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Une harmonisation des sanctions Outres les sanctions spécifiques prévues par le

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 70-72)

Section I : Les clauses d’aménagement légal

B) Le régime des clauses légales

54. Une harmonisation des sanctions Outres les sanctions spécifiques prévues par le

législateur, la nullité totale du contrat se révèle inadaptée et défavorable à la partie que le législateur souhaitait initialement protéger. La nullité est synonyme de rétroactivité, et donc de restitutions qui peuvent être préjudiciables au cocontractant qui n’a commis aucune faute. C’est notamment pour ces raisons que les juridictions préfèrent désormais, à l’image des clauses contractuelles par nature, adopter le régime de la nullité partielle du contrat180. Seules

sont anéanties les stipulations ne reproduisant qu’imparfaitement la clause légale ou se révélant contraires à celle-ci. Dans ce dernier cas, le vide juridique créé sera comblé par la disposition impérative qui s’appliquera à la relation contractuelle sans manifestation de volonté des parties, et ne pourra revêtir une nature contractuelle. Cette sanction neutralise l’intention des rédacteurs peu scrupuleux s’abstenant de reproduire certaines clauses légales, indésirables à leur goût, afin d’obliger leur cocontractant soit à demander la nullité de l’acte, soit à accepter sa poursuite contraire aux dispositions légales. La clause légale remplit ici sa mission première de protection de la partie faible jusque dans la nature de la sanction applicable à son omission181.

178 « […] Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit

aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ».

179 L’article L.122-3-1 du C. trav. énonce les mentions que le contrat de travail à durée déterminée doit

comporter, tout en précisant « qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée » : Cass. soc. 19 novembre 1987, D. 1987 IR 244 ; Dr. soc. 1989, n°361 note G. Poulain ; Cass. soc. 20 novembre 2001 n°99- 45569, Dr. soc. juillet 2002, n°7-8 p.773 note C. Roy-Loustaunau ; Cass. soc. 9 avril 2002 n°99-40422, mise en œuvre de l’article L.122-3-13 du Code du trav. réservé à la méconnaissance des dispositions de l’alinéa 1er de

l’article L.122-3-1, en cas d’absence d’écrit ou d’omission des mentions légales obligatoires.

180 Ph. Simler, La nullité partielle des actes juridiques, Thèse Strasbourg III, LGDJ 1969.

181 J. Amiel-Donat, Contrat de consommation, J.-Cl. Conc. Consom., Fasc. 800 2/1989 n°62 « La technique de

prédétermination légale… va toujours de pair avec une obligation de forme, la forme étant indispensable à l’efficacité des prescriptions du législateur ». Cass. AP 17 mai 2002 n°00-11664, RDC décembre 2003, n°1 p.127 note J-B. Seube ; JCP E 11 juillet 2002, n°28 note J. Monéger ; J. Monéger, L’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux emporte la nullité d’une clause contraire relative à la forme du congé de fin de bail, JCP E 11 juillet 2002, n°28, 1080. Cet arrêt relatif à l’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux est un arrêt déterminant dont la portée va bien au-delà de ce qui était directement en cause. L’assemblée plénière réaffirme que les clauses importées et dotées de la puissance légale prévalent sur les clauses contractuelles. Il a ainsi été jugé que les règles légales d’ordre public, relatives à la responsabilité du transporteur maritime de marchandises, se substituent de plein droit aux stipulations contractuelles par lesquelles le transporteur prétendait limiter sa responsabilité à un montant inférieur au minimum légal. Dans le même ordre d’idées, Cass. civ. 3ème 23 janvier 2008 n°06-19129, JCP E 10 avril 2008, n°15 note Ph-H Brault ; JCP N 17

juillet 2009, n°29 note J. Monéger & H. Kenfack. « Une clause illicite insérée dans un bail commercial n’a pas à être attaquée par voie d’action en nullité dès lors que son illicéité s’impose aux parties au cours de l’exécution du bail et que s’y substitue une disposition légale d’ordre public, à savoir l’article L.145-10 du Code de

