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Il y a trois situations exceptionnelles qui peuvent mener à une définition différente de la branche de production nationale. L'une de ces situations, à savoir le cas des producteurs liés, est abordé dans le Règlement. Les deux autres, à savoir a) de multiples sous-marchés concurrentiels et b) le marché d'une zone d'intégration économique, ne sont pas mentionnées dans le Règlement mais sont abordées dans l'Accord antidumping. Étudions maintenant ces trois exceptions en détail.

338 Rapport du Groupe spécial, Argentine – Droits antidumping sur la viande de volaille, WT/DS241/R, para.

7.341.

339 Rapport du Groupe spécial, CE – Linge de lit, WT/DS141/R, para. 6.72.

340 Voir, par exemple, clichés d'impression offset en aluminium (Chine), communiqué 2008/32, GO no. 27055,

15.11.2008 (mesures définitives), art. 3.2 ; pneumatiques et chambres à air pour bicyclettes (Indonésie, Malaisie), communiqué 2009/27, GO no. 27306, 1.8.2009 (mesures définitives), art. 3.6 ; couteaux pour robots

culinaires (Chine, Hong Kong, Chine), communiqué 2009/17, GO no. 27262, 18.6.2009 (mesures définitives), art. 19.1 ; accessoires (Bulgarie, Inde, Indonésie, Serbie-et-Monténégro, Thaïlande), communiqué 2006/24, GO no. 26282, 7.9.2006 (mesures définitives), art. 3.7.

Notons que dans certaines enquêtes, l'AE a précisé que, à part les plaignants et, le cas échéant, les producteurs soutenant la plainte, aucune entreprise ou association n'a contacté l'AE en tant que producteur du produit similaire en Turquie. Voir, par exemple, parquets laminés préfinis (Chine), communiqué 2006/17, GO no. 26222, 8.7.2006 (mesures définitives), art. 3.2 ; bois contreplaqués (Chine), communiqué 2006/28, GO no. 26325, 20.10.2006 (mesures définitives), art. 3.2.

Sous-section I – Les producteurs liés

Dans certaines enquêtes, il peut y avoir une relation entre les producteurs nationaux et les exportateurs étrangers ou les importateurs du produit similaire, qui peut justifier l'exclusion de ces producteurs de la définition de la branche de production nationale. Selon le paragraphe 2 de l’article 18 du Règlement, là où les producteurs turcs sont liés aux exportateurs ou aux importateurs, ou sont eux-mêmes importateurs du produit similaire, la branche de production nationale peut être interprétée comme excluant ces producteurs.

En ce sens, les deux parties ne seront réputées être liées que dans trois cas, à savoir lorsque : « a) l'un d'eux, directement ou indirectement, contrôle l'autre ;

b) tous deux, directement ou indirectement, sont contrôlés par un tiers ;

c) ensemble, directement ou indirectement, ils contrôlent un tiers, à condition qu'il y ait des raisons de croire ou de soupçonner que l'effet de la relation est tel que le producteur en cause se comporte différemment des producteurs non liés. » (Règlement, art. 18.3)

Au sens de l'article 18, une partie est réputée contrôler l'autre lorsqu'elle est, en droit ou en fait, en mesure d'exercer sur l'autre un pouvoir de contrainte ou d'orientation (paragraphe 4). Il est important de noter que, selon le Règlement, même si l'AE constate une relation entre un producteur national et un exportateur étranger ou un importateur du produit concerné, elle n'est pas obligée d'exclure les producteurs liés de la définition de la branche de production nationale. Elle peut, si elle trouve cela approprié, procéder à une telle exclusion.

Dans certaines enquêtes, l'AE a reçu des commentaires sur le fait que certains producteurs turcs faisant l'objet d'une constatation de dommage étaient également des importateurs du produit concerné. L'AE a décidé, en fonction de l'importance des importations dans les affaires globales du producteur, si les producteurs en question seraient exclus de l'étendue de l'enquête concerné ou non. Par exemple, dans l'enquête sur les fibres de verre, certains importateurs ont noté que le seul producteur impliqué dans l'enquête était également un importateur du produit concerné. En réponse, l'AE a noté que le producteur turc avait effectué ces importations pour des raisons commerciales, et afin de compenser le dommage causé par

