• Aucun résultat trouvé

Une approche jurisprudentielle des clauses de responsabilité

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 165-172)

Section II : Les clauses de répartition des risques

B) Une approche jurisprudentielle des clauses de responsabilité

166. De façon synthétique, la construction jurisprudentielle du régime des clauses de

responsabilité consiste en un double contrôle. La Cour se fonde tout d’abord sur la notion de cause afin de rechercher toute contradiction entre la clause et l’engagement contractuel pris par le débiteur. La cause est ici utilisée comme révélateur de la validité des clauses de responsabilité dès la formation du contrat (1). Un second contrôle est effectué lors de l’exécution du contrat par la recherche de l’existence d’une faute lourde ou dolosive commise par le débiteur (2). Toutefois les divergences de définitions autour de ces notions ont contribué à obscurcir le régime actuel et à complexifier son application.

1) Une recherche délicate de la cause

167. Evolution jurisprudentielle. Dans le première arrêt Chronopost de 1996, la Cour de

cassation se fondait sur l’article 1131 du Code civil pour réputer non écrites toutes les clauses de responsabilité qui avaient pour effet de « contredire la portée de l'engagement pris par le

débiteur de l'obligation429 ». L’objet de l'obligation visée n'avait alors aucune incidence sur le

sort de la clause. Par cette jurisprudence devaient donc être réputées non écrites les clauses de responsabilité fixant un plafond dérisoire de réparation en cas de manquement à une

429 Cass. com. 22 octobre 1996 n°93-18632, D. 1997 p.121 note A. Sériaux ; RTD civ. 1997 p.418 obs. J.Mestre ; Contrats-conc. consom. 1997 comm. n°24 obs. L. Leveneur ; Gaz. Pal. 1997, II, jurisp. p.519 note R. Martin ; JCP G 1997, II, 22881 note D. Cohen, JCP G 1997, I, 4002, n°1 obs. M. Fabre-Magnan et JCP G 1997, I, 4025

148

obligation contractuelle. Le montant de réparation fixé par la clause était alors l’indice principalement retenu pour caractériser la « contradiction à la portée de l’engagement ». Ainsi, confronté à un plafond minime de réparation, le juge considérait que cette réduction excessive de la sanction de l’inexécution permettait au débiteur de se soustraire de son engagement de façon arbitraire et en toute impunité.

Quelques années plus tard, une chambre mixte commença à orienter plus fortement son argumentation sur la notion d’obligation essentielle. Ainsi, elle décidait dans son arrêt du 22 avril 2005 qu’ « une clause limitant le montant de la réparation est réputée non écrite en cas

de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat » mais continuait de

préciser que « la clause limitant la responsabilité […] contredisait la portée de

l’engagement430 ». Puis la Cour de cassation adopta, toujours sur le terrain de la cause, une

position plus radicale et annula, à partir de 2006, les clauses de responsabilité dès lors qu'elles portaient sur une obligation essentielle431. Cette position fut plus clairement affirmée dans les

célèbres arrêts Faurecia I et Extand qui réputaient la clause non écrite alors même qu’elle ne contredisait pas la portée de l’engagement pris, et indépendamment de son effet, sur l’économie du contrat.

Les effets de la clause sur l’engagement souscrit par le débiteur étaient donc relayés au seul objet de l’obligation concernée. L'intérêt majeur des clauses de responsabilité résidant dans l'aménagement de la prestation principale du débiteur, cette jurisprudence eut des effets antiéconomiques importants. Une telle solution laissait entendre que les contractants ne pouvaient limiter ou supprimer leur responsabilité pour inexécution des seules obligations accessoires, limitant dès lors le rôle des clauses de responsabilité à une véritable peau de chagrin. Or, l’objet de l’obligation inexécutée ne devrait pas avoir d’influence sur la lourdeur

430 Cass. ch. mixte 22 avril 2005 n°02-18.326 et n°03-14112, JCP G 25 mai 2005. II. n°21, 10066, obs. G.

Loiseau ; D. 7 juillet 2005, n°27 p.1864, note J.-P. Tosi, p.2748 obs. H. Kenfack, et p.2836 obs. S. Amrani- Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD com. 2005. 828, obs. B. Bouloc ; RTD civ. 2005, p.604 obs. P. Jourdain, et p.779 obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC 2005 p.673 obs. D. Mazeaud et p.753 obs. Ph. Delebecque ; Contrats-

conc. consom. 2005 comm. n°150 obs. L. Leveneur.

