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Une unicité de traitement.

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 50-56)

Section I : Les clauses d’aménagement légal

B) Une unicité de traitement.

32. La diversité des dispositions que le législateur entend appliquer à la relation contractuelle complexifie la recherche de leur classification. En effet, le juge et la doctrine appréhendent les dispositions législatives ou réglementaires reproduites dans le contrat en opérant des distinctions de traitement entre elles. Toutes issues de l’intervention de la puissance publique, elles ne partagent pas la même qualité au sein du contrat. Si certaines s’imposent en tant que stipulations contractuelles « par détermination de la loi », d’autres au contraire ne sont jamais considérées comme des éléments contractuels. L’explication de cette distinction doit alors être recherchée avant de proposer une harmonisation possible de ces dispositions. L’étude de leur formulation et de leur insertion formelle au sein du contrat

116 L’un des exemples les plus couramment cité vise les contrats conclus par une agence de voyage. L’article 104

du décret du 15 juin 1994 oblige les professionnels à reproduire dans les contrats l’ensemble des dispositions des articles 95 à 103 dudit décret soit de nombreuses pages.

117 Reproduction des dispositions des articles R.261-28 à R261-31 CCH.

118 Reproduction du texte de l’article 9 de la loi du 12 juillet 1971 sur le délai de réflexion.

119 L’écrit doit contenir le texte intégral des articles 2,3 et 4 concernant notamment la faculté de renonciation. 120 J. Léauté, Les contrats types, RTD civ. 1953, n°1 p.430 ; A Rieg, Contrat type et contrat d’adhésion, travaux

33 constitue une première vision comparatiste (1) devant être soutenue par l’étude de leurs effets et de leur fonction respective alors mieux à même de révéler leur véritable nature (2).

1) Une formulation commune

33. Comparaison de nature. La volonté du législateur de mettre les dispositions « en

forme de stipulations contractuelles121 » détermine leur nature juridique. Ainsi, à l’image des

clauses légales, les mentions obligatoires constituent des clauses par « détermination de la

loi » dès leur insertion dans le contrat. Certains auteurs dont M. Th. Revet précisent alors que

« les clauses légales empruntent au style législatif, nonobstant leur vocation à constituer des

stipulations contractuelles et malgré le sens du détail du législateur actuelle ». Elles intègrent

la sphère contractuelle mais restent sous l’influence de leur origine et du régime juridique qu’elles imposent. La controverse se fait alors plus vive concernant les formules légales devant être reproduites dans le contrat. Nullement considérées comme des clauses légales ayant vocation à devenir des clauses contractuelles, elles restent pour leur part à l’état de dispositions législatives malgré leur insertion dans le contrat. Cette distinction de qualification entre les clauses légales et les formules légales tient essentiellement à la considération selon laquelle ces dernières n’offrent jamais aux parties le pouvoir d’agir sur leur contenu. M. Th. Revet rappelle que « Ne constitue pas une clause légale la prescription qui n’a pas été mise

par la loi en forme de stipulation contractuelle, même si le législateur en impose la reproduction dans tel instrumentum […]. Les formules légales ne révèlent pas une mise en forme de stipulation, marquant un degré supplémentaire de l’implication des pouvoirs publics dans le contrat. Leur présence dans le contrat ne les transforme pas en clauses contractuelles, elles s’examinent comme un accessoire de ce dernier, rarement étudié par les parties122 ». Dès lors, si les clauses légales mises en forme de stipulations contractuelles

constituent des clauses contractuelles par détermination de la loi, les formules légales, bien que reproduites dans le contrat, ne revêtent aucun caractère contractuel.

Une approche syntaxique et comparative peut alors permettre de comprendre la signification de ce critère « de mise en forme de stipulation contractuelle », et de déceler, les différences rédactionnelles existant entre les formulations de leurs énoncés.

121 Th. Revet, La clause légale, art. préc. p.280 n°5. 122 ibid p.281, n°6 et s.

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34. Comparaison syntaxique. Seule leur formulation permettrait donc de les différencier.

