaines, parents et professionnels ont-ils toutes les cartes en main pour réussir ce nouveau défi ?

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Cadre théorique

2. Cadre théorique

Afin de cibler au mieux notre question de recherche, nous aborderons dans ce cadrage théorique quatre principales thématiques. La première partie consistera à comprendre quels sont les facteurs qui impactent les perceptions et les intentions d’utilisation de la tablette tactile par une population de parents et de professionnels du secteur éducatif (enseignants, éducateurs, pédagogues). Des explications seront ensuite fournies sur les risques, limites et avantages que la tablette peut revêtir pour les apprentissages des jeunes enfants. Puis, les intentions d’utilisation n’étant pas toujours égales aux utilisations réelles, la troisième partie visera à identifier quelles utilisations en sont réellement faites par notre population-cible et à exposer les conseils d’utilisation fournis par la littérature. La dernière thématique visera à investiguer si des co- constructions se créent, entre parents et professionnels, autour de l’utilisation de la tablette.

2.1. Perceptions de parents et de pédagogues sur l’utilisation des outils numériques

L’intention d’utiliser une tablette tactile pour poursuivre des objectifs pédagogiques avec de jeunes enfants est variable et modulée par différents facteurs. Afin de rendre compte de ces différents facteurs, nous nous sommes appuyés sur le modèle UTAUT (Unified Theory of Acceptance and Use of Technology) (Venkatesh, Morrin, Davins & Davis, 2003), utilisé comme base des comparaisons en raison de sa méthodologie et de son caractère complet. Ce modèle propose trois facteurs modulant l’intention d’utiliser des outils numériques, ainsi qu’un facteur modulant directement le comportement d’utilisation.

2.1.1. Utilisation des outils numériques : le modèle UTAUT

Le modèle UTAUT est un modèle explicatif des variables qui impactent les comportements d’utilisation des outils technologiques. Mis sur pied en 2003 par Venkatesh, Morrin, Davins & Davis, le modèle fut construit par la prise en compte des variables recensées dans huit modèles existants. Ces variables donnèrent lieu à un questionnaire, soumis à une population de 215 employés issus de divers domaines et débutant avec les nouvelles technologies. Ceux-ci devaient coter chaque item sur une échelle de 1 à 7. Afin d’obtenir des données longitudinales et de pouvoir évaluer l’impact de l’expérience, le questionnaire fut à nouveau soumis une semaine, un mois, trois mois puis six mois après avoir reçu un entraînement. Le calcul des coefficients de corrélation permit finalement aux auteurs d’isoler les facteurs significatifs dans l’intention d’utilisation, le comportement d’utilisation, ainsi que les modérateurs ayant à leur tour un impact sur ces différents facteurs.

Les liens entre les facteurs ainsi que les modérateurs sont exposés dans la Figure 1 (modèle UTAUT).

Les auteurs identifient ainsi trois facteurs ayant un impact sur l’intention d’utiliser un outil technologique1 : la performance espérée, l’effort attendu et l’influence sociale. Ces intentions impacteraient ensuite à leur tour le comportement réel d’utilisation. Un dernier facteur, les conditions facilitatrices, impacterait directement le comportement d’utilisation. Ces quatre facteurs seraient à leur tour impactés par les modérateurs que sont le genre, l’âge, l’expérience ainsi que l’utilisation volontaire ou non de l’outil.

Nous expliquons ici brièvement le modèle, car chacun des quatre facteurs sera repris et davantage développé individuellement par la suite, en comparaison avec d’autres éléments théoriques. Nous pouvons lire sur le modèle que le premier facteur, la performance espérée, est modérée par le genre et l’âge. Les auteurs expliquent que l’impact des résultats qui sont espérés par les utilisateurs grâce à l’outil, sur l’intention d’utilisation, sont amplifiés chez les hommes et les jeunes travailleurs (.55). Ainsi, les jeunes travailleurs

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Cadre théorique

Figure 1: Modèle UTAUT (Venkatesh & al., 2003, p. 447)

masculins seront par exemple davantage encouragés à utiliser l’outil s’ils y voient des avantages, ou découragés s’ils y voient des inconvénients.

Nous lisons ensuite que le second facteur, l’effort attendu, est modéré par le genre, l’âge et l’expérience (.27). En effet, l’impact sur l’intention d’utilisation, de l’énergie que la personne s’imagine devoir fournir pour la prise en main de l’outil, touche davantage les femmes âgées n’ayant que peu d’expérience dans leur métier. Cela signifie par exemple qu’une travailleuse âgée sera davantage dissuadée d’utiliser l’outil si elle s’imagine devoir fournir pour cela de grands efforts.

Le troisième facteur, l’influence que les utilisateurs subissent dans leur environnement social, est impacté par les quatre modérateurs (.28). En effet, l’impact est plus fort pour les femmes âgées, ayant peu d’expérience et pour qui l’utilisation est obligatoire. Ainsi, une travailleuse âgée, peu expérimentée et forcée à utiliser une technologie, aura davantage tendance à commencer à utiliser un outil technologique si les personnes importantes dans son environnement de travail l’utilisent également.

Le dernier facteur représente les conditions facilitatrices, c’est-à-dire le soutien que la personne pense avoir à disposition. Ce facteur, qui impacte directement sur le comportement d'utilisation, est modéré par l'âge et l'expérience (.23) : l’effet est plus fort pour les travailleurs âgés et expérimentés, qui auront par exemple davantage tendance à utiliser un outil technologique s’ils ont à leur disposition l’aide nécessaire pour y parvenir.

Développons à présent ce modèle, en comparaison avec les autres éléments de littérature concernant l’intention ou le comportement d’utilisation d’un outil technologique. Chacun de ces éléments théoriques sera également enrichi par les perceptions et intentions d’utilisation effectivement observés auprès des parents et des professionnels travaillant auprès de jeunes d’enfants.

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Cadre théorique 2.1.2. Facteur d’influence : la performance espérée

Selon le modèle UTAUT (cf. Figure 1), le premier facteur modulant l’intention d’utiliser un outil numérique est la performance espérée2, c’est-à-dire les résultats que l’on espère obtenir grâce à l’outil (Venkatesh & al., 2003, p. 467). Cette notion peut être appariée à celle d’« utilité », exposée par Tricot et al. (2003) et consistant à évaluer si la tablette permet ou non d’atteindre les objectifs pédagogiques visés. Selon Bozelle Giroud (2014, p. 65), la performance perçue par les parents sur les apprentissages, serait en lien direct avec l’attitude des enfants face à ces outils.

