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CONCLUSION CHAPITRE 1

Paragraphe 1. L’acquéreur d’ouvrage

A. L’acquéreur emprunteur :

333. La qualité d’emprunteur est indépendante du contrat de construction, toutefois, l’opération immobilière, en raison de son coût excessif, est quasi systématiquement financée à l’aide d’un prêt consenti par un organisme financier, raison pour laquelle le droit de la consommation a créé une interdépendance entre le contrat de construction et le contrat de prêt finançant ladite construction414. Le Code de la consommation prévoit des dispositions protectrices spécifiques au bénéfice de l’emprunteur immobilier, indépendamment des autres textes du Code qui peuvent s’appliquer à un contrat de construction. L’étude de l’acquéreur dans sa dimension d’emprunteur est donc pertinente dans la détermination des objets de protection dans un contrat de construction.

334. L’acquéreur emprunteur du droit de la consommation. Le Code de la consommation

a donc une approche différente de l’acquéreur qu’il définit à l’article L.311-1 comme étant « toute personne qui acquiert, souscrit ou commande au moyen des prêts mentionnés au 1° de

413 Article 1199 du Code civil : « le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni

demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter sous réserve des dispositions de la présente

section et de celles du chapitre III du titre IV».

414 A propos de la protection relative à l’interdépendance du contrat de prêt et du contrat de vente ou de construction voir supra.

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l’article L.313-1 »415. Il n’envisage donc l’acquéreur que par le biais du financement qu’il souscrit consécutivement à la vente d’un bien. Cet article est inséré dans les dispositions relatives aux opérations de crédits, et il s’avère qu’une nouvelle différence d’approche entre les deux disciplines apparaît à la lumière de la nouvelle définition de l’emprunteur insérée dans le même article.

335. L’emprunteur. Ainsi, depuis l’Ordonnance416 du 25 mars 2016, l’emprunteur est assimilé au consommateur personne physique, ce qui n’était pas le cas auparavant, les dispositions relatives au crédit immobilier faisant seulement référence à l’acquéreur (et non à l’emprunteur), au sens de toute personne qui acquiert, souscrit ou commande au moyen des prêts immobiliers. Le terme d’emprunteur était auparavant réservé aux dispositions relatives au crédit à la consommation.

336. En pratique. La protection du texte s’étend à tous les particuliers, personnes physiques,

empruntant pour acquérir un logement pour eux-mêmes. Sont également concernées les personnes morales à la condition que le crédit ne serve pas à financer une activité professionnelle417.

337. Néanmoins, dans l’hypothèse où l’opération ne relève pas du champ d’application de la réglementation sur le crédit immobilier, il est toujours possible pour les parties de s’y soumettre volontairement418. Cette soumission ne portant que sur les dispositions du régime légal en

415 Article L313-1 (tel que modifié par Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016) « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent :

1° Aux contrats de crédit, définis au 6° de l'article L. 311-1, destinés à financer les opérations suivantes : a) Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation :

-leur acquisition en propriété ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

-leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

-les dépenses relatives à leur construction ;

b) L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au a ci-dessus ;

416 Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, JO n°0073 du 26 mars 2016, texte n°27.

417 Articles L.313-1 2° et 3° du Code de la consommation.

418 Cass. 1ère civ. du 23 mars 1999, Bull. civ. I, n° 108, n° 97-11.525, JurisData n° 1999-001244, et plus récemment, Cass. 1ère civ. du 3 févr. 2016, Bull. civ, n° 15-14.689, JurisData n° 2016-001528.

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matière de crédit immobilier, cela ne confère pas la qualité de consommateur419 à l’acquéreur420, en conséquence de quoi, ce dernier ne pourra pas se prévaloir de l’application d’autres textes du Code de la consommation.

338. De l’influence du droit de la construction. Il ressort des travaux parlementaires que

lorsque le législateur a élaboré le texte sur le crédit immobilier421, c’est précisément la protection du candidat au logement ou, d'une manière plus générale, celle de l'accédant à la propriété, dans le domaine de l'habitation qu’il visait, peu importe qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, sur ce point les différentes réformes opérées qui ont pu impacter ces dispositions n’ont pas altéré l’esprit du texte. Pour déterminer quelle est l’influence que ces dispositions ont subie, il faut établir si elles répondent aux caractéristiques du droit de la consommation.

339. La finalité sociale du droit de la consommation se caractérise par sa capacité d’une part,

à apporter des solutions de protection à une partie faible contre la toute puissance d’une partie forte et, d’autre part à assurer une certaine paix sociale grâce à sa dimension collective. Une finalité sociale teintée de régulatrice d’un marché.

Ces deux caractéristiques se retrouvent dans ce texte, qui lorsqu’il fut élaboré par le législateur avait pour objectif de veiller aux intérêts de la partie faible. Il ressort notamment des travaux parlementaires sur cette question que « dans un acte essentiel et inhabituel, l’acquéreur n’est

pas à armes égales avec les prêteurs ou avec les vendeurs lorsque ce sont des professionnels… » 422. Cette règlementation vise à protéger le consommateur et le non-professionnel423, les cibles du droit de la consommation, ce seul critère suffit déjà à considérer qu’on est en présence d’un texte consumériste.

