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Autres arguments favorables à une généralisation de la contrepartie financière.

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 109-112)

Section II : Les clauses d’aménagement contractuel

B) Le prolongement du lien contractuel après l’extinction du contrat

99. Autres arguments favorables à une généralisation de la contrepartie financière.

La consécration de la liberté du commerce et de l’industrie, et plus généralement de la liberté d’exercer une activité professionnelle milite en ce sens295. La clause de non-concurrence a

pour fonction de prévenir le comportement de son débiteur en lui imposant de ne pas entrer en compétition avec son ancien partenaire après l’extinction du contrat. Or, la fonction de la clause de non-concurrence reste identique quelle que soit la nature du contrat qui la contient. Par extension, toutes les clauses étudiées ici, remplissent une fonction identique à la clause de non-concurrence et portent également atteinte à la liberté du débiteur. L’atteinte portée à une liberté du contractant peut donc justifier l’originalité du régime applicable. Dès lors, pourquoi

291 A Supiot, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc. février 2000, n°2 p.131 et s. ; Ch. Jamin, Clause

de non-concurrence et contrat de franchise, D. 27 novembre 2003, n°42 p.2578.

292 G. Virassimy, Les contrats de dépendance, LGDJ 1986, spéc. n°109 ; Ph. le Tourneau, Les contrats de franchisage, op. cit. n°5.

293 Voir sur ce point le manuel de Cours élémentaire de droit civil français de A. Colin et H. Capitant, Dalloz

3ème éd. 1921 p.14.

294 A. Supiot, art. préc. : cet auteur dénonce la création de nouvelles féodalités qui utilisent délibérement des

statuts juridiques non salariés afin d’éviter les contraintes du droit du travail, tout en imposant en réalité une dépendance éonomique.

295 Art. 7 du décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d’aides, de toutes les

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ne pas généraliser le régime juridique applicable à l’ensemble de ces clauses, y compris quant à l’exigence d’une contrepartie financière296.

En effet, la clause de confidentialité porte atteinte, dans une moindre mesure, à la liberté d’exercice de son débiteur. Moins restrictive que la clause de non-concurrence, la clause de non-rétablissement ou de non-réaffiliation limite le champ d’action post- contractuelle de son débiteur et donc sa liberté d’exercer son activité professionnelle. La clause de non-sollicitation entrave quant à elle indirectement la liberté du travail du salarié. En effet, rien n'empêche ce dernier de se faire embaucher par un concurrent à l'exception des clients de son employeur liés par une clause de non-sollicitation. Cependant, l’atteinte à la liberté du débiteur n’est pas moins consommée du fait qu’il ne participe pas à ce montage juridique où son accord n’est pas nécessaire. La position de la jurisprudence n’est sur ce point pas arrêtée. Certains arrêts en ont conclu que la clause de non-sollicitation n'était pas soumise à une contrepartie financière à la différence de la clause de non-concurrence297, alors que

d’autres ont semblé l’exiger298.

Une solution générale peut alors être trouvée dans la mesure où les clauses relatives au comportement post-contractuel des contractants ont toutes des effets directs sur la liberté du contractant visé. Si leur validité ne fait pas de doute, elles doivent néanmoins prendre en compte la liberté d’expression, du travail, du commerce et de l’industrie, ou encore la vie privée du contractant. Toutes ces clauses limitent directement ou indirectement la liberté du travail de son débiteur et devraient à ce titre bénéficier d’une contrepartie financière par analogie aux clauses de non-concurrence en droit du travail.

100. Légitimation de la contrepartie financière. En n’imposant pas le versement d’une

contrepartie financière à ces clauses dans différentes matières, la jurisprudence souhaite,

296 L’ampleur de l’atteinte portée à la liberté du salarié quant à sa durée, son étendue géographique ou encore les

fonctions qu’il exerce, contribue tout autant à l’évaluation de son montant. En droit du travail, la base de calcul de la contrepartie financière est le plus souvent réalisée sur la moyenne des salaires des 12 ou 3 derniers mois. Son montant varie entre un quart et deux tiers du salaire. La somme le plus fréquemment octroyée est la moitié de la rémunération mensuelle brute.

297 Cass. com. 11 juillet 2006 n°04-20438, Contrats-conc. consom. novembre 2006, n°11 comm. 232 obs. M.

Malaurie-Vignal, RTD civ. 2007 p.111 obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. com. 13 juin 2007 n°06-41753 ;

Contrats-conc. consom. octobre 2006, n°10 p.26 note M. Malaurie-Vignal ; CA lyon 12 juillet 2005 n°04/00669, JCP E 2006, 1609, obs. Ph. Stoffel-Munck, JCP E 2006, 1895, n°8 obs. M. Vivant et alii.

298 Cass. com. 10 mai 2006 n°04-10149 Contrat-conc. consom. septembre 2006, n°8 comm.164 note M.

Malaurie-Vignal ; JCP E 7 septembre 2006, n°36, 2298 note R. Vatinet ; RTD civ. janvier 2007, n°1 p.111 obs. J. Mestres et B. Fages.

93 semble-t-il, restreindre leur expansion. En effet, le critère de proportionnalité ayant été largement admis comme condition commune de validité des clauses de non-concurrence, son respect est moins facilement assuré en l’absence de contrepartie financière. Intervenant indirectement dans l’appréciation du critère de proportionnalité, l’absence de contrepartie entraîne inévitablement une diminution quantitative de la licéité des clauses de non- concurrence et favorise le principe de libre concurrence au sein du marché. Dès lors, le moindre déséquilibre entre les intérêts des parties en présence entraîne la nullité de la clause. Il s’agit donc d’une solution à deux vitesses car les débiteurs d’une telle clause sont moins nombreux mais ils sont alors placés dans une situation défavorable puisque privés de toute contrepartie. Il semblerait donc que l’insertion systématique d’une contrepartie financière ne produise pas plus d’effets néfastes sur la concurrence. Les créanciers de non-concurrence hésiteront alors à insérer une telle clause dans le contrat du fait de son coût financier, ce qui entraînera également une diminution quantitative de ces clauses et un renforcement qualitatif de celles reconnues licites. Si pour des raisons de politique législative une contrepartie financière est exigée en droit du travail, il n’est pas légitime, qu’à défaut ces clauses puissent devenir de véritables clauses de style dans les autres matières. Répondant à un régime juridique unique, les clauses de non-concurrence permettront d’harmoniser et d’équilibrer les atteintes subies par les différents acteurs économiques.

Certains de nos voisins européens l’ont déjà compris et intègrent dans leurs législations, le versement d’une contrepartie financière comme condition de validité de la clause de non- concurrence. Au regard des enjeux sociaux et économiques, il est à regretter que les pouvoirs publics ne soient pas encore intervenus.

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