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Caractéristiques individuelles

SUR LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE

1.2.1 Caractéristiques individuelles

Il convient tout d’abord de nous focaliser sur les caractéristiques individuelles.

1.2.1.1 Motivation pour la croissance et aspiration à la croissance

Se focalisant sur l’individu, de nombreux travaux ont porté sur les relations entre la motivation de celui-ci, ses aspirations et la croissance de son entreprise. Déjà en 1989, Davidsson mettait au jour une relation positive entre la motivation à l’accomplissement (achievement motivation) et la volonté de croissance (growth willingness) des propriétaires-dirigeants de petites entreprises suédoises (Swedish small business owner-managers). De plus, utilisant le terme de « but » (goal), Davidsson explique un peu plus tard que « l’élément central est la situation qui est perçue subjectivement et son rapport avec les buts personnels » (Davidsson, 1991, p.423)138. L’année suivante, Kolvereid (1992) montre que, bien que la relation ne soit pas très forte, la motivation de l’entrepreneur à démarrer son entreprise est reliée à ses aspirations de croissance (growth aspirations). Quatre ans plus tard, Kolvereid et Bullvag (1996) relèvent que ce sont les intentions de croissance de l’entrepreneur qui sont liées à la croissance actuelle de sa firme. En 2003, s’appuyant sur ces travaux et se focalisant sur les aspirations, Wiklund et Shepherd (2003b, p.1923) valident l’hypothèse selon laquelle « [l]es entreprises dirigées par des dirigeants de PME ayant des aspirations élevées en

termes de croissance obtiennent une croissance supérieure »139. En 2008, Delmar et Wiklund montrent notamment que la motivation pour la croissance (growth motivation), au temps t+1, a un effet positif sur la motivation pour la croissance, ainsi que sur la croissance au temps t+2. Motivations et aspirations individuelles jouent donc un rôle important dans la croissance de l’entreprise. Enfin, plus récemment, Wennberg, Delmar et McKelvie (2016) observent que, lorsque le niveau des aspirations n’est pas dépassé (est dépassé), les entreprises les plus vieilles ou les plus grosses (les plus jeunes ou les plus petites) ont davantage tendance à croître que les entreprises les plus jeunes ou plus petites (les plus vieilles ou plus grosses).

137 Ces thèmes sont par ailleurs repris dans les revues de littérature déjà citées.

138 « [T]he core of the matter is the subjectively perceived situation and its relation to personal goals » (Davidsson, 1991, p.423).

139 « Businesses controlled by small business managers with higher growth aspirations achieve greater growth » (Wiklund et Shepherd, 2003b, p.1923).

90 1.2.1.2 Les attitudes envers la croissance

Nous rappelons ici que, investiguant sur les croyances des dirigeants en matière de croissance, Wiklund, Davidsson et Delmar (2003) montrent que des variables comme le bien-être des employés, le revenu personnel du dirigeant, l’indépendance de la firme lorsqu’elle est en relation avec ses clients, ses fournisseurs et ses prêteurs, le contrôle des opérations par le dirigeant ou encore la survie de la firme faisant face à une crise, ont une influence sur l’attitude qu’a le dirigeant envers la croissance (attitude toward growth).

1.2.1.3 Le capital humain

De nombreux articles ont également porté sur la relation entre le capital humain (vu notamment au travers des études poursuivies et des expériences antérieures) et la croissance ou la performance de l’entreprise. En effet, déjà en 1993, Box, White et Barr montrent que l’expérience spécifique du propriétaire/fondateur dans le secteur industriel considéré (the

owner/founders’ industry-specific experience) mais également le nombre de créations

d’entreprises antérieures (previous entrepreneurial start-ups) ou encore le nombre d’années d’expérience au sein de l’équipe de direction, sont autant de variables positivement corrélées à la performance de la firme. Complétant ces résultats, Cooper, Gimeno-Gascon et Woo montrent, dans leur article séminal de 1994, que la formation de l’entrepreneur mais également son genre, la similitude qui existe entre son entreprise et les organisations antérieures pour lesquelles il a travaillé, le fait d’avoir des partenaires, le niveau du capital financier de départ, le secteur, le fait qu’il appartienne à une minorité ou encore que ses parents aient déjà possédé une affaire, constituent autant de variables jouant un rôle important dans la croissance de son entreprise140. L’année suivante, McGee, Dowling et Megginson (1995) remarquent que l’usage d’arrangements coopératifs141 (en termes de marketing, de Recherche et Développement ou encore de fabrication) est lié à une performance supérieure, lorsque l’équipe de direction possède plus d’expérience dans le domaine (expérience

marketing, expérience technique ou de production). Ensuite, toujours en lien avec le capital humain, Gimeno, Folta, Cooper et Woo montrent, dans leur article séminal de 1997, que « les