De plus, sa capacité à contribuer à la paix sociale n’est plus à démontrer à la lumière de la crise des subprimes qui a touché les Etats-Unis en 2008 qui ne bénéficiaient d’aucune réglementation

419 Ni celle de non-professionnel.

420 Cass. 1ère civ. du 14 janv. 2016, n° 14-28.034.

421 Loi n°79-596 du 13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, JORF du 14 juillet 1979, page 1836.

422 Déclaration du Ministre de l’Economie : JO du Sénat CR du 14 octobre 1977, page 2298.

423 Article L311-1, 2°du Code de la consommation pour la définition de l’emprunteur consommateur et L313-1, 3° pour le non-professionnel tel que modifié par l’ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016.

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analogue. Dans le même temps, il a également rempli sa mission de régulateur du marché, en évitant une crise similaire en France.

340. L’objectivisation du champ d’application de ce texte consumériste. Ainsi, point de

« consommateur » mais un « emprunteur », et une condition tenant à la destination de l’immeuble telle que définie dans le secteur protégé du droit de la construction. Peut-on pour autant parler d’influence d’une branche du droit sur l’autre ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une très bonne illustration de la capacité de ces deux corps de règles à s’interpénétrer dans un souci commun de protection ? Ce texte qui a pourtant bientôt 40 ans, témoigne de ce que la question de la convergence ou de l’influence de ces deux branches du droit n’est pas récente pour le législateur qui a réussi, pour l’occasion, à concilier les différents impératifs de protection. S’agissant de la question de l’effectivité et de l’efficacité de ces dispositions, il semblerait que la formule trouvée soit la bonne pour résoudre les problématiques inhérentes au financement de l’immeuble, ces règles participent à une amélioration de la situation du consommateur accédant immobilier et illustrent bien le caractère artificiel d’une dichotomie stricte entre les différentes branches du droit défendue par certains auteurs . Cette approche va dans le sens de l’analyse d’un auteur qui encourage le législateur à ne pas faire « l’économie d’une réflexion

sur l’utilité et l’adaptation des règles du droit de la consommation applicables aux contrats de constructions »424.

341. Certains, pourtant, ont pu regretter que la dernière réforme, opérée en matière de crédit immobilier425 en 2016, ne limite pas le champ d’application du texte aux seuls consommateurs. En effet, selon un auteur, la possibilité laissée au non-professionnel personne morale de bénéficier de cette réglementation, serait une source d’insécurité juridique jurisprudentielle426, incitant les prêteurs à se soumettre volontairement au texte sur le crédit immobilier « pour ne

pas risquer l’intervention du juge dans leurs opérations »427. Mais une telle décision aurait dénaturé le texte en ce qu’il relève d’un mariage bien pensé entre les fonctions régulatrices du droit de la construction et du droit de la consommation.

424 M.POUMAREDE, « les contrats de constructions et le droit de la consommation », op. cit, page 22.

425 Par l’ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016, op.cit., transposant la directive communautaire 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel

426 Voir à ce propos infra

427 N.MATHEY, Note sous Cass. 1ère civ. du 22 sept. 2016, n° 15-18154 et n°15-18858, Revue de Droit bancaire

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342. Cette approche du droit de la consommation, non restreinte au seul consommateur, est donc cohérente avec les textes relatifs au secteur protégé de la vente d’immeuble à construire428

qui confèrent une protection en fonction de la destination du bien vendu. C’est là le marqueur d’une influence que le droit de la construction a pu exercer sur le droit de la consommation. 343. En effet, comme nous avons déjà pu le constater dans cette étude, l’influence qu’une des deux branches peut exercer sur l’autre n’est pas unidirectionnelle et il faut garder à l’esprit que le droit de la construction, dans sa dimension protectrice, est antérieure en France à l’avènement du droit de la consommation tel que connu aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle jusqu’à l’ordonnance du 25 mars 2016, le texte ne faisait référence qu’à l’acquéreur et non à l’emprunteur, faisant ainsi écho aux règles du secteur protégé quant au champ d’application de la réglementation. Ce rapprochement étant parfaitement justifié tenant l’interdépendance des deux contrats de prêt et de vente dans la pratique.

344. Et même si cette réglementation ne s’applique pas seulement dans le cadre des contrats spéciaux de construction, dans un souci de cohérence, le législateur a su faire preuve de pragmatisme en allant chercher dans le droit de la construction le mécanisme le plus approprié pour répondre à une problématique consumériste. C’est la raison pour laquelle le champ d’application de ce texte ne se limite pas au seul consommateur, le non-professionnel en étant également bénéficiaire à certaines conditions, même si, compte tenu de la position de la jurisprudence, et dans l’attente de l’interprétation qu’elle pourra faire des nouveaux critères de l’article liminaire, le nombre de personnes morales non-professionnelles éligibles à ses dispositions est très limité.

428 Loi du 3 janvier 1967 n°67-3 relative aux ventes d’immeubles à construire ou en cours de construction et à l’obligation de garantie à raison des vices de construction, JO du 4 janvier 1967 page 103.

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TITRE 2 – LE NON-PROFESSIONNEL ET LE