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CONCLUSION CHAPITRE 1

Paragraphe 1- L’approche consumériste du non-professionnel

B. Une protection restreinte

Le législateur français a fait le choix d’adopter une conception restreinte de la protection qu’il confère à certaines personnes morales. Une restriction qui porte tant sur son champ d’application (1) que sur l’étendue de la protection (2).

1) Un choix restrictif quant à son champ d’application

358. Toutefois cette dichotomie ne correspond pas exactement à la perception qu’en avait le législateur ou même la jurisprudence à l’origine, utilisant la notion pour prendre en considération la situation des professionnels agissant en dehors de leur champ de spécialité441

sans forcément distinguer selon qu’il s’agisse d’une personne morale ou physique. Car s’il est vrai qu’avec un arrêt442 du 28 avril 1987, c’est la Cour de cassation qui avait initié cette tendance en protégeant précisément une personne morale qui avait contracté en dehors du champ de son activité443, en revanche toutes les décisions qui ont suivi jusqu’en 2005 ont visé la protection du « professionnel consommateur » personne physique444.

441 N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, Les contrats de consommation, Règles communes, Coll. Traité de droit civil, LGDJ, 2012, n° 114.

442 Cass. 1ère civ. du 28 avril 1987, Bull. 1987, I, n°134, p.103, n°85-13674, JurisData n°1987-000971.

443 De sorte que la Cour a considéré qu’elle n’avait pas agi à des fins professionnelles.

444 A titre d’exemple : Cass. 1ère civ., du 3 mai 1988, Bull. civ. 1988, I, n° 125, n° 85-18.466, JurisData n° 1988-701184 ; Cass. 1ère civ. du 6 janv. 1993, Bull. civ. 1993, I, n° 4, n° 90-20.726 : JurisData n° 1993-000001.

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2) Un choix restrictif quant à l’étendue de la protection

359. Si le droit communautaire n’interdit pas d’étendre le bénéfice des textes réservés aux consommateurs aux personnes morales445, ce n’est pas le choix qui a été fait en droit interne. Il en résulte que le Code de la consommation est bien moins protecteur à l’égard du non-professionnel qu’il ne l’est pour le consommateur. Il y a donc une certaine cohérence à ce que la notion se rattache aux personnes morales qui n’appellent pas le même niveau de protection. Un auteur justifie cette position en tenant compte du fait que la personne morale n’est pas seule à décider dans la mesure où elle est représentée par un organe collectif qui prend des décisions collectives. Il en va ainsi par exemple pour le syndicat des copropriétaires ou encore les associations caritatives. Il en conclut que « l’expression d’une volonté saine ne peut donc être

appréciée de la même manière pour un consommateur isolé et pour un collectif de personnes qui prennent une décision à une majorité plus ou moins qualifiée »446.

360. L’avenir de la notion au regard de l’étendue du champ de protection. Le champ de la

protection offert au non-professionnel étant limité aux seuls textes le visant expressément, et ces textes étant en nombre plus restreint que ceux relatifs au consommateur, certains doutent de l’avenir de la notion. Selon eux, la récente réforme du droit des contrats447 « ampute la

protection consumériste offerte au non-professionnel de l’essentiel de sa portée »448, celle-ci offrant des protections assez proches dédiées à la partie faible. Mais c’est un point sur lequel nous reviendrons plus en détails dans la seconde partie de cette étude449.

445 CJCE du 14 mars 1991, aff.C-361/89, di Pinto, sur l’application d’une directive communautaire : « elle ne

saurait dès lors être interprétée comme interdisant aux Etats membres de prendre des mesures dans un domaine qu’elle ne concerne pas, comme celui de la protection des commerçants »

446 G.RAYMOND, Note sous CA Pris du 15 janvier 2014, Op.cit.

447 Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO n°0035 du 11 février 2016, texte n°26.

448 Selon l’analyse de F.MAUME, « L’avenir de la notion de non-professionnel en droit de la consommation », Contrats Concurrence Consommation °4, Avril 2016, étude 5.

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II- L’absence d’action à des fins professionnelles

361. Le non professionnel est donc nécessairement une personne morale, à ce critère personnel s’ajoute le critère matériel qui tient à la finalité professionnelle ou non de l’acte. Seulement, encore faut-il pouvoir déterminer exactement ce que recouvre la notion de « finalité professionnelle »450 de l’acte conclu par le non-professionnel.

362. Du critère du rapport direct à celui de la finalité professionnelle. A défaut de

définition, depuis 1995, la jurisprudence451 avait dégagé le critère du « rapport direct » avec l’activité professionnelle452 pour déterminer si une personne relevait ou pas du champ d’application du droit de la consommation. S’agissant d’une personne morale, la Cour de cassation a jugé que le rapport direct avec l’activité professionnelle s’appréciait à l’aune de l’objet social stipulé dans les statuts, laissant le soin aux juges du fond d’apprécier souverainement ce critère.