Sur le terrain, les espoirs fondés par les professionnels sur les outils numériques sont très variables (Brown

& Englehardt, 2017). En 2012, une recherche suisse menée par questionnaire avec 393 enseignants pour élèves de 5 à 20 ans, relevait que la valeur perçue sur les apprentissages et la motivation de leurs élèves n’a que faiblement augmenté (de 2,93 à 3,12 sur 5) entre 2006 et 2012 (Rey & Coen, 2012, p. 36). Pourtant, dans la recherche de Kopcha (2012) réalisée également par questionnaire la même année aux États-Unis, tous les enseignants estimaient que cet outil était important et prometteur pour les apprentissages des enfants, et cela d’autant plus après avoir reçu l’aide d’une personne compétente. Il semblerait donc y avoir un lien entre l’aide reçue et la performance espérée par un outil numérique. La revue de littérature de Liu, Wu et Chen (2013) révèle également un fort taux d’attitudes positives (77%) face à l’utilisation des tablettes à des fins éducatives, relevant notamment son efficacité pour l’enseignement ainsi que ses effets sur les apprentissages et la participation des enfants. Nous constatons ainsi différents degrés de performance espérée, ce qui impacterait directement sur la structure des leçons dispensées, certains enseignants restructurant intégralement leur enseignement pour inclure l’outil alors que d’autres ne l’insèrent que de manière ponctuelle (Brown & Englehardt, 2017, p. 21, citant Mourlam & Montgomery, 2015).

Du côté des parents les avis sont également mitigés. La recherche de Chmiliar (2014) relève des attitudes très positives de la part des six parents d’enfants à besoins éducatifs particuliers, à qui elle avait fourni des tablettes tactiles pré-programmées avec des applications éducatives. Plusieurs parents (sans précision du nombre) se sont dits intéressés à s’en procurer une à la fin de la recherche. D’autres recherches en revanche témoignent d’attitudes plus réticentes de la part des parents. Comme le révèle l’enquête par questionnaire de Mathen, Fastrez et De Smedt (2015, p. 219) effectuée auprès de 1800 parents, ceux-ci ne seraient guère favorables à voir des outils numériques dans les mains de leur enfant. En effet, la plupart d’entre eux considère les écrans néfastes pour leur enfant, notamment au niveau du manque de sommeil, de l’isolement social ainsi que de l’inactivité qu’ils engendrent. Une autre étude menée en Corée, en Amérique, en Turquie et en Chine dévoile que les parents préfèrent voir leur enfant jouer avec des jeux « en dur » plutôt qu’avec des jeux numériques (Erdogan, Johnson, Dong & Qiu, 2019). Finalement, les parents ne cachent pas leurs réticences quant au temps que leur enfant passe sur les écrans, mais plusieurs auteurs assurent qu’en fixant des règles dès le début avec l’enfant et en s’y tenant, cet aspect devient tout à fait gérable (Chmiliar, 2014 ; Bach & al., 2015).

Nous constatons donc, tant bien chez les parents que chez les professionnels, des avis très partagés en ce qui concerne le potentiel éducatif de la tablette sur les apprentissages des enfants. Les réticences cependant semblent être de nature différente : alors que certains enseignants craignent que la tablette ne soit pas utile pour les apprentissages et que cela les détourne de leur mission d’enseignement, les parents semblent les envisager comme un danger. Des deux côtés cependant nous trouvons également des partisans, qui semblent être en lente progression et qui estiment que la tablette peut avoir un effet bénéfique sur les apprentissages.

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Cadre théorique 2.1.3. Facteur d’influence : l’effort attendu

Un second élément impactant l’intention d’utilisation d’une tablette avec des enfants est l’effort attendu3, c’est-à-dire l’énergie que la personne s’imagine devoir fournir pour sa prise en main et parvenir à l’utiliser, pour des objectifs pédagogiques dans notre cas. L’effort attendu est modulé par l’âge, le genre et l’expérience de la personne qui utilise l’outil : en effet, ce facteur dissuade davantage les femmes âgées, n’ayant que peu d’expérience dans leur métier. Cette notion peut s’apparenter à celle d’« utilisabilité » relevée par Tricot et al. (2003). Pour ces auteurs, l’intention de se servir de l’outil se base en partie sur sa facilité de prise en main et d’utilisation ainsi que sur le temps jugé nécessaire à cette appropriation.

Pour plusieurs auteurs (Rey & Coen, 2012 ; Wang, Ertmer & Newby, 2004), le temps jugé nécessaire à l’appropriation d’un outil technologique est modulé entre autres par le sentiment de compétence des utilisateurs. Plus ces derniers se sentent compétents dans l’utilisation de l’outil, plus l’effort attendu et le temps nécessaire estimé seront faibles, et plus l’intention d’utilisation sera haute. Ces premiers auteurs ont effectué une enquête longitudinale en 2006 et 2012 par questionnaire dans le canton de Fribourg auprès de 393 enseignants. Ils détaillent alors différents types de sentiments de compétence, nécessaires à l’intention d’intégrer une tablette à sa pratique professionnelle. Premièrement, les enseignants ont besoin de se sentir suffisamment compétents dans leur utilisation personnelle de l’outil avant de pouvoir s’imaginer l’intégrer dans leur pratique avec des enfants. Deuxièmement, les professionnels veulent se sentir compétents lorsqu’il s’agit d’évaluer le potentiel pédagogique de l’outil, ceci afin de pouvoir choisir des applications pertinentes en lien avec les objectifs visés. Finalement, les professionnels ont besoin de se sentir compétents dans leur capacité à utiliser concrètement ces outils avec les enfants, de manière pédagogique. Une basse estime de leurs compétences dans ces domaines entrainerait une estimation croissante de l’effort attendu et du temps nécessaires, diminuant ainsi l’intention d’utilisation de l’outil. Avoir une bonne estime de ses compétences serait ainsi un facteur nécessaire à l’intention d’utilisation. Nous constatons donc que plusieurs concepts sont imbriqués : les termes d’effort attendu sous-tendent en réalité également des questions de temps nécessaire et de sentiment de compétence face aux outils technologiques.

Venons-en à présent aux efforts attendus par la population qui nous intéresse, recensés dans la littérature.

