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Une revue de littérature historique et narrative

L’ENTREPRENEURIAT, AVEC UN FOCUS SUR LES OPPORTUNITÉS

3.4.2 Une revue de littérature historique et narrative

Concernant les opportunités, Jackson et Dutton (1988) montrent que les dirigeants éprouvent un biais lié à la menace (threat bias), c’est-à-dire qu’ils ont tendance à considérer les problèmes stratégiques comme des menaces. Ces auteurs identifient aussi les caractéristiques spécifiques des opportunités. Peu après, comparant la vigilance des entrepreneurs et celle des dirigeants, Kaish et Gilad (1991) constatent que les entrepreneurs adoptent une attitude différente dans leur quête d’opportunités : ils ont recours à des recherches non verbales, pensent à de nouvelles idées en dehors des heures de travail et lisent des magazines professionnels ou d’intérêt général. Les entrepreneurs utilisent également des sources non traditionnelles, des subventions d’État disponibles et des personnes impliquées (les signaux de risque). Néanmoins, ils ne différent pas des dirigeants, lorsqu’il s’agit d’idées non confirmées ou infondées. Enfin, ils sont hostiles aux recherches d’idées d’affaires purement verbales.

Dans sa recherche datée de 1993, Dutton explique le pouvoir de construction des opportunités. Au niveau psychologique, les opportunités possèdent des caractéristiques positives et s’accompagnent de gains potentiels. Elles suppriment également l’effet de menace (Dutton et Jackson, 1987; Jackson et Dutton, 1988). Au niveau organisationnel, les opportunités symbolisent la valeur et fonctionnent comme des signaux temporels. En s’appuyant sur Kaish et Gilad (1991), Cooper, Folta et Woo (1995) constatent que les entrepreneurs sans expérience entrepreneuriale préalable recherchent plus d’informations, alors que les entrepreneurs opérant dans un domaine moins familier ou qui ont davantage confiance dans le succès de leur entreprise cherchent moins d’informations. Mettant l’accent

226 « Kirzner offers no theory of how opportunities come to be identified, who identifies them, and so on;

133 sur la vigilance et examinant à nouveau les résultats de Kaish et Gilad (1991), Busenitz (1996) ne fait pas de différence entre dirigeants et entrepreneurs en ce qui concerne la lecture et les signaux économiques. Soulignant l’existence de mesures de dispersion élevées (écart-type), l’auteur ajoute qu’il faut considérer avec précaution la pensée ouverte et les différences en matière de signal de risque. En 1997, Gaglio suggère d’utiliser l’approche cognitive pour mieux comprendre le processus d’identification des opportunités. Incluant la vigilance dans son modèle, l’auteure explique que les individus vigilants voient une situation comme une somme de capacités et de gains. En accord avec cette appréciation, les comportements cognitifs englobent non seulement l’activation d’un schéma chronique, mais aussi les signaux d’annonce, l’intégration contrefactuelle et la simulation, qui brisent le cadre moyens-fins et mènent à la découverte d’opportunités entrepreneuriales.

Dans son article publié la même année, Kirzner (1997) explique que les découvertes surprennent les individus lorsqu’ils réalisent qu’ils ont négligé un élément aisément disponible. En 2000, Shane étudie la découverte des opportunités et propose que des différences individuelles existent en matière de reconnaissance des opportunités. En effet, il est possible de découvrir des opportunités entrepreneuriales sans qu’elles aient été recherchées. De plus, la connaissance préalable des marchés, des stratégies de service de ces marchés et des approches pour gérer les problèmes des clients influencent la découverte des opportunités entrepreneuriales. Il faut rappeler ici que l’étude de Shane et Venkataraman (2000) relie l’entrepreneuriat aux opportunités. De même, en associant cognition et opportunité, Krueger (2000) propose un modèle relatif aux infrastructures cognitives qui influencent la façon dont les individus perçoivent des opportunités.