431 Cass. com. 30 mai 2006 n°04-14.974, D. 28 septembre 2006, n°33 p.2288 note D. Mazeaud ; RDC octobre

2006, n°4 p.1075 obs. Y-M. Laithier, p.1159 obs. Ph. Delebecque et p.1224 obs. S. Carval ; Cass. com. 13 février 2007 n°05-17407 arrêt Faurecia I, RDC janvier 2007, n°1 p.707 obs. D. Mazeaud et p.746 obs. S. Carval ;

JCP G 11 avril 2007, II, 10063 note Y-M. Sérinet ; RTD civ. juillet 2007, n°3 p.567 obs. B. Fages ; Defrénois 30

juillet 2007, n°13-14 p.1042 obs. R. Libchabert ; JCP G 12 septembre 2007, I, 185 obs. Ph. Stoffel-Munck ; V° également Cass. com. 5 juin 2007 n°06-14.832 arrêt Extand, D. 2007 p.2975 obs. B. Fauvarque-Cosson ; JCP G 5 septembre 2007, II, n°36, 10145 note D. Houtcieff ; Dr. & Pat. septembre 2007, n°162 p.95 obs. Ph. Stoffel- Munck ; JCP E 11 octobre 2007, n°41, 2234 note Ch. Paulin ; RDC octobre 2007, n°4 p.1121 obs. D. Mazeaud et p.1144 obs. S. Carval ; V° également, G. Loiseau, Le crépuscule des clauses limitatives de réparation, RLDC mai 2007, n°38, p.6.

149 de la faute commise. En effet, de nombreux auteurs se sont interrogés sur le fait de savoir si une limitation de réparation consécutive au manquement à une obligation essentielle devait nécessairement priver de cause l’obligation souscrite en contrepartie par le cocontractant. La réponse s’est avérée négative au regard des hypothèses envisagées par la clause, du plafond d’indemnisation retenu mais surtout des autres éléments du contrat révélateurs de son économie générale. Une interrogation subsidiaire aurait pu être soulevée relativement au moment d’appréciation de la cause. Pourquoi dès lors apprécier l’existence de la cause dès la formation du contrat, alors que la clause a vocation à produire ses effets seulement lors de l’inexécution de l’obligation concernée ? Un plus large développement sera ultérieurement consacré à l’opportunité de déplacer le contrôle de la cause vers l’inexécution de l’obligation contractuelle.

168. Position actuelle de la jurisprudence. Dès la fin de l’année 2007, la Cour fit preuve

d’un certain fléchissement et réintroduisit une plus forte dose de cohérence contractuelle dans son raisonnement. Elle effectua un retour à la jurisprudence initiée par l’arrêt Chronopost et valida les clauses de responsabilité à la double condition qu'elles « n'aient pas pour effet de

vider de toute substance l'obligation essentielle » du débiteur, « caractérisant ainsi l'absence de contrariétés entre ladite clause et la portée de l'engagement souscrit432 ». En décidant dans

l’arrêt Faurecia II du 29 juin 2010 que « seule est réputée non écrite la clause limitative de

réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur433 », la

Cour de cassation s'inscrit dans cette continuité. Par cette décision, déjà retenue dans des arrêts inédits434 en 2008 et 2009, la jurisprudence redonne leur pleine efficacité aux clauses de responsabilité et restaure leur fonction d'instrument de gestion des risques d'inexécution. A

432 Cass. com. 18 décembre 2007 n°04-16069, D. 17 janvier 2008, n°1 p.154, obs. X. Delpech, et p.1776, chron.

D. Mazeaud ; JCP G 12 mars 2008. I. 125, obs. P. Stoffel-Munck ; RTD civ. avril 2008, n°2 p.310, obs. P. Jourdain ; RDC juillet 2008, n°3 p.262 obs. T. Genicon, et p.287, obs. G. Viney.

