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Une nouvelle expérience identitaire avec remise en question des sociabilités acquises sociabilités acquises

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 180-186)

Chapitre1 : La force de travail dans les banques Tunisiennes et Allemandes

Chapitre 2 : Le système de formation bancaire en Tunisie et en Allemagne Tunisie et en Allemagne

2.8 Une nouvelle expérience identitaire avec remise en question des sociabilités acquises sociabilités acquises

Ce qui est important ici c’est le fait que l’on dépasse les modèles classiques du travail où le fait de la sociabilité y était assez naturel et riche d’enseignement.

Aujourd’hui, les sociabilités au travail sont différentes, elles sont loin d’être neutres, mais beaucoup plus entachées d’intérêts privés, de suspicion et d’un raisonnement calculateur.

Dans ce même ordre d’idée un jeune cadre de la direction gestion des ressources humaines nous a affirmé que « l’ambiance dans la banque était tendue et malsaine, tout le monde est tendu et il y a

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beaucoup de conflits, c’est de plus en plus une administration comme à la municipalité ou dans les ministères, c’est comme si ce n’était plus une banque ».

En effet, ces entités organisationnelles obéissent à des objectifs d’ordre administratif et social, et visent à établir de grands équilibres, c’est le logement, la santé, la défense, l’environnement, l’économie du pays, et d’autres principes fondamentaux où l’aspect rentabilité existe, mais passe après, l’essentiel étant de parvenir aux objectifs.

Ce ne sont donc pas des entreprises, mais des institutions publiques à la différence de la banque qui est considérée comme étant une entreprise.

Mais cette nuance émise par le cadre est assez parlante dans la mesure où étant une banque publique, cette dernière se rapproche plus des institutions publiques que des entreprises où la priorité est la rentabilité et le profit et où l’organisation est fonction de cet objectif majeur.

Le paternalisme existant au sein de la banque n’est que le prolongement de cette idée inhérente à certains équilibres sociaux, sans pour autant qu’il n’y ait d’amélioration salariale conséquente comme le veut la profession.

Un senior, directeur et responsable de la direction change, affirme même à regret qu’il n’a pas bénéficié d’une bonne transmission intergénérationnelle des connaissances de la part de ses aînés , qui n’étaient pas, à son sens, très coopératifs et affirme que « si les choses sont ainsi c’est que l’on a pas vraiment le choix car une personne seule ne peut changer un système qui a marché durant des années et qui continue de marcher, il a fait ses preuves, et quiconque essaierait de le changer se heurterait à un mur.

C’est structurel et beaucoup plus profond qu’on se l’imagine, les racines sont bien en place et les branches ne peuvent changer le cours des choses. Tout ce que je peux dire c’est qu’occuper une responsabilité dans ces conditions est devenu trop lourd à porter car il faut au quotidien se battre contre sa conscience et son bon sens.

Pour cela des fois je me dis que si je n’avais rien dans la tête cela irait beaucoup mieux ».

Ainsi, comme nous pouvons le constater, cela revient à dire que si la hiérarchie de proximité ou la hiérarchie tout court, se conduit comme elle le fait, c'est-à-dire d’une manière autoritaire, souvent incompréhensible, car contre le bon sens des uns et des autres, c’est que ce rôle lui est imposé et qu’elle ne doit en aucun cas être conciliante.

Mais, elle doit être aussi le plus flou possible pour ne point permettre une compréhension parfaite qui ouvrirait la porte à des doléances ou requêtes de la part du personnel.

Certes, cet argument de rôle imposé permettrait de justifier les attitudes et les comportements des décideurs dans le cadre de cette nouvelle gestion des ressources humaines qui se veut autoritaire.

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En effet, le recours à la domination et à l’autorité est souvent pratiqué pour faire accepter des mesures organisationnelles et professionnelles assez contraignantes pour la plupart du personnel de la banque.

Par ailleurs, ce que l’on voit dans ce système, c’est toujours des conditions d’ordre social qui priment sur les rapports professionnels.

Il n’y a pas de situation qui soit prise d’une manière totalement objective, mais beaucoup plus subjective, avec la situation extra professionnelle, les affinités et le réseau d’appartenance.

2.8.1 Nouvelles considérations humaines et trajectoires professionnelles

Nous pouvons aisément remarquer que les trajectoires professionnelles intergénérationnelles sont de plus en plus rares, en témoigne la difficulté aujourd’hui de faire recruter ses enfants par la banque, alors même qu’il n’y a pas si longtemps cela faisait partie des avantages accordés aux salariés de la banque.

Mais, la disparition de cet avantage s’est faite graduellement, car il a tout d’abord été exigé que le parent employé soit à la retraite et donc plus en activité.

Puis, il a été exigé un niveau d’études académiques pour les descendants qui allaient intégrer la banque, c’était le Bac.