S’inspirant des contributions précédentes (Kaish et Gilad, 1991; Busenitz, 1996; Gaglio, 1997), Gaglio et Katz (2001) intègrent la vigilance dans leur modèle concernant le processus d’identification des opportunités. Comme le montrent ces deux auteurs, les individus vigilants sont mus par des schémas cognitifs plus précis. Ils sont donc meilleurs pour identifier les signaux de changement émanant de l’environnement et pour comprendre qu’un comportement convenable exige une nouvelle évaluation de la situation (ils souhaitent comprendre ce qu’il se passe). Peu après, Ardichvili, Cardozo et Ray (2003) intègrent également la vigilance entrepreneuriale dans leur modèle d’identification et de développement des opportunités. Selon eux, les traits de personnalité et les connaissances antérieures influencent les réseaux sociaux qui, à leur tour, influencent la vigilance entrepreneuriale et les

134 processus centraux (ou core processes).

L’ouvrage séminal de Shane publié en 2003 fournit une explication détaillée de la découverte des opportunités. Comme cet auteur l’explique, les opportunités surviennent, dans la mesure où le système des prix ne répartit pas toujours les ressources de manière efficace. Les personnes qui ont eu recours au système de prix et optimisé le cadre moyens-fins existant, grâce à des modèles mathématiques, sont désormais obligées de trouver d’autres méthodes et doivent prendre des décisions entrepreneuriales (décisions qui ne sont pas optimales étant donné le nouveau cadre moyens-fins). La création de ces nouveaux cadres entraîne une prise de décision faisant appel au jugement et à différentes croyances qui impliquent la possession et l’interprétation de différentes informations. Lors de cette prise de décision, certains individus possédant des informations et des croyances sont obligés de faire des conjectures sur les marchés futurs. En général, les individus découvrent des opportunités, parce qu’ils ont un meilleur accès aux informations; décisifs alors sont leurs expériences, leurs réseaux sociaux et leurs recherches d’information. Par ailleurs, ces individus peuvent avoir de meilleures capacités d’absorption (à cause de leur connaissance préalable des marchés et de leur faculté à les servir) et de meilleurs processus cognitifs, par exemple un degré d’intelligence, une capacité de perception et une vision des opportunités plus élevés.

En 2003, Eckhardt et Shane – se référant aux travaux antérieurs (Gartner, 1990; Casson, 1991; Venkataraman, 1997; Shane, 2000; Shane et Venkataraman, 2000; Gaglio et Katz, 2001) – relient l’entrepreneuriat (p.336) aux opportunités définies comme « des

situations dans lesquelles les marchandises, les services, les matières premières, les marchés et les méthodes d’organisation peuvent être introduites lorsqu’elles sont nouvelles en élaborant de nouveaux moyens, de nouvelles fins ou de nouvelles relations moyens-fins »227.

Étudiant plus particulièrement l’exploitation des opportunités, Choi et Shepherd (2004) expliquent que les entrepreneurs ont davantage tendance à exploiter les opportunités, quand ils possèdent des connaissances ayant trait à la demande des clients, des technologies diffusantes très développées, une plus grande capacité de gestion et un soutien des parties

227 « [W]e define entrepreneurial opportunities as situations in which new goods, services, raw materials,

markets and organizing methods can be introduced through the formation of new means, ends, or means-ends relationships » (Eckhardt et Shane, 2003, p.336).

135 prenantes plus important. Les trois premières perceptions sont d’ailleurs renforcées, lorsque le produit a un délai de réalisation long (long lead time). Étudiant la relation entre niveau antérieur des connaissances, récompense financière potentielle et identification des opportunités, Shepherd et De Tienne (2005) trouvent en 2005 une corrélation positive entre le niveau antérieur des connaissances de l’individu et le nombre d’opportunités identifiées.

