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Les clauses de garanties indirectes

Dans le document Essai sur les clauses contractuelles (Page 126-139)

Section I : Les clauses de prévention des risques

B) Les clauses de garanties indirectes

116. Plus couramment dénommées clauses de « sûretés négatives322 », ces clauses dont la

fonction est de permettre au débiteur d’intervenir sur le patrimoine de son débiteur, ne peuvent pas être qualifiées de sûretés prises dans leur définition traditionnelle323. Elles ne permettent pas au créancier de garantir sa créance sur un patrimoine tiers, ou d’échapper au concours des autres créanciers. Les clauses de sûretés négatives préservent ou renforcent la position du créancier sur le droit de gage général du débiteur plus qu’elles ne lui donnent une préférence. Elles seront ici traitées sous l’angle de la prévention car leur mise en œuvre s’effectue, contrairement aux clauses de responsabilité, avant la survenance du risque. Essentiellement issues du droit bancaire, elles sont particulièrement présentes dans les contrats internationaux de crédit324. Cependant, rien n’interdit un créancier d’avoir recours à

cet instrument de gestion conventionnelle des risques internes pour s’assurer de la stabilité patrimoniale de son débiteur. Ce dernier peut, dès lors, se garantir contre la diminution en valeur ou en nature des éléments d’actifs dont dispose son débiteur et, corrélativement, de l’accroissement du passif. Bien que leurs objets et leurs effets diffèrent quelque peu, elles présentent ainsi la même fonction de sécurisation et de moralisation du droit des affaires que les clauses de garantie de passif325. Toutefois, à la différence des sûretés traditionnelles, les

clauses de sûretés négatives présentent certains avantages quant à leur souplesse d’application, leur discrétion et leur faible coût. Cela s’avère révélateur d’un régime juridique aux contours incertains qu’il est important de préciser. Pour ce faire, deux catégories doivent être distinguées à travers la diversité326 de ces clauses. En effet, si certaines clauses interdisent

322 Différentes appellations sont données à ces clauses par les auteurs : « garanties indirectes », « garanties

négatives », « garanties fourre-tout », « suretés économiques », « suretés spécifiques » ou encore de « pseudo- suretés ».

13 J. Devèze, A. Couret, G. Hirigoyen : Lamy droit du financement 2009, n°4769 et s. 324 D. Legeais, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ 2013, n°23.

325 A. Charvériat, Clause de garantie de passif, Option Finance 15 octobre 2007, n°951 p.40 ; H. Lécuyer, La

garantie de révision de prix, Dr. & Pat novembre 2008, n°175 p.70 ; V. Maugeri, Clause de garantie de passif et obligation d’information préalable, RLDC octobre 2010, n°64 p.15 ; Fr. Chénedé, Les conditions d’exercice des prérogatives contractuelles, RDC avril 2011, n°2 p.709 ; Cass. com. 4 décembre 2007 n°06-19996, RTD civ. janvier 2008, n°1 p.155 note R. Perrot ; Cass. com. 9 juin 2009 n°08-17843, Dr . soc. octobre 2009, n°10 p.15 obs. R. Mortier ; Cass. com. 12 juillet 2011 n°10-16118, RDC octobre 2012, n°4 p.1275 note A-S. Barthez ; Cass. com. 9 octobre 2012 n°11-21258, JCP E 3 janvier 2013, n°1 note J-B. Seube.

326 La renonciation par le créancier de certains de ses droits sur le débiteur, qu’il s’agisse d’une subordination de

créance, fréquemment utilisée dans les crédits participatifs, les financements mezzanine ou d’une exclusion de saisie sélective seront écartés au profit des seules clauses imposant une renonciation au débiteur. Plus généralement recherchées par les créanciers, ces clauses renforcent indirectement leurs droits sur le patrimoine du débiteur. Y. Chaput, Les clauses de garantie, in Les principales clauses des contrats conclus entre

109 au débiteur de disposer librement d’un droit sans l’accord de son créancier (1), d’autres ne mettent à sa charge qu’un devoir de renseignement (2).