Le temps nécessaire à l’appropriation d’une technologie numérique, chaque utilisateur l’aura expérimenté, peut effectivement être conséquent avant de disposer d’un niveau de maîtrise satisfaisant. Cela nécessite beaucoup de persévérance, de recherches et d’essais. Comme l’expliquent d’ailleurs Nogry, Decortis, Sort &

Heurtier (2013, p. 414), l’appropriation d’un outil est « un processus, qui s’inscrit dans une durée longue au cours de laquelle l’utilisateur transforme sa pratique, fait évoluer ses compétences ». Cependant, comme le soulignent Brown et Engelhardt (2017), lorsque l’utilisateur est convaincu, le temps nécessaire est rarement une cause d’abandon. Toujours selon ces auteurs, la principale barrière se situerait en réalité au niveau de la faible estime de leurs propres compétences à intégrer l’outil dans leurs pratiques professionnelles. Il est à noter que ce facteur concerne de nombreux travailleurs, beaucoup d’entre eux disposant d’un degré de maitrise suffisant à leur utilisation privée mais pas professionnelle (Leclère, Simonnot, Barcenilla & Dinet, 2007, p. 8). Une fois de plus, cet effet serait d’autant plus notable chez les femmes (Rey & Coen, 2012).

Ainsi, une faible estime de ses propres compétences est en réalité plus problématique qu’il n’y parait, car elle peut constituer une cause suffisante pour ne pas intégrer l’outil. Or, dans les dernières décennies, beaucoup de professionnels ont été sommés d’intégrer un outil numérique à leur pratique, sans y avoir été formés, ni bénéficier d’un suivi par une personne compétente une fois l’outil intégré, car il n’existe souvent pas de personnel prévu à cet effet (Brown & Engelhardt, 2017 ; Leclère & al., 2007). Ce manque d’aide se

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Cadre théorique ressent aussi lorsque les enseignants doivent rechercher des applications éducatives. En effet, s’il arrive que les professionnels découvrent ponctuellement des applications intéressantes, ils éprouvent en revanche de grandes difficultés lorsqu’il s’agit de chercher des applications précises, en lien avec les objectifs pédagogiques poursuivis (Cumming & Strnadovà, 2016, p. 218). De plus, les applications faussement éducatives ne sont pas rares :

« La réalité est que nombre de ces applications peuvent manquer de fonctionnalités essentielles de conception, d’instruction, de contenu, d’accessibilité et d’individualisation, qui sont les caractéristiques des logiciels éducatifs de haute qualité 4». (Traduction de Chmiliar, 2016, p. 17)

More & Travers (2013, p. 23) soulignent également cette problématique : « La réalité est que les logiciels éducatifs mal conçus sont encore monnaie courante » (citant Boone & Higgins, 2005). Selon ces différents auteurs, les professionnels manqueraient souvent d’une formation qui leur permettrait de distinguer quelles applications sont réellement éducatives, et de quelles manières il est possible de s’en servir.

Nous constatons ainsi que l’effort conséquent attendu par certains professionnels, n’est pas totalement infondé : d’une part, ces apprentissages s’inscrivent dans un processus long, comportant des pièges et rarement soutenu par une personne compétente. De ces difficultés naissent des réticences. Selon Brown et Englehardt (2017), ayant mené des études de cas avec 20 enseignants préscolaires au Texas, les professionnels s’aperçoivent rapidement du temps qui est nécessaire à l’intégration d’un outil numérique dans leur pratique et du manque de soutien à disposition. Certains professionnels en concluent que cela prendrait trop de temps de l’utiliser de manière adéquate et sans que cela nuise à leurs objectifs éducatifs.

En effet, certains professionnels jugent les moyens informatiques moins efficaces et plus coûteux en énergie à mettre en place que l’enseignement classique (Kopcha, 2012). Les enseignants craignent aussi que ces outils ne « déshumanisent » leurs élèves et de perdre le contrôle de l’utilisation que ces derniers pourraient en faire (Leclère & al., 2017, p. 8).

Ces difficultés, additionnées d’un manque d’aide, poussent certains professionnels à abandonner l’intégration de ces outils dans leurs pratiques avec les enfants. Un constat similaire est observé chez les parents, qui ont le souhait d’initier leur enfant à ces nouveaux outils mais sont dépourvus face à la méthode à adopter (Mathen & al. 2015). Les différents éléments mentionnés ici se retrouvent amplifiés par la rapidité d’évolution que présentent les outils numériques, nécessitant une continuelle remise à niveau des connaissances ainsi qu’un renouvellement constant des applications devenues obsolètes (More & Travers, 2013, p. 23). Nous constatons ainsi un discours similaire de la part des parents et des professionnels, mettant en lumière un manque de connaissances et d’aide.

2.1.4. Facteur d’influence : l’influence sociale

Le dernier facteur du modèle UTAUT modulant l’intention d’utiliser un outil numérique est l’influence sociale (Venkatesch & al., 2003, p. 467). En effet, les attitudes des personnes qui nous entourent ne sont pas sans effet sur nos propres attitudes : elles étayent nos réflexions, nuancent nos opinions. Si tous ses collègues décident d’intégrer la tablette avec les enfants, l’enseignant aura davantage tendance à en faire autant, et inversement. Cet effet est d’autant plus marqué chez les femmes âgées ayant peu d’expérience et, évidemment, si son utilisation est obligatoire.

4 « The reality is that many of these apps may be lacking essential design, instruction, content, accessibility, and

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Cadre théorique Ce phénomène n’est pas seulement observable chez les professionnels mais également chez les parents, dans le sens où leurs perceptions seront impactées par la manière dont le professionnel leur présentera le rôle de l’outil pour les apprentissages (Bozelle Giroud, 2014, citant Bozelle, Bétrancourt, Deriaz & Pelizzone, 2009). Ce dernier point revêt une importance capitale, car dans un contexte d’éducation précoce spécialisée à domicile il est primordial que les méthodes soient partagées entre parents et pédagogues. Si tel n’est pas le cas, il est fort probable que les parents ne perpétuent pas durant la semaine les stratégies mises au point, diminuant ainsi de manière drastique les chances d’atteindre les objectifs. Dans ce sens, il serait important que le professionnel soit bien formé à son utilisation afin d’être en mesure de partager avec les parents des expériences positives et argumentées avec l’outil.