Dans leur étude publiée la même année, Dutta et Crossan (2005) présentent les conceptions de Schumpeter et de Kirzner à propos des entrepreneurs et des opportunités. Schumpeter (1974, 1983) considère les entrepreneurs comme des innovateurs qui perturbent l’équilibre économique; les opportunités sont ainsi perçues comme résultant de ce déséquilibre. Au contraire, pour Kirzner (1983, 1985, 1997, 2005, 2009), les entrepreneurs sont des individus vigilants qui jouent un rôle équilibrant. En permettant aux entrepreneurs de découvrir des opportunités, la vigilance est considérée comme une ressource idiosyncrasique, tacite, non déployable, quotidienne et liée aux connaissances. Cette vigilance est alors reliée à un entrepreneuriat gratuit (ou costless). Cet article fournit une première base théorique pour aborder le débat sur les opportunités entrepreneuriales. McMullen et Shepherd (2006) fournissent une seconde base théorique en introduisant la notion d’action entrepreneuriale, qui se réfère aux décisions critiques prises dans un contexte d’incertitude en matière d’éventuelles opportunités de profit. Ces auteurs expliquent que la connaissance (l’activation ou la mise en scène est-elle possible ?) et la motivation (les désirs personnels seront-ils satisfaits ?) influencent les actions des entrepreneurs.

En 2006, Baron (2006) met davantage l’accent sur la reconnaissance des modèles (pattern recognition) et démontre que celle-ci exige la reconnaissance de liens parmi des tendances apparemment sans rapport, des changements et des événements. Ainsi, cette reconnaissance exige de la vigilance. De même, soulignant la reconnaissance de modèles, Ozgen et Baron (2007) illustrent l’influence positive exercée par les mentors, les réseaux informels et la participation à des forums professionnels. Corbett (2007) s’intéresse quant à lui à la relation entre l’apprentissage et la découverte d’opportunités. Il montre que les processus permettant aux individus d’acquérir des informations et des connaissances, mais aussi de les transformer, affectent le nombre d’opportunités identifiées. L’auteur définit aussi les asymétries d’apprentissage comme étant « les différentes manières selon lesquelles les

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individus acquièrent et transforment des informations » (Corbett, 2007, p.114)228.

Toujours en 2007, en complément des articles précédents (Dutta et Crossan, 2005; McMullen et Shepherd, 2006), nous rappelons que Alvarez et Barney introduisent le débat sur la formation d’opportunités et présentent deux théories de l’action entrepreneuriale. De même, Companys et McMullen (2007) expliquent la position de trois écoles de pensée concernant les opportunités entrepreneuriales et la source de ces opportunités selon chaque école (la répartition des informations et des ressources matérielles pour l’école économique, l’ambiguïté environnementale et les ressources culturelles pour l’école cognitive et culturelle et les réseaux et les structures politiques pour l’école sociopolitique).

Dans leur article de 2007, Casson et Wadeson définissent une opportunité (p.298) comme « un projet inexploité qui est perçu par un individu comme fournissant des avantages

potentiels »229. En se référant aux travaux antérieurs consacrés à l’intention individuelle, à la cognition et à la catégorisation, mais aussi en se concentrant sur le contexte de développement des opportunités, Dimov (2007) constate que les connaissances antérieures des individus et l’adéquation entre leur style d’apprentissage et les situations déclenchent des intentions d’opportunités (par exemple, la probabilité de l’action). Poursuivant la contribution d’Alvarez et Barney (2007), Klein affirme en 2008 que les opportunités ne sont ni découvertes ni créées. Selon cet auteur, elles sont plutôt exclusivement imaginées dans l’esprit des décideurs.

L’étude des relations entre l’identification des opportunités, leur poursuite et le capital humain a permis à Ucbasaran, Westhead et Wright (2008) de démontrer que les entrepreneurs, possédant un degré élevé de capital humain général et propre à l’entrepreneuriat, identifient et recherchent davantage des opportunités d’affaires. Un an plus tard, Haynie, Shepherd et McMullen (2009) montrent que les entrepreneurs sont attirés par des opportunités sans rapport avec les connaissances qu’ils possèdent et contrôlent, surtout quand une opportunité est rare, qu’il y a des limites à la concurrence et qu’une firme est jeune.