433 Cass. com. 29 juin 2010 n°09-11841, D. 29 juillet 2010, n°28 p.1832 note D. Mazeaud ; Gaz. Pal. 4 août

2010, n°216-217 p.22 obs. D. Houtcieff ; JCP E 16 septembre 2010, n°37 note Ph. Stoffel-Munck ; Contrats-

conc. consom. octobre 2010, n°10 p.28 note L. Leveneur ; RDC octobre 2010, n°4 p.1220 note Y-M. Laithier ; RLDC novembre 2010, n°76 p.16 note S. Pimont ; RDC avril 2013, n°2 p.671 note B. Fauvarque-Cosson ; Cass.

com. 3 décembre 2013 n°12-26412, Gaz. Pal. 12 mars 2014, n°71-72 p.18 obs. R. Carayol ; RDC juillet 2014, n°2 p.176 note Th. Génicon.

434 Cass. com. 4 mars 2008 no07-11790 : cassation d'une décision ayant appliqué une clause de responsabilité

«sans expliquer en quoi la clause litigieuse comportant une limite financière n'avait pas pour conséquence tant par son objet que par son effet de contredire la portée de cette obligation de réparer et de réviser » ; D. 17 janvier 2008, n°2 p.844, obs. X. Delpech ; RTD civ. avril 2008, n°2 p.490, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2008, p.845, obs. B. Bouloc ; Dr. & Pat., février 2009, obs. P. Stoffel-Munck – Cass. com. 9 juin 2009 no08-10350, RDC octobre

2009, n°4 p.1359, obs. D. Mazeaud : « le débiteur d'une obligation essentielle [...] ne pouvait s'en exonérer par une clause élusive de responsabilité [...] contredisant la portée de son engagement ».

150

travers une position plus adaptée et nuancée, la Cour de cassation neutralise ainsi les dérives résultant d'un régime exclusivement basé sur l'obligation essentielle et renforce l'expression de la liberté contractuelle.

Le juge se fonde davantage sur l'effet de la clause et la portée de l'engagement contractuel du débiteur, que sur l'objet de l'obligation dont la clause aménage la sanction de l'inexécution. Les réflexions de la Cour, dorénavant basées sur l'effet de la clause, peuvent dès lors permettre de pousser le raisonnement jusqu'à un contrôle total de la validité de ces clauses lors de la mise en œuvre de leurs effets, c’est-à-dire lors de l'exécution du contrat.

169. La recherche de la cause. C'est donc au visa de l'article en 1131 du Code civil,

parfois implicitement reconnu435, que la Cour de cassation rend ses décisions. Ce n'est pas le

manquement du débiteur à son obligation, fût-elle essentielle, qui entraîne la nullité de la clause mais bien la notion de cause. C'est alors à un contrôle de la notion de cause et donc de la formation du contrat que la Cour procède. La théorie de la cause permet ainsi aux juges de neutraliser le plafond contractuel d'indemnisation.

Afin que « la clause limitative de réparation ne contredise pas la portée de l'obligation

essentielle souscrite par le débiteur » ou « qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de sa substance », le juge s'appuie sur la théorie de la cause et l'applique directement à la clause

elle-même. Les critères retenus par la jurisprudence, afin de déterminer si la clause vide l'obligation essentielle de toute substance, visent principalement à vérifier si le montant de l'indemnisation a bien été négocié, si les prix convenus reflètent la répartition du risque, si la limitation de responsabilité qui en résulte n'est pas dérisoire, et enfin si le contrat prévoit des contreparties à cette limitation. Pour être valable, la clause limitative de responsabilité doit être causée. Une contrepartie de la clause doit exister au sein du contrat. C'est donc à juste titre que la jurisprudence procède à cette recherche à travers l'économie générale du contrat. Cette dernière permet alors aux juges de porter une appréciation globale et d'apprécier la compatibilité de ces clauses au regard de la finalité envisagée par les parties. La jurisprudence recherche d’abord la cause de la clause litigieuse prise isolément, puis en contemplation de son environnement contractuel.