2.1.5. Facteur d’influence : les conditions facilitatrices

Le dernier facteur du modèle UTAUT se distingue des autres en ceci qu’il a un impact direct sur l’utilisation qui est faite de l’outil, et pas seulement sur les intentions d’utilisation. Il s’agit des conditions facilitatrices, c’est-à-dire le soutien que la personne estime avoir à disposition pour la prise en main et la manipulation de l’outil (Venkatesh & al., 2003, p. 453). Cette catégorie comporte ainsi tout ce qui peut aider l’utilisateur, comme le personnel compétent à disposition ou les formations dispensées. Comme nous avons pu le voir tout au long de ce chapitre, l’offre, bien que très appréciée lorsqu’elle est mise en place, semble encore bien inférieure à la demande, qui reste très présente.

Un des premiers besoins du personnel éducatif et des parents semble être une aide pour délier les réticences.

En effet, lorsqu’il s’agit d’insérer un nouvel outil aux pratiques, des réticences se mettent parfois en place afin de laisser à la personne le temps nécessaire pour juger de la pertinence de ce nouvel élément.

Cependant, quand les réticences se figent et deviennent des résistances, il peut être tout à fait opportun de les questionner (Brown & Englehardt, 2017 ; Corriveau & Tousignant, 1996). Les réticences peuvent être nombreuses lorsqu’il s’agit de prendre en main un outil inconnu : crainte pour l’enseignant de perdre la position de détenteur de connaissance ou crainte que la nouvelle méthode ne remplace l’ancienne qui leur tient à cœur, comme par exemple les livres ou les lettres manuscrites (Leclère & al., 2007, p. 8). Dans ce cas, il convient en premier lieu d’effectuer un travail de fond pour délier les résistances, puis dans un deuxième temps pour compléter les connaissances (Coen, 2007, p. 7). En effet, passer directement à la seconde étape en omettant la première, se révèle totalement inefficace car dans ce cas, les professionnels ne changeraient pas leurs méthodes d’enseignement après avoir reçu la formation (Brown & Englehardt, 2017, p. 21).

La formation n’en est ensuite pas moins nécessaire, car la plupart des enseignants qui s’opposent farouchement aux outils numériques exposent des raisons qui témoignent d’un manque de connaissances sur le potentiel de ces outils (Leclère & al., 2007, p. 8). Du côté des parents également, différentes recherches (Erdogan & al. 2019 ; Fletcher-Watson & al., 2016) ont démontré une corrélation entre le degré de formation de la mère et le temps d’écrans de l’enfant. Plus le niveau de formation est bas, plus l’enfant passe de temps devant les écrans.

Il est intéressant de constater que les professionnels eux-mêmes réclament des formations, comprenant des démonstrations d’utilisations concrètes et adaptées à leur pratique (Leclère & al., 2007). Cette technique a d’ailleurs prouvé sa supériorité sur des formations purement théoriques ou constituées uniquement d’échanges entre collègues, notamment au niveau du sentiment de compétence et de la perception d’utilité pédagogique de ces outils par les enseignants (Brown & Englehardt, 2017 ; Kopcha, 2012 ; Wang & al., 2004).

Ceci ne discrédite évidemment pas les discussions entre collègues et les formations théoriques qui leur sont

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Cadre théorique complémentaires, soulignons simplement l’importance de mettre à disposition des personnes-ressource et des formations à un niveau très pratique et individualisé aux besoins de chacun.

2.1.6. Facteur d’influence : les valeurs des utilisateurs

Un facteur supplémentaire, explicatif de l’intention d’utiliser un outil numérique, touche aux valeurs des utilisateurs, mentionné également par Tricot et al. (2003) sous le terme plus large d’« acceptabilité ». Selon ces auteurs, l’acceptabilité d’un outil se définit comme « la valeur de la représentation mentale (attitudes, opinions, etc. plus ou moins positives) » (p. 396) de l’utilité et de l’utilisabilité d’un outil. Ces auteurs définissent différents facteurs impactant cette représentation, comme les valeurs et la culture des utilisateurs, leurs motivations individuelles, leurs affects et également le contexte dans lequel l’outil est inséré.

Ce dernier facteur nous indique que l’acceptabilité peut varier d’un contexte à l’autre pour un même utilisateur car certaines situations semblent plus pertinentes que d’autres pour utiliser ces technologies. Rey et Coen (2012) relèvent eux aussi la variabilité que peuvent induire les motivations individuelles envers ces outils, chacun ayant une attirance et un plaisir naturellement différents à utiliser les outils numériques.

Brown et Englehardt (2017) ajoutent que les valeurs et les habitudes facilitent notre quotidien, raison pour laquelle il faut de l’énergie et de la conviction si nous souhaitons les modifier. Ainsi, l’acceptabilité aurait un impact sur l’énergie investie par les utilisateurs, sur l’intention d’utilisation et finalement sur son utilisation effective.

2.1.7. Conclusion des perceptions : un besoin évident de formations

Nous constatons ainsi que les sources de réticences peuvent être multiples : grand effort attendu, faible performance espérée, acceptabilité modérée, influence sociale négative ou encore manque d’aide à disposition. Cependant, ces mêmes facteurs peuvent devenir des leviers s’ils sont placés du côté positif.

Comme nous l’avons vu, à cette fin de nombreux auteurs suggèrent d’offrir des formations aux professionnels, à un niveau théorique mais surtout pratique et individualisé, ainsi que de mettre à disposition une personne-ressource et des échanges d’expérience entre collègues (Brown & Englehardt, 2017 ; Coen, 2007 ; Kopcha, 2012 ; Leclère & al., 2007 ; Venkatesh & al., 2003 ; Wang & al., 2004).

Différents besoins de formation ont pu être mis en évidence en regard des apports théoriques précédents.

Afin de diminuer l’effort attendu, la formation devrait s’axer sur le sentiment de compétence, notamment en aidant les utilisateurs à distinguer les utilisations intéressantes de celles qui sont déconseillées (ces notions sont développées au Chapitre 2.2), ce qui permettrait notamment la diminution des réticences. Afin d’améliorer la performance espérée, les formations pourraient montrer en quoi la tablette peut devenir utile pour les apprentissages, de quelle manière chercher les applications réellement bénéfiques et comment gérer le temps d’écrans efficacement. Il serait finalement intéressant lors des formations de questionner les valeurs des participants afin de comprendre leurs perceptions et les raisons de celles-ci, démêler les résistances en réfléchissant ensemble aux contextes pertinents ou non pour utiliser une tablette et créer des situations de réussite en donnant du plaisir aux participants dans l’utilisation de leur tablette avec l’enfant.