Dans un article plus récent, Kirzner clarifie le concept de vigilance. Selon l’auteur,

228 « [T]he different manner in which individuals acquire and transform information » (Corbett, 2007, p.114). 229 « [A]n unexploited project which is perceived by an individual to afford potential benefit » (Casson et Wadeson, 2007, p.298).

137 « la vigilance désigne la faculté intuitive que l’on peut avoir de sentir ce qui pourrait bien se passer au ‘coin de la rue’, c'est-à-dire cette faculté de remarquer ce qui n’a jusqu’à présent pas été soupçonné d’exister un tant soit peu » (Kirzner, 2009, p.151)230. Cette clarification complète la définition kirznerienne déjà connue (Kirzner, 1983). Enfin, dans leur revue de littérature de 2010, Short, Ketchen, Shook et Ireland définissent une opportunité comme « une

idée ou un rêve qui est découvert ou créé par une entité entrepreneuriale et qui s’est révélé, à travers une analyse au fil du temps, être potentiellement lucratif » (Short, Ketchen, Shook et Ireland, 2010, p.55)231.

L’étude des émotions et des opportunités constitue également un sujet actuel. Certains auteurs cherchent à déterminer si les émotions (le bonheur, la colère, l’espoir, la peur pour Foo, 2011; la peur, la joie, la colère pour Welpe, Spörrle, Grichnik, Michl et Audretsch, 2012) influencent l’évaluation et l’exploitation des opportunités.

L’article important de Tang, Kacmar et Busenitz (2012) sur la vigilance contient une échelle de mesure du concept. Nous rappelons que, dans cet article, la vigilance est considérée comme la somme des recherches et des veilles d’informations, des associations et des connexions innovantes d’informations, des évaluations et des jugements concernant l’existence d’opportunités d’affaires rentables. Par ailleurs, en 2013, Arentz, Sautet et Storr trouvent qu’il y a une corrélation positive entre la connaissance antérieure (Shane 2000) et la découverte des opportunités. La même année, Valliere (2013) propose que les individus vigilants appliquent et développent des schémas ou structures cognitives qui diffèrent de ceux développés par des individus non vigilants. Dans leur revue de littérature de 2014, Klein et Bylund réaffirment l’importance du concept kirznerien de découverte entrepreneuriale. La même année, McCaffrey (2014) complète la théorie sur la vigilance en expliquant que les incitations entrepreneuriales (entrepreneurial incentives) sont des facteurs causaux de la vigilance entrepreneuriale. En 2015, Foo, Uy et Murnieks incluent la valence affective et l’activation (le niveau d’énergie) affective dans l’identification de l’opportunité alors que Davidsson (2015), constatant qu’étiqueter des idées ayant de la valeur comme des opportunités nécessite plus d’un seul construit, élabore trois autres construits :

230 « Rather, alertness refers to a sense of what might be “around the corner,” i.e., the sense to notice that which has hitherto not been suspected of existing at all » (Kirzner, 2009, p.151).

231 « An opportunity is an idea or dream that is discovered or created by an entrepreneurial entity and that is

138 l’activateur externe, l’idée d’une nouvelle entreprise et la confiance dans une opportunité. Par ailleurs, Williams et Wood (2015) suggèrent qu’un raisonnement fondé sur les règles constitue un cadre théorique permettant de mieux comprendre l’étape d’évaluation, pendant que Gruber, Kim et Brinckmann (2015) mettent au jour que les évaluations d’opportunités diffèrent, selon que les individus sont des technologues (attachés aux dimensions produit), des

managers (attachés à la concurrence) ou des entrepreneurs (attachés aux revenus générés). Dans leur article théorique de 2016, Navis et Ozbek explorent l’idée que les entrepreneurs hautement narcissiques et surconfiants, qui démarrent dans des contextes d’entreprise nouveaux (vers lesquels ils sont attirés), voient la réalisation des opportunités entravée par leur narcissisme et leur surconfiance. À l’inverse, ces deux qualités favorisent la réalisation des mêmes opportunités, exploitées par les mêmes entrepreneurs qui démarrent dans des contextes d’entreprise non pas nouveaux mais familiers (dont ils se détournent).