les importations faisant l'objet d'un dumping. De plus, l'AE a considéré ce fait comme supportant le point de vue que les importations faisant l'objet d'un dumping causaient en effet un dommage à la branche de production nationale. Sur cette base, l'AE a décliné l’exclusion de ce producteur de l'étendue de l'enquête, ce qui aurait aussi exigé la clôture de l'enquête.341 Dans l'enquête sur les roulements à billes, certains exportateurs impliqués dans l'enquête ont déclaré que l'un des producteurs turcs, qui était aussi l'un des plaignants dans l'enquête, était un importateur du produit concerné, et ont demandé à l'AE d'exclure ce producteur de la définition de la branche de production nationale. L'AE a examiné la question et a constaté que ce producteur n'avait pas importé les modèles qu'il produisait lui-même, qu'il les avait importés une seule fois et pour son propre besoin, c'est-à-dire afin de récupérer sa créance d'un client qui subissait une crise économique. Ainsi, l'AE a conclu que l'activité économique principale de ce producteur n'était pas l'importation du produit concerné mais sa production. Sur cette base, l'AE a rejeté la demande des exportateurs et a inclus ce producteur dans la définition de la branche de production nationale. En arrivant à cette conclusion, l'AE a observé que l'article 4.1 de l'Accord accordait une discrétion aux autorités à ce propos.342 Dans l'enquête sur les pendules et horloges, l'AE a constaté que deux producteurs nationaux étaient également des importateurs du produit concerné, mais elle les a inclus dans la définition de la branche de production nationale, car ces producteurs ont indiqué qu’ils avaient commencé à importer le produit concerné à cause des prix bas des importations en provenance de la Chine, et ont demandé à ce qu'une mesure antidumping soit imposée.343 Dans l'enquête sur les chaînes à maillons (2010), un importateur a noté que l'une des entreprises détenues par un producteur qui figuraient parmi les plaignants était aussi une importatrice du produit concerné. L'AE a examiné cette allégation et a constaté que lesdites importations étaient limitées en quantité et que l'intérêt général du producteur national concerné était la production.344

341 Matériaux de renforcement en fibres de verre (Chine), communiqué 2011/1, GO no. 27802 5èmebis,

31.12.2010 (mesures définitives), art. 22.3.

342 Roulements à billes (d'un diamètre extérieur maximal excédant 30 mm) (Japon), communiqué 98/9, GO no.

23565, 26.12.1998 (clôture sans mesures), art. 2.5.

343 Pendules et horloges murales (à pile ou à accumulateur ou fonctionnant sur secteur) (Chine), communiqué

2001/5, GO no. 24576, 7.11.2001 (mesures définitives), art. 3.5.

344 Chaînes à maillons articulés et leurs parties (Chine), communiqué 2010/13, GO no. 27589, 23.5.2010

Dans l'enquête sur le granite (Chine), l'AE a noté que le fait d'importer certains modèles du produit faisant l'objet d'une enquête antidumping n'empêchait pas forcément une entreprise turque d'être traitée comme un producteur national dans le contexte de ladite enquête.345 Dans l'enquête sur les bois contreplaqués, l'AE a observé qu'un producteur turc qui avait soutenu la plainte avait importé le produit concerné de la Chine en dehors de la période d'enquête « afin de pouvoir continuer ses opérations en vue des importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de la Chine ». L'AE a décidé d'inclure ce producteur dans la définition de la branche de production nationale, mais n’a pas pris en considération les renseignements économiques de ce producteur dans la constatation de dommage, sauf pour le calcul des coûts et du volume du marché turc.346 Dans l'enquête sur les chaînes antidérapantes, l'AE a noté que le seul producteur constituant la branche de production nationale avait aussi importé le produit concerné dans sa forme semi-finie ou finie, mais a décidé que ceci n'empêchait pas le traitement de cette entreprise comme producteur national car les affaires principales de l'entreprise demeuraient la production du produit concerné, et non pas uniquement sa commercialisation.347 Ces exemples démontrent que l'AE a été réticente à exclure les producteurs nationaux de la définition de la branche de production nationale dans les cas où leur implication dans les importations du produit concerné était plutôt mineure. Ceci n'est pas contraire à la Législation car, comme expliqué plus haut, cette dernière donne à l'AE une discrétion à cet égard, elle n'exige pas que de tels producteurs soient forcément exclus de la définition de la branche de production nationale.

Sous – section II – Multiples sous marchés concurrentiels

La question des multiples sous marchés concurrentiels est abordée à l’article 4 de l’Accord mais cet aspect dudit article n’est pas incorporé à l’article 18 du Règlement régissant la définition de la branche de production nationale. Selon l’article 4.1(ii) de l’Accord, dans des cas exceptionnels, le territoire d'un pays membre de l'OMC peut être divisé en différents marchés en ce qui concerne la production du produit concerné, et les producteurs dans chacune de ces régions peuvent être considérés comme une branche de production nationale distincte. Pourtant l'AE ne peut procéder à une telle définition que si deux conditions sont

345 Granite (Chine), communiqué 2006/25, GO no. 26289, 14.9.2006 (mesures définitives), art. 22.1.

346 Bois contreplaqués (Chine), communiqué 2006/28, GO no. 26325, 20.10.2006 (mesures définitives), art.

24.2.

347 Chaînes antidérapantes pour véhicules à moteur, en fer ou en acier (Chine), communiqué 2005/19, GO no.

remplies : a) il faut que les producteurs dans un certain marché vendent la totalité ou la quasi- totalité de leur production du produit concerné sur ce marché, et b) il faut que la demande sur ce marché ne soit pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs situés dans d'autres parties du territoire.

