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CONCLUSION CHAPITRE 1

Paragraphe 1- De la destination de l’immeuble

379. Le droit des contrats spéciaux de construction utilise le terme de « professionnel ». Celui-ci caractérise l’usage d’un bien immobilier en fonction duquel une opération relèvera ou non du secteur protégé. L’approche du « professionnel », bien que spécifique à la matière (I) reste sous l’influence de l’esprit consumériste (II).

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I- De l’usage professionnel

380. La protection relative à la destination de l’immeuble. C’est dans les dispositions

relatives au « secteur protégé »464, du droit spécial de la construction que le terme de « professionnel » est utilisé. C’est la loi465 du 3 janvier 1967 qui a introduit ces dispositions. 381. Dans le Code de la construction la notion de « professionnel » est nécessairement associée à l’« usage d’habitation ou professionnel et d’habitation » d’un bien immobilier, le mot professionnel faisant référence à une activité libérale. Le droit de la construction n’associe donc pas ce terme à une problématique de qualité des personnes mais à l’usage d’un bien, l’usage professionnel s’opposant à la destination commerciale ou artisanale du bien. Ainsi, celui qui exerce une activité libérale sera éligible à la protection dès lors qu’il acquiert le bien avec l’intention de l’affecter, pour partie à un usage de logement et l’autre partie pour l’exercice de sa profession. En la matière, le droit de la construction distingue donc là où le droit de la consommation ne le fait pas dans la mesure où ce dernier qualifie de « professionnelle » toute activité rémunératrice, l’activité libérale au même titre que l’activité commerciale ou artisanale. 382. De l’usage projeté. C’est la destination que l’acquéreur entend réserver au bien qu’il y a

lieu de prendre en considération pour déterminer si l’opération relève du secteur protégé, et non pas la destination du bien au moment de l’achat, ou celle qui ressort du règlement de copropriété ou de l’état descriptif de division.

383. L’indifférente qualité des parties. Le seul critère qui importe pour définir le champ

d’application du secteur protégé est donc purement objectif et tient à la nature de l’immeuble, plus précisément à l’usage qui lui est réservé, peu importe la qualité des parties. L’acquéreur peut parfaitement être une personne physique, une personne morale, profane ou avertie466, comme une société commerciale, par exemple la vente à des sociétés commerciales de lots de copropriété dans une résidence avec services pour des personnes âgées, sociétés qui vont

464 Le secteur protégé est défini à l’article L261-10 du Code de la construction et de l’habitation.

465 Loi n°67-3 du 3 janvier 1967 relative aux ventes d’immeubles à construire ou en cors de construction et à l’obligation de garantie à raison des vices de construction, JO du 04 janvier 1967 page 103, modifiée par la loi n°547 du 7 juillet 1967, tendant à reporter la date d’application et à préciser certaines dispositions de la loi 67-3 relative aux ventes d’immeubles à construire ou en cours de construction et à l’obligation de garantie à raison des vices de construction, JO du 9 juillet 1967 page 6869.

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conclure un bail commercial pour en confier la gestion à un exploitant467. Dès lors que l’usage de ces locaux est destiné à de l’habitation, ici le logement de personnes âgées, alors les transactions seront soumises aux dispositions relatives au secteur protégé. Ainsi, si dans ce cas de figure, le droit de la construction protège l’acquéreur, le droit de la consommation ne sera pas applicable compte tenu de la qualité des parties, l’acquéreur étant sans conteste un « professionnel » au sens consumériste du terme.

384. Il s’agit bien là encore d’une différence fondamentale entre le droit de la construction et le droit de la consommation, pourtant, même s’il s’en détache sur ces points, l’esprit de ce texte ne va pas sans rappeler celui qui gouverne le droit de la consommation.

II- L’usage mixte professionnel et d’habitation

385. Un esprit de protection commun. Malgré ces divergences, l’influence consumériste reste

pourtant présente dans l’esprit du texte. En effet, s’il ne fait aucun doute que la protection de l’habitation fait écho à la protection du consommateur468, la protection de l’usage mixte professionnel et d’habitation du droit de la construction se rapporte, quant à elle, à la protection du « non-professionnel » du droit de la consommation.

386. Ainsi, comment ne pas faire le rapprochement entre la protection relative à cet « usage mixte » et la protection du professionnel qui agit en dehors de son domaine de compétence, premier critère de protection du « non-professionnel « du droit de la consommation. Ou encore l’approche consumériste communautaire qui étend sa protection aux « contrats mixtes » conclus à des fins professionnelles et personnelles à condition que cette finalité professionnelle soit si limitée qu’elle n’est pas prépondérante469. Or, quel meilleur exemple que ce professionnel du droit de la construction, profession libérale, qui dans les faits, se réserve l’usage d’une pièce, dans son domicile, pour exercer son activité, l’affectation du bien au logement restant ici déterminante.

467 Par exemple : Cass. 3ème civ. du 07 janvier 2016, Bull., n°14-29655, JurisData n°2016-000060.

468 Voir supa

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Et a contrario, les règles du secteur protégé ne s’appliquent pas aux contrats portant sur un bien à usage mixte commercial ou artisanal, dont il est acquis que le logement n’est que l’accessoire de leur activité économique470. Or, le commerçant est le « professionnel »par excellence dans l’esprit du droit de la consommation, celui contre lequel le consommateur doit être protégé. 387. Le droit de la construction précurseur. Ainsi, outre la protection conférée aux

« consommateur d’habitation », lorsque le texte fut élaboré, en faisant également référence à l’ « usage mixte professionnel et d’habitation » au seul bénéfice des professions libérales, le législateur protégea ce qui deviendra, plus de dix ans plus tard, le non-professionnel du droit de la consommation.

388. En effet, les dispositions relatives au secteur protégé datent de 1967, quand le non-professionnel du droit de la consommation n’est apparu qu’en 1978, de sorte que le droit de la construction, ici encore, fut précurseur en matière consumériste. Certains considèrent même que les contrats spéciaux de construction font partie du droit de la consommation471, mais il s’agit là d’une vision très large de la matière que nous n’adopterons pas dans cette étude, car demeure une différence majeure entre les deux branches tenant au fait que la qualité des parties est parfaitement indifférente à l’application des règles du secteur protégé.

Toutefois, il faut reconnaitre que ces deux corps de règles sont teintés du même esprit protecteur, mais cet esprit est mis au service d’objectifs différents. N’oublions pas, en effet, que ces deux branches du droit n’ont pas les mêmes fonctions régulatrices, tant sur le plan social qu’économique, ce qui explique leur divergence, qu’il semble essentiel de garder à l’esprit.

470 En ce sens, H.PERINET-MARQUET, note. sous Cass.3ème Civ., du 30 janvier 2008, n°06-21145, La Semaine

Juridique Notariale et Immobilière n°27 du 04 juillet 2008, 1231.

471 J.CALAIS-AULOY et H.TEMPLE, Droit de la consommation, Op. cit., ces auteurs traitent de la réglementation relative à ces contrats dans leur ouvrage dédiés au droit de la consommation.

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