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CONCLUSION DE LA PARTIE

Section III – Une proposition de réforme institutionnelle

CONCLUSION DE LA PARTIE

L'antidumping est un domaine relativement nouveau en droit turc. En tant que discipline juridique, il a un caractère hybride. Il s'approche du droit privé en ce sens qu'il protège l'intérêt économique des entités privées, à savoir les producteurs turcs ; que, en règle générale, une enquête est ouverte suite au dépôt d'une plainte par la branche de production nationale ; et que les conditions de fond pour l'imposition d'une mesure portent sur l'état économique des producteurs turcs. Cependant, il est aussi en relation avec le droit public en ce sens que l'enquête antidumping est menée par l'AE, un organisme gouvernemental, et que la protection antidumping est fournie sous la forme d'une mesure imposée suite à certaines constatations de fond faites par l'AE.

L'antidumping a un caractère mixte également concernant ses liens avec le droit international et le droit interne. En ce qui concerne ses sources, l'antidumping est à la fois international et interne. Une enquête est menée conformément aux règles stipulées dans l'Accord antidumping et celles stipulées dans la Législation nationale. De même, les constatations de l'AE peuvent être contestées tant au niveau international, à savoir par le système du règlement de différends de l'OMC, qu'au niveau national par la justice administrative.

Même si l'antidumping est le seul moyen qui permet aux producteurs turcs lésés par un dumping d'obtenir une compensation, ces derniers peuvent également porter plainte pour concurrence déloyale contre les acteurs du dumping, à savoir l'exportateur étranger et l'importateur turc, conformément aux dispositions pertinentes du Code de commerce turc. Aucune plainte de ce type n'a été déposée jusqu'à présent, mais il semble possible de traiter le dumping, dans certaines circonstances, comme une pratique incompatible avec le principe de bonne foi et de le soumettre aux dispositions du Code de commerce relatives à la concurrence déloyale. Contrairement à la concurrence déloyale, il ne semble pas possible d'appliquer au dumping les dispositions de la Loi sur la concurrence.

D'un autre côté, l'Accord antidumping interdit l'application d'une mesure autre que les trois mesures permises par l'Accord contre le dumping. Ainsi, les dispositions du Code de commerce permettant le dépôt d'une plainte pour concurrence déloyale contre le dumping peuvent exposer la Turquie à un risque juridique à l'OMC. Il est donc souhaitable d'éliminer

cette possibilité en modifiant le Code de commerce ou la Loi antidumping pour souligner que les dispositions du Code de commerce relatives à la concurrence déloyale ne peuvent pas être invoquées contre le dumping.

Le droit antidumping turc repose sur des sources principales et subsidiaires. Les sources principales sont les accords internationaux touchant l'antidumping et la Législation nationale. Les accords internationaux sont l'Accord antidumping de l'OMC ainsi que les accords bilatéraux signés par la Turquie et qui abordent, entre autres, des questions relatives à l'antidumping. La Législation nationale, à son tour, se compose de la Loi, du Décret et du Règlement antidumping. Les sources subsidiaires sont la jurisprudence et la doctrine. La jurisprudence vient du Conseil d'État au niveau national et de l'OMC au niveau international. Les sources principales contraignent l'AE et les tribunaux turcs, tandis que les sources subsidiaires ne servent qu'à interpréter les sources principales. Ceci dit, les décisions du Conseil d'État pour l'unification de la jurisprudence sont contraignantes pour l'AE ainsi que pour les tribunaux, même si le Conseil d'État n'a, jusqu'à présent, pas encore pris une telle décision sur le domaine d'antidumping.

Tandis que la Législation nationale se compose d'une loi, d'un décret et d'un règlement, aucun principe du droit turc n'exige qu'une législation antidumping contienne une loi ou un décret. Ainsi, nous proposons d'abroger la Loi et le Décret antidumping et de limiter de la Législation nationale au Règlement antidumping. Ce dernier doit fonctionner comme une source complète du droit antidumping turc, qui contient les règles déjà formulées dans l'Accord antidumping ainsi que des règles supplémentaires qui permettront d'opérationnaliser l'Accord antidumping en droit turc.