Si ces deux conditions sont remplies, l'AE peut définir la branche de production nationale sur la base des producteurs nationaux situés dans la région donnée, et non pas sur l'ensemble du territoire du pays. Il s'en suit que l'AE peut faire une constatation de dommage en évaluant uniquement la situation des producteurs dans cette région. Cependant, pour que l'AE puisse procéder ainsi, il faut qu'il y ait une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur le marché ainsi défini, et que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un dommage aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production dans ce marché.

Cette méthode n'a jamais été utilisée par l'AE turque dans la définition de la branche de production nationale. Par contre, elle représente une option permise par l'Accord et ainsi peut toujours être utilisée le cas échéant.

Cependant, il convient de noter qu'une définition de la branche de production nationale ainsi limitée aura des conséquences sur la perception des éventuels droits antidumping. Selon l'article 4.2 de l'Accord, lorsque la branche de production nationale est définie d'une façon régionale, en principe, les droits antidumping ne seront perçus que sur les importations du produit concerné expédiés vers la région concernée pour consommation finale. Par contre, si le droit constitutionnel du membre importateur concerné ne permet pas la perception des droits antidumping de cette façon, le membre importateur peut percevoir les droits antidumping sur les importations sans limitation, mais ce, seulement si : a) une possibilité a été donnée aux exportateurs de cesser d'exporter à des prix de dumping vers la région concernée, ou, sinon, d'entreprendre un engagement en matière de prix, mais que des assurances satisfaisantes à cet effet n'ont pas été données dans les moindres délais, et b) les droits antidumping ne sont pas perçus uniquement sur les produits des producteurs déterminés comme approvisionnant la région concernée.

Ainsi, dans une enquête où l'AE turque utilise une définition de la branche de production nationale, les droits antidumping peuvent être perçus sur toutes les importations du produit concerné vers la Turquie si ces deux conditions sont satisfaites. Soulignons que la deuxième

condition mérite une attention particulière. Comme noté, selon cette condition, lorsqu'il est décidé de percevoir des droits antidumping sur toutes les importations du produit concerné, lesdits droits ne peuvent pas être perçus uniquement sur les produits des exportateurs exportant vers la région concernée. Ce qui veut dire que, dans ces cas-là, ces droits doivent être perçus sur les importations de tous les exportateurs du produit concerné vers la Turquie, y compris ceux qui n'envoient pas leurs produits vers la région sur la base de laquelle l'AE a défini la branche de production nationale. Afin de pouvoir imposer des droits antidumping sur les exportations d'un certain exportateur, l'AE doit faire des constatations de dumping par rapport à cet exportateur-là et doit inclure les exportations de cet exportateur dans les importations faisant l'objet d'un dumping aux fins des constatations de dommage dans l'enquête. Ainsi, si l'AE turque décide de définir la branche de production nationale d'une façon géographique comme prévue à l'article 4 de l'Accord antidumping, elle doit faire une constatation de dumping pour tous les exportateurs du produit concerné car l'Accord exige des AE qu'en principe, une marge de dumping individuelle soit calculée (art. 6.10), et qu'un droit antidumping individuel soit imposé (art. 9.2) pour chaque exportateur.

Sous – section III – Le marché d'une zone d'intégration économique

Un autre aspect de l'article 4 de l'Accord que la Législation turque n'incorpore pas appartient à la définition de la branche de production nationale dans les cas où deux pays ou plus sont parvenus, au sens de l'article XXIV.8(a) du GATT de 1994, à un degré d'intégration tel qu'ils présentent les caractéristiques d'un marché unique. Selon l'article 4.3 de l'Accord, dans de telles situations, l'AE peut définir la branche de production nationale sur la base de l'ensemble de la zone d'intégration. L'article XXIV.8(a) du GATT de 1994 concerne les unions douanières et les zones de libre-échange. Ainsi, si la Turquie mène une enquête au nom d'une union douanière ou une zone de libre-échange, l'AE devra définir la branche de production nationale comme entendant les producteurs du produit similaire dans l'ensemble de la zone de l'union douanière ou de la zone de libre-échange.348

Comme noté dans la première Partie de notre étude, la Turquie a une union douanière avec l'UE. Elle est aussi signataire de 17 accords de libre-échange qui sont actuellement en vigueur. Pourtant, aucun de ces accords ne prévoit une application collective des mesures

348 Cette possibilité n'est cependant pas susceptible de se présenter. Le scénario le plus proche aurait pu être une

enquête au nom de l'union douanière avec l'Union européenne. Mais, comme on l'a noté plus haut, la Décision no. 1/95 du Conseil d'association CE-Turquie établissant cette union douanière ne prévoit pas de telle option.

antidumping. Ainsi, dans un avenir proche, la Turquie n'est pas susceptible de mener une enquête antidumping dans laquelle la branche de production nationale puisse être définie sur cette base.