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Conclusion du chapitre

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 187-193)

194. La gestion du risque constitue une des préoccupations principales des contractants.

Mieux appréhender les clauses permettant d’encadrer les incertitudes dont peut être frappé le contrat nécessitait tout d’abord de distinguer la prévention des risques susceptibles d’affecter la relation contractuelle pour ensuite établir leur répartition en cas de réalisation.

La distinction entre les risques internes et externes ne s’imposait alors pas pour les clauses de prévention dans la mesure où le régime des clauses de répartition ne tient pas compte du caractère des risques encourus mais détermine les modalités d’attribution des risques survenus.

195. Régimes communs des clauses de risques internes. Parmi les clauses d’encadrement

des risques internes, entendus comme les risques résultant directement de l’environnement concurrentiel du contrat ou du fait des contractants, les clauses d'ajustement du prix constituent inévitablement la première interrogation des parties cherchant à s’assurer de la rentabilité de l’opération. Ces clauses peuvent en effet être regroupées au sein d’un régime juridique commun et bénéficier également de l’exemple des clauses d’inspiration étrangère dont la mise en œuvre ne heurterait pas les grands principes du droit français des contrats.

Les clauses portant sur le patrimoine du débiteur constituent, malgré leur trop faible utilisation, des moyens de prévention des risques directement liés aux sûretés traditionnelles. Il serait nécessaire de les rapprocher de ces dernières. Bien que moins contraignantes et donc moins efficaces, les clauses porteuses de sûretés négatives répondent à une fonction commune dont les effets présentent une proximité certaine avec la clause d’inaliénabilité. La double condition de durée et de recherche d’un intérêt sérieux et légitime imposée par la Cour de cassation à la clause d’inaliénabilité devrait être généralisée à l’ensemble des clauses interdisant au débiteur de disposer de certains de ses biens par l’effet d’une renonciation. L’harmonisation des conditions de validité permettrait en outre de surmonter l’application des articles 537 et 544 du Code civil, et d’écarter l’annulation de ces clauses pour non-respect de l’ordre public économique.

L’étude des sanctions applicables aux clauses de sûretés négatives renforce également l’idée d’un régime commun à cette catégorie de clauses. En effet, contrairement à la position de la doctrine classique, les clauses de sûretés négatives prises dans leur renonciation à un

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droit réel peuvent s’analyser sous l’angle de la consécration d’un droit personnel. La fonction de ces clauses doit alors être appréciée par l’engagement personnel du débiteur de ne pas aliéner un bien désigné. Leur identité de fonction et de nature avec les clauses de suretés négatives portant renonciation d’un droit personnel doit ainsi conduire à l’application d’un régime de sanctions similaire. En revanche, bien que les clauses d’alignement de garantie répondent à une fonction semblable, la restriction de leurs effets amoindrit par conséquent la portée de leurs sanctions et leur efficacité. Il en est ainsi des clauses de renseignement présentant un caractère peu contraignant mais dont l’objet offre néanmoins au créancier une visibilité sur les actes de son débiteur.

196. Régime commun des clauses de gestion des risques externes. L’harmonisation des

clauses relatives à la gestion des risques externes peut sembler plus délicate au regard de la diversité des clauses regroupées dans cette même catégorie fonctionnelle. En effet, si le rejet de l’imprévision a conduit les praticiens à imaginer des clauses favorisant une révision extra- judiciaire du contrat, il est néanmoins permis de leur appliquer un régime commun, plus particulièrement inspiré des règles jurisprudentielles utilisées pour la clause de renégociation dont les effets sont les plus étendus.

Ces règles communes ont alors pour finalité de laisser aux parties le soin de réviser elles- mêmes le contrat ou de confier cette mission à un tiers indépendant. Egalement inspiré du droit administratif, ce régime permettrait ainsi de contrarier l’immixtion du juge par l’insertion d’une clause de révision contractuelle. Elle serait caractérisée par le recours au fondement de la bonne foi dans la phase de renégociation, ou encore par la fixation extra- judiciaire de l’indemnité due en cas d’échec de cette dernière. Le juge n’interviendrait alors qu’à minima pour obliger les parties à mettre en œuvre les renégociations. Leur bonne foi dans le déroulement de cette phase étant directement appréciée par le tiers également investi par les parties du pouvoir de se prononcer sur le sort du contrat ou de l’éventuelle indemnité versée.