L'AE turque est la Direction générale des importations au Ministère de l'économie. Tandis que les enquêtes sont menées par les fonctionnaires du Département concerné de cette Direction générale, le processus de prise de décision inclut également le Conseil de l'évaluation de la concurrence déloyale à l'importation ainsi que le Ministre de l'économie. En ce qui concerne ses aspects institutionnels, le système antidumping turc souffre de deux problèmes, l'un lié à la place de l'AE et l'autre au processus de prise de décision.

La place actuelle de l'AE l'empêche de répondre aux besoins des industries nationales. Placer l'AE dans un seul département dans la Direction générale l'empêche de mener beaucoup d'enquêtes qui auraient été justifiées selon les critères stipulées dans la Législation, car l'AE

n'arrive pas à préserver un nombre suffisant d'enquêteurs. D'un point de vue professionnel, le fait que le Département qui joue le rôle de l'AE ne puisse offrir qu'une seule position de gestion, à savoir celle du chef de département, pousse les enquêteurs expérimentés à la quitter afin d'aller trouver une position supérieure dans d'autres départements du Ministère. De ce fait, la Turquie a gaspillé une quantité significative de savoir-faire sur l'antidumping depuis la création de l'AE. Afin d'éliminer ce problème, nous faisons trois propositions alternatives. La meilleure chose à faire serait d'organiser l'AE comme un organisme gouvernemental indépendant qui s'occuperait non seulement des enquêtes antidumping, mais aussi des deux autres enquêtes de mesures correctives commerciales, à savoir les mesures compensatoires et les mesures de sauvegardes. Si cela n'est pas possible, nous proposons de sortir l'AE du Ministère de l'économie et de l'attacher à l'Autorité de la concurrence, toujours avec les Départements qui s'occupent des enquêtes des deux autres mesures correctives commerciales. Si cela n'est pas possible non plus, nous proposons de sortir de la Direction générale des importations les trois départements qui s'occupent des mesures correctives commerciales et de les réorganiser comme une nouvelle direction générale au Ministère de l'économie que nous proposons d'appeler « la Direction générale des mesures correctives commerciales ». La réalisation de l'une de ces trois propositions fera de l'antidumping non seulement un domaine techniquement intéressant mais aussi une route professionnelle qui offrirait des possibilités de management au personnel qui veut se spécialiser dans ce domaine du commerce international.

Nous estimons qu'il sera politiquement difficile de réaliser nos deux premières propositions concernant la structure de l'AE, puisque le Ministère de l'économie s’y opposera probablement. Ainsi, la troisième semble être la plus faisable. Si cette troisième proposition est suivie, nous proposons également de modifier le processus de prise de décision afin de le rendre plus objectif et plus efficace. À cette fin, nous suggérons de préserver le Conseil de l'évaluation de la concurrence déloyale à l'importation, mais proposons de changer sa composition. Nous conseillons également d'insérer une clause d'intérêt public dans la Législation. Selon notre proposition, il y aura trois sièges permanents et trois sièges changeants au Conseil. Les sièges permanents seront attribués au Ministère de la science, de l'industrie et de la technologie, à la Direction générale des importations au Ministère de l'économie ainsi qu'au Ministère du développement. Les trois sièges changeants seront accordés aux entités qui, selon l'avis du Président du Conseil, seraient affectés par

l'imposition d'une mesure antidumping. Une telle composition permettra au Président du Conseil d'inclure, dans le processus de prise de décision, les représentants des organismes les plus proches du produit faisant l'objet d'une enquête donnée. Nous proposons d'appeler ce nouveau Conseil « le Conseil antidumping ». L'inclusion d'une clause d'intérêt public, à son tour, nécessitera que la question importante de savoir si l'imposition d'une mesure antidumping serait dans l'intérêt public ou pas soit abordée dans chaque enquête. Ceci contribuera d'une façon très importante à l'objectivité du processus d'enquête.