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Une transmission intergénérationnelle définie par la hiérarchie

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 188-193)

Chapitre1 : La force de travail dans les banques Tunisiennes et Allemandes

Chapitre 2 : Le système de formation bancaire en Tunisie et en Allemagne Tunisie et en Allemagne

2.9 La force du pouvoir hiérarchique limite le transfert de savoirs

2.9.1 Une transmission intergénérationnelle définie par la hiérarchie

A la « BMTP », le cœur du problème peut être appréhendée du fait que l’autorité est légitimée par le pouvoir et non pas par le savoir, ce qui peut conduire à de nombreux dysfonctionnements internes et perturbe les rapports entre les uns et les autres induisant une paralysie.

Une question peut être posée ici, à savoir : Dans le cadre énoncé ci-dessus qu’en est il de la formation, du rapport au savoir professionnel ?

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Comme nous avons pu le remarquer lors des entretiens, la hiérarchie définie elle-même les connaissances à maîtriser et ne tient pas compte de l’avis de son personnel à cet égard.

Ce dernier n’est pas consulté quant à sa vision ou aux possibles améliorations qu’il pourrait donner lors de nouvelles organisations à mettre en place ou de nouvelles pratiques professionnelles à adopter, seule la hiérarchie est apte à proposer.

C’est comme si nous étions encore à l’époque de Taylor, et qu’il existe encore de nos jours ceux qui pensent et ceux qui exécutent, mais aujourd’hui cela se passe au niveau des entreprises de services, comme la banque.

De plus et nous avons pu le noter, l’aspect formation ou transmission des connaissances est assez pauvre dans le cadre de cette banque, étant donné que plusieurs personnes n’ont pas été formé ou n’ont pu bénéficier d’aucune action de formation des années durant, sans que cela inquiète leur chefs de département.

Françoise Hatchuel160 indique que c’est en 1977 que Marcel Lesne161 s’interroge sur les différents types de savoirs, à partir de la définition suivante : « Le rapport au savoir concerne les conceptions et les options relatives aux contenus que véhicule tout acte de formation : savoir au sens large du terme et recouvrant l’habituelle trilogie des savoirs, savoir-faire et savoir-être. Ce rapport au savoir, peut être conçu soit comme un rapport avec la connaissance produite par la société savante, et qu’il convient de diffuser dans la société, soit comme un rapport avec le savoir partagé d’une certaine façon par toute la société dont il faut mettre en relation les différents dépositaires, soit comme un rapport de production personnelle du savoir par l’appropriation de constructions théoriques empruntées à la société savante pour favoriser les ruptures et les constructions dans l’univers personnel de la connaissance ».

Ainsi, comme elle l’ajoute d’ailleurs, Marcel Lesne162 « aborde l’ambivalence de la notion de savoir, lien entre le sujet et la société », pour notre cas en l’espèce et même s’il s’agit du rapport entre savoir et entreprise le problème demeure entier, car la formation véhicule en elle-même une certaine conception de l’ordre des choses, un rapport avec les autres au sein de l’entreprise, de la banque en particulier.

Or, comme l’indique Françoise Hatchuel, « du moment où on ne peut plus se contenter d’ « application », la notion de rapport au savoir devient tout à fait concrète pour les formateurs

160Hatchuel Françoise, « Savoir, apprendre, transmettre », Editions La Découverte, Paris, 2007, p24.

161Lesne Marcel, « Travail pédagogique et formation d’adulte », PUF, Paris, 1977, p.35-36.

162Lesne Marcel, ibid.

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et les formatrices, au moins pour nommer leurs difficulté à transformer les représentations et les imaginaires ».

Mais, le problème est d’autant plus important, que les apprenants n’ont pas la possibilité de signifier leur manque et leurs besoins de formation, comme c’est le cas dans ces grandes entreprises que sont les banques et où les effectifs sont assez nombreux.

Cela peut générer une grande frustration de la part des salariés, à laquelle s’attache une grande résignation qui oblige ces derniers à se ranger et à « ne point être plus royaliste que le roi ».

Autrement dit, le personnel finit par comprendre que le plus important pour ne point être mis au placard, consiste à donner ce qu’on lui demande et ne pas essayer d’en faire plus qu’il n’en faut.

Pour certains, cela peut être apprécié comme étant « un nivellement par le bas », étant donné que seul un minimum est exigé et que ce minimum ne permet pas d’avancer ou de s’améliorer, mais tout au plus, de vivre au jour le jour comme de simples manœuvres.

De plus, cela est très difficile à accepter pour des banquiers qui se considèrent comme étant des intellectuels, des scientifiques, et qui pratiquent un métier noble et bien classé sur l’échelle sociale.

Au-delà de ces réflexions, ce qui est inquiétant c’est que cela, comme l’affirme Françoise Hatchuel163 « nous incite à questionner la place et le rôle du savoir dans une époque qui prône, au moins depuis la fin des années 1960, une certaine libération de l’individu. On peut alors se demander si le rapport au savoir ne viendrait pas prendre la place ou masquer le rapport à l’autorité, le savoir devenant le représentant « rationnel » d’une autorité passée de mode mais qui ne se laisse peut-être pas si facilement dépasser. On ne se soumettrait plus à un statut, mais à un savoir, ou un individu sachant ».

Or, le grand problème intervient quand le personnel remet en cause tout son héritage éducationnel et académique pour s’adapter à un nouveau type de savoir ou d’ « individus sachant ».

Cela peut être facile, même si ce n’est pas toujours automatique, pour ceux ayant le moins de bagage comme le personnel exécutant, car ils aspirent à améliorer leurs connaissances.