197. Régime commun des clauses de répartition des risques. La répartition des risques,

prise à travers les différents modes de réparation ou de responsabilité, ne facilite pas davantage l’établissement d’un régime commun à cette catégorie fonctionnelle. Néanmoins, les clauses limitatives et exclusives de responsabilité peuvent, au regard de leur rayonnement et de leur utilisation intensive par les praticiens, constituer un véritable modèle à une

171 harmonisation du régime juridique applicable. Malgré la diversité des clauses en la matière, leur fonction commune permet de les soumettre à des règles communes quels que soient les objets qu’elles renferment. Toutefois, cette généralisation de régime nécessite une modification des règles actuellement applicables aux clauses de responsabilité. Ainsi, l’appréciation de la cause pendant l’exécution du contrat associée à l’évaluation du comportement du débiteur dans l’exécution de ses engagements peuvent constituer les fondements d’un régime juridique commun. Modérateur des effets dont ces clauses peuvent être l’objet, le régime commun appliqué à cette catégorie fonctionnelle permettrait ainsi un encadrement plus cohérent et une valorisation de leurs effets sur le rapport contractuel.

TITRE II : L’INFLUENCE DES CLAUSES SUR L’OFFICE DU JUGE

198. L'aménagement des obligations et la gestion des risques futurs conduisent

inévitablement les parties à anticiper les conséquences de la naissance d'un litige sur la relation contractuelle. En effet, dans un souci de sécurité juridique et de désir de maîtriser ses effets, rares sont les contractants qui ne souhaitent pas exercer leur emprise tout au long de la vie du contrat. A défaut d’avoir pu être évitée, la naissance d’un différend doit être prévue par les parties. Elles disposent alors de nombreuses techniques contractuelles propres à faciliter sa résolution. Donnant lieu classiquement à l’ouverture d'une procédure judiciaire, elle entraîne une dépossession des parties au profit du juge étatique. L'intérêt des clauses contractuelles établissant dès la formation du contrat les modalités de résolution du litige479 prend alors tout

son sens. Ces clauses permettront aux parties d'influencer la position du juge dans les diverses étapes de son raisonnement. Les parties doivent alors intervenir contractuellement sur toutes les étapes du cheminement judiciaire afin d’influencer le juge. L’analyse préalable des principales prérogatives judiciaires est alors indispensable pour envisager les clauses permettant aux parties d'imposer ou du moins de guider le juge vers une solution conforme à leurs prévisions. Une confrontation entre les pouvoirs du juge et les possibilités d’aménagement contractuel laissées aux parties doit dès lors être réalisée.

Face à la diversité des clauses répondant à cette fonction, une classification sera établie en vue de mesurer l’influence de leurs effets sur les pouvoirs du juge. Au regard de leur fonction

479 A. Jeammaud, Conflit/litige, in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris PUF

2003 p.256 : M. A. Jeammaud définit le litige comme « l’opposition de prétentions juridiques soumise à une juridiction civile, pénale administrative ou arbitrale, appelée à la trancher par une décision alors que le conflit est quant à lui « une relation antagoniste que réalise ou révèle une opposition de prétentions ou aspirations souvent complexes, plus ou moins clairement formulées, entre deux ou plusieurs groupes ou individus, et qui peut connaître une succession d’épisodes, d’actions, d’affrontements ». Le conflit est donc plus large que le litige, et revêt des implications dépassant ce que le juge peut résoudre par sa décision comportant « des dimensions sociales, économiques, politiques, psychologiques irréductibles à la seule dimension juridique ». M-C. Rivier,