études poursuivies, l’expérience du management et l’expérience d’encadrement sont

140 Pour une réplication de l’étude de Cooper, Gimeno-Gascon et Woo (1994), voir Dahlqvist, Davidsson et Wiklund (2000).

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positivement corrélées à la performance économique de l’entreprise […] mais que seule l’expérience du management possède la relation positive attendue avec le seuil [de performance économique spécifique à la firme] » (Gimeno, Folta, Cooper et Woo, 1997, p.770)142. Enfin, en lien avec le capital humain et avec le paragraphe précédent portant sur les motivations et les aspirations, nous pouvons noter que Wiklund et Shepherd (2003b, p.1925) valident les hypothèses selon lesquelles « la croissance augmente en fonction des aspirations

des entrepreneurs, mais plus rapidement pour ceux qui a) ont fait davantage d’études, et b) disposent d’une plus grande expérience dans ce domaine (expérience en termes de start-ups, management, et entreprises à croissance rapide) »143.

Toujours sur le capital humain, il faut également noter qu’en 2004, Bosma, Van Praag, Thurik et De Wit (p.229) valident l’hypothèse suivante : « Les investissements spécifiques au

secteur d'activité et à l’entrepreneuriat réalisés dans le capital humain et social du fondateur ont plus d’influence sur la performance de la firme que les investissements généraux en capital humain et social »144. La même année, s’intéressant aux firmes à croissance rapide, Barringer et Jones (2004) mettent au jour que l’expérience antérieure du fondateur dans le secteur ou encore son engagement dans la croissance sont autant de variables qui impactent la croissance de ces firmes. Dans leur article séminal de 2005, Colombo et Grilli trouvent, de façon similaire, que l’expérience professionnelle technique que les fondateurs ont déjà eue dans le même secteur d’activités joue un rôle déterminant sur la croissance. Ces auteurs relèvent également que les années de formation universitaire dans les champs économique et de la gestion et, dans une moindre mesure, dans les champs scientifiques et techniques affectent la croissance de manière positive, alors que la formation dans d’autres domaines n’a pas d’incidence. Toujours en 2005, Barringer, Jones et Neubaum mettent au jour l’importance à la fois de l’expérience antérieure du fondateur dans le secteur, de ses études supérieures et

142 « [E]ducation, management experience, and supervisory experience are positively related to the economic

performance of the venture, but only management experience has the expected positive relationship with [firm’s own] threshold [of economic performance] » (Gimeno, Folta, Cooper et Woo, 1997, p.770). Sur la notion de seuil, voir aussi Grandclaude et Nobre (2014).

143 « Growth will increase with growth aspirations but at a faster rate for those with (a) more education, and (b)

more related experience (experience with start-up, management, and rapidly growing organizations) » (Wiklund et Shepherd, 2003b, p.1925).

144 « Industry-specific and entrepreneurship-specific investments in the business founder’s human and social capital are more influential on firm performance than are general investments in human and social capital » (Bosma, Van Praag, Thurik et De Wit, 2004, p.229).

92 de son historique entrepreneurial145. Enfin, Rauch, Frese et Utsch (2005) montrent en 2005 que le capital humain des propriétaires, ainsi que l’utilisation et le développement des ressources humaines ont un impact positif sur la croissance de l’entreprise de petite taille (croissance mesurée par le nombre d’employés).

