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Les facteurs à considérer

La Législation ne fait que donner une définition juridique du produit similaire, mais elle n'explique pas sur quel fondement concret l'AE doit baser ladite définition. Autrement dit, les facteurs spécifiques que l'AE doit prendre en considération pour définir le produit similaire dans une enquête donnée ne sont pas clairs.

En pratique, l'AE cite les facteurs comme les matières premières, le processus de production, la technologie, les caractéristiques physiques, les chaines de distribution, les modes d'utilisation, la perception des consommateurs et la substituabilité des produits. À ce propos, l'AE se réfère aussi à la classification douanière mais elle explique toujours que cette classification n'est citée qu'à titre indicatif.331 Typiquement, un communiqué imposant une mesure antidumping définitive indique également que les changements qui peuvent être introduits dans la classification douanière du produit concerné n'affecteront pas la mise en œuvre de la mesure.332

330 Voir, l'article 3.c du projet de Règlement proposé dans l'annexe de notre thèse.

331 Voir, par exemple, pneumatiques et chambres à air pour motocycles (Indonésie, Malaisie), communiqué

2009/28, GO no. 27306, 1.8.2009 (mesures définitives), art. 7.6.

332 Voir, par exemple, ventilo-convecteur (Chine), communiqué 2010/16, GO no. 27597, 31.5.2010 (mesures

Le niveau de détail dans les constatations de l'AE par rapport à la définition du produit similaire a beaucoup évolué au fil du temps. Dans les premières enquêtes, les constatations sur ce sujet étaient très courtes et ne transmettaient que la conclusion. Par exemple, dans l'enquête sur les briquets de poche, le communiqué contenait la constatation suivante sur la question du produit similaire :

« 3. Produit faisant l'objet de l'enquête

Le produit faisant l'objet de l'enquête est « parmi ceux qui ont d'autres systèmes d'allumage, seuls les briquets de poche à gaz, en plastique, rechargeables », classifié sous le code douanier 9613.20.90.00.00.

4. Produit similaire

Il a été constaté que les briquets concernés en provenance de la Chine, et ceux fabriqués par la branche de production nationale qui sont en plastique, à pierre, rechargeable ont les mêmes caractéristiques, sont substituables, et ainsi sont comparables et produits similaires. »333

Cette constatation ne donne aucune indication de l'évaluation faite par l'AE pour en arriver à cette conclusion. Elle décrit certaines caractéristiques des briquets turcs mais il n'est pas clair si ces derniers sont semblables à tous égards aux briquets d'origine chinoise, ou bien, si cela n'était pas le cas, comment il a quand même été conclu que ces deux types de briquets se ressemblaient étroitement.

Pourtant, avec le temps, l'AE a amélioré son traitement de cette question et a commencé à faire des constatations beaucoup plus détaillées prenant en considération, et discutant de façon détaillée, tous les aspects pertinents des deux produits. Par exemple, le communiqué imposant des mesures définitives dans l'enquête sur les matériaux de renforcement consacre presque deux pages à la discussion de la question du produit similaire. Dans cette enquête, l'AE a considéré, entre autres, les facteurs comme les matières premières, le processus de production, les caractéristiques physiques et les modes d'utilisation. De même, le

333 Briquets de poche rechargeables (Chine), communiqué 98/4, GO no. 23356, 29.5.1998 (mesures définitives).

Pour d'autres exemples d'une évaluation plutôt superficielle du produit similaire, voir, par exemple, appareillage (Chine, Brésil), communiqué 2000/3, GO no. 24032, 27.4.2000 (mesures définitives), art. 7 ; fibres synthétiques

discontinues de polyesters (non transformées) (Corée, Indonésie), communiqué 2000/2, GO no. 23992, 13.3.2000 (mesures définitives), art. 9 ; fils plats de polyester (Corée), communiqué 99/7, GO no. 23892, 30.11.1999 (mesures définitives), art. 8.

communiqué discute en détail les arguments présentés par les importateurs concernant les différences entre le produit faisant l'objet d'un dumping et celui produit par la branche de production nationale, ainsi que les contre-arguments des producteurs nationaux. C'est après cette discussion élaborée que l'AE est venue à la conclusion que les produits nationaux étaient similaires aux produits chinois.334

Section III – La cohérence interne dans le produit faisant l'objet d'un dumping : est-il requis ?