363. Ce critère du rapport direct est assimilable « au simple lien avec les besoins

professionnels »453, de sorte que paradoxalement, alors que la notion de non-professionnel avait été créée pour protéger le professionnel agissant en dehors de son domaine de compétence, avec ce critère de rapport direct avec l’activité, la spécialité et la compétence dudit professionnel sont parfaitement indifférentes, le seul fait qu’il agisse dans le cadre de son activité l’exclut de

facto de la protection.

364. Or, longtemps s’était posée la question de savoir si la notion de lien direct devait ou pas se confondre avec la notion de compétence professionnelle, occasionnant une jurisprudence très fluctuante des juges du fond sur la question. En outre, ce critère à lui seul a été jugé insuffisant,

450 Sur la finalité professionnelle, voir développements infra

451 Cass. 1ère Civ. du 24 janvier 1995, Bull. 1995, I, n°54, p.38, n°92-18227.

452 Jurisprudence s’inspirant de la rédaction des dispositions sur le démarchage à domicile, dans sa rédaction d’alors, qui excluait de son champ d’application les contrats ayant un « rapport direct avec les activités » exercées dans le cadre d’une profession.

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et la jurisprudence est venue préciser qu’il s’étudiait au regard de la finalité de l’opération envisagée454.

365. En résumé, le critère du « rapport direct », entre l’acte et l’activité professionnelle, participait de l’insécurité juridique liée à la difficile définition des principaux acteurs du Code de la consommation455. L’insécurité juridique que le Doyen Marty appelait le « scandale des

décisions contradictoires »456dans la mesure où, en laissant l’appréciation souveraine de ce critère au juges de fond, les justiciables obtiennent des décisions différentes selon le lieu au mépris de « l'égalité et de la certitude du droit »457.

366. En conclusion, pour rentrer dans le champ d’application du non-professionnel du contrat de consommation, il faut pouvoir déterminer concrètement si l’acte en cause passé par la personne morale ne poursuit pas des fins professionnelles, à défaut, ce sera la qualité de professionnel qui sera retenue.

Paragraphe 2- Le professionnel

367. Le professionnel constitue le dernier acteur du contrat de consommation. A contrario des définitions proposées pour le consommateur et pour le non-professionnel, le professionnel, quant à lui, se définit comme celui qui « agit à des fins professionnelles ». Acteur central du contrat de consommation (I), le professionnel a également été défini par le législateur (II).

454 Par exemple l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 16 mars 2005, JurisData n°2005-277661.

455 En ce sens, G.PAISANT, « A la recherche du consommateur – Pour ne finir avec l’actuelle confusion née de l’application du critère du « rapport direct », La semaine Juridique Edition Générale n°13, 26 mars 2003, doctr.121.

456 G. MARTI, La distinction du fait et du droit. Essai sur le pouvoir de contrôle de la Cour de cassation sur les

juges du fait, Thèse Univ. Toulouse, Sirey, 1929, p. 365.

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I- La nécessaire définition des professionnels du contrat de consommation

368. Définition. Jusqu’à très récemment, aucune définition légale du professionnel n’existait,

il fallait donc se référer aux textes communautaires458. Pour pallier ce manque, l’ordonnance459

du 20 août 2015 proposait une définition du professionnel dans le cadre des règlements extrajudiciaires des litiges de consommation. Le « professionnel » étant « toute personne

physique ou toute personne morale, qu’elle soit publique ou privé, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale ou libérale »460.

369. Mais comme pour le non-professionnel, il fallut attendre l’ordonnance du 14 mars 2016 pour avoir une définition légale du professionnel. Le législateur s’étant aligné sur la conception finaliste communautaire, il l’a définit comme « toute personne physique ou morale, publique

ou privé, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom et pour le compte d’un autre professionnel »461.

370. Les critères de détermination de la finalité professionnelle. Compte tenu du critère

unique de « finalité professionnelle » qui constitue la ligne de démarcation entre protégés et obligés du contrat de consommation, se pose pour le professionnel la même question du critère permettant de caractériser l’accomplissement d’une activité professionnelle. Car si ce critère semble, à première lecture, plus précis que celui « du rapport direct » posé par la jurisprudence précédemment, il s’avère que cette finalité professionnelle dans certaines situations sera plus

458 Qui définissent le professionnel comme étant « la personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit,

y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou autre ».

Définition issue de l’article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil

459 Ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation

460 Article L.151-1 du Code de la Consommation, introduit par l’Ordonnance du 20 août 2015 citée supra.

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difficile à rapporter avec certitude en ce que les critères qui la déterminent doivent encore être précisés462.

II- La nécessaire frontière entre les protégés et les professionnels du contrat

La distinction entre ceux qui doivent bénéficier des dispositions protectrices et ceux qui en sont les débiteurs est primordiale, qu’il s’agisse du contrat de consommation (A), ou du contrat de construction (B).