Plus récemment, mais de manière plus indirecte, Eckhardt et Shane (2011) montrent qu’il existe une relation positive entre un accroissement de l’emploi de scientifiques et d’ingénieurs et le nombre de nouvelles firmes à croissance rapide présentes dans le secteur. Enfin, il faut noter que le capital humain continue d’être étudié de manière directe puisque : 1) Rauch et Rijsdijk (2013) observent par ailleurs que le capital humain général des fondateurs (leur formation et leur expérience professionnelle) a un effet positif sur la croissance de la firme et que 2) Siepel, Cowling et Coad (2015) montrent que le capital humain des fondateurs a un impact positif sur la croissance à long terme des firmes anglaises appartenant au secteur des hautes technologies. Nous pouvons donc conclure que le capital humain a une incidence importante sur la croissance de l’entreprise.

1.2.1.4 Autres variables individuelles intervenant dans la croissance

Étudiant le genre, Kalleberg et Leicht (1991, p.156) soulignent que « [l]a croissance

des bénéfices […] [est] sans rapport avec l’expérience, l’innovation et la confiance, tant pour

les hommes que pour les femmes […] »146. Par ailleurs, modélisant les progressions de la carrière entrepreneuriale, Katz (1994) explique, à partir de la typologie duale de Smith (1967), que les entrepreneurs opportunistes continuent de faire croître leurs entreprises. Dans leur étude portant sur les réseaux et la croissance de la petite entreprise, Donckels et Lambrecht (1995) montrent notamment que les entrepreneurs qui développent leurs contacts (voir également Siegel, Siegel et MacMillan, 1993) en participant à des salons, des séminaires ont plus de chances d’être dans la ligue de la croissance (ou growth league). En 1997, s’intéressant aux valeurs des dirigeants, Ivanaj et Géhin (1997, p.105) concluent que « [l]e

145 La citation liée à l’historique entrepreneurial est la suivante : « ... cette variable a été affectée dans le cas où

un entrepreneur se rappelait les sacrifices qu’il avait dû faire pour lancer son entreprise ou lorsque les expériencespassées des fondateurs les avaient mis sur la voie pour devenir entrepreneurs » (Barringer, Jones et Neubaum, 2005, p.678-679) [« ... [t]his variable was assigned when an entrepreneur recalled the sacrifices

made to start the business or when the life experiences of the founders set them on the path to become entrepreneurs »].

146 « Earnings growth […] [is] unrelated to experience, innovation, and confidence for both men and women […] » (Kalleberg et Leicht, 1991, p.156).

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choix de la croissance se manifeste davantage parmi les dirigeants bénéficiant d’un sentiment affirmé de bonheur, de confiance en soi, en autrui et en l’avenir ». Enfin, faisant écho à

Kalleberg et Leicht (1991), Cliff (1998) propose que « [l]es femmes entrepreneures visent un

taux de croissance moins élevé que les hommes entrepreneurs » (Cliff, 1998, p.538)147.

En 2000, mettant au jour l’importance des conseillers externes, Robson et Bennett (2000) concluent que l’usage de 1) juristes, 2) fournisseurs, 3) clients, 4) amis professionnels et 5) d’associations professionnelles est positivement relié à la croissance du 1) Chiffre d’Affaires, du nombre d’employés et de la profitabilité, 2) nombre d’employés, 3) Chiffre d’Affaires, 4) nombre d’employés et 5) du nombre d’employés de la firme. Ces auteurs soulignent aussi que le partenariat le plus bénéfique est celui qui est noué avec les fournisseurs. De manière plus globale, Julien (2001) met au jour quatre grandes variables permettant de distinguer les PME à plus forte croissance des autres PME : « [u]ne

organisation complexe, décentralisée et participative; [u]ne orientation dynamique et cohérente donnée par la direction; [u]ne différenciation basée sur l’innovation et l’échange de savoirs avec les clients; [u]n savoir enrichi par de la formation continue et des liens privilégiés avec des réseaux à signaux forts et à signaux faibles dans l’environnement »

(Julien, 2001, p.152). S’intéressant à la vision, Baum et Locke (2004) montrent que la combinaison du contenu et de la communication de la vision prédisent mieux la croissance de l’entreprise que l’une ou l’autre des composantes prises séparément. Par ailleurs, s’intéressant à l’âge, Gielnik, Zacher et Frese (2012) mettent au jour que plus le propriétaire avance en âge, moins son entreprise va croître. Enfin, revenant sur l’importance de la vision, Chanut-Guieu et Guieu (2015) montrent qu’un entrepreneur visionnaire favorise l’hypercroissance de la PME.