1) Les clauses de sûretés négatives

117. Elles ne se limitent pas à la seule interdiction faite au débiteur de constituer des sûretés

en faveur d’un tiers. Le champ d’application des clauses de sûretés négatives s’avère plus étendu. Dans son acception large, les clauses de sûretés négatives interdisent au débiteur, généralement l’emprunteur ou la caution, de disposer de certains droits réels ou de contracter des engagements personnels sans l’accord du créancier ou, tout le moins, sans l’en informer au préalable. Si toute négation des droits concurrents fait naître une garantie pour le créancier, il est possible d’établir des sous-catégories au regard de leur objet et de leurs effets sur la liberté patrimoniale du débiteur. Ainsi, les clauses imposant au débiteur une renonciation de certains de ses droits réels portent atteinte à ses libertés patrimoniales, à l’image des clauses d’inaliénabilité ou de l’interdiction de constituer une hypothèque (a). Dans une moindre mesure, les clauses imposant une renonciation des droits personnels ont une influence moins importante sur la liberté du débiteur et doivent dès lors être appréhendées avec plus de souplesse (b).

a) Renonciation du débiteur à un droit réel

118. Recherche d’un régime juridique. Les clauses de sûretés négatives, dont l’objet est

d’interdire au débiteur de faire sortir de son patrimoine un bien déterminé en lui interdisant d’accomplir certains actes de disposition ou d’administration, se doivent de répondre à un régime juridique adapté. L’atteinte générée par ces clauses peut porter sur une large diversité de droits réels du débiteur. En pratique, leur manifestation la plus attentatoire à la liberté du débiteur résulte de l’insertion de clauses d’inaliénabilité. Répondant à une même fonction et produisant des effets similaires, elles constituent alors un terrain propice à l’élaboration d’un

La subordination des créances, Mélanges J. Derrupé, Litec 1991 p.227 ; B. Mercadal, Droit commercial :

mémento Lefebvre 2014 n°58221 ; Clause de renonciation : Ph. Billot et J-N. Pontier, Brèves réflexions sur certaines clauses de renonciation, RD banc. et fin. septembre 2001, n°5 p.331 ; Ph. Simler et Ph Delebecque, Droit des sûretés, JCP G 2 avril 2003, n°14 ; C. Delobel, Clause de renonciation anticipée et obligation essentielle, JCP G 21 novembre 2011, n°47 ; D. Martel, Haro sur les clauses de renonciation à l’immunité d’exécution, D. 11 juillet 2013, n°25 p.1728 ; Clause d’insaisissabilité : Cass. com. 13 mars 2012 n°11-15438,

Gaz. Pal. 25 mai 2012, n°146 p.27 note J. Théron ; Ph. Delebecque (Ph.), La constitution d’une sûreté sur un

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régime juridique propre aux clauses de sûretés négatives. Les clauses d’inaliénabilité, tout comme la renonciation du débiteur à exercer l’un de ses droits, généralement de constituer une hypothèque, ont pour fonction d’empêcher la dilapidation de son patrimoine par une forte limitation de la liberté patrimoniale du débiteur.

La clause d’inaliénabilité est généralement présentée comme une stipulation contractuelle ayant pour effet d’empêcher le propriétaire d’un bien d’en transférer librement, à titre gratuit ou onéreux, la propriété et plus largement de faire sur ce bien, objet de la clause, un quelconque acte de disposition. La clause d’inaliénabilité se présente donc comme la manifestation la plus significative mais aussi la plus générale de ce type de sûretés négatives327. En effet, face au manque d’efficacité de certaines sûretés, principalement en cas

de procédure collective, les créanciers sont souvent tentés de recourir à l’inaliénabilité pour sauvegarder leurs droits.

119. Clause de référence. Alors que l’ancien droit considérait l’inaliénabilité

conventionnelle antiéconomique, car contraire à l’intérêt général et à la libre circulation des richesses, le législateur de 1804 a prévu une application du dispositif législatif aux seules libéralités. La jurisprudence a alors progressivement étendu sa validité aux actes à titre onéreux328 dès lors qu’elle répond à la double condition de durée et d’intérêts sérieux et

légitimes.

Principalement insérée dans les contrats de concession exclusive, de distribution sélective, de prêt et plus rarement dans les contrats de vente, elle intervient dans le même champ d’application que les clauses de sûretés négatives. Quoique la doctrine et la jurisprudence aient raisonné à propos des seuls immeubles, l’argumentation reste la même pour les meubles. L’inaliénabilité peut également viser des créances ou des biens futurs. A l’image des clauses de sûretés négatives imposant une renonciation, les clauses d’inaliénabilité ne dépendent pas directement de la nature de l’engagement principal qu’elles accompagnent.

327 Le non-transfert de propriété doit être pris en compte dans l’application des clauses d’inaliénabilité. En effet,

les clauses instituant un transfert de la propriété en faveur du créancier ou entraînant un transfert de la possession sans transfert immédiat de la propriété telles que la clause de réserve de propriété ont des conséquences plus dures que la clause d’inaliénabilité.

