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La justification d’une contrepartie financière Depuis le spectaculaire revirement de

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 106-108)

Section II : Les clauses d’aménagement contractuel

B) Le prolongement du lien contractuel après l’extinction du contrat

96. La justification d’une contrepartie financière Depuis le spectaculaire revirement de

jurisprudence opéré dans les trois décisions281 du 10 juillet 2002, la Cour de cassation exige

désormais l’existence d’une contrepartie financière comme condition de validité de la clause de non-concurrence. Qualifié de véritable « tsunami282 », ou encore de « tempête283 » par les

commentateurs, la Cour de cassation fondait sa position non seulement sur l’article L.120-2 du Code du travail, aujourd’hui L.1121-1, mais également sur « le principe fondamental de

279 Cass. soc. 13 janvier 1998 n° 95-41467, D. 25 mars 1999, n°12 p.103 ; Cass. soc. 6 juillet 2000 n°98-15307, JCP E 23 novembre 2006, n°47 note G. Vachet ; Cass. soc. 28 novembre 2001 n° 99-46.032.

280 Elle ne pourrait s’analyser en une clause pénale susceptible d’être révisée par le juge en application des

dispositions de l’article 1152 du Code civil280. En effet, les juges n’ayant pas le pouvoir de fixer le montant du

salaire il semblerait difficile de leur accorder le pouvoir de fixer eux-mêmes le montant d’une contrepartie financière. Cass. soc. 4 juillet 1983 n°80-41906, Bull. civ. V n°380 ; Cass. soc. 17 octobre 1984 n°82-41114 et 82-41115 Bull. civ. V n°385 ; Cass. soc. 26 mai 1988 n°85-45074 Bull. civ. V n°318 ; Cass. soc. 19 juillet 1988 n°85-43179, Bull. civ. V n°461.

281 Cass. soc. 10 juillet 2002 (3 arrêts) n°00-45135, n°00-45387, n°99-43334, JCP G 16 octobre 2002, II, n°42,

10162 comm. Fr. Petit ; JCP E 17 octobre 2002, n°42, 1511 comm. D. Corrignan-Carsin ; Gaz. Pal. 6 décembre 2002, n°340 p.9 note M. Kehrig ; LPA 31 janvier 2003, n°23 p.16 note N. Damas ; JCP E 20 mars 2003, n°12 note P. Morvan ; JCP E 10 avril 2004, n°15 note C. Masquefa ; Option Finance, 4 avril 2005, n°828 p.37, note J-M. Lavallart ; JCP E 3 janvier 2008, n°1 note G. Damy. De plus, la Cour de cassation justifiait l’effet immédiat du revirement par le fait que « l’exigence d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l’impérieuse nécessité d’assurer la sauvegarde et l’effectivité de la liberté fondamentale d’exercer une activité professionnelle ».

282 Selon Y Serra, Tsunami sur la clause de non-concurrence en droit du travail, D. 19 septembre 2002, n°32

p.2491.

283 Selon F. Favennec-Héry, Les incidences de la nouvelle jurisprudence sur la clause de non-concurrence, Sem. soc. Lamy 21 octobre 2002 p.6.

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libre exercice d’une activité professionnelle284 », ce qui laissait à supposer une généralisation

de la solution. Cette contrepartie financière aurait alors pour finalité de rééquilibrer la relation contractuelle, en renforçant les droits du débiteur face à une obligation de non-concurrence plus souvent subie que librement acceptée285. Pourtant la Cour n’a pas jugé nécessaire

d’étendre cette solution aux autres matières et aux clauses remplissant une fonction similaire. Bien au contraire, des décisions montrent que, malgré le revirement de 2002 en matière sociale, tant les clauses de non-concurrence stipulées dans les rapports civils ou commerciaux, que l’ensemble des clauses relationnelles d’application post-contractuelle continuent d’être appréciées selon leurs seules conditions traditionnelles. Contrairement au droit du travail où l’inégalité des parties est présumée, le droit des contrats présumerait en ces domaines leur égalité et l’honnêteté de la clause.

A titre d’illustration, la Cour de cassation refuse d’étendre la jurisprudence adoptée en matière sociale aux agents commerciaux286. Elle se fonde sur la volonté du législateur : « le

législateur n’a pas entendu que l’obligation de non-concurrence soit indemnisée lorsque la clause qui la stipule est conforme aux dispositions de l’article L.134-14 du Code de commerce ». L’absence de contrepartie financière est donc un choix de politique législative

évitant ainsi de faire de ces clauses en droit du travail de véritables clauses de style.

La situation est plus délicate concernant les clauses de non-concurrence contenues dans un contrat de franchise. Malgré une décision de principe établie par la Cour dans le célèbre arrêt Trévisan de 2002287, dans lequel elle reconnaît au franchisé la propriété de sa clientèle, elle

refuse de lui verser une contrepartie financière. Elle empêche donc ce dernier d’exercer une activité analogue à celle qu’il exploitait et le prive ainsi de sa clientèle, élément essentiel de son fonds de commerce. Une telle atteinte devrait donc logiquement faire l’objet d’une rémunération288. Certains auteurs préconisent alors le versement d’une indemnité financière

284 Cass. soc. 17 décembre 2004 n°03-40008, Bull. civ. V 2004 n°346 ; D. 2005, somm. p.2457 obs Y. Auguet ; Dr. soc. mars 2005, n°3 p.332 note B. Gauriau.

285 I. Cornesse, La proportionnalité en droit du travail, Thèse Paris, Litec 2001.

286 Cass. com. 4 décembre 2007 n°06-15137, RLDA janvier 2008, n°23 p.44 note C. Anadon ; RTD com. juillet

2008, n°3 p.615 note B. Bouloc ; N. Mathey, Clause de non-concurrence, Contrats-conc. consom. février 2008, n°2 comm. 38 ; pour un mandataire libéral : Cass. civ. 1ère 2 octobre 2013 n°12-22846, D. août 2013, n°12 p.23

obs. M. Malaurie-Vignal ; RLDC mars 2014, n°113 p.8 note V. Pezzella ; V° pour explications relatives à la cause infra n°576.

287 Cass. civ. 3ème 27 mars 2002, n°00-20732, Bull. civ. III n°77, D. 2002 p.2400 note H. Kenfack ; Cah. dr. entr.

2002, n°5 p.20 obs. J-L. Respaud ; D. 2002 p.3006 obs. D. Ferrier ; JCP N 18 novembre 2002, II, n°10112 note F. Auque.

288 Selon M. Jamin l’indemnité devrait couvrir la perte de clientèle et s’apparenter à l’indemnité d’éviction

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correspondant à une « fraction déterminée de la redevance initiale versée289 ». Dans le même ordre d’idées, l’indemnité devrait correspondre en matière de contrat de concession à l’accroissement de la valeur du réseau dû à son labeur, sous forme d’une « redevance de

sortie de réseau290 ». Aucun obstacle ne se dresse pour empêcher la chambre commerciale

d’ajouter cette condition de validité sur le fondement de la liberté du commerce et de l’industrie, c’est pourquoi sa décision s’apparente plus à un choix de politique juridique. Un raisonnement analogue pourrait être suivi pour le contrat de concession ou le contrat de location-gérance, la cession de parts sociales...

Toutefois, il faut préciser que cette atteinte ne concerne que les clauses de non- concurrence d’origine volontaire, recevant application après l’extinction du contrat, qu’il s’agisse de contrat à exécution successive ou instantanée.

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