Notons que les opportunités et la vigilance continuent d’être bien étudiées. Bakker et Shepherd (à paraître) trouvent notamment que les firmes ayant un degré d’attention plus élevé concernant les activités d’exploration de début de phase sont plus rapides à abandonner les opportunités potentielles en état de développement précoce, mais moins rapides 1) à le faire plus tard dans le temps et 2) à avancer sur les opportunités potentielles situées dans toutes les phases. Enfin, Korsgaard, Berglund, Thrane et Blenker (2016) expliquent que, dans la seconde approche kirznerienne (Kirzner, 1999, 2009)232, la vigilance est considérée comme un concept qui : 1) encapsule les notions de spéculation et de créativité et 2) met l’emphase sur une vision plus subjective des opportunités.

3.5 Quelques réflexions sur opportunité, cognition et vigilance

Les spécialistes de l’entrepreneuriat voient de plus en plus les opportunités comme un domaine distinctif de la théorie entrepreneuriale (Venkataraman, 1997; Busenitz, Plummer, Klotz, Shahzad et Rhoads, 2014). Cependant, notre revue de littérature laisse à penser que la recherche s’est détachée de la connexion entre individu et opportunité, initialement établie par Shane (2003). En effet, la recherche consacrée aux opportunités fait avancer les connaissances sur la nature et les causes potentielles des opportunités entrepreneuriales, mais elle a tendance 1) à négliger les ressources, 2) à n’aborder que très superficiellement la relation vigilance

139 opportunité.

De façon similaire, la recherche portant sur la cognition fait avancer les connaissances sur le lien entre psychologie et entrepreneuriat. Les chercheurs ont (re)mis au goût du jour la définition de l’entrepreneuriat vu comme le lancement d’une entreprise (venture creation) et ils ont également étudié plusieurs sujets liés aux cognitions. Toutefois, malgré 1) le récent appel de Grégoire, Corbett et McMullen (2011) à continuer d’étudier les aptitudes individuelles à percevoir des modèles et 2) la suggestion de Baron (2006) selon laquelle la perception de modèles nécessite une vigilance, peu de chercheurs se sont spécifiquement penchés sur la vigilance dans un contexte cognitif (exceptions faites de Gaglio, 1997; Forbes, 1999; Gaglio et Katz, 2001; Tang, Kacmar et Busenitz, 2012; Valliere, 2013).

Réfléchissant à l’importance de la cognition, de l’identification d’opportunités et de la vigilance, Haynie, Shepherd, Mosakowski et Earley (2010, p.226) ont pourtant proposé en 2010 un modèle métacognitif contextualisé de la mentalité de l’entrepreneur (voir McGrath et MacMillan, 2000). Ces auteurs ont alors soutenu que « [l’]une des applications les plus productives du modèle socialement situé de métacognition pourrait être la reconnaissance des opportunités »233. Citant Gaglio et Katz (2001, p.95), Haynie, Shepherd, Mosakowski et Earley (2010, p.226) ont par ailleurs fait valoir que « la recherche relative à l’identification des opportunités n’en […] [était] qu’à ses débuts, et elle […] [était] au mieux caractérisée comme une dispersion d’études descriptives […] »234.

À partir de notre analyse de la littérature existante, nous proposons que l’entrepreneur vigilant, motivé (McCaffrey, 2014), audacieux (Kirzner, 1999), qui prend en considération les sources d’informations probables et improbables (Kaish et Gilad, 1991), a un plus grand nombre d’informations à sa disposition et qu’il est susceptible : 1) d’adapter ses propres schémas cognitifs flexibles (Gaglio et Katz, 2001); 2) de faire preuve de bisociation (Koestler, 1964) en établissant des liens cognitifs créatifs (Kirzner, 1999, 2009; Korsgaard, Berglund, Thrane et Blenker, 2016) et innovants entre des informations qui étaient jusque-là sans

233 « One of the most productive applications of the socially-situated model of metacognition may be opportunity

recognition » (Haynie, Shepherd, Mosakowski et Earley, 2010, p.226).