328 Cass. civ. 1ère 16 février 1953, S. 1953 p. 282 ; Cass. civ. 1ère 20 avril 1858, S. 1858 I p. 154 ; Ph. Simler, D.

1971 Législ. 417 ; Cass. civ. 1ère 31 octobre 2007 n°05-14238, RLD com. 2008 n°2824, RLDC 2008 p. 57 obs. V.

Perruchot-Triboulet ; RDC avril 2008, n°2 p. 249 obs. Y-M. Laithier ; D. 3 avril 2008, n°14 p. 963 note A. L. Thomas-Raynaud ; Defrénois 2008, 1064 note R. Mortier.

111 De plus, tout comme ces dernières, la clause d’inaliénabilité renferme une obligation de ne pas faire, nécessairement accessoire d’une opération qui la dépasse dans ses finalités. Ce caractère trop souvent oublié constitue un rempart indispensable à l’organisation par le débiteur de sa propre insolvabilité. Le propriétaire ne peut, de par sa seule volonté, frapper d’inaliénabilité ses propres biens et ainsi réduire ou anéantir le droit de gage général des créanciers329. Cependant, l’importance accordée à ce caractère accessoire ne doit pas occulter les conditions imposées pour qu’une clause d’inaliénabilité soit conforme à l’ordre public330.

120. Un régime juridique adapté. Au regard des similitudes constatées, quant à leur

fonction et leurs effets, la double condition de validité imposée par la jurisprudence à la clause d’inaliénabilité pourrait alors être généralisée à l’ensemble des clauses de sûretés négatives, ayant pour effet d’interdire au débiteur de disposer librement de certains de ses biens par l’effet d’une renonciation. Le respect de ces conditions permettrait d’outrepasser l’hostilité des articles 537 et 544 du Code civil et d’éviter l’annulation de telles clauses pour non-respect de l’ordre public économique. Toutefois, une adaptation de ces conditions de validité à la vie des affaires doit être réalisée.

121. Des conditions communes de validité. Face à l’imagination des praticiens, il n’existe

pas d’appréciation jurisprudentielle standardisée permettant de caractériser l’intérêt sérieux et

329 Certes, le législateur permet depuis la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, aux entrepreneurs

individuels de faire une déclaration notariée d’insaisissabilité de leur résidence principale par dérogation au droit de gage général des créanciers. Cette insaisissabilité a par ailleurs été étendue par la loi LME à l’ensemble du patrimoine foncier bâti ou non bâti de l’entrepreneur individuel non affecté à un usage professionnel par le déclarant. Cette loi prévoit désormais que l’entrepreneur individuel puisse opérer une renonciation partielle de sa déclaration d’insaisissabilité. Une telle clause de renonciation, voulue par le créancier et acceptée par le débiteur, conduit à une rupture de l’égalité entre les créanciers chirographaires, tout comme c’est le cas en présence d’une clause d’inaliénabilité.

330 Aux regards de cette double condition, l’inaliénabilité même temporaire est tout d’abord illicite si elle porte

sur des biens composant la réserve héréditaire du gratifié, celle-ci devant lui parvenir libre de charges et en pleine propriété. De plus, la clause ne peut être prévue pour la vie entière du gratifié : Req. 19 mars 1877, DP 1879. 1. 455 rapp. Barafort ; Req. 13 juillet 1938, JCP G 1939. II. 942 ; CA Bordeaux 8 juin 1959, D. 1959 somm. 113, JCP G 1960. II. 11638 note Y. Guyon ; pour la vie entière du donateur : Cass. Civ. 1ère 8 janvier

1975, Defrenois 1975 Art. 30907 p.524 note A. Ponsard ; pour une durée fixe dès lors que le terme ne correspond pas à la durée de vie probable du gratifié, TGI Rochefort-sur-Mer 20 octobre 1993, RG n°94/296 ; l’interdiction d’aliéné peut également être indéfinie à condition d’être limitée dans ses effets, CA Paris 4 octobre 1971, Gaz. Pal. 1971. 2. 813 note X. Cabannes. Par ailleurs, l’inaliénabilité doit assurer la sauvegarde d’un intérêt légitime. Il convient de noter que les décisions intervenues témoignent d’un libéralisme moins hostile qu’autrefois aux clauses d’inaliénabilité, CA Toulouse, 16 janvier 1907, S. 1908. 2. 133 ; l’inaliénabilité peut être conçue dans l’intérêt du gratifié, Req 16 janvier 1923, S. 1923. 1. 107 ; dans l’intérêt du donateur, Cass. Civ. 1ère 20 juillet 1982, RTD civ. 1983, 376 obs J. Patarin ; dans l’intérêt de tiers, Cass ; civ. 1ère 16 mars 1903, S.