Notons finalement que quatre des cinq facteurs abordés dans ce chapitre ont un impact uniquement sur l’intention d’utiliser les outils numériques et non sur l’utilisation effective. Cette nuance trouve son intérêt dans le constat que l’intention d’utilisation n’est pas gage d’utilisation effective (Venkatesh & al., 2003 ; Wang

& al., 2004). Nous l’avons vu, la conviction de l’utilité pédagogique de l’outil ne semble pas toujours suffire pour décider de s’en servir avec les enfants. Le prochain chapitre nous permettra de mettre en lien les aspects

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Cadre théorique de perceptions et d’intentions abordés ici, avec les utilisations concrètes observées dans la population qui nous intéresse : les parents et les professionnels de la petite enfance. Nous débuterons pour cela par un recensement des avantages, les risques et les limites, réels et perçus, avant de nous pencher sur les usages réellement observés dans les familles et les conseils formulés par la littérature.

2.2. Risques, Limites et Avantages de l’utilisation de la tablette pour le jeune enfant 2.2.1. Risques et limites de l’utilisation d’écrans pour le jeune enfant

L’utilisation de la tablette avec de jeunes enfants revêt de nombreux avantages pour les apprentissages. Dans certaines conditions cependant, cette pratique comporte aussi bien des limites que des inconvénients. Il sera question ici de recenser les domaines et les conditions dans lesquels des impacts négatifs peuvent se manifester, que nous développerons sous les termes génériques suivants : apprentissages, comportement, physiologie et interactions. Il est important de noter que l’utilisation de la tablette peut servir comme desservir un même domaine de développement. Cela s’explique aisément, car les manières d’utiliser l’outil sont multiples et, comme nous allons le voir, certaines utilisations sont plus bénéfiques que d’autres.

2.2.1.1. Risques pour les apprentissages

Le premier risque à prendre en considération est l’impact que peuvent avoir certaines utilisations de la tablette sur les apprentissages. Une étude longitudinale menée en Nouvelle-Zélande sur un millier d’enfants de 3 jusqu’à 15 ans, a démontré une corrélation entre l’augmentation d’heures quotidiennes passées à regarder la télévision, et une sortie de scolarité sans diplôme (Hancox, Milne & Poulton, 2005). Comme nous le montre le Graphique 1 fourni par les auteurs (p.616), il semblerait en effet que les enfants ayant le moins

Graphique 1 : rapport entre les heures quotidiennes de télévision durant l’enfance et le degré de diplôme obtenu

regardé la télévision (moins d’une heure quotidienne) soient ceux qui ont obtenu le plus grand pourcentage de diplômes universitaires et le moins de non diplômés, contrairement aux enfants ayant regardé trois heures ou plus de télévision par jour. Il n’y aurait en revanche pas d’impact significatif du genre ni du statut socio- économique.

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Cadre théorique D’autre part, selon plusieurs auteurs, les écrans non interactifs auraient des effets néfastes sur les capacités attentionnelles : chaque heure d’une telle consommation par un enfant de moins de trois ans irait jusqu’à doubler ses risques de développer des troubles attentionnels à l’école primaire (Bach & al., 2015 ; Harlé &

Desmurget, 2012 ; Zimmermann & Christakis, 2008, cités dans Harlé & Desmurget, 2012). Des précisions sont cependant nécessaires à ce niveau, car les enfants semblent pourtant très attentifs lorsqu’ils utilisent une tablette. Il existerait en réalité deux sortes d’attention : la première est l’attention utilisée pour regarder des vidéos, qui est de type « bottom-up », c’est-à-dire que le stimulus vient de l’environnement et remonte au cerveau. Il s’agit donc d’une simple orientation de la vigilance pour recevoir cette information. En revanche, l’attention nécessaire pour résoudre un exercice scolaire par exemple, est de type « top-down » et nécessite de la motivation pour que le cerveau produise une réflexion (Lillard & Peterson, 2011, cités dans Harlé et Desmurget, 2012). Or, regarder des vidéos sur la tablette entraîne mais également épuise le système

« bottom-up » uniquement. La capacité à orienter sa vigilance pour recevoir et donc traiter les stimuli est ainsi émoussée, c’est pourquoi cette pratique s’accompagne souvent d’une « pensée de zapping trop rapide et superficielle » ainsi que d’une certaine « passivité face au monde » (Bach & al., 2015, p. 36).

De plus, il semblerait que lorsque la tablette est utilisée pour des objectifs d’apprentissage, ceux-ci ne soient pas toujours généralisés aux situations de la vie réelle, garantissant ainsi la pertinence de l’intervention. C’est par exemple le cas dans l’expérience de Fletcher-Watson et al. (2016) destinée à entrainer la communication sociale grâce à l’application FindMe. Cette application vise à obtenir des contacts oculaires, des réponses socialement adaptées et des vocalisations dirigées. Après 28 utilisations de l’application avec de jeunes enfants présentant des troubles du spectre autistique, tous les enfants sont arrivés avec succès au dernier niveau de l’application. Cependant, les compétences acquises n’ont pas été transférées aux situations concrètes. Les auteurs notent néanmoins que les enfants présentant de tels troubles rencontrent fréquemment des difficultés de généralisation, ces aspects seraient donc encore à investiguer.

Un autre aspect des apprentissages pouvant pâtir de l’utilisation de la tablette concernerait certains aspects de la créativité. L’étude de Kucirkova et Sakr effectuée à Londres en 2015 a analysé et comparé les interactions entre une fillette de trois ans et son père, lors d’activités manuelles puis lors d’activités sur tablette, durant huit séances. Les activités manuelles étaient du bricolage et du dessin. Avec la tablette, il s’agissait en revanche de prendre des photos dans la maison puis de les placer dans une application afin d’inventer une histoire. Les séances ont été transcrites afin de classer les interactions dans les différentes catégories de leur recherche ; l’une des catégories, nommée « innovation and being imaginative » a été obtenue dans 85% des cas pour l’activité de bricolage, contre 50% avec la tablette. Ainsi, selon cette étude, la tablette stimulerait jusqu’à 35% moins la créativité de l’enfant que lors d’une activité manuelle comme le bricolage. Il est néanmoins à noter que cette étude n’a été effectuée qu’avec une seule enfant et que la comparaison entre les activités « dessiner et bricoler » et « prendre des photos pour inventer une histoire » ne semble pas être des plus évidentes.