Ensuite, le recrutement était conditionné par le fait de disposer d’un bagage encore plus élevé, à savoir la Maîtrise, et aujourd’hui cela n’est plus un acquis, et c’est le flou.

Il existe donc quelques cas dont les parents étaient des salariés de la banque et il est intéressant de relater leur expérience au sein de la banque, et ce que cela peut conférer comme avantages ou inconvénients.

Ainsi, à l’image du jeune cadre de la division des crédits dont le père était chef de division à la direction gestion des ressources humaines, une jeune femme, cadre au niveau d’un autre département, mais toujours au niveau de la direction centrale des crédits bénéficie d’un régime personnalisé pour cause de maladie.

En fait, son père était responsable d’une direction au sein de la banque, et recommandation oblige, sa fille donc serait dépressive, elle est divorcée avec enfant et dispose souvent de congé de un à deux mois.

Le chef de département, de qui elle dépend l’a même classée en tant que « personne fragile sur laquelle je ne peux pas compter, car elle est malade ».

Mais, ce qui est plus problématique c’est que cette personne prend ses avancements quand elle a l’aptitude, donc elle ne souffre pas de retard au niveau de l’avancement de sa carrière.

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Ceci peut paraître donc décourageant pour le reste des troupes qui travaillent et se mettent en concurrence les uns et les autres, alors même que d’autres paramètres entrent beaucoup plus en jeu.

Cette femme, jeune cadre, m’a même indiqué qu’elle voulait changer d’affectation et qu’elle voulait aller dans une agence proche de son domicile, mais le Président directeur général a indiqué en présence de la chef d’agence qui devait l’intégrer dans son équipe que « non elle a retiré sa demande de mutation et ne veut plus changer », ce qui, m’assurait la personne en question, était faux, mais comme il s’agissait du premier responsable il valait mieux s’en tenir là.

C’est donc une sorte de négociation implicite, une démonstration de pouvoir qui paralyse, c'est-à-dire qu’elle doit rester là où elle est et implicitement on la fera avancer dans sa carrière et elle pourra même prendre des congés quand bon lui semble.

Le jeune cadre avait lui aussi tenter de bouger en faisant actionner des gens influents, mais le Président Directeur Général le connaissant en personne a indiqué aux personnes en question

« non il est bien là où il est », autrement dit et comme l’a expliqué ce même jeune cadre en ces termes, « on ne doit pas bouger, car le PDG sait qu’on maîtrise le job et qu’on le fait bien donc il n’a pas envie que ça bouge ou si ça devait se faire ce sera après lui ».

Il apparaît ainsi que la banque est à deux vitesses avec un système de peur et de divisions qui a pour effet de paralyser le personnel ou de ne créer, pour les plus réactifs, que des frustrations ou

« une révolte silencieuse et passive ».

Ainsi, ce même jeune cadre affirme « moi j’aimerai qu’ils me fassent un problème car là je vais porter plainte et je vais voir un psychiatre, qui dira que je suis aussi malade, ils seront obligés de payer et je ne serai plus dans la banque, ou encore j’aurai aussi un régime spécial comme les deux collègues. J’irai pas voir le syndicat, car il est à leur botte».

On le voit bien les règles existent, mais ne sont pas appliquées de la même manière et pas pour tout le monde.

Elles sont souvent contournées et l’on oublie que les vraies valeurs à faire respecter sont celles de l’équité et du mérite.

En fait, les règles n’existent que pour ceux qui veulent bien y croire et ceux là même se les verront infligées à leur encontre, car la vraie problématique devient humaine et sociale, c'est-à-dire que c’est des considérations de vécu et de personnalité qui entrent aussi en jeu, beaucoup plus que le mérite et le dévouement à l’entreprise.

Ce que j’ai pu relater ici n’a rien de propre à cette division ou ce département, car au niveau de toutes les divisions et de la grande majeur partie des départements c’est le même climat social

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qui y règne, à savoir un état de tension où tout le monde contrôle tout le monde d’une manière active ou passive, avec une peur flagrante de la hiérarchie et une division ou l’inexistence flagrante de solidarité.

C’est le chacun pour soi, et le règne des divisions qui facilitent à leurs tour le règne d’une direction générale qui a tous les pouvoirs et tous les honneurs.

Ainsi, et comme le dit le premier des deux jeunes cadres avec lequel nous nous sommes entretenus, « dans la banque il y a beaucoup d’injustice, je n’ai vu personne de content, tout le monde est énervé, tout le monde est mal dans sa peau, il y a une tension qui épuise et rend malade et qui fait que la plupart broient du noir du matin jusqu’à la fin de la journée. C’est d’ailleurs ce qui fait que le soir on est tous hors circuit et qu’on a des problèmes au niveau des obligations familiales comme par exemple l’obligation de s’occuper des enfants en bas âge, alors même que la patience et la sérénité ne sont plus de mise. Drôle de vie ».

