Conclusion Chapitre 1
Paragraphe 2. Le non-professionnel en droit de la construction : l’exemple du syndicat des copropriétaires
B. La représentation par un mandataire
430. Le syndicat des copropriétaires ne bénéficie donc des dispositions du Code de la consommation qu’à la condition qu’elles visent le non-professionnel, le privant d’un certain nombre de règles protectrices, et ceci sans pouvoir prendre en considération les disparités qui existent d’un syndicat à l’autre. Mais au-delà de ce constat, la question s’est posée de savoir si son statut pouvait toutefois être impacté lorsqu’il est représenté par le mandataire professionnel qu’est le syndic.
431. Une solution claire posée par la jurisprudence. La Cour de cassation a récemment eu
l’occasion d’y répondre par le biais de deux arrêts en date du 25 novembre 2015 dans lesquels elle a jugé que le syndicat conserve sa qualité de non-professionnel alors qu’il est représenté par un syndic professionnel, et ceci quand bien même ce syndic n’aurait pas été dûment mandaté pour résilier un contrat511. Sa décision étant fondée sur l’article 1984 du Code civil relatif au mandat et qui constitue le siège du mécanisme de la représentation, la représentation étant définie par H.CAPITANT comme étant « une fiction en vertu de laquelle le représenté est censé
508 En ce sens, R. LOIR, « les nouvelles définitions du professionnel, du consommateur et … non-professionnel »,
La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°27-28, du 7 juillet 2016, 1402.
509 Ibidem.
510 Avis n° 1123 du 11 juin 2013 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi n° 1015 relatif à la consommation.
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manifester sa volonté par l’intermédiaire du représentant. Le représentant n’est en quelque sort, que le véhicule de la volonté du représenté »512.
432. La Cour d’appel de Paris513 précisait, moins d’un mois plus tard que, compte tenu de sa fonction essentielle qui est d’entretenir et de gérer l’immeuble dans le cadre des mandats qui lui sont donnés par les copropriétaires, le syndicat des copropriétaires « se retrouve dans la
même position qu’un consommateur dans ses rapports avec les prestataires de services, peu important qu’il soit représenté par un syndic professionnel qui n’est qu’un exécutant et non un décideur relativement aux contrats conclus avec les fournisseurs, et il doit bénéficier des dispositions protectrices de l’article [L136-1] »514. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait
rendu un arrêt dans le même sens, mais rajoutait que l’activité de syndicat des copropriétaires « n’est pas un métier et il n’a pas de perspective lucrative, il ne s’agit donc pas d’un
professionnel » 515.
433. Une solution critiquée. Un auteur s’interroge sur la raison qui fait que le syndic apparaît
comme totalement occulté et s’étonne que la part des choses ne soit pas faite entre les effets patrimoniaux d’un acte réalisé par le représentant et « la réalité de l’intervention du
représentant lors de la réalisation de cet acte »516. Car s’il ne conteste pas la protection dont bénéficie le syndicat, en revanche il critique la solution en ce qu’elle manifeste d’« une extrême
indulgence au profit du syndic ». En effet, dans la mesure où ce dernier a vocation à bénéficier,
par ricochet, de la protection conférée au syndicat, il en résulte que les copropriétaires sont donc privés d’une action à l’encontre du syndic pour un éventuel manquement à ses obligations au titre de l’acte litigieux517.
434. A l’aune de la nouvelle définition du non-professionnel. Ces arrêts sont antérieurs au
nouvel article liminaire518, toutefois la nouvelle définition posée par le Code de la
512 H.CAPITANT, Introduction à l'étude du droit civil, Pedone, 1929, 5ème éd., p. 364.
513 CA de Paris du 10 décembre 2015 n°14/01092 JurisData n°2015-027771.
514 S.BERNHEIM-DESVAUX, observations sous CA de Paris du 10 décembre 2015 n°14/01092, Contrats
Concurrence Consommation n°3, mars 2016, comm.82.
515 CA Aix-en-Provence du 22 octobre 2015, RG n°14-14229.
516 N.DISSAUX, Note sous Cass. 1ère civ., du 25 novembre 2015, n°14-20760, La semaine Juridique Edition Générale n°9 – 10, du 29 février 2016, 260.
517 Ibidem.
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consommation ne modifiera sûrement pas la position du juge comme l’a d’ailleurs confirmé la Cour de cassation dans un arrêt519 du 1er mars 2017 solution réitérée520 le 29 mars 2017. En effet, l’article liminaire est la consécration législative de la notion de « non-professionnel » telle qu’appréhendée par cette jurisprudence521, il n’y a donc pas de raison que la solution évolue dans l’immédiat.
435. Conclusion. Il résulte de ces jurisprudences que si le législateur a considérablement réduit
la marge de manœuvre laissée au juge dans l’appréciation de la qualité du contractant, ce dernier s’engouffre dans la brèche et confère au non-professionnel un champ d’application relativement étendu comme c’est le cas lorsqu’il permet au syndicat de conserver cette qualité alors même qu’il agit par le biais d’un professionnel qui reste, au demeurant, débiteur d’un devoir de conseil à son égard. Cette position de la jurisprudence à l’égard du non-professionnel participe « d’un
courant qui tend à élargir la notion »522.
436. Le contrat de consommation oppose nécessairement une personne physique ou morale en position de vulnérabilité à une autre personne en position de force. Il sera question à présent d’envisager quels seront les contractants d’un contrat de construction qui sont susceptibles d’endosser la qualité de professionnel lorsque ce contrat de construction entre dans le champ d’application du contrat de consommation.
519 Cass. 1ère Civ. du 1er mars 2017 n°16-143157, JurisData n°2017-004085.
520 Cass.1ère Civ. du 29 mars 2017, Bull., n°16-10007, JurisData n°2017-005677.
521 En ce sens A.LEBATTEUX, Note sous Cass.1ère civ. du 29 mars 2017 n°16-10007, Loyers et Copropriété n° 5, Mai 2017, comm. 117.
522 A ce propos, H.PERINET-MARQUET, Chronique de droit des biens, La Semaine Juridique Générale n°15 du 11avril 2016, Doctr. 446, n°14.
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