Contrairement aux clauses légales, les formules légales ne seraient que la copie impersonnelle et abstraite de certaines dispositions législatives et réglementaires. Or, bien que cette distinction rédactionnelle soit nettement perceptible en matière de cautionnement ou de

reconnaissance de dette, elle n’est pas aussi claire dans les autres formes de contrat.

On ne peut déduire des exemples précités que du point de vue de leur formulation ; il est très difficile de distinguer une clause légale d’une formule légale. A titre d’illustration, la clause légale de garantie des vices cachés, contenue dans le décret n°87-1045du 22 décembre 1987 relatif à la présentation des écrits constatant les contrats de garantie et de service après-vente, est formulée comme suit : « A la condition que l’acheteur fasse la preuve du défaut caché, le

vendeur doit légalement en réparer toutes les conséquences (article 1641 et suivants du Code civil). Si l’acheteur s’adresse aux tribunaux, il doit le faire dans un « bref délai » à compter de la découverte du défaut caché123 ». A l’instar de cette clause, il n’est pas contesté que la

majorité des clauses légales revête une formulation dépersonnalisée. A l’exception de mentions obligatoires et de certaines clauses légales permettant aux parties de remplir elles- mêmes quelques espaces laissés en blanc, l’ensemble des clauses légales est rédigé à la troisième personne par le législateur. En effet, elle désigne de façon standardisée « l’acheteur », « le vendeur », « l’entreprise », « le bailleur », « l’assureur »…. Or, une formulation identique est employée en matière de formules légales. Les dispositions dont le législateur impose la reproduction dans les contrats124 reprennent également la qualification

des parties telles que « le vendeur », « l’acheteur de billets », ou encore « le consommateur ». Aucune différence ne peut donc être perçue sur le plan formel entre la clause légale de garantie des vices cachés précitée et les dispositions imposées125 par l’article L.121-25 du Code de la consommation relatives à la faculté de rétractation de sept jours offerte au client en matière de consommation. Dans ces deux hypothèses, le législateur utilise une formulation générale ayant pour but d’accorder « au client » la protection la plus étendue. De même, les dispositions imposant un délai de rétractation sont considérées comme de simples formules reproduites dans le contrat, alors qu’elles ont vocation, tout comme les clauses légales, à encadrer et diriger la relation contractuelle.

123 Art. 1648 du C. civ.

124 Contrat d’agence de voyage : Art. 104 du décret n°94-490 du 15 juin 1994 impose aux contrats d’agence de

voyage de reproduire les art.95 à 103 de ce décret, note préc.

125 Ces dispositions, dont l’article L.121-23 C. consom., imposent la reproduction dans le contrat de vente, de

35 Le critère formel « de mise en forme de stipulation contractuelle » par le législateur, semble quelque peu abstrait, au regard de la perméabilité entre les différentes natures de dispositions légales.

35. Une distinction incertaine. Dans de nombreuses hypothèses, les formules légales

contiennent elles-mêmes les mentions obligatoires devant figurer dans le contrat, après avoir été complétées par les parties. L’exemple des contrats d’agence de voyage constitue là encore une illustration de ce procédé. Si le contenu des articles 95 à 103 du décret applicable en l’espèce est qualifié de formule légale par la doctrine, ceux-ci contiennent cependant des mentions obligatoires propres à l’identification de la relation. Ainsi, l’article 98 dudit décret énumère les éléments devant être obligatoirement repris dans le contrat. Or, ces différentes mentions sont qualifiées de dispositions non contractuelles par le législateur. « Le contrat

conclu entre le vendeur et l’acheteur […] doit comporter les clauses suivantes […] ». On

retrouve classiquement le nom, l’adresse du vendeur, la ou les destinations du voyage, les dates de départ et de retour, le mode d’hébergement, le prix, etc.