2.2.1.2. Risques comportementaux

La deuxième problématique fréquemment rencontrée et citée concerne les aspects liés au comportement.

En effet, comme les enfants sont programmés pour apprendre par imitation, il ne serait pas rare qu'ils développent des comportements verbaux ou physiques agressifs, suite à une exposition à des images violentes ou inappropriées. De plus, ces images banaliseraient souvent la violence, ce qui la rendrait à la fois plus acceptable aux enfants et en même temps accroitrait leur méfiance envers autrui (American Academy of Pediatrics, 2001, cité dans Harlé & Desmurget, 2012, p. 774). Une grande crainte est finalement liée à l’addiction que ces dispositifs provoqueraient. Cependant, selon Bach et al. (2015), aucune étude n’a pu la

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Cadre théorique démontrer scientifiquement malgré les grands débats suscités par la question. Ces auteurs concèdent néanmoins que les enfants éprouvent généralement une grande attirance pour ces outils et que chacun peut tendre à y consacrer beaucoup de temps si aucune limite n’est posée. Il est à noter que de nombreux débats portent en réalité non pas sur l’existence d’utilisations abusives ou non, mais sur l’adéquation de la terminologie « addiction », habituellement utilisée dans d’autres domaines.

2.2.1.3. Risques physiologiques

Un autre risque concerne les impacts des écrans sur le fonctionnement physiologique de l’enfant. En effet, le temps passé sur un écran est généralement un temps d’inactivité physique qui, à de hautes doses, peut entrainer une prise de poids et les problèmes qui y sont associés (Bach & al., 2015). Au niveau visuel également des impacts négatifs sont constatés : premièrement, les écrans fatiguent et sèchent les yeux car ils présentent souvent une forte luminosité et une quantité importante de stimuli. Ils pourraient également entrainer une myopie fonctionnelle : cela signifie qu’un œil qui passe la majeure partie de son temps à regarder une image proche, comme un écran, se spécialisera dans la vision de proche et abandonnera en partie la vision de loin, créant ainsi des troubles de la vision de loin (ou myopie). L’enquête a en effet établi que le temps d’écrans chez les jeunes croît chaque année, et que de plus en plus de jeunes sont porteurs de lunettes (ASNAV, enquête OpinionWay, 2017 5 ; Bach & al., 2015). Ce dernier point est cependant à mettre en perspective, car à ce moment-là en considérant une personne lisant beaucoup de livres par exemple, ou exerçant un métier nécessitant une vue de près comme l’horlogerie, nous en arriverions probablement au même constat.

De plus, comme cela a souvent été entendu, la lumière bleue émise par les écrans a également un effet négatif sur le sommeil. En effet, elle serait identique à la lumière produite par le soleil (ASNAV6, 2019), faisant croire à notre cerveau qu’il fait encore jour, ce qui retarde notre endormissement. Or, « le sommeil est essentiel à notre santé somatique, émotionnelle et cognitive » (Harlé & Dsmurget, 2012, p. 774). Les impacts peuvent ainsi se faire ressentir sur le corps, les émotions et la capacité de réflexion. Évidemment, si les écrans ne sont pas les seules causes pouvant impacter négativement le sommeil, notons simplement que leur utilisation avant de dormir est à déconseiller.

Finalement, un dernier sujet d’ordre physiologique suscite bien des débats : les ondes. Les tablettes, si elles sont connectées au Wifi, émettent des ondes électromagnétiques, au même titre que les téléphones mobiles, les baby phones, les fours à microondes ou même les plaques à induction (Bouvier, 2017, p. 14). Souaf (2017) nous rappelle que ces types de radiations ont d’ailleurs été classées cancérigènes possibles par l’OMS en 2011, notamment pour le cerveau, même si les recherches n’ont pas pu apporter de réponse formelle à cette préoccupation. En revanche, des impacts des ondes ont été prouvés sur le corps humain, et notamment sur l’audition dans le cas des téléphones portables portés à l’oreille, pouvant créer des acouphènes ou des dommages à l’oreille interne, ou encore, placés dans la poche, affecter la capacité masculine à se reproduire.

De plus, les chercheurs constatent que les ondes interagissent avec les cellules environnantes, créant un échauffement de la zone qui est en contact avec l’appareil. Cette observation se fait à une bien plus grande mesure encore chez les enfants, comme nous le montre le schéma ci-dessous (Souaf, 2017, p. 47, citant Gandhi, Lazzi & Furse, 1996) :

5 https://www.francetvinfo.fr/sante/myopie-en-augmentation-chez-les-jeunes-le-temps-passe-devant-les-ecrans-doit- diminuer_2349367.html, consulté le 8 mars 2019

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Cadre théorique

Ainsi, les radiations émises par nos appareils numériques pénètrent de manière bien plus importante le cerveau des enfants, pour qui une attention particulière est alors conseillée.

2.2.1.4. Risques pour les interactions

Le dernier risque abordé ici concerne les impacts négatifs que peut avoir l’utilisation précoce de la tablette sur le développement du langage et de la communication sociale. Plusieurs études ont démontré qu’une consommation élevée d’écrans par des 0-4 ans peut appauvrir leur lexique et augmenter leur risque de développer un retard de langage. La cause principale en serait une réduction conséquente des échanges verbaux dans la famille, qui sont à la base de l’apprentissage du langage (Chonchaiya & Pruksananonda, 2008 ; Zimmerman, Christakis & Meltzoff, 2007, cités dans Harlé & Desmurget, 2012). Dans l’étude mentionnée plus haut (Kucirkova & Sakr, 2015), les interactions verbales recensées entre la fillette et son père étaient bien moins nombreuses et abouties avec la tablette que sur papier. Danby et al. (2013) font également ce constat, relevant des discussions souvent interrompues ou entrecoupées entre les pères et leurs enfants de 18 et 36 mois réalisant un jeu de vocabulaire sur la tablette par rapport à une même activité sans tablette.