Dans la plupart des enquêtes, le produit faisant l'objet d'un dumping et le produit similaire ne sont pas homogènes, ils sont constitués en plusieurs modèles. Une question qui se pose dans de telles situations est si la définition du produit similaire s'applique au produit faisant l'objet d'un dumping, c'est-à-dire s'il est nécessaire qu'il y ait une cohérence interne dans la définition dudit produit. Prenons un exemple : l'enquête concerne les tissus pour vêtements, un produit qui a trois modèles ayant des caractéristiques techniques différentes les unes des autres. Est-ce que dans un tel cas l'AE est obligée de s'assurer que ces trois modèles qui, ensemble, font le produit faisant l'objet d'un dumping sont similaires au sens de la définition du produit similaire ?

Ce problème a été abordé dans certaines affaires juridiques à l'OMC et il a été décidé dans la jurisprudence que la définition du produit similaire n'exige pas une cohérence interne parmi les différents modèles inclus dans le produit faisant l'objet d'un dumping. Dernièrement, cette question a été soulevée dans l'affaire Corée – Certains papiers. L'enquête antidumping analysée dans cette affaire concernait un produit de papier qui avait deux modèles qui n'étaient pas similaires. Pourtant il y avait une production de ces deux modèles dans le pays importateur, la Corée. L'Indonésie, la partie plaignante, a fait valoir que l'AE coréenne avait violé l'article 2.6 de l'Accord antidumping en omettant d'appliquer la définition du produit similaire y étant énoncée aux différents modèles du produit faisant l'objet d'un dumping. Le Groupe spécial a déclaré que, sous l'article 2.6 de l'Accord, l'identification du produit faisant l'objet d'un dumping était le point de départ de la définition du produit similaire. Mais il a rejeté l'affirmation de l'Indonésie selon laquelle l'article 2.6 régissait également la définition du produit faisant l'objet d'un dumping.335 Ainsi, il est maintenant bien établi dans la

334 Matériaux de renforcement en fibres de verre (Chine), communiqué 2011/1, GO no. 27802 5ème bis,

31.12.2010 (mesures définitives), art. 7.

335 Rapport du Groupe spécial, Corée – Certains papiers, WT/DS312/R, paras. 7.217-7.220. Voir également

jurisprudence de l'OMC que la définition du produit similaire figurant à l'article 2.6 de l'Accord ne s'applique pas au produit faisant l'objet d'un dumping.

En ce qui concerne la pratique de l'AE turque, il est intéressant de noter que, au moins dans une enquête, l'AE semble avoir appliqué la définition du produit similaire au produit faisant l'objet d'un dumping et avoir exclu de l'étendue du produit faisant l'objet d'un dumping un modèle, au motif que ce dernier n'était pas similaire à un autre modèle inclus dans le produit faisant l'objet d'un dumping. Dans l'enquête sur les fils fourrés, le produit faisant l'objet d'un dumping contenait deux modèles qui tombaient aussi sous différentes classifications douanières. L'AE a constaté que ces deux modèles n'étaient pas des produits similaires et a décidé d'exclure du champ de l'enquête l'un des deux.336 Or, cela ne pose aucun problème vis-

à-vis des règles de l'OMC ; l'AE a suivi une démarche qu'elle n'était pas tenue de suivre selon

lesdites règles.

Éléments de fixation (Chine), WT/DS397/R et Corr.1, modifié par le rapport de l'Organe d'appel, WT/DS397/AB/R, para. 7.265 ; rapport du Groupe spécial, États-Unis – Bois de construction résineux V,

WT/DS264/R, para. 7.153.

336 Fils fourrés, en métaux communs (Chine), communiqué 2011/16, GO no. 28008, 28.7.2011 (mesures