Fonder une telle distinction reviendrait donc à rechercher parmi le contenu imposé par le législateur les dispositions amenées à devenir des stipulations contractuelles, et celles animées seulement d’une utilité accessoire, malgré leur origine légale. Le législateur ferait alors « un poids deux mesures ! ».

Il semblerait au regard de cette première analyse que rien ne permette de distinguer sur le plan syntaxique les formules légales des clauses légales. Rien ne semble ainsi s’opposer à ce que ces dispositions législatives ou réglementaires insérées dans le contrat puissent être unanimement qualifiées de stipulations contractuelles. La proximité entre ces formes de dispositions insérées dans le contrat doit alors être recherchée à travers les effets qu’elles renferment. Faisant ainsi apparaître leur fonction respective, cette mise en perspective doit permettre de conclure à leur réelle distinction ou au contraire à leur unicité de traitement.

2) Une fonction commune

36. Une qualification fonctionnelle. Dès lors, un rapprochement peut être proposé, eu

égard à la fonction exercée par les dispositions émanant des lois et règlements. En effet, en dehors de toute considération formelle, il est intéressant de s’arrêter sur le contenu de ces dispositions obligatoirement reproduites dans un même type de contrat. La fonction qu’elles

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exercent ne se limite pas à rappeler aux cocontractants les règles de droit positif applicables. Elles contribuent certes à assurer la diffusion du droit positif, mais elles ont également un effet direct sur la relation contractuelle. Leur fonction première est d’établir par un encadrement légal une protection des contractants et particulièrement de celui considéré comme le plus faible. Certains domaines sensibles, propices au déséquilibre excessif et à l’abus de position, sont pratiquement entièrement régis par des clauses légales. Quelle que soit leur forme, les clauses légales, mentions obligatoires et formules légales sont destinées à protéger le cocontractant qui n’est pas en mesure de contribuer à la détermination du contenu du contrat126. L’insertion de ces dispositions s’inscrit dans un mouvement plus général de

pénétration de l’unilatéralisme dans l’élaboration des contrats127. La loi neutralise ainsi la

prééminence du contractant rédacteur et remplace son pouvoir unilatéral par le pouvoir unilatéral de la puissance publique. Elle contribue à rétablir un équilibre contractuel entre les parties. L’atteinte à la volonté des parties se caractérise alors de manière identique. Lorsqu’il s’agit d’assurer l’équilibre contractuel, le pouvoir exercé par le législateur est préférable à celui accordé à un cocontractant.

37. Influence contractuelle des dispositions légales. La fonction des dispositions

légales insérées dans le contrat marque leur efficacité sur la relation contractuelle. Destinées à protéger les contractants par l’information qu’elles leur procurent, elles exercent alors directement leur influence sur les engagements conclus. Elles ne se contentent pas d’imposer des obligations légales mais aménagent, à travers les informations qu’elles véhiculent, les obligations contractuelles. Elles présentent au cocontractant, non rédacteur de l’acte, les conditions d’exercice des activités concernées, les différentes phases de la procédure devant être suivies ou encore les modalités de modification de la relation contractuelle128. En cas de modification de l’un des éléments essentiels par le vendeur, tels que le prix, l’acheteur doit là encore se référer aux formules légales qui l’informeront des conséquences et des recours en

126 J. Kullmann, L’influence de la puissance publique sur le contrat de droit privé, Thèse microfiche Paris I,

1987, n°740 p.698.

127 Ch. Jamin, D. Mazeaud et alii, L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, Etudes juridiques,

Actes du colloque 9 janvier 1998, dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud V.9, 1999.

128 Ainsi, l’acheteur qui souhaite céder son contrat d’agence de voyages devra se référer aux dispositions de

l’article 99 du décret du 15 juin 1994 précité : Art. 99 « l’acheteur peut céder son contrat à un cessionnaire qui remplit les mêmes conditions que lui pour effectuer le voyage ou le séjour, tant que ce contrat n’a produit aucun effet. Sauf stipulation plus favorable au cédant, celui-ci est tenu d’informer le vendeur de sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard sept jours avant le début du voyage. Lorsqu’il s’agit d’une croisière, ce délai est porté à quinze jours. Cette cession n’est soumise, en aucun cas, à une autorisation préalable du vendeur ».