Selon plusieurs auteurs (Bach & al., 2015 ; Harlé & Desmurget, 2012), avant l’âge de deux ans les écrans ne seraient d’aucune utilité pour le développement de l’enfant et leur milieu naturel est bien plus propice à développer leur langage. En effet, les écrans n’ont pas la capacité d’adapter leurs intonations et leur débit de langage en fonction des réactions, des émotions et de l’âge de l’enfant. Cet élément pourrait entraîner des effets secondaires en induisant une modélisation erronée pour l’enfant, voire une insécurité psychologique chez les bébés (Bach & al., 2015). Un cas particulier est évidemment à distinguer concernant les enfants qui utilisent la tablette pour communiquer (au moyen d’images sur lesquelles cliquer), même si selon Agius et Vance (2016), la prise en main de ce dispositif sur tablette prendrait davantage de temps et d’essais que sa version matérielle, le PECS (Picture Exchange Communication System). Nous pourrions cependant facilement supposer qu’en cas de limitation physique il serait plus aisé de manipuler une tablette qu’un classeur.

D’un point de vue social finalement, la tablette est un dispositif généralement utilisé de manière solitaire, ce qui présente le risque de couper son utilisateur non seulement du langage mais plus largement du contact aux autres. Une activité réalisée sur la tablette génèrerait d’ailleurs beaucoup moins de manipulation conjointe et d’encouragements de la part de l’adulte, même lorsqu’elle est utilisée à deux, que pour une

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Cadre théorique activité de bricolage par exemple (Kucirkova & Sakr, 2015). Ainsi, le temps passé sur une tablette réduirait considérablement les opportunités d’interactions sociales de l’enfant (Bach & al., 2015). Ce phénomène a également été relevé par les enseignants qui déplorent l’absence, dans les échanges oraux de la classe, des élèves se servant d’un ordinateur (Nogry & al., 2013).

Comme nous l’avons vu, certaines utilisations présentent des risques pour le développement et l’avenir de l’enfant. Les risques sont multiples et peuvent impacter la quantité et la qualité des échanges sociaux, du langage, des apprentissages et sur le fonctionnement physiologique de l’enfant. Penchons-nous à présent sur les potentialités offertes par l’outil pour le développement de l’enfant.

2.2.2. Avantages de la tablette : techniques, généraux, spécifiques

Si les risques que comporte l’utilisation la tablette ont été démontrés, l’engouement manifesté par le public n’est pas pour autant infondé. En effet, en adoptant une utilisation adéquate, les risques peuvent être évités et ses avantages sont tout aussi nombreux. Nous verrons dans ce chapitre les avantages techniques, les possibilités générales qu’offre cet outil ainsi que les opportunités qu’il présente pour les apprentissages.

2.2.2.1. Avantages techniques : multipotence, intuitivité, coût modéré

Reliées à internet, les tablettes actuelles sont presque aussi puissantes que des ordinateurs mais en plus petit, plus léger et plus transportable. Ses interfaces sont de plus en plus « ergonomiques et interactives » (Bach & al., 2015, p. 61). De ce fait, la tablette peut devenir un outil d’apprentissage où que l’on se trouve (Amadieu & Tricot, 2014, p. 6). Mais encore, elles sont extrêmement polyvalentes, permettant de prendre et de regarder des vidéos et des photos, de jouer, d’effectuer des tâches administratives, d’écouter de la musique, de communiquer, d’installer toutes sortes d’applications ; ses utilisations sont quasiment infinies (Cumming & Strnadova, 2016). Avantage financier également, leur coût est à la portée de la plupart des foyers (Chmiliar, 2016). Finalement, c’est un outil qui est intuitif, que ce soit pour le tout-petit (Bach & al., 2015), le jeune enfant en difficulté ou encore pour les parents (Chmiliar, 2016). C’est donc, d’un point de vue technique, un outil transportable, multipotent, facile et rapide à prendre en main par tous les âges pour un coût modéré. Associé à une utilisation adéquate, son potentiel pour les apprentissages peut donc être très intéressant.

2.2.2.2. Avantages généraux : adaptabilité et motivation

Du fait de la diversité de contenus disponibles, la tablette permet un degré de personnalisation conséquent très apprécié de ses utilisateurs, qui peuvent choisir les applications qu’ils souhaitent installer en fonction de leurs besoins et envies (Bach & al., 2015). Or, parmi la multitude d’applications disponibles, une nouvelle catégorie fleurit depuis quelques années, dévolue aux apprentissages des jeunes enfants. En effet, comme nous le verrons plus en détails dans le prochain sous-chapitre, ces appareils souhaitent aujourd'hui pouvoir s’adapter aux besoins de la petite enfance et notamment la petite enfance à besoins éducatifs particuliers7 (Chmiliar, 2014). La tablette a donc la capacité de s’adapter en fonction des besoins et compétences de la personne et également de son âge. Chez les enfants, ceci prend forme au moyen d’applications éducatives spécifiques et spécialement conçues, mais également grâce aux applications enfantines classiques ; en effet, l’outil prend en général en charge une partie de la tâche, ce qui simplifie l’activité pour l’enfant. Par exemple, dans le Memory où le retournement des cartes est automatique et évite ainsi l’effort physique et cognitif de manipulation (Nogry & al., 2013, p. 418).

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Cadre théorique Le second avantage général considérable et sur lequel les auteurs semblent s’accorder est le cadre motivant induit par la tablette. Cette motivation a deux sources principales. D’une part, la motivation pour la tablette est intrinsèque, c’est-à-dire que la récompense se situe dans la tâche elle-même. En effet, l’adulte n’a pas besoin de récompenser l’enfant qui s’entraine avec des jeux éducatifs car il a plaisir à y jouer, ce qui accroit encore son efficacité (Bach & al., 2015). D’autre part, beaucoup d’applications félicitent l’enfant lorsqu’il réussit la tâche, qui plus est, de manière multisensorielle par des sons, des effets visuels ou encore des vibrations (Chmiliar, 2014, p. 197). D’autres applications permettent également de voir les « niveaux » qui ont été réussis et d’ainsi visualiser le parcours d’apprentissage réalisé, motivant ainsi l’enfant à poursuivre (Bach & al., 2015, p. 77). Dans le cas des enfants à besoins éducatifs particuliers, ceux-ci seraient encore davantage captivés par ces outils, pouvant répéter inlassablement les tâches proposées jusqu’à la réussite.

Cela peut devenir un réel avantage, surtout au vu de la multitude d’applications éducatives disponibles, permettant d’entrainer bon nombre de difficultés spécifiques avec cette population (Chmiliar, 2014), comme nous le verrons au prochain sous-point.