1905, I, 513 ; Ces conditions prévues par la loi n°71-526 du 3 juillet 1971 doivent être conciliées avec la libre circulation des biens et la liberté contractuelle qui chercherait à la limiter.

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légitime d’une telle clause. Les juges vont s’efforcer de rechercher si, au regard des avantages et inconvénients générés par de telles clauses, l’ordre public économique n’est pas troublé. Le créancier ne peut se contenter d’invoquer le simple intérêt de la conservation des biens dans le patrimoine du débiteur. L’intérêt légitime doit être caractérisé par la sécurisation de l’opération financière, proportionnellement aux enjeux qu’elle renferme et au respect de l’autonomie patrimoniale générale du débiteur. Ainsi, de telles clauses ne peuvent porter sur l’ensemble des biens du débiteur ou lui empêcher toute possibilité de crédit pour l’avenir, voire de valorisation de ses actifs. La précision dans la rédaction de la clause et le respect de la proportionnalité331 des enjeux semblent être les deux facteurs essentiels pour caractériser

l’existence d’un intérêt sérieux et légitime. Il s’agit donc de vérifier si la clause portant l’inaliénabilité d’un bien répond aux intérêts légitimes tant de son créancier que de son débiteur.

La reconnaissance de leur validité sera d’autant plus facilitée lorsque la clause d’inaliénabilité intervient en complément d’une sûreté réelle classique et particulièrement lors d’une constitution d’hypothèque. Dans ce cas, les juges du fond s’accordent pour reconnaître que l’inaliénabilité garantit valablement les droits du vendeur.

Le critère de proportionnalité intervient également dans l’appréciation de la durée. Cette dernière doit être en adéquation directe avec l’intérêt légitime. Outre le principe de droit commun interdisant les engagements perpétuels332, la fixation de la durée de ces clauses ne peut être appréciée en comparaison avec la durée des clauses d’inaliénabilité figurant dans les libéralités. La durée doit être déterminée, ou du moins déterminable, soit par l’échéance prévue dans l’opération de crédit, soit par l’échéance de la relation d’affaires333.

122. Des sanctions communes. La généralisation des conditions de validité à cet ensemble

de clauses s’accompagne également d’un régime de sanctions comparables. La généralisation des sanctions s’explique cette fois par la nature juridique et l’effet des sûretés négatives. Ainsi, les clauses d’inaliénabilité et les clauses de renonciation à un droit réel, dont le débiteur est titulaire, peuvent à notre sens s’analyser à travers la consécration d’une obligation

331 D. Mazeaud, Le principe de proportionnalité et la formation du contrat, LPA 30 septembre 1998, n°117 p.12 ;

N. Molfessis, Le principe de proportionnalité et l’exécution du contrat, in colloque, Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé ? Centre de droit des affaires et de gestion de la Faculté de droit de Paris V, LPA 30 septembre 1998, n°117 p.21 ; H. Lécuyer, Le principe de proportionnalité et l’extinction du contrat, LPA 30 septembre 1998, n°1998 p.31.

332 J. Azéma, La durée des contrats successifs, Thèse Lyon, LGDJ 1969, n°33 et s. p.25. 333 Art. L.227-13 C. com prévoit une durée maximale de 10 ans pour les SAS.

113 personnelle. La doctrine classique s’appuie sur l’indisponibilité créée par ces clauses pour se prononcer en faveur de la nature réelle des clauses d’inaliénabilité stipulées dans les actes à titre gratuit. D’autres les envisagent comme un démembrement du jus abutendi. Enfin, selon le doyen Voirin, c’est l’intention clairement exprimée des parties qui déterminera la nature de la clause. La fonction attachée à ces clauses n’a pas pour finalité d’accorder aux créanciers un pouvoir indépendant sur la chose elle-même. Le créancier désire seulement restreindre les actes que peut accomplir le débiteur de par sa seule volonté. L’inaliénabilité ne se conçoit donc pas abstraitement par rapport aux biens334 mais par rapport à la personne du débiteur.

Par ces clauses, le débiteur contracte une obligation personnelle de ne pas aliéner. Plus précisément, il convient de dire que les clauses d’inaliénabilité ou de prohibitions de sûretés réelles sont des droits personnels « mélangés de réalité335 ».