37 réparation envisageables129. Dans cette optique, les formules impérativement reproduites dans

le contrat préliminaire de vente d’immeubles à construire exposent les modalités servant à fixer le montant de la garantie130, le lieu de son dépôt131 ou encore les conditions de sa

restitution132. Fortes de leur fonction commune, les dispositions légales reproduites aux titres

des clauses légales, des mentions obligatoires ou des formules imposées contribuent toutes à encadrer la relation contractuelle par l’aménagement des obligations voulues par les parties.

38. Une harmonisation des dispositions légales. S’il est possible de s’interroger sur

l’efficacité de reproduire textuellement des dispositions légales au sein des contrats, leur fonction et leur utilité ne peuvent être différenciées malgré les appellations distinctes que leur attribue la doctrine. La reproduction de formules légales constitue un moyen formel de protection même si elle ne dispense pas le cocontractant en position de force de fournir une information personnalisée. Durant toute sa durée, elles servent le contrat et ont toutes pour fonction in fine la protection d’un contractant. Pouvant être rassemblée au regard de leur mise en forme et de leur fonction, les différentes formes de dispositions légales recensées dans le contrat doivent dès lors être considérées de manière identique. Or, si certaines sont qualifiées de « clauses » légales par la doctrine, admettant ainsi à demi-mot leur incorporation au cadre contractuel, les mentions obligatoires et les formules légales ne sont nullement considérées comme capables d’accéder au rang de clauses contractuelles. Si la phase ultime permettant à toutes ces dispositions de se fondre parmi les autres clauses se situe bien lors de la conclusion du contrat, elles ne sont pourtant pas appréhendées comme « la loi des parties ». Il est alors légitime, après avoir traité de leur similitudes, de s’interroger sur leur vocation à se conduire et à être envisagées comme des clauses contractuelles à part entière.

129 V° sur ce point les dispositions de l’article 101 du décret n°94-490 du 15 juin 1994.

130 Art. R. 261-28 « Le montant du dépôt de garantie ne peut excéder 5 % du prix prévisionnel de vente si le

délai de réalisation de la vente n’excède pas un an ; ce pourcentage est limité à 2 % si ce délai n’excède pas deux ans. Aucun dépôt ne peut être exigé si ce délai excède deux ans ».

131 Art. R. 261-29 « Le dépôt de garantie est fait à un compte ouvert au nom du réservataire dans une banque ou

un établissement spécialement habilité à cet effet ou chez un notaire […].

132 Art. R.261-31 « Le dépôt de garantie est restitué, sans retenue ni pénalité au réservataire : a) si le contrat de

vente n’est pas conclu du fait du vendeur dans le délai prévu au contrat préliminaire b) si le prix de vente excède plus de 5% […].

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§2 : Appréciation de la volonté des parties

39. Indissociables de part leur contenu rédactionnelle et leur fonction, les règles insérées dans le contrat sous l’impulsion des autorités étatiques doivent encore être confrontées à l’un des critères de définition du contrat et de la clause contractuelle, à savoir la volonté des parties. Porteuses d’effets de droit œuvrant pour la protection des parties, les dispositions légales ou règlementaires insérées dans le contrat ne sont à l’origine ni expressément ni tacitement voulues par les contractants. Approfondir leur passage dans la sphère contractuelle nécessite dès lors de s’attarder sur les caractères qu’elles renferment (A). De cette appréciation doit dépendre l’atteinte portée à la volonté des parties, permettant ainsi de mesurer la proximité pouvant exister avec les clauses contractuelles. Ce dernier élément de comparaison, impliquant le critère de volonté, se révèle essentiel quant au régime juridique applicable. Les enjeux d’une telle généralité peuvent alors être appréhendés par l’étude de leur influence sur le contrat et des règles auxquelles elles sont soumises (B)

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