• Aucun résultat trouvé

L'usage de l’antidumping par la Turquie

Même si la Turquie a commencé sa pratique antidumping relativement tard, en comparaison avec d'autres membres de l'OMC, dans le temps, elle est devenue un utilisateur fréquent de cet instrument. Selon les données de l'OMC, pendant la période 1995-2013, la Turquie a été le dixième utilisateur le plus fréquent, en ce qui concerne le nombre d'enquêtes initiées. Dans la même période, elle a été le septième utilisateur le plus fréquent en ce qui concerne le nombre de mesures imposées. Le contraste entre ces deux figures démontre également que, durant cette période, le pourcentage des enquêtes menant à des mesures définitives a été supérieur dans le cas de la Turquie, en comparaison avec d'autres utilisateurs fréquents.96

95 Même si l'Accord antidumping ne le prévoit pas, en pratique, les membres de l'OMC, dont la Turquie,

appliquent un droit antidumping pour « tout autre exportateur » qui s'applique aux producteurs qui ne se déclarent pas pendant l'enquête et pour lesquels l'AE ne fait pas de calculs de dumping individuels. Le niveau du droit pour tout autre exportateur est en principe plus élevé que tous les droits imposés individuellement dans l'enquête car l'objectif est d'empêcher les producteurs qui ne coopèrent pas avec l'AE pendant l'enquête, de bénéficier de cette situation et de continuer à exporter au pays importateur sans faire l'objet des droits antidumping. Pour nos explications au sujet du calcul du droit antidumping pour tout autre exportateur, voir, p. 378 et ss.

96 À notre avis, ces chiffres sont peu surprenants étant donné la taille de l'économie turque. La Banque mondiale

a classé la Turquie comme la 17ème plus grande économie du monde en 2013. http://data.worldbank.org/data- catalog/GDP-ranking-table (dernière visite 26.11.2014). Même s'il y a une certaine disparité, en ce sens que la

La Turquie a initié ses cinq premières enquêtes antidumping le 7 décembre 1989 et les a menées simultanément. Celles-ci étaient les enquêtes sur les thermomètres ;97 les fibres de polyester ;98 les tops de polyester ;99 les électrodes ;100 et le papier d'impression.101 La première enquête a été terminée sans mesures, tandis que les quatre autres ont abouti à l'imposition tant de mesures provisoires que de mesures définitives. Selon les données publiées sur le site internet de l'AE, entre 1989-1995, la Turquie a ouvert 73 enquêtes antidumping dont 29 ont abouti à l'adoption de mesures définitives.

Le graphique 1 illustre les enquêtes initiées et le graphique 2 les mesures antidumping imposées par la Turquie entre 1993-2013. Pendant cette période, la Turquie a initié 196 enquêtes, et a imposé 156 mesures antidumping définitives. Comme ces chiffres le montrent, l'AE était très active en 1993 et 1994 où 28 enquêtes ont été ouvertes. Toutefois, cette période était suivie par une période d’inactivité entre 1995-1996. À notre avis, la raison qui a mené l'AE à arrêter les enquêtes pendant cette période était le besoin de mettre à jour la Législation nationale suite à deux développements sur le plan international : l'entrée en vigueur du nouvel Accord antidumping de l'OMC et l’établissement de l'union douanière entre la Turquie et la Communauté européenne. Comme signalé plus haut, chacun de ces développements a nécessité des modifications sur la Législation antidumping turque.102

Suivant l’adoption de la nouvelle Législation en 1999, le nombre d'initiations n’a fait que d’augmenter. Le graphique 1 montre que, suite à l’absence d’enquêtes entre 1995-1996, les initiations ont augmenté plus ou moins de façon progressive et ont atteint leur point

Turquie occupe une place relativement élevée dans la liste des utilisateurs de l'antidumping, au vu de sa place dans la liste des grandes économies mondiales, cette disparité n'est pas très significative.

97 Thermomètres (Allemagne de l'Est, Chine), communiqué 89/1, GO no. 20365, 7.12.1989 (ouverture) et

communiqué 90/10, GO no. 20662, 11.10.1990 (clôture sans mesures).

98 Fibres de polyester (Corée, Roumanie, Taipei chinois), communiqué 89/2, GO no. 20365, 7.12. 1989

(ouverture) ; communiqué 90/11, GO no. 20662, 11.10. 1990 (mesures provisoires) ; communiqué 90/17, GO no. 20709, 28.11.1990 (mesures définitives).

99 Tops de polyester (Roumanie), communiqué 89/3, GO no. 20365, 7.12.1989 (ouverture) ; communiqué 90/12,

GO no. 20662, 11.10.1990 (mesures provisoires) ; communiqué 90/18, GO no. 20709, 28.11.1990 (mesures définitives).

100 Électrodes (Chine, Hongrie, Roumanie), communiqué 89/4, GO no. 20365, 7.12.1989 (ouverture) ;

communiqué 90/13, GO no. 20662, 11.10.1990 (mesures provisoires) ; communiqué 90/19, GO no. 20709, 28.11.1990 (mesures définitives).

101 Papier d'impression (Finlande, Yougoslavie), communiqué 89/5, GO no. 20365, 7.12.1989 (ouverture) ;

communiqué 90/14, GO no. 20662, 11.10.1990 (mesures provisoires) ; communiqué 90/20, GO no. 20709, 28.11.1990 (mesures définitives).