234 « [R]esearch regarding opportunity identification […] [was] in its infancy, and […] [was] best characterized

140 rapport (Kaish et Gilad, 1991; Baron, 2006) et 3) d’évaluer de façon plus précise les opportunités bien imaginées (Kirzner, 1999; McMullen et Shepherd, 2006; Korsgaard, Berglund, Thrane et Blenker, 2016). Ces étapes cognitives précèdent, alors, la découverte d’opportunités rentables auparavant négligées (Tang, Kacmar et Busenitz, 2012), encore appelée vigilance envers les opportunités entrepreneuriales.

Le problème majeur de notre interprétation est que les résultats empiriques (quantitatifs ou qualitatifs) qui permettraient d’appuyer cette interprétation (essentiellement théorique) de la vigilance et des trois étapes associées (Tang, Kacmar et Busenitz, 2012) sont insuffisants. Ainsi, en utilisant l’échelle développée par Jintong Tang et ses collègues pour procéder à une double étude quantitative et qualitative, les chercheurs en entrepreneuriat pourraient considérablement éclairer et faire progresser les connaissances sur la vigilance, en soutenant empiriquement et en clarifiant : 1) les trois étapes cognitives mentionnées plus haut, 2) les relations entre elles (i.e. les mécanismes cognitifs utilisés par les entrepreneurs pour rechercher des informations, établir des connexions d’informations innovantes, évaluer les opportunités de façon à découvrir celles qui ont été négligées), 3) les contingences contextuelles liées (Welter, 2011).

Nous soutenons donc qu’il existe, à ce jour, une opportunité encore inexploitée de créer un nouveau courant de recherche focalisé sur la vigilance. En effet, il faut préciser que les recherches actuelles portent davantage sur l’approche de la création et sur la poursuite de directions opposées (la découverte versus la création). Nous soutenons donc que la vigilance, en tant que vecteur cognitif de l’identification des opportunités (Gaglio et Katz, 2001), peut contribuer à une meilleure compréhension du domaine des opportunités.

3.6 Le débat actuel sur la formation des opportunités et le problème qu’il pose

L’approche de l’activation-création (enactment-creation approach) continue d’attirer les chercheurs en entrepreneuriat (Gartner, Carter et Hills, 2003; Baker et Nelson, 2005; Fletcher, 2006; Alvarez et Barney, 2007; McMullen, Plummer et Acs, 2007; Shepherd, McMullen et Jennings, 2007; Sarasvathy, Dew, Velamuri et Venkataraman, 2010; Wood et McKinley, 2010). Cependant, une nouvelle approche combinant les deux autres (découverte et création) a récemment émergé (Alvarez, Barney et Young, 2010; Vaghely et Julien, 2010; Venkataraman, Sarasvathy, Dew et Forster, 2012, 2013; Alvarez et Barney, 2013; Alvarez,

141 Barney et Anderson, 2013; Eckhardt et Shane, 2013; Garud et Giuliani, 2013).

Invitant les chercheurs à mettre l’accent sur le contexte intersubjectif (c’est-à-dire les interactions entre actions individuelles et environnement physique et social), Venkataraman, Sarasvathy, Dew et Forster (2012) défendent la poursuite de vieux objectifs et la création de nouveaux. Ce processus est rendu possible, parce que les opportunités sont considérées comme des artefacts et que « leur formation implique la transformation du monde existant en

de nouvelles possibilités » (p.26)235.

De plus, dans un dialogue récent de l’Academy of Management Review consacré aux opportunités entrepreneuriales, Garud et Giulani (2013) établissent un lien entre les individus et les artefacts. Dans leur perspective narrative, le contexte (éléments sociaux) et les