Venons-en à présent aux avantages précis pour les apprentissages, mis en lumière par la recherche, que la tablette permet à une population d’enfants préscolaires tout-venants et à besoins éducatifs particuliers.

2.2.2.3. Avantages spécifiques pour les apprentissages préscolaires

Comme mentionné ci-dessus, diverses applications proposées sur la tablette peuvent encourager les apprentissages préscolaires. Nous relèverons ici quelques exemples d’apprentissages réalisés, tirés de la recherche. Ils seront classés selon les cinq catégories d’apprentissages préscolaires proposées par le site validé scientifiquement Naitre et Grandir8 : communication et connaissances générales, autonomie, socialisation, maturité affective, et apprentissages cognitifs.

De nombreuses recherches ont été réalisées sur le développement de la communication grâce aux applications sur tablette. Les progrès en communication permis par cet outil se retrouvent sous diverses formes : premièrement, de manière directe en prêtant leur voix aux enfants n’ayant pas la parole (Liu & al., 2013 ; Waddington & al., 2014) ou en servant d’outil de communication à distance (Bach & al., 2015).

Deuxièmement, au niveau des apprentissages, en permettant d’accroitre les connaissances en vocabulaire et en formulation de phrases (Chmiliar, 2016 ; Evans, 2016). Des progrès notables ont également été constatés en alphabétisation, certaines applications permettant d’entraîner la conscience de la correspondance phonème-graphème ou encore les compétences en graphisme, en écriture et en orthographe (Bach & al., 2015 ; Chmiliar, 2014 ; Chmiliar, 2016 ; Vatalaro, Culp, Hahs-Vaughn & Barnes, 2015). Pour ce qui est des connaissances générales, les enfants peuvent également apprendre les nombres, le nom des couleurs ou encore les formes (Bach & al., 2015 ; Chmiliar, 2014 ; Chmiliar, 2016 ; Cumming &

Strnadova, 2016).

Concernant l’autonomie, Chmiliar (2014) a fourni une tablette pré-programmée avec des applications éducatives à six enfants de 3 à 5 ans présentant des difficultés d’apprentissage. Après une courte introduction de vingt minutes, tous les enfants ont pu l’utiliser de manière autonome. Ceux-ci insistaient d’ailleurs pour pouvoir l’utiliser seuls. Pour l’auteure, cette utilisation autonome est notamment rendue possible par le caractère auto-correctif des applications, l’enfant pouvant aller de l’avant sans avoir besoin du contrôle de l’adulte.

8https://naitreetgrandir.com/fr/etape/3-5-ans/apprentissage-jeux/fiche.aspx?doc=bg-naitre-grandir-preparation-

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Cadre théorique La tablette a également été utilisée pour développer les compétences sociales, et particulièrement avec les enfants présentant des troubles du spectre autistique. L’une des caractéristiques de cette population est en effet de présenter des difficultés de compétences sociales. Dans la recherche de Murdock, Ganz et Crittendon (2013) réalisée aux États-Unis, quatre enfants d’âge préscolaire ont pu développer leurs compétences interactives avec leurs pairs, en visionnant des vidéos de jouets dialoguant et engagés dans un jeu fictif, servant ainsi de modèles aux enfants. Les compétences ainsi apprises ont ensuite été généralisées avec succès aux situations réelles et maintenues sur au moins trois semaines, pour trois des quatre enfants. Des résultats similaires ont été obtenus grâce à la lecture de livres sur iPad, modélisant des comportements sociaux ordinaires, dans l’étude de Thompson (2015) menée également aux États-Unis avec quatre enfants d’âge préscolaire. La lecture de ces histoires a permis une réduction des comportements non désirés chez ces quatre enfants.

De même, selon les parents et les enseignants, la tablette permettrait d’accroitre la participation sociale des enfants intégrés dans des classes ordinaires. En effet, par sa nature attrayante la tablette génèrerait toutes sortes d’interactions, de discussions entre les enfants, d’utilisations partagées et d’échanges de connaissances (Bach & al., 2015 ; Chmiliar, 2016 ; Cumming & Strnadova, 2016). Par exemple, selon l’étude de Chmiliar (2016) effectuée au Canada avec huit familles d’enfants préscolaires à besoins éducatifs particuliers, les parents ont observé que lorsque leur enfant utilisait la tablette, davantage de camarades s’approchaient pour lui montrer de nouvelles activités, y compris des enfants plus âgés.

Le développement de la maturité affective grâce aux tablettes est peu explorée par la recherche ; elle a néanmoins été utilisée avec succès pour enseigner à reconnaitre neuf émotions sur la base des expressions faciales, des gestes et de la posture (application JeStiMule, Cohen & al., 2017). Notons également, sur un autre plan, le travail de gestion de la frustration qui est effectué par l’enfant pour apprendre à accepter la fin d’un moment tablette.

Finalement, les apprentissages cognitifs constatés ne sont pas en reste : catégorisation, attention visuelle sélective (Bach & al., 2015), puzzles (Chmiliar, 2014), labyrinthes, motricité fine, créativité (Chmiliar, 2016 ; Cumming & Strnadova, 2016) et même acuité (Birch & al., 2015). Dans le cas des enfants limités dans leurs possibilités motrices également (Chmiliar, 2014), la tablette offre l’opportunité rare d’expérimenter l’exploration active grâce à son écran très sensible et de petite taille. Ainsi, même avec très peu d’amplitude de mouvement il leur devient par exemple possible de constater les effets de leurs actions (relation de cause à effet) en interagissant avec l’outil.

Nous constatons ainsi que tous les domaines préscolaires peuvent bénéficier des apports des outils numériques s’ils sont utilisés de manière adéquate. Avant d’exposer les conseils d’utilisation prodigués par la littérature, voyons à présent de quelle manière ces appareils sont effectivement utilisés, sur le terrain.

2.3. Usages de la tablette, comportement d’utilisation et usages conseillés 2.3.1. Usages et comportements d’utilisation à domicile : enfants, parents

Nous nous sommes intéressés jusqu’ici aux perceptions, des parents et des professionnels, de l’utilisation de la tablette avec des enfants, puis aux risques et au potentiel de celle-ci. Ce sous-chapitre vise à comprendre quels sont les comportements effectifs des enfants ainsi que des adultes qui les accompagnent lorsqu’ils manipulent cet outil : à partir de quel âge il est introduit, à quelle fréquence, sur quelle durée et avec quelles applications.

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