Mais, cela est d’autant plus difficile pour des cadres qui ont du, pour être intégré et recruté au sein de la banque, montrer qu’ils disposaient d’un certain niveau de base assez élevé, cela était même exigé en tant que critère de sélection, ce n’était plus « le Bac » mais « la Maîtrise ».

163Hatchuel Françoise, ibid, p25.

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Pour elle, Claude Lefort164, définit l’autorité comme « le masque mystifiant de la violence », alors que pour lui « l’autorité consiste en un mécanisme psychique qui s’appuie sur la culpabilité pour obtenir d’un individu une certaine action qu’il n’aurait pas mise en œuvre de lui-même. Ceci est particulièrement caractéristique dans la relation adulte- enfant ».

Comme nous pouvons le constater ce n’est pas dans ce cadre « d’adulte et enfant » qu’elle est utilisée ici, mais plutôt dans des rapports professionnels entre salarié et hiérarchie.

Nous pouvons ici rejoindre les propos de Riadh Zghal165 lorsqu’elle parle de paternalisme, car au niveau de la banque, les décideurs peuvent user de ce sentiment pour faire autorité.

Toutefois, Françoise Hatchuel166 indique aussi que « l’autorité fonctionne aussi entre adultes, où elle pose la question du vivre ensemble et de la prise de décisions qui affecteront la collectivité :

« autorité » dérive de la même racine qu’ « auteur » et « autoriser ».

Pour elle, « le ou la dépositaire de l’autorité sera donc celui ou celle qui autorisera et s’autorisera dans et par ses actes, et deviendra auteur de son destin et de celui des autres ».

Elle indique également que « le savoir, réel ou supposé, et donc le rapport à son propre savoir et à celui des autres joueront un rôle essentiel dans la légitimation de l’autorité. Celui ou celle qui sait décide, les autres appliqueront ».

Nous pouvons réaliser que ce qui se passe au sein de la banque dans le secteur publique est totalement différent et guidé par d’autres paramètres qui se veulent être d’un tout autre ordre, aussi bien sociologique, idéologique, que politique, managérial, etc…

Ce n’est donc pas cette logique du mérite qui fonctionne.

Toutefois, elle ne manque pas d’ajouter « que nul ne puisse plus, face à la complexité du monde, s’arroger le droit de décider pour les autres, et que l’autorité ne puisse donc plus être un mode de régulation sociale satisfaisant et efficace n’empêchent pas que les autres modes de régulation soient encore à construire ».

Elle précise même à cet effet, que « les travaux de la psychosociologie nous montrent chaque jour davantage le coût en temps et en énergie psychique de la construction de collectifs véritablement démocratiques. Dans ce cadre, la notion de rapport au savoir, lorsqu’elle émerge dans les années 1970, peut contribuer à cette construction de processus démocratique ».

164 Lefort Claude, « Autorité et savoir dans l’organisation universitaire » (conférence), stage de sociologie des organisations, 16-20 février, dactylographié, 1970.

165Zghal Riadh, « la gestion des entreprises tunisiennes : fondements culturels et défis de la globalisation », in « La Tunisie d’un siècle à l’autre », Actes du colloque organisé à Tunis (Beît El Hikma) par l’Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts, du 09 au 12/01, 2001.

166Hatchuel Françoise, « Savoir, apprendre, transmettre », Editions La Découverte, Paris, 2007, p26-27.

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Ce que nous pouvons soulever ici c’est la question de démocratisation au niveau du travail au sein de la banque.

En effet, cette question est importante, car plusieurs des personnes interrogées laissent transparaître un manque de démocratisation flagrante qui fait que la transmission intergénérationnelle des connaissances a du mal à se faire, étant donné que celle-ci doit, pour se faire, jouir d’un contexte particulier.

Or, si celle ci devient commandée par la hiérarchie, cela devient plus difficile et moins naturel.

Selon elle, et d’après Philippe Carré167, qui s’appuie sur les théories de la motivation d’Albert Bandura, psychologue américain, le rapport au savoir est conçu comme une structure psychologique triple, car il réunirait trois types d’éléments : des représentations, des affects et des « conations ».

C'est-à-dire des caractéristiques qui se placent dans le registre de la motivation.

Le rapport au savoir de la personne se construit alors dans une interaction dynamique entre la pensée, l’action et l’environnement du sujet social, et la notion de sentiment d’efficacité personnelle à apprendre, serait au cœur de cette construction.

Ce ne sont donc pas les savoirs en eux-mêmes qui sont ou non émancipateurs, mais bien la posture avec laquelle on les aborde, la façon dont on se situe par rapport à eux et ce qu’on peut en faire.

C’est pourquoi la question du rapport au savoir nous interpelle aussi bien en tant que chercheur dans le cadre de notre thèse qui s’inscrit dans la sociologie du travail qu’en tant que citoyen.

Françoise Hatchuel ajoute même à cet effet qu’« un système dominateur se servira des savoirs pour maintenir sa domination, tandis que les savoirs peuvent être des outils pour ceux et celles qui sont sur un chemin d’émancipation sans pour autant y suffire.

C’est un pari personnel mais aussi une question sociale, car les savoirs produits et enseignés trahissent, bien évidemment, les enjeux et l’idéologie de ceux et celles qui les portent ».

Au niveau de notre recherche cela cristallise le type de rapport qui existe entre les salariés entre eux, aussi bien d’un point de vue générationnel entre seniors et jeunes, mais également entre la population des salariés et celle des responsables ou supérieurs hiérarchiques censés représenter la Direction Générale de la banque, donc l’employeur.

167Carré Philippe, « De la motivation à la formation », L’Harmattan, coll. « Savoirs et formation », Paris, 2001.

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