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Conclusion Chapitre 1

Paragraphe 2. Le caractère professionnel des sociétés

A. La société civile professionnelle

460. En l’état actuel de la jurisprudence, les sociétés, qu’elles soient civiles immobilières (de gestion de patrimoine) ou de construction vente, détiennent la qualité de professionnel, le juge ayant appliqué jusqu’à présent le critère de « rapport direct » de l’acte avec l’objet social de la société, sans prendre en considération l’activité réellement exercée561, la compétence ou le caractère spéculatif de l’opération.

557 Pour de plus amples développements sur ce point voir infra

558 Hormis quelques rares exceptions comme l’article L221-3 du Code de la consommation qui étend la protection de la loi sur les contrats conclus hors établissement aux professionnels sollicités qui n’emploient pas plus de cinq salariés et pour un contrat qui n’entre pas dans le champ de son activité principale.

559 Par exemple, Cass. 3ème civ. du 07 janvier 2016, Bull., n°14-29655 à 14-29676, JurisData n°2016-000060, dans lesquels la Cour a jugé qu’il importe peu que les acquéreurs soient des sociétés commerciales pour soumettre l’opération aux dispositions du secteur protégé dès lors que les conditions tenant à son champ d’application sont réunies.

560 A ce propos, (J.P.) TRICOIRE et (O.) TOURNAFOND, Observations sous Cass. 3ème civ. du 7 janvier 2016 nos 14-29655 à 14-29676 « Critères du secteur protégé et vente d’immeuble assortie de travaux de rénovation lourde », RDI 2016, page 150.

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461. Or, l’objet social stipulé dans les statuts de la SCI doit nécessairement être en lien avec les actes passés par la SCI562 en vertu du « principe général de spécialité légale qui interdit à une

personne morale d’agir en dehors de l’objet pour lequel elle a été constituée »563.

462. Néanmoins, si tel est le principe posé par la Cour de cassation, comme nous allons le voir, il souffre d’exceptions qui sèment la confusion et qui appellent une remise en cause de ce critère564, d’autant que le juge doit prendre en considération le nouveau critère de « finalité professionnelle » de l’acte conclu565.

463. L’exemple de l’ « Habitat participatif ». Avec la loi ALUR du 24 mars 2014, le

législateur a créé deux nouvelles formes d’accès au logement par le biais de l’habitat participatif : la coopérative d’habitants et, la société d’attribution et d’autopromotion566. La vocation de ce type d’opération est de faciliter la mise en place de formes alternatives de logement, en organisant la construction, l’acquisition, la gestion, l’entretien d’un habitat participatif, voire même l’animation de lieux de vie collective. Pour se faire, ont été introduits dans notre arsenal juridique ces deux types de sociétés, qui peuvent prendre la forme de société commerciale ou civile. Offrant une certaine diversité de montage, elles permettent de répondre

aux besoins de groupements de personnes physiques auxquelles peuvent s’associer également des personnes morales dans la limite de 30% du capital social.

464. Concrètement, l’habitat participatif permet à des particuliers de réaliser ensemble une opération immobilière de cinq à vingt logements, les locaux une fois bâtis, étant attribués aux associés soit en jouissance, soit en propriété. Ces personnes élaborent un projet qui se compose d’espaces privés que sont les logements, et d’espaces partagés comme une buanderie, une salle

562 En effet, les associés sont dans l’obligation de décrire l’objet social, ceci conformément au principe de spécialité qui préside à la constitution de la personne morale, de sorte que l’objet social ne peut pas être trop général, à défaut de quoi la société pourrait être annulée. D’autant que c’est l’objet social qui détermine l’étendue de la capacité juridique de la société.

563 JP. GRIDEL, « La personne morale en droit français », Revue Internationale de Droit Comparé, 1990, page 495.

564 Sur la qualité de non professionnel retenue pour une SCI lui permettant de bénéficier des dispositions relatives aux clauses abusives, voir infra

565 Pour de plus amples développements sur ce point voir infra

566 Régies respectivement par les articles L201-1 et suivants et L202-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

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de sport, de réunion ou des fêtes, une chambre d’amis. Tous vont donc participer à la conception et gestion de cet immeuble, au choix des matériaux lors de la phase de construction jusqu’à la gestion de la copropriété plus tard.

465. La question se pose de déterminer si, lors de l’opération de construction, ces sociétés

auront la qualité de professionnels ou de non-professionnels au sens de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation et du droit de la consommation. A la différence des SCI, leur objet social est beaucoup plus large en ce qu’il ne se limite pas à l’acquisition ou à la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou mixte professionnel et d’habitation, mais porte également sur l’organisation de la vie en collectivité des habitants567. Il n’en reste pas moins que l’objet social est en lien direct avec l’opération de construction, en conséquence de quoi, en s’en tenant à la jurisprudence du 24 octobre 2012, ni le droit de la consommation, ni le délai de rétractation de l’article L.271-1 ne leur confèreraient de protection alors même que ces sociétés ne font que déguiser un groupement de consommateurs, sans compétence particulière, qui s’organisent pour se loger.

Il s’agit là d’une approche regrettable en ce sens que ce nouveau dispositif tente d’apporter des solutions à des particuliers pour favoriser l’accession au logement à titre de résidence principale568. Or, par le truchement de la société constituée, ils se trouveraient dépourvus à la fois des protections du droit de la consommation et du délai de rétractation du droit de la construction.

466. Toutefois, l’espoir est permis de penser que ces sociétés puissent entrer dans la nouvelle définition du non-professionnel de l’article liminaire du Code de la consommation dans la mesure où elles ne poursuivent pas à proprement parlé d’activité professionnelle de construction. Tout dépendra de la définition que la jurisprudence donnera à l’« activité professionnelle ». En outre, dans la mesure où ces groupements de consommateurs peuvent comprendre jusqu’à 30 % de personnes morales, le juge pourrait être amené à opérer une distinction selon l’existence et la nature de ces personnes morales au sein de ces sociétés ? La question reste ouverte le temps que la jurisprudence se prononce.

567 M.FAURE-ABBAD, Clauses abusives dans les contrats de construction, Fascicule 900 JurisClasseur Construction Urbanisme, septembre 2014, n°61.

568 Tel qu’expressément prévu par le texte L. 202-2 du CCH qui précise que les sociétés coopératives d’habitants ont pour objet : « d’attribuer aux associés, personnes physiques, la propriété ou la jouissance d’un logement à

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467. La protection apportée par le droit de la construction. L’un des objectifs de cette étude

consiste à identifier toutes les fois où le droit de la consommation ne s’applique pas mais où le droit de la construction a organisé des protections spécifiques. Néanmoins, c’est encore là où les deux branches du droit diffèrent et se complètent, en ce sens que le droit de la construction reconnait la vulnérabilité de certains contractants indépendamment de leur qualité. C’est pourquoi, le législateur a tenu à préserver une certaine sécurité juridique et financière à l’égard des associés en prévoyant, notamment, que leur responsabilité soit limitée (les associés ne répondant des dettes sociales à l'égard des tiers qu'à concurrence de leurs apports)569.

De plus, l’objet immobilier de l’opération doit être bien défini et le recours à une garantie d’achèvement sera obligatoire. Enfin, les dispositions relatives à l’habitat participatif prévoient que chaque société devra justifier d’une garantie extrinsèque d’achèvement pour pallier les éventuelles défaillances des entreprises ou de certains associés, avant le commencement des travaux. La société étant dispensée de cette obligation si la construction se fait au titre d’un contrat en l’état futur d’achèvement ou de promotion immobilière relevant du secteur protégé pour lequel une garantie équivalente est prévue.

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