Conflit/litige, in L. Cadiet (Dir.), Dictionnaire de la justice, Paris PUF, 2004 p.198 : le caractère plus large du

terme conflit se traduit en droit du travail, puisque les relations entre l’employeur et l’employé sont la plupart du temps revêtues du terme de litige alors que les différends concernant une collectivité de travailleurs sont visés par le terme de conflit. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Quadrige 2011 9ème éd. V° Litige : « différend,

désaccord, conflit considéré dès le moment où il éclate (litige né) comme pouvant faire l’objet d’une transaction, d’un compromis d’arbitrage, entre autres modes de solution des litiges (renonciation), indépendamment de tout recours à la justice étatique. Il est également précisé que pouvant se situer antérieurement à la naissance du litige propement dit, le conflit est parfois synonyme de litige (né, même s’il n’est pas encore porté devant un juge). V°

Différend : « Contestation entre deux ou plusieurs personnes provenant d’une divergence d’avis ou d’intérêt »,

« Par extension, le différend porté devant un tribunal et devenu matière du procès, une fois saisie la justice ». Les termes de litige, conflit et différend seront ici employés indifféremment dans la mesure où ces développements ont pour finalité de démontrer l’influence exercée par les clauses contractuelles sur l’office du juge. La saisine d’une juridcition est donc sous-entendue pour tous les points de désaccords dont il est ici question.

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commune, ces clauses seront alors classées selon les différentes phases de cheminement du raisonnement judiciaire. En effet, outre la prise en compte des faits générateurs du litige, le juge se doit, dans une première approche, d’appréhender le contrat à travers les différentes clauses qui le composent et l’influence qu’elles exercent sur son appréciation (Chapitre I). Cette première approche s’avère alors essentielle pour permettre au juge de dégager une solution au litige. Les parties pouvant également prévoir dès la formation du contrat, l’éviction du juge pour favoriser un mode conventionnel de résolution des différends, leur influence sur la résolution du litige doit alors être mesurée (Chapitre II).

Chapitre I : Les clauses d’aménagement de l’appréciation judiciaire

199. Face à l’ambiguïté de certaines stipulations contractuelles, l’autorité judiciaire se doit

de mettre en œuvre les prérogatives dont elle dispose pour mettre fin au litige dans le strict respect de la volonté des parties. Cependant, l’interprétation du contrat ne permet pas toujours de déterminer l’étendue des engagements des parties et ainsi trancher leur litige. Le juge use alors de son pouvoir de qualification afin de déterminer le régime juridique applicable au contrat. Certes, ces deux procédés peuvent être complémentaires pour parvenir à une solution mais ces opérations ne sont pas nécessairement indissociables, l’interprétation n’impliquant pas systématiquement une requalification du contrat. Ce dualisme entre complémentarité et indépendance contribue à affaiblir les pouvoirs du juge, laissant ainsi la possibilité aux parties d’influencer l’appréciation judiciaire. Des aménagements conventionnels peuvent alors être envisagés, permettant aux parties de renforcer leur rapport juridique tout en limitant les sources judiciaires d’incertitudes. Les parties y ont très souvent recours afin d’anticiper les différends et prévoir des clauses relatives au mode d’interprétation de l’accord écrit, à sa qualification et au traitement de la preuve.

Confrontées à l’ambiguïté d’une ou plusieurs clauses, les parties peuvent conclure un avenant interprétatif. Toutefois, cette technique sera écartée de l’étude au regard de la rareté des hypothèses, l’ambiguïté se révélant généralement après la survenance du litige. Seules les clauses d’aménagement contractuel prévues dès la rédaction du contrat seront envisagées. Une typologie de ces clauses, selon la fonction qu’elles exercent sur les pouvoirs de qualification et d’interprétation judiciaire doit être proposée. Si les premières restent d’une autorité limitée et présentent une influence très mesurée sur la liberté d’appréciation du juge (section I), les clauses relatives à l’interprétation tendent à restreindre le pouvoir judiciaire d’interprétation (Section II).

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