102 Il faut noter qu’il y a eu des initiations (4 en 1997, 1 en 1998 et 8 en 1999) avant l’adoption de la nouvelle

Législation. À notre avis, cela était dû au fait que, comme nous l’expliquons plus bas, l'Accord antidumping du cycle d’Uruguay avait été approuvé par le Parlement et était entré en vigueur le 3.2.1995. Ayant la force de loi en droit turc, le nouvel Accord était supérieur à la Législation en vigueur à la date de son approbation par le Parlement. Ainsi, l'AE semble s'être fondée sur ce fait quand elle a initié ces enquêtes.

culminant avec 25 enquêtes initiées en 2004. Les initiations ont chuté entre 2005-2007. Par contre, 2008 a vu une augmentation très significative, avec 23 nouvelles enquêtes. A suivi une période de chute progressive qui a mené au niveau le plus bas jamais enregistré, avec deux enquêtes initiées en 2010 et en 2011. L'année 2012 a connu une autre augmentation, avec 14 initiations, suivi d'une nouvelle baisse, avec seulement six initiations en 2013.

Source : base de données de l'OMC

Il est utile de noter, à ce stade, que les enquêtes initiées avant 1995 et celles initiées après ont des caractéristiques différentes. La première différence concerne les types de pays ciblés. La plupart des pays ciblés dans les enquêtes ouvertes avant 1995 étaient les pays ENM, comme la Bélarusse, la Fédération Russe, la Chine etc. Même si les enquêtes menées après 1995 ont aussi continué à cibler les pays ENM, la composition des pays touchés a beaucoup évolué, et la part des pays à économie de marché a augmenté considérablement.

À notre avis, il y a deux facteurs qui expliquent le fait que la Turquie ait généralement ciblé les pays ENM dans les enquêtes ouvertes avant 1995. Le premier est que ces pays qui, à l'époque, étaient en transition vers une économie de marché, ont exporté vers la Turquie certaines marchandises, notamment des produits pétrochimiques, à des prix très bas. L'intensité de ces importations et le niveau de leurs prix a déclenché des enquêtes antidumping. Le deuxième facteur porte sur la méthodologie utilisée dans les constatations de dumping contre les entreprises de ces pays. La Législation permettait à l'AE d'ignorer les prix pratiqués par ces entreprises dans leurs propres marchés, et de fonder la détermination de la valeur normale sur d'autres bases, comme la valeur normale construite.103

103 Il est généralement reconnu que de telles méthodes alternatives mènent d'habitude à des valeurs normales

La deuxième différence qui distingue les enquêtes menées avant 1995 concerne le pourcentage des enquêtes qui ont abouti à l’imposition d’une mesure antidumping. Des 73 enquêtes ouvertes entre 1989-1995, seules 29 ont abouti à l'adoption de mesures définitives, soit moins que 40% des enquêtes ouvertes. Ce taux a beaucoup augmenté dans les enquêtes menées après 1995. Comme les tableaux 1 et 2 le révèlent, le taux d'impositions dans toutes les initiations depuis 1993 est de 83%. À notre avis, le faible taux d'impositions dans les enquêtes ouvertes avant 1995 est dû à l'hésitation de l'AE. Il n'est pas surprenant qu'une nouvelle AE manque de certitude quant à l’imposition de mesures jusqu'à ce que les enquêteurs aient acquis assez d'expérience et de confiance.

En ce qui concerne l'imposition de mesures antidumping, on constate, dans le graphique 2, qu'il y a eu un grand nombre de mesures imposées en 1995 à cause des 21 initiations de 1994. Suite à l'absence d’initiation entre 1995-1996, il n'y a pas eu d'impositions entre 1996-1998. Malgré la tendance fluctuante, on observe qu'entre 1999-2003 les mesures ont généralement augmenté et que la tendance s'est inversée à partir de 2004. Jusqu'en 2012, on a observé une baisse plus ou moins progressive, à l'exception de 2006. En 2013, les impositions ont encore une fois augmenté, même si le nombre d'impositions reste bien inférieur à la période de pic précédente.

Source : base de données de l'OMC

En ce qui concerne les secteurs impliqués par les 156 mesures adoptées entre 1993-2013, comme illustré dans le graphique 3, le secteur le plus protégé a été les plastiques/le

nationaux. Pour nos explications concernant le traitement des entreprises en provenance des pays à économie non marchande dans le contexte d'une constatation de dumping, voir, p. 225 et ss.

caoutchouc qui a bénéficié de 31% des mesures. Le deuxième secteur le plus protégé par l'antidumping a été les textiles, avec 24% de mesures. Ces deux sont suivis par les métaux (17%), les produits chimiques (7%) et la machinerie (6%).

S'agissant des pays exportateurs impliqués par les mesures, le graphique 4 montre que la Chine est de loin le pays le plus ciblé, avec 39% des mesures visant ce pays. La Chine est suivie par la Thaïlande, l'Inde, le Taipei chinois et l'Indonésie, chacun représentant 6% de toutes les mesures. Ces pays sont suivis par la Corée qui a été ciblée par 5% des mesures. Il est important de noter que l'ensemble de ces pays, qui sont tous asiatiques, représentent 68% de toutes les mesures adoptées par la Turquie durant cette période.