La nature de l’obligation contenue dans ces clauses détermine alors le régime des sanctions applicables.

123. Des sanctions adaptées. Le non-respect de ces conditions de validité entraîne la

nullité de la clause en vertu de l’article 1172 du Code civil. Mais, cette nullité ne saurait affecter l’acte entier. Les clauses de sûretés négatives restant des garanties accessoires à une obligation supérieure, seule la clause litigieuse est anéantie. A moins, toutefois, que l’une des partie en ait fait une condition impulsive et déterminante de son engagement.

Se pose également la question des recours du créancier en cas de violation de la clause par le débiteur. En matière de crédit, le banquier qui subit la violation d’une clause de garantie indirecte peut s’appuyer sur la sanction conventionnelle générale prévue et consistant en la déchéance du terme de l’obligation principale. Il y a alors exigibilité immédiate des sommes empruntées. Cette sanction présente un avantage certain pour le créancier car elle lui offre un motif de résiliation anticipée du contrat, lui permettant d’agir contre le débiteur avant qu’il ne connaisse des difficultés financières plus accentuées.

334 Elles ne peuvent donc pas être confondues avec des clauses qui opèrent un transfert de propriété au profit du

créancier à titre de garantie. En effet, dans cette hypothèse, le débiteur perd son droit de disposition qui est transmis au nouveau propriétaire.

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A défaut de prévision contractuelle, c’est alors un point faible, le créancier peut avoir recours au droit commun de la responsabilité. La preuve d’un préjudice336 permettra alors au créancier d’obtenir le versement de dommages et intérêts à titre de réparation.

124. Publicité des suretés négatives. Analysées précédemment comme la consécration

d’un droit personnel, ces clauses de sûretés négatives n’entraînent pas une indisponibilité réelle. Leur nature personnelle a pour effet de priver le créancier du pouvoir d’invoquer la nullité de l’aliénation, ou de tout acte de disposition portant sur le bien, objet de la clause. Or, la violation de la clause suppose l’intervention d’une troisième personne. La Cour de cassation raisonne alors en termes de responsabilité délictuelle sur la base de l’article 1382 du Code civil et recherche non pas l’existence d’une collusion ou d’une intention frauduleuse, mais la connaissance qu’avait le tiers de la contractualisation d’une clause de sûreté négative. Cette preuve sera facilement rapportée lorsque la sûreté négative entre dans l’énumération des actes obligatoirement soumis à publicité. Les clauses d’inaliénabilité portant sur un immeuble ou une prohibition d’hypothèque répondent à cette exigence légale. En revanche, il n’existe pas de techniques comparables de publicité et d’opposabilité pour des sûretés négatives prises sur des droits de propriété intellectuelle, et plus généralement de toute négation portant sur des biens meubles337. La sanction de l’inopposabilité de la clause ne peut alors être invoquée

au profit du créancier338.

Par ailleurs, l’inopposabilité, comme toute forme d’exécution en nature, sera écartée car elle conférerait au créancier plus de droit que dans l’hypothèse où la clause serait respectée. En effet, en vertu de la relativité des conventions, le bénéficiaire de la clause d’inaliénabilité, ou de prohibition au droit de disposer, pourrait seul profiter de l’inopposabilité de l’acte passé en

336 Si la sûreté bénéficie à une banque, l’article 60 de la loi bancaire de 1984 codifiée à l’article L.313-12 du

Code monétaire et financier prévoit que le non-respect de l’engagement contractuel constitue un comportement gravement répréhensible permettant à l’établissement de crédit de mettre fin sans préavis au concours accordé à une entreprise. V° sur ce point Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire Litec 2014 n°1008 et M. Cabrillac, C. Mouly, Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec 2007 n°629 qui exigent une intention frauduleuse du débiteur.

337 Art. 28 al.2 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : « 2° Les actes entre vifs

dressés distinctement pour constater des clauses d’inaliénabilité temporaire et toutes autres restrictions au droit de disposer, ainsi que des clauses susceptibles d’entraîner la résolution ou la révocation d’actes soumis à publicité en vertu du 1° ; de même, les décisions judiciaires constatant l’existence de telles clauses […]. De plus, si un régime de publicité du nantissement d’un fonds de commerce ou de l’outillage et du matériel d’équipement est organisé, aucune disposition n’envisage leur négation ».

338 D’autres auteurs, dont M. J. Boulanger avait proposé de se fonder sur l’article 1131 pour obtenir la nullité de

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