53 La nullité du contrat n’est pas systématique dans la mesure où le contrat peut être exécuté sans préjudice pour le contractant qui n’a pas participé à sa rédaction. Si elle est génératrice de difficultés pour le contractant qui n’a pas commis de faute, les juges opteront pour la poursuite de la relation contractuelle dans des conditions favorables à ce dernier. Cette analyse pragmatique des sanctions par les juridictions est fréquemment consacrée. Pour reprendre un exemple déjà cité, la Cour de cassation applique les modalités propres au congé devant être délivrées au locataire en cas de vente du logement, alors même que les dispositions des cinq alinéas s’y référant ne sont pas reproduites182. Au lieu de prononcer la nullité du congé, le juge substitue les dispositions légales au vide ainsi créé. Au contraire, le magistrat rend inopposable au cocontractant protégé les dispositions légales non reproduites susceptibles de lui être préjudiciables. En matière d’assurance, le juge n’hésite pas à prononcer l’inopposabilité des dispositions non rappelées dans la police d’assurance. L’inobservation de ces dispositions est dès lors sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté183. Le juge se doit de vérifier si cette omission ou inexactitude n’a

pas influencé de manière déterminante son consentement. La nullité est donc prononcée si cette négligence a vicié le consentement de l’acquéreur, ou tout du moins conduit ce dernier à appréhender inexactement son engagement suite à la privation d’un élément d’appréciation capital et déterminant184. Cependant, l’appréciation du juge est moins rigoureuse si le

cocontractant est un commerçant averti ou possédant une expérience professionnelle propre à lui conférer une parfaite connaissance des différents éléments du contrat.

commerce ». V° également les nombreuses autres applications faites par la jurisprudence : ainsi les dispositions impératives de la loi n°71-579 du 16 juillet 1971 se substituant de plein droit aux clauses contraires du contrat ; l’article 1231 du Code civil, qui permet au juge de moduler les clauses pénales, reste applicable malgré une clause contraire portant renonciation au bénéfice de ce texte.

182 Cass. civ. 3ème 12 mai 2004 n°02-19560, Bull. civ. III 2004, n°97 p.88 , AJDI novembre 2004, n°11 p.815

note Y. Rouquet ; la Cour fait ici application des dispositions légales impératives, pourtant non reproduites dans le congé de bail et considère « qu’en application de l’alinéa 4 du texte précité, le locataire pouvait pendant un délai d’un mois à compter de la notification du contrat de vente, déclarer se substituer à l’acquéreur, la Cour d’appel en a exactement déduit que Mme X... disposait de la faculté de se substituer à l’acquéreur dans le mois de la notification de la vente ».

183 Cass. civ. 2ème 2 juin 2005 n°03-11871, Bull. civ. II 2005, n°141 p.127, RGDA septembre 2005, n°3 p.619

note J. Kullmann ; JCP E 1er septembre 2005, n°35, 1223 Contrats – Panorama de jurisprudence ; Rev. dr. immo.

novembre 2005, n°6 p.413 note L. Grynbaum. « S’agissant de l’absence de reproduction dans la police d’assurance des dispositions relatives à la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance. [...] L’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription de l’article L.114-1 du Code des assurances » ; H. Groutel, L’information de l’assuré : De nouvelles avancées ?

Resp. civ. et ass. juillet 2005, n°7, étude II.

184 Cass. com. 1er décembre 1992 n°90-14578, Bull. com IV 1992, n°385 p.271, JCP E 8 juillet 2004, 1153, n°28-

29 note M. Kéita ; Cass. com. 30 janvier 1990 n°87-14493, Bull. com IV 1990, n°29 p.19 ; Cass. com. 19 janvier 1983 n°81-14486.

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Ces différentes occurrences démontrent l’égalité de traitement appliquée par le juge face à l’inobservation dans le contrat des stipulations d’origine légale ou réglementaire. Cette technique d’adaptation des sanctions, conforme au régime de sanctions appliqué aux clauses contractuelles est un indice fort de leur influence et de l’harmonisation possible de leur traitement au sein du contrat. Bien qu’à s’en tenir à certaines opinions, leur insertion dans le contrat ne remettrait pas en cause la prépondérance de l’origine légale ou réglementaire des clauses du même nom dans leur régime, la frontière se révèle extrêmement mince avec les clauses directement issues du consentement des parties. Les dispositions légales acceptées par les parties lors de la conclusion du contrat ne se contentent pas d’imposer des obligations légales extérieures à la volonté des parties mais contribuent fortement à aménager les obligations contractuelles et devraient ainsi se fondre dans la réalité du contrat.

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