435 Dans l’arrêt Faurecia III du 29 juin 2010, la Cour ne fait plus référence à l'article 1131 mais reprend la

condition imposée par l’arrêt Chronopost de 1996 sur le fondement de la cause en précisant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle ». De plus, elle ajoute, que « la clause ne doit pas vider de toute substance l'obligation essentielle » c'est-à-dire ne pas heurter la cohérence du contrat.

151

170. Appréciation de la cause. Certes, la prise en compte de l’économie générale du

contrat dans le contrôle de la validité d’une telle clause s’opère classiquement dès la formation du contrat. Or, si cela revient à rechercher la cause de la clause à travers cette dernière, nous démontrerons que la clause ne contient pas de cause propre. C’est en réalité l’obligation accompagnée de la clause de responsabilité qu’il est nécessaire d’analyser sur le fondement de l’article 1131 du Code civil. La prise en compte de l'environnement contractuel dans ce contrôle devrait inciter les juges à rechercher la cause de cet ensemble à l’aune de l’économie générale du contrat. Or juridiquement, l’existence de la clause, qu’elle soit seulement limitative ou exclusive de responsabilité, ne prive pas de cause l’obligation qu’elle accompagne ni même l’obligation pesant sur son cocontractant. En effet, au stade de la formation du contrat, elle ne produit aucun effet. Seule l’inexécution de l’obligation visée, et plus particulièrement l’appréciation de la faute commise par le débiteur, peut semble-t-il augurer de sa validité et donc de sa mise en œuvre.

Axer davantage le sort de ces clauses sur le comportement du débiteur et l'inexécution consciente du contrat devrait permettre de neutraliser la clause de responsabilité, qu’elle porte sur une obligation essentielle ou accessoire436.

2) L’évolution notionnelle de la faute lourde

171. Une vision désuète. La clause ayant passé le test précédent, sa survie au sein du

contrat n'est pas assurée pour autant. La jurisprudence vérifie au stade de l'exécution du contrat si la défaillance du débiteur est constitutive d'une faute lourde permettant de réputer non écrite la clause limitative litigieuse. Dès les années 1980, la Cour de cassation s'est fondée sur le caractère essentiel ou fondamental de l'obligation inexécutée pour définir la faute lourde et écarter l'application des clauses limitatives de responsabilité sur le fondement de l'article 1150 du Code civil. La Cour considérait qu’ « en raison du caractère essentiel de

l’obligation inexécutée et de la gravité des conséquences possibles du manquement constaté, celui-ci s’analysait en une faute lourde faisant obstacle à l’application de la clause exonératoire de responsabilité437 ». Elle a donc généralisé l’appréciation de la faute lourde à

436 Cass. com. 4 mars 2008 n°07-11790, D. 17 janvier 2008, n°2 AJ. p.844 obs. X. Delpech ; RDC 2008 p.750

obs. S. Carval.

437 Cass. civ. 1ère 18 janvier 1984, JCP G 1984, II, 20372 note J. Mouly ; Cass. civ. 1ère 15 novembre 1988 D.

1989 p.349 note Ph. Delebecque ; Cass. civ. 2ème 9 mai 1990 n°89-10172, RTD civ. 1990, 666 obs. P. Jourdain ;

152

tout manquement à une obligation essentielle, à l’exception des contrats types pour lesquels seule la faute lourde peut priver d’effet la clause de responsabilité légalement insérée.