2.8.2 L’avènement de changements imposés se répercutant sur le cognitif

Au sein de la « BMTP », l’avènement de changements imposés se répercute sur le cognitif des salariés et entraîne la fin du modèle communautaire qui a été forgé au fil des années.

Les salariés sont dépassés par les processus organisationnels, ils réalisent qu’ils ne sont que figurants et non pas acteurs dans ce processus, étant donné qu’ils ne sont pas associés, ni même impliqués dans ces changements.

D’ailleurs, ils ne sont avisés qu’après coup une fois les décisions déjà prises.

C’est le cas en agence où l’un des guichetier nous a affirmé « c’est totalement inconcevable, nous avons pris un logiciel pour l’ouverture de compte qui nous prend au minimum 20 minutes pour une ouverture alors même que d’autres banques ouvrent un compte en 5 minutes, car pour nous ce logiciel nous a été donné par la banque centrale, mais il est trop détaillé et inadapté aux agences ».

Ils ont conscience que leur comportement dans l’organisation est contraire à leur principe premier.

Mais, comme l’indique un ancien chef d’agence « pour la banque il ne faut pas trop donner, car c’est à perte, je n’étais pas comme cela avant et d’ailleurs je ne comprenais pas que l’on puisse être comme cela, mais avec l’expérience, c’est la vérité ».

C’est ici par analogie avec une expression propre à Jean Jacques Rousseau le fait que « l’homme est fondamentalement bon et que c’est la société qui le corrompt ».

La même idée existe aussi pour la banque, dans la mesure où les employés s’adaptent au fur et à mesure, dans un souci d’économie d’effort, ou de rééquilibrage entre les efforts donnés et le retour ou la reconnaissance qui leur est servie.

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Ils vont essayer de trouver le juste milieu, qui comme le dit un jeune cadre de la direction gestion du réseau « à la banque la meilleure place c’est le frigo » c'est-à-dire le placard.

Celui ci vient tout juste d’être nommé chef de division à la direction du marché financier, et a eu beaucoup de problèmes d’incompatibilité d’humeur avec son supérieur, une directrice.

Il nous précise d’ailleurs que le frère de cette dernière à usé de son pouvoir d’influence en tant qu’administrateur de la banque, pour la promouvoir de la direction de la formation où elle était formateur permanent, à « chef de département » responsable de la direction du marché financier.

Ceci ne fait que confirmer l’inexistence d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et souligne l’aspect très important dans cette banque publique tunisienne des variables aléatoires comme la recommandation et l’influence.

Le modèle des anciens fait désormais partie du passé, où il existait de fortes traditions collectives et une identité forte.

C’était comme l’affirment beaucoup d’anciens et de seniors, l’esprit de famille, ou encore l’esprit maison qui caractérisait l’identité de l’entreprise.

Or, actuellement nous constatons une remise en cause de ces modèles, avec un effritement progressif de la communauté traditionnelle.

La banque d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, étant donné que le modèle communautaire n’existe pratiquement plus et que les divisions et la logique individuelle soutenue et encouragée par les décideurs prend le relais.

Ceci est d’autant plus problématique pour le cas des banques tunisiennes que l’inexistence de syndicats puissants favorise ce changement et le rend plus facile, car il se fait sans une réelle opposition.

C’est, comme l’indique un jeune cadre de la Direction gestion des ressources humaines, « un signe de résignation, étant donné que si personne ne parle, au sens de revendiquer, c’est que cela est approuvé, alors même que l’on sait pertinemment que les vrais bénéficiaires sont les décideurs ».

Le vécu collectif se traduit aussi par une appréhension et une réticence au changement.

C’est l’aversion au risque de perdre ses acquis ou de devoir être constamment sous tension du fait de nouvelles prérogatives.

Il y a un sentiment d’incompréhension et de perte de vision par rapport au bon sens qui en devient même un leitmotiv.

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Ainsi, comme l’indique Marc Uhalde159 c’est l’« incompréhension des politiques et des pratiques de gestion. Les individus perçoivent surtout le caractère désordonné et contradictoire des changements. Non seulement ils identifient des contradictions entre les différentes règles de gestion, mais ils ne saisissent plus le fondement des décisions qui les régissent. Stricto sensu, la gestion n’a plus de sens pour eux, alors que la pression qu’elle exerce sur leur situation de travail se renforce. Par conséquent, l’organisation, comme totalité technique et humaine, devient à la fois source de contrainte et objet fondamentalement non maîtrisable ».

D’où, souvent une déconnexion qui les oblige à vivre au jour le jour comme les gens du bâtiment (maçons) en Tunisie, corps de métiers auquel il est souvent fait référence.

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