Cette conception avait pour effet d'anéantir toute limitation de responsabilité ayant pour objet une obligation essentielle quel que fut son montant. On retrouvait à nouveau, dans cette seconde forme de contrôle, un obstacle aux effets économiques438 de la clause et par

ricochet un frein à la pérennisation de son appréhension juridique. La liberté contractuelle se trouvait donc bafouée par une recherche excessive de sécurité juridique trop rigide et abstraite. La référence à l’obligation essentielle revenait à autoriser d’office le juge à s’immiscer dans la relation contractuelle alors que la clause était négociée par des professionnels et accompagnée de contreparties diverses ou du moins d’un prix reflétant cette répartition du risque.

172. Une vision subjective. Si la règle ne semble pas souffrir d'ambiguïté, elle fût

néanmoins à l’origine de nombreuses controverses doctrinales principalement axées sur la notion même de faute lourde. Deux grandes conceptions de la faute lourde se sont affrontées en jurisprudence. D'une part, la conception subjective suivant laquelle la faute lourde439 est

celle d'une exceptionnelle gravité, et d'autre part, une conception objective pour laquelle la faute lourde est déduite de la seule méconnaissance d'une obligation essentielle. C’est finalement la première conception qui fût consacrée dès le début du XXIème siècle. Sous l’impulsion d’imminents spécialistes, dont M. Ch. Larroumet440, la Cour de cassation

consacra cette vision subjective de la faute lourde.

Réunie en chambre mixte le 22 avril 2005, la Cour définit la faute lourde comme « une

négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de

Cass. civ. 1ère 30 nov. 2004 n°01-13110, RLDC février 2005, n°13 p.21 obs. L. Dogniaux ; Dr. & Pat. mai 2005,

n°138 p.98 note P. Chauvel.

438 D. Mazeaud, Clauses limitatives de réparation – les quatre saisons, D. 3 juillet 2008, n°26 p.1776.

439 M. Finck, Dol et faute lourde en matière de responsabilité contractuelle, Thèse Grenoble 1961 ; A. Mangin, Portée et réalité de la distinction entre la faute lourde et la faute inexcusable, Thèse Paris I 1991 ; M-Ch.

Meizeaud-Garaud, La conception objective de la faute lourde n’a pas disparu, LPA 26 octobre 2006, n°214 p.18 ; D. Bakouche, L’efficacité des clauses initiatives de responsabilité à l’épreuve de la faute dolosive et de la faute lourde, Lexbase Hebdo 17 avril 2008 n°301 ; S. Carval, La faute lourde permettant d’écarter les plafonds légaux et contractuels : persistance de la définition étroite, RDC juillet 2009, n°2009/3 p.1044 ; R. Siri, Nouvel éclairage sur le manquement à une obligation essentielle et la faute lourde, LPA 13 septembre 2010, n°182 p.6.

440 Ch. Larroumet, Droit civil, Les obligations, Le contrat, Economica 2003 spéc. n°625, « [...] Une imprudence

ou une négligence dans l'exécution d'une obligation, quel que soit le caractère essentiel de cette obligation, n'est pas nécessairement une faute lourde. Le critère de la faute lourde ne se trouve pas dans l'importance de l'obligation inexécutée, mais dans le comportement du débiteur ».

153

l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle441 ». Si ces arrêts visent des

clauses limitatives contenues dans des contrats type messageries, leur nature réglementaire ne devait aucunement influencer l’analyse. Il n’existe pas de dédoublement possible de la notion de faute lourde442. La conception subjective adoptée dans les contrats types doit être étendue aux clauses contractuelles de responsabilité. La chambre commerciale a donc suivi cette voie et considéra dans le célèbre arrêt Faurecia II que « la faute lourde ne peut résulter du seul

manquement à une obligation contractuelle, fut-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur443 ».

173. Une vision consacrée. Si la Cour de cassation ne s’est véritablement détachée de la

référence à l’obligation essentielle dans le contrôle de la cause qu’à partir de 2007, parallèlement elle abandonna la vision objective de la faute lourde dès 2005. Dans les années suivantes, quelques arrêts ont bien fait preuve de résistance mais la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est progressivement ralliée à la conception subjective. Par cette évolution jurisprudentielle, la Cour a sans nul doute cherché à bâtir un régime unique des clauses de responsabilité, portant tant sur une obligation essentielle qu’accessoire. L’arrêt

Faurecia II du 29 juin 2010444 renforce ce courant jurisprudentiel et rappelle la position

adoptée aux termes de l’arrêt du 13 juin 2006445. Ainsi, les fautes lourdes ou dolosives sont

désormais de nature à écarter une clause limitative de responsabilité quel que soit l’objet de l’obligation concernée. Conformément aux arrêts rendus en chambre mixte le 22 avril 2005, la jurisprudence est passée d’une appréciation totalement objective de la faute lourde à un contrôle mesurant le degré d’implication du débiteur dans l’inexécution et plus simplement la gravité de son comportement. L’établissement d’un régime unifié de ces clauses tend plus restrictivement vers un contrôle du comportement du débiteur dont la gravité, initiatrice de la faute lourde, ne sera pas uniquement retenue. Elément central de l’appréciation de la faute quelle qu’elle soit, le comportement du débiteur doit être analysé avec minutie.

441 Cass. ch. mixte 22 avril 2005 n°02-18.326 et n°03-14112, arrêt préc.

442 G. Viney, Validité et efficacité des clauses limitant la réparation dans les rapports entre contractants

professionnels, RDC avril 2008, n°2 p.294 et s.

443 Cass. com. 13 février 2007 arrêt préc. ; Cass. com. 21 févr. 2006, n°04-20139, RTD civ. avril 2006, n°2 p.322

note P. Jourdain ; RLDC avril 2006, n°26 p.11 obs. S. Doireau ; D. 27 juillet 2006, n°28 p.1929 obs. Ph. Brun et P. Jourdain ; RTD com. octobre 2006, n°4 p.909 note B. Bouloc ; Cass. com. 13 juin 2006 n°05-12619, RLDC aout 2006, n°29 p.24 obs. C. Kleitz ; Dr. & Pat. octobre 2006, n°152 p.98 note L. Aynes et Ph. Stoffel-Munck ;

RDC octobre 2006, n°2006/4 p.1159 obs. Ph. Delebecque ; D. 11 janvier 2007, n°2 p.111 obs. H. Kenfack ; JCP E 17 mai 2007, n°23 note A. Cathiard ; Cass. com. 29 juin 2010 n°09-11841 arrêt préc.

444 Cass. com. 29 juin 2010 n°09-11841arrêt préc. 445 Ex : Cass. com. 13 juin 2006 n°05-12619 arrêt préc.

154

La notion de faute lourde est donc désormais recentrée sur la gravité du comportement imputable au débiteur. Cette vision plus adaptée à la réalité des affaires reste respectueuse de la justice contractuelle. L'incapacité du débiteur dans l'accomplissement de sa mission contractuelle ne saurait devenir une source de profit à travers la clause modérant la sanction d'une telle faute.

§2 : Une harmonisation nécessaire

174. A la différence des clauses d’aménagement des obligations vues dans le chapitre

précédent, les clauses relatives à la responsabilité ne sont pas mises en œuvre dès la formation du contrat mais seulement si l’inexécution d’une obligation est avérée.

La recherche de la cause lors de l’exécution du contrat, et plus spécialement lors de la survenance de l’inexécution, n'a alors pas pour effet de restreindre l'intérêt économique de ces clauses lors de la négociation du contrat. Bien au contraire, laissant une totale liberté aux contractants lors de la négociation du contrat, elle les invite à davantage de prudence dans l’exécution de l'obligation visée. Le débiteur est alors dans l'obligation de répondre de ses actes et de ses éventuelles erreurs tant au cours des négociations que de l’exécution du contrat (B). Le régime des clauses de répartition des risques peut ainsi gagner non pas